Sainte-Beuve a dit de lui : « Je le comparerais volontiers à ces arbres dont il faut choisir les fruits : mais craignez de vous asseoir sous leur ombre. » S’il est un démon de grâce et d’esprit1, il a donc peu d’autorité morale. […] Si vous voulez, monsieur, voir des ombres, comme faisait le capitaine de dragons Ulysse6 dans ses voyages, vous ne pouvez mieux vous adresser que chez moi. Je suis la plus chétive ombre de tout le pays, ombre de quatre-vingts ans ou environ, ombre très-légère et très-souffrante. […] Madame Denis, qui est le contraire d’une ombre, vous fera les honneurs de la chaumière. […] L’Ombre de Voltaire.
Rayons et Ombres, ce titre de l’un de ses recueils sera sa devise : ses beautés resplendissent comme des rayons, et ses défauts pèsent sur l’esprit comme des ombres. » Après ce jugement, dont les réserves sont sympathiques à un génie qui est souvent inégal par la variété même de ses aptitudes, nous n’ajouterons qu’un mot. […] Il lui sembla, dans l’ombre, entendre un faible bruit : C’était un Espagnol de l’armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié, Et qui disait : « A boire, à boire par pitié ! […] Dieu submergea, Je travaillais dans l’ombre, et je songeais déjà, Tandis que j’écrivais, sans peur, mais sans système6, Versant le barbarisme à grands flots sur le thème7, Inventant aux auteurs des sens inattendus. […] vois, la nuit est venue ; Une planète d’or là-bas perce la nue ; La brume3 des coteaux fait trembler le contour ; A peine un char lointain glisse dans l’ombre… Écoute ! […] Et puis, ils dormiront. — Alors, épars dans l’ombre, Les rêves d’or, essaim tumultueux, sans nombre, Qui naît aux derniers bruits du jour, à son déclin, Voyant de loin leur souffle et leurs bouches vermeilles, Comme volent aux fleurs de joyeuses abeilles, Viennent s’abattre en foule à leurs rideaux de lin !
Les Ombres. […] Une ombre tient si peu de place. […] L’ombre. […] L’ombre. […] (Les ombres s’enfuient.
Consul, César, maître du monde, Pontife, Auguste, égal aux dieux, L’ombre de ce reptile immonde Éclipsait ta gloire à mes yeux ! […] La mère et les enfants, qu’un peu d’ombre rassemble, Sur l’herbe, autour du père, assis, rompent ensemble Et se passent entre eux de la main à la main Les fruits, les œufs durcis, le laitage et le pain ; Et le chien, regardant le visage du père, Suit d’un œil confiant les miettes qu’il espère. […] mon Dieu, non ; au pied de l’escalier Qui conduisait de l’aire au rustique palier, Comme un pauvre accroupi sur le seuil d’une église, Une figure noire était dans l’ombre assise, Immobile, le front sur ses genoux couché, Et dans son tablier le visage caché. […] La chambre était déserte et sombre ; Deux cierges seulement en éclaircissaient l’ombre, Et mêlaient sur son front les funèbres reflets Aux rayons d’or du soir qui perçaient les volets, Comme luttent entre eux, dans la sainte agonie, L’immortelle espérance et la nuit de la vie1. […] D’autres iront se promener sous leurs ombres, et verront passer comme nous des vents qui les abattront.
Assis sur la rive opposée, Je te vois, lorsque le soleil Sur tes gazons boit la rosée, Sourire encore à ton réveil, Et d’un brouillard pâle entourée, Quand le jour meurt avec le bruit, Blanchir comme une ombre adorée Qui nous apparaît dans la nuit. Doux trésors de ma moisson mûre, De vos épis un autre est roi ; Tilleuls dont j’aimais le murmure, Vous n’aurez plus d’ombre pour moi Ton coq peut tourner à sa guise, Clocher, que je fuis sans retour ; Ce n’est plus à moi que la brise Lui dit d’annoncer un beau jour. […] Adieu, flots, dont le cours tranquille, Couvert de berceaux verdoyants, A ma nacelle, d’île en île, Ouvrait mille sentiers fuyants1, Quand, rêveuse, elle allait sans guide Me perdre, en suivant vos détours, Dans l’ombre d’un dédale humide, Où je me retrouvais toujours.
Il savait aligner, pour le plaisir des yeux3, Des poiriers déjà forts, des ormes déjà vieux, Et des pruniers greffés, et des platanes sombres Qui déjà recevaient les buveurs sous leurs ombres. […] L’azur des cieux, l’ombre des bois. […] Tous ces hôtes, amis du seuil qui les rassemble, Famille de l’ermite, y sont en paix ensemble ; Les uns couchés à l’ombre, en un coin du gazon, D’autres se réchauffant contre un mur, au rayon ; Ceux-ci léchant le sel le long de la muraille, Et ceux-là becquetant ailleurs l’herbe ou la paille ; Trois vaches au midi sous les tuiles, et puis Dans l’angle, sous un arbre, au nord, un large puits Dont la chaîne rouillée a poli la margelle, Et qu’une vigne étreint de sa verte dentelle, Voilà tout le tableau. […] Enfant, j’ai bien souvent, à l’ombre des buissons, Dans le langage humain traduit ces vagues sons, Pauvre écolier rêveur et qu’on disait sauvage, Quand j’émiettais mon pain à l’oiseau du rivage, L’onde semblait me dire : Espère !
Je seray sous la terre, et, fantosme sans os, Par les ombres myrteux158, je prendray mon repos ; Vous serez au fouyer159 une vieille accroupie, Regrettant mon amour et vostre fier desdain. […] Plus le cerf solitaire et les chevreuls legers Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere Plus du soleil d’esté ne rompra la lumiere ! […] Il excelle à chanter avril et mai ; — il traduit Anacréon (1555), dont les petits tableaux sont faits, comme on a dit, pour être gravés sur le chaton d’une bague ; — dans ses Petites inventions (1557) il chante en petits vers le papillon, la cerise, le ver luisant, les jeux de l’ombre, etc. ; — dans ses Amours et nouveaux eschanges des pierres precieuses, vertus et proprietez d’icelles (1566), il leur imagine une histoire allégorique et les décrit : c’est l’améthyste, le diamant, la perle, l’émeraude, le saphir, la turquoise ; ht pierre aqueuse est une nymphe, Iris a été aimée d’Opale. […] Ils ne sont plus que poudre, et n’en reste sinon (S’il nous en reste rien) que le son de leur nom, Qu’ils ont voulu nommer la bonne renommee, Qui n’est aprés la mort qu’une ombre de fumee. […] « En ces lieux caverneux tes cheres assemblees, Des ombres de la mort incessamment troublees, Ne feront-elles plus résonner tes saincts lieux Et ton renom voller des terres dans les cieux ?
Je voyais l’ombre auguste et chère M’apparaître toutes les nuits ; Inconsolable en mes ennuis Je pleurais tous les jours, même auprès de ma mère. […] Dieu submergea, Je travaillais dans l’ombre, — et je songeais déjà, Tandis que j’écrivais — sans peur, mais sans système, Versant le barbarisme à grands flots sur le thème, Inventant aux auteurs des sens inattendus, Le dos courbé, le front touchant presqu’au Gradus, Je croyais, car toujours l’esprit de l’enfant veille, Ouïr, confusément, tout près de mon oreille. […] Le devoir fait, légers comme de jeunes daims, Nous fuyions à travers les immenses jardins, Éclatant à la fois en cent propos contraires, Moi, d’un pas inégal je suivais mes grands frères ; Et les astres sereins s’allumaient dans les cieux ; Et les mouches volaient dans l’air silencieux ; Et le doux rossignol, chantant dans l’ombre obscure, Enseignait la musique à toute la nature ; Tandis qu’enfant jaseur, aux gestes étourdis, Jetant partout mes yeux ingénus et hardis, D’où jaillissait la joie en vives étincelles, Je portais sous mon bras, noués par trois ficelles, Horace et les festins, Virgile et les forêts, Tout l’Olympe, Thésée, Hercule, et toi, Cérès, La cruelle Junon, Lerne, et l’hydre enflammée, Et le vaste lion de la roche Némée.
Archidiacre de Metz, il se prépara pendant sept années (1652-1659), dans l’ombre du sanctuaire, aux triomphes que lui réservait l’avenir. […] Tous ceux qui se reposaient sous son ombre se retireront de lui, de peur d’être accablés sous sa ruine. […] est-ce là ce grand arbre dont l’ombre couvrait toute la terre ? […] la voilà telle que la mort nous l’a faite ; encore ce reste tel quel va-t-il disparaître ; cette ombre de gloire va s’évanouir, et nous l’allons voir dépouillée même de cette triste décoration. […] Bossuet avait mis d’abord : Comme une ombre et comme une image creuse.
Tous ces objet n’étaient point revêtus de ces riches teintes de pourpre, de jaune doré, de nacarat1, d’émeraudes, si communes le soir dans les couchants de ces parages ; ce paysage n’était point un tableau colorié : c’était une simple estampe, où se réunissaient tous les accords de la lumière et des ombres. […] Les jeunes dames vêtues de blanc, qui nous devançaient, paraissaient et disparaissaient tour à tour à travers ces massifs de fleurs, et ressemblaient aux ombres fortunées des Champs-Élysées. Mais bientôt émues elles-mêmes par ces scènes religieuses de lumière et d’ombre, et surtout par le sentiment du tombeau de Jean-Jacques, elles se mirent à chanter une romance ; leurs voix douces, se mêlant aux chants lointains des rossignols1 me firent sentir que s’il y avait des harmonies entre la lumière de l’astre des nuits et les forêts, il y en avait encore de plus touchantes entre la vie et la mort.
Les ombres ne sont jamais lourdes et noires ; il n’y a pas de masses si obscures de rochers et de feuillages, dans lesquelles il ne s’insinue toujours un peu de lumière. […] Le soleil, qui se couchait, versait des fleuves d’or par toutes ces galeries où roulait jadis le torrent des peuples ; de fortes ombres sortaient en même temps de l’enfoncement des loges et des corridors, ou tombaient sur la terre en larges bandes noires. […] C’est ainsi, mon très-cher ami, que nous sommes avertis à chaque pas de notre néant ; l’homme cherche au dehors des raisons pour s’en convaincre, il va sur les ruines des empires, il oublie qu’il est lui-même une ruine encore plus chancelante, et qu’il sera tombé avant ces débris1 Ce qui achève de rendre notre vie le songe d’une ombre 2, c’est que nous ne pouvons pas même espérer de vivre longtemps dans le souvenir de nos amis, puisque leur cœur, où s’est gravée notre image, est comme l’objet dont il retient les traits, une argile sujette à se dissoudre. […] Dans une savane, de l’autre côté de la rivière, la clarté de la lune dormait sans mouvement sur les gazons : des bouleaux agités par les brises, et dispersés çà et là, formaient des îles d’ombres flottantes sur cette mer immobile de lumière. […] Grande ombre, c’est bien solennel.
La satire en sert qu’à rendre un fat illustre : C’est une ombre au tableau qui lui donne du lustre. […] O toi, de mon repos compagne aimable et sombre2, A de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre ? […] dit-elle, et leur âme abusée Se promet dans mon ombre une victoire aisée : Mais allons : il est temps qu’ils connaissent la Nuit. » A ces mots, regardant le hibou qui la suit, Elle perce les murs de la voûte sacrée : Jusqu’en la sacristie elle s’ouvre une entrée, Et dans le ventre creux du pupitre fatal Va placer de ce pas le sinistre animal. […] Les guerriers à ce coup demeurent confondus ; Ils regagnent la nef, de frayeur éperdus : Sous leurs corps tremblotants leurs genoux s’affaiblissent, D’une subite horreur leurs cheveux se hérissent ; Et bientôt, au travers des ombres de la nuit, Le timide escadron se dissipe et s’enfuit1.
Quiconque ne sent pas la beauté et la force de cette unité et de cet ordre n’a encore rien vu au grand jour ; il n’a vu que des ombres dans la caverne de Platon1. […] Nations ensevelies dans l’ombre de la mort, quelle lumière sur vos têtes ! […] Ce soleil de vérité ne laisse aucune ombre, et il luit en même temps dans les deux hémisphères : il brille autant sur nous la nuit que le jour ; ce n’est point au dehors qu’il répand ses rayons ; il habite en chacun de nous. […] Allusion à l’allégorie où Platon compare les hommes dont la Philosophie n’a pas encore éclairé l’ignorance à des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne, le dos tourné à la lumière, et ne pouvant connaître rien de ce qui est entre le jour et eux, que par le passage des ombres projetées sur la paroi à demi éclairée de la caverne, qu’ils ont devant les yeux. […] Le monastère recherche le silence et l’ombre des bois, le calme des eaux tranquilles.
L’homme que Dieu a fait à son image, n’est-il qu’un ombre ? […] encore ce reste, tel quel, va-t-il disparaître : cette ombre de gloire va s’évanouir, et nous l’allons voir dépouillée même de cette triste décoration. […] « Tant que nous sommes détenus dans cette demeure mortelle, nous vivons assujétis aux changements, parce que, si vous me permettez de parler ainsi, c’est la loi du pays que nous habitons. — Mais aussitôt qu’on cesse pour nous de compter les heures, et de mesurer notre vie par les jours et par les années, sortis des figures qui passent et des ombres qui disparaissent, nous arrivons au règne de la vérité, où nous sommes affranchis de la loi des changements ».
Nous nous mîmes à l’ombre dans un coin du théâtre, et nous mangeâmes d’un grand appétit du pain et des figues sèches que nous avions apportés de Misitra. […] Sire, Votre Majesté sera vaincue ; elle aura compromis le repos de ses jours, l’existence de ses sujets, sans l’ombre d’un prétexte. […] Nous vivons à l’ombre des lois ; faudra-t-il que nous mourions par des lois qui n’existent point ? […] Le bonheur est donc une ombre, la vie une déception, nos désirs un piège trompeur. […] Mignet manquent un peu de ces jeux d’ombre et de lumière qui effacent tel objet pour donner à tel autre plus d’éclat et de relief.
Ce n’est pas en France, surtout, qu’elle peut rencontrer l’ombre d’une application ; et le soldat français ne ressemble pas plus à celui dont parle ici Voltaire, que les hordes les plus barbares ne ressemblent aux nations les plus civilisées. […] Couvrons du moins de fleurs ces tombes glorieuses ; Arrachons à l’oubli ces ombres vertueuses, etc.
Par quels soins, par quels pleurs fléchir le dieu des morts ; Déjà cette ombre froide arrive aux sombres bords. […] sors de tes ruines, Grande ombre ! […] L’astre des nuits, la triple Hécate, qui répète par des harmonies plus douces celles de l’astre du jour, en se levant sur l’horizon, dissipa l’empire de la lumière et fit régner celui des ombres. […] Toi, sur elle épanchant cette ombre et tes murmures, Oh ! […] Où moi-même souvent je venais chercher l’ombre.