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41. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre III. Beautés de sentiment. »

Ils ne doivent la réputation dont ils jouissent chez tous les peuples, qu’au talent des traducteurs, qui ont tous cherché, et souvent réussi à les embellir : les traductions médiocres n’ont jamais eu un moment de succès. […] Les pensées les plus sublimes, les plus grandes images, ne sont point inaccessibles au talent du traducteur habile ; ses efforts même peuvent être quelquefois très heureux, et nous en avons vu des exemples. […] Indépendamment du génie qui présidait aux compositions hébraïques, il faudrait le concours des mêmes circonstances, la supposition du même degré de talent, pour qu’il y eût une espèce d’égalité de mérite entre le texte et la traduction. S’il est, dans notre histoire moderne, une époque qui puisse se comparer à celle où les Hébreux captifs gémissaient sur un sol étranger, ce sera celle, sans doute, où des milliers de Français, exilés de leur patrie par la force des circonstances, allèrent porter leurs talents, leur fortune et surtout leurs regrets dans les contrées lointaines. […] Il y a dans toutes ses pièces des traits qui décèlent le grand poète ; des strophes entières qui sont sublimes de pensée ou d’expression ; mais ces beautés mêmes ne font qu’ajouter aux regrets de retrouver dans ses meilleures odes, plus ou moins de traces de ce néologisme poétique, dont il avait contracté l’habitude, et qu’il avait le malheur de regarder comme le premier caractère de son talent, et le mérite principal de ses productions.

42. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre I. Des Poésies fugitives. »

Outre qu’elles exigent, chacune dans son espèce, un talent particulier, on n’y souffre pas les moindres inégalités, les plus légers défauts. […] Mais nous savons par l’histoire que dans ces temps reculés, les rois s’envoyaient par défi ces sortes de problèmes à résoudre, et qu’ils donnaient de grandes récompenses à ceux qui avaient le talent de le faire. […] Mais l’homme de lettres un peu célèbre, et celui qui est né avec quelque talent poétique, les regardent comme des bagatelles, dont ils ne doivent que très rarement, et peut-être jamais s’occuper. […] Si l’on se sent un talent décidé pour ce genre de poésie, on doit s’armer contre les ridicules, les vices généraux de la société, et faire des épigrammes morales, telles que celle-ci de Pellisson 157. […] Catulle est le premier poète latin, qui ait exercé son talent en ce genre, Son épithalame de Manlius et de Junie est charmant.

43. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

À dire le vrai, où trouvera-t-on un poète qui ait possédé à la fois tant de grands talents, tant d’excellentes parties, l’art, la force, le jugement, l’esprit ? […] « Les grands talents sont toujours nécessairement rares, surtout quand le goût et l’esprit d’une nation sont formés. […] La véritable éloquence suppose l’exercice et la culture de l’esprit ; elle est bien différente de cette facilité naturelle de parler, qui n’est qu’un talent, une qualité accordée à tous ceux dont les passions sont fortes, les organes souples et l’imagination prompte.

44. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Notre pénurie de lecteurs va si loin qu’il est tel membre de l’Académie française auquel ce talent a peut-être bien ouvert les portes de l’Institut et qu’on rappelle comme une merveille l’art de Casimir Delavigne, dont la récitation vive et spirituelle séduisait, fascinait, même les membres du comité de lecture à la Comédie française. Pourquoi ce talent est-il donc prisé si haut ? […]          C’est ainsi que, par ce grand homme,          Les talents furent ranimés ; Il fit luire à la fois, sur la moderne Rome, Les trois flambeaux des arts par ses mains rallumés ! […] La frivolité qui nuit au développement de ses talents et de ses vertus le préserve en même temps des crimes noirs et réfléchis. […] Il n’a eu dans ses premières années qu’à remplir des talents qui étaient naturels, et qu’à se livrer à son génie.

45. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Maintenon, 1635-1719 » pp. 138-145

Cette subite grandeur lui suscita bien des ennemis, et l’on ne saurait nier que ses incontestables vertus ressemblent parfois au talent de se rendre nécessaire. […] Si vous mettez toute votre confiance en Dieu, mes très-chères filles, sans vous appuyer sur vous-mêmes, ni sur aucun talent naturel et sur aucune perfection mondaine, vous deviendrez par votre docilité, par votre humilité et par votre abandon dans la main de Dieu, les vrais instruments de la grâce pour sanctifier les familles séculières et les couvents ; vous formerez d’excellentes vierges pour les cloîtres et de pieuses mères de famille pour le monde. […] Quand une fille aura du bon sens avec une grande piété, elle sera bonne pour tout ; elle sera fidèle à tous ses devoirs, et elle mettra en œuvre tout ce qu’elle aura de talents naturels pour se façonner ; elle vaudra mieux qu’un bel esprit plein de ses pensées et de ses idées en l’air : ce bon sens simple, quand il serait grossier et mal poli, plaira plus aux gens même du monde qu’un caractère plus délicat, mais moins vrai et moins désabusé de soi-même.

46. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — A. Chénier. (1762-1794.) » pp. 304-312

Aucun talent moissonné dans sa fleur n’a dû laisser de plus longs souvenirs et de plus vifs regrets que celui d’André Chénier. […] Dans ce généreux ami d’une liberté réglée par les lois, qui, aux jours de la captivité, trouva de si fiers et de si tendres accents, on ne saurait dire si le talent ou le courage a le plus de droits à nos hommages. […] du rossignol la voix pure et légère N’a jamais apaisé le vautour sanguinaire ; Et les riches, grossiers, avares, insolents, N’ont pas une âme ouverte à sentir 4 les talents.

47. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Vauvenargues 1715-1747 » pp. 196-198

Son talent candide et sincère participe à la beauté morale d’un caractère et d’une conviction. […] 2, méchant même par principes ; un esprit léger et frivole, qui n’a point de goût décidé ; qui n’éclaire les choses et ne les recherche jamais pour elles-mêmes, mais uniquement selon la considération qu’il y croit attachée, et fait tout par ostentation ; un homme souverainement confiant en lui et dédaigneux, qui méprise les affaires3 et ceux qui les traitent, le gouvernement et les ministres, les ouvrages et les auteurs ; qui se persuade que toutes ces choses ne méritent pas qu’il s’y applique, et n’estime rien de solide que le don de dire des riens ; qui prétend néan-moins à tout, et parle de tout sans pudeur ; en un mot, un fat sans vertus, sans talents, sans goût de la gloire, qui ne prend jamais dans les choses que ce qu’elles ont de plaisant, et met son principal mérite à tourner continuellement en ridicule tout ce qu’il connaît sur la terre de sérieux et de respectable.

48. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre III. Du Genre historique. »

Ces sortes de portraits peuvent faire briller le talent de l’écrivain : mais ils sont toujours vides d’instruction, et ne plaisent jamais au lecteur sensé. […] Il lui faut de plus le talent rare de dire beaucoup en peu de mots, c’est-à-dire, la plus grande précision dans le style ; qualité qui n’est pas la plus brillante, mais qui peut-être est la plus difficile de toutes. […] Maimbourgavait un talent particulier pour cette sorte d’ouvrages. […] L’auteur y montre partout des talents supérieurs pour la politique, un discernement juste, un esprit pénétrant et un goût exquis. […] Le principal devoir de l’historien est de distinguer le ton, le talent, le génie particulier de chaque auteur, de les peindre tous et de les caractériser d’après leurs ouvrages, dont il doit donner une analyse exacte, avec une critique judicieuse et impartiale.

49. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

Quelquefois c’est un acteur qui fait un prologue détaché de la pièce, ce qui ne demande aucun art et se faisait souvent chez les anciens, mais qu’aucun auteur de quelque talent ne se permettrait chez nous ; d’autres fois c’est un acteur qu’on suppose ignorer les faits, et à qui on raconte ce qui doit servir de base à l’action : par cette ruse, on instruit le spectateur en feignant d’instruire l’acteur. […] Beaucoup de poètes ont, depuis lui, paru sur la scène française ; mais aucun ne s’est élevé assez haut pour mériter une place à côté de ces grands hommes, si ce n’est Casimir Delavigne, né au Havre en 1793, et enlevé à la poésie dans toute la force de son talent. […] Il réunit au plus haut degré tous les talents des comiques grecs et des latins : le sel et la gaîté d’Aristophane, la finesse et la vérité de Ménandre, la force et l’abondance de Plaute, la noblesse et les grâces de Térence173. Ses dispositions naturelles, son caractère observateur, son talent de style sont certainement pour beaucoup dans le succès qu’il a obtenu ; mais les mœurs françaises, nos habitudes de société, le ton de notre conversation, notre langue enfin y sont aussi pour quelque chose ; et ce qui le prouve, c’est cette suite de poètes comiques du plus grand talent, que nous avons eus depuis sa mort, et cette innombrable quantité de comédies qu’ils nous ont données et dans lesquelles on trouve toujours, jusque dans les plus faibles, plus ou moins des qualités qu’il a mises dans les siennes. […] Ces ouvrages tiennent, si l’on veut, à la littérature par le fond, par la charpente générale ; pour le reste, le talent du poète y est si peu de chose, qu’ils ne peuvent, quoi qu’on en ait dit, concourir que d’une manière bien secondaire à la gloire littéraire d’une nation ; toutefois, il était bon de les nommer, ne fût-ce que pour montrera flexibilité de l’esprit humain et sa fécondité d’invention pour tout ce qui contribue aux plaisirs d’une société civilisée.

50. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Je ne crois pas que ce soit un talent que l’on puisse devoir à la connaissance philosophique des passions. […] Que de talents naturels, que de talents acquis il faut réunir pour arriver à ce point de perfection ! […] Dans tous les genres de talents, c’est la nature qui jette les premiers germes, le travail les développe. […] Tous possèdent au plus haut degré le talent de raconter. […] L’auteur d’un dialogue bien fait a donc le talent de plaire et d’instruire à la fois.

51. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Jean-Baptiste Rousseau 1670-1741 » pp. 441-444

Il y a autant d’alliage dans son talent que dans son caractère ; on chercherait vainement en lui ces accents sincères et passionnés qui attestent une généreuse nature de poëte. […] A ses talents aucun ne porte envie ; Il a sa place entre les beaux esprits, Fait des sonnets2, des bouquets pour Iris, Quelquefois même aux bons mots s’abandonne, Mais doucement, et sans blesser personne ; Toujours discret, et toujours bien disant, Et, sur le tout, aux salons complaisant.

52. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Cette espèce de panégyrique religieux, dont l’origine est très ancienne, a chez les peuples chrétiens un double objet : celui de proposer à l’admiration, à l’émulation, à la reconnaissance les vertus et les talents qui ont honoré l’humanité, et de faire sentir en même temps le néant de tout ce qui a brillé dans ce monde, au moment où il faut passer dans l’autre. […] Ici l’orateur n’avait plus, pour soutenir et pour animer sa marche, le tableau toujours intéressant des troubles des nations, des révolutions des empires : ici, tout l’intérêt repose sur une princesse aimable, qui réunissait toutes les qualités du cœur aux talents de l’esprit le plus cultivé, et qui ne mit entre la santé la plus florissante et la mort la plus affreuse, que l’intervalle de quelques heures ! […] On connaît le talent de Bossuet pour les portraits ; on sait de quelles couleurs il a peint celui de Cromwell, et combien sa nerveuse concision et la vérité énergique de son pinceau se rapprochent, en général, de la manière de Tacite, c’est-à-dire, de ce qu’il y a de plus parfait dans ce genre.

53. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre quatrième. De la disposition oratoire, ou de l’Ordre mécanique du discours. — Chapitre premier. »

Il faut donc autant d’intelligence que de talent et d’adresse, pour se renfermer dans les bornes scrupuleuses de la vérité, et présenter néanmoins les faits sous le jour le plus favorable à sa cause, pour faire ressortir les circonstances avantageuses, et pour affaiblir d’avance l’effet de celles qui pourraient servir la partie adverse. […] Aussi la règle prescrite à cet égard par Cicéron, est-elle de donner à chacun de ces points intéressants le plus de force, avec le moins d’étendue possible : c’est une récapitulation pour soulager la mémoire de celui qui écoute, et non un morceau d’apparat pour faire briller le talent de celui qui parle : ut memoria, non oratio, renovata videatur . […] Quintilien conseille encore, avec sa sagesse ordinaire, de mesurer ses forces avant d’essayer le pathétique, et de ne point manier ce ressort puissant, mais délicat, si l’on ne se sent pas tout le talent nécessaire pour l’employer avec succès.

54. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Rochefoucauld 1613-1680 » pp. 18-21

Il y a un air qui convient à la figure et aux talents de chaque personne : on perd toujours, quand on le quitte pour en prendre un autre. […] Mille gens déplaisent avec des qualités aimables ; mille gens plaisent avec de moindres talents ; c’est que les uns veulent paraître ce qu’ils ne sont pas, les autres sont ce qu’ils paraissent 1.

55. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Ponsard 1814-1868 » pp. 583-600

Le goût de la tragédie ayant été réveillé par le talent de mademoiselle Rachel, le poëte profita des applaudissements donnés à l’artiste, et toutes ces causes concoururent à un légitime succès qui prit les proportions d’un événement. […] Ponsard, (Horace et Lydie, Homère, Ulysse, la Bourse, le Lion amoureux, Galilée), il convient pourtant de signaler la souplesse du talent studieux auquel nous devons l’Honneur et l’Argent (1856), satire morale, où tant de saines vérités sont traduites en bons vers, que Boileau ne répudierait pas. […] Hardi avec réflexion, il fait estimer en lui un talent sain et honnête, qui se compose de probité vaillante, et de volonté patiente. […] Ils eurent plus de talent oratoire que d’esprit politique, et furent victimes du parti démagogique dont les violences leur firent horreur.

56. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Aucun talent original ne répondit à l’appel du maître. […] Pauvre et fier, condamné à un travail trop rapide, il tarda longtemps à donner toute la mesure de son talent. […] Les places destinées aux gens de lettres sont données à l’intrigue, non au talent. […] l’irrésistible effet d’un talent qui forçait l’admiration de ceux mêmes contre qui il s’exerçait ? […] L’année 1789 montra le talent de Rivarol sous une forme nouvelle, celle d’écrivain politique.

57. (1811) Cours complet de rhétorique « Préface. »

Oui, si les gens sensés, les seuls dont l’opinion puisse être de quelque poids à mes yeux, ont jugé cet ouvrage avec quelque indulgence ; s’ils l’ont distingué des autres compilations du même genre, c’est que mon plan ne leur a point échappé ; c’est qu’ils ont retrouvé, sans doute, à chaque page, à chaque ligne de ce Cours, l’intention bien prononcée de ramener les jeunes gens à la vertu, en les rappelant à l’étude et a l’admiration du beau et du vrai, et de leur prouver qu’il ne peut y avoir ni génie, ni sensibilité sans vertus, comme il ne peut y avoir rien de solide dans le talent, sans les mœurs et la conduite. […] Il s’agissait moins de faire une rhétorique nouvelle, je le répète, que de consacrer un ouvrage vraiment utile à démontrer l’accord indispensable et constant chez les véritables grands hommes, de la vertu et de l’éloquence, des mœurs et des talents.

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