/ 227
90. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Le néant des grandeurs Comme les fleuves, quelque inégalité qu’il y ait dans leur course, sont en cela tous égaux, qu’ils viennent d’une source petite, de quelque rocher, ou de quelque motte de terre, et qu’ils perdent tous leurs eaux dans l’Océan ; là on ne distingue plus ni le Rhin, ni le Danube dans les petites rivières et les plus inconnues ; ainsi les hommes commencent de même, et après avoir achevé leur course, après avoir fait, comme des fleuves, un peu plus de bruit les uns que les autres, ils sont tous enfin confondus dans ce gouffre infime de la mort et du néant, où l’on ne trouve plus ni César, ni Alexandre, ni tous ces grands noms qui nous étonnent, mais la corruption et les vers, la cendre et la poussière qui nous égalent1. […] La gloire L’homme puvre et indigent au dedans tâche de s’enrichir et de s’agrandir comme il peut ; et comme il ne lui est pas possible de rien ajouter à sa taille et à sa grandeur naturelle, il s’applique ce qu’il peut par le dehors3. […] Ravis1 d’une certaine douceur de leurs prétentions infinies, ils s’imagineraient perdre infiniment s’ils se départaient de leurs grands desseins ; surtout les personnes de condition, qui, étant élevées dans un certain esprit de grandeur, et bâtissant toujours sur les honneurs de leur maison et de leurs ancêtres2, se persuadent facilement qu’il n’y a rien à quoi elles ne puissent prétendre3.

91. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

La conscience dit à l’homme de bien qu’il est grand devant Dieu, parce qu’il est pur devant lui, et cette grandeur le soutient sans l’enorgueillir, parce que, étant fondée sur la vérité, elle retourne à Dieu bien plus qu’elle ne descend à l’homme. […] Ce regard jeté à la fois sur notre excellence et sur sa cause nous maintient dans une grandeur sérieuse, qui nous remplit sans nous éblouir, à la différence de cette fausse gloire qui ne vient pas de la justice, mais de la faveur du peuple ou des événements, et qui, nous revêtant d’une pourpre mensongère, nous exalte d’autant plus qu’elle est moins méritée. […] Comparer Pascal, Grandeur et misère de l’homme.

92. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre premier. De la lettre. »

Mais s’il s’agit de pertes peu importantes, et que nous sachions sûrement que le correspondant supporte avec grandeur d’âme les affections, ne craignons pas de chercher des consolations dans des motifs purement temporels. […] On se tirera habilement d’affaire en faisant ressortir la générosité, la grandeur d’âme du donateur.

93. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Montesquieu 1666-1755 » pp. 148-157

Les considérations sur la grandeur et la décadence des Romains sont le plus classique de ses écrits ; il y approfondit les institutions et les maximes qui donnèrent à Rome l’empire du monde. […] Il disait ailleurs : « Je supplie qu’on me permette de détourner les yeux des horreurs des guerres de Marius et de Sylla ; on en trouvera dans Appian l’épouvantable histoire. » Il termine ainsi son ouvrage sur la grandeur et la décadence des Romains : « Je n’ai pas le courage de parler des misères qui suivirent ; je dirai seulement que, sous les derniers empereurs, l’empire, réduit aux faubourgs de Constantinople, finit comme le Rhin, qui n’est plus qu’un ruisseau lorsqu’il se perd dans l’Océan. » 1.

94. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Balzac, 1596-1655 » pp. 2-10

Car il est très-vrai qu’elle tenait lieu de grandeur et de majesté à des seigneuries aussi petites que sont celles de Lucques et de Genève. […] Vous voyez comme la renommée condamne Tibère par la bouche des étrangers ; mais la conscience souscrit à cet arrêt par le propre témoignage de Tibère : car, environ ce temps-là, il écrit lui-même une autre lettre au sénat dans laquelle il maudit sa malheureuse grandeur avec des paroles de désespoir.

95. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fléchier, 1632-1710 » pp. 124-132

Vous immolez à votre souveraine grandeur de grandes victimes, et vous frappez quand il vous plaît ces têtes illustres que vous avez tant de fois couronnées. […] Voici un échantillon des vers de Fléchier : Apostrophe à Rome Non, Rome, tu n’es plus au siècle des Césars, Où parmi les horreurs de Bellone et de Mars, Tu portais ton orgueil sur la terre et sur l’onde ; Et bravant le destin des puissances du monde, Tu faisais voir en pompe aux peuples étonnés Des souverains captifs et des rois enchaînés… Tout cet éclat passé n’est qu’un éclat frivole, On ne redoute plus l’orgueil du Capitole, Et les peuples instruits, charmés de tes vertus, Adorent ta grandeur, et ne la craignent plus.

96. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

La Fontaine, dans Philémon et Baucis, voulant prouver que ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux, met en opposition le sort de l’ambitieux et celui du sage : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux : Ces deux divinités n’accordent à nos vœux Que des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille ; Des soucis dévorants c’est l’éternel asile, Véritables vautours que le fils de Japet Représente, enchaîné sur son triste sommet, L’humble toit est exempt d’un tribut si funeste, Le sage y vit en paix et méprise le reste ; Content de ces douceurs errant parmi les bois, Il regarde à ses pieds les favoris des rois ; Il lit au front de ceux qu’un vain luxe environne Que la fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne. […] Massillon dans l’Oraison funèbre de Louis de Bourbon, prince de Condé, raconte la conduite de David, apprenant la mort de deux de ses plus vaillants capitaines, et applique cet exemple au prince de Condé, pour faire ressortir la ; grandeur de la perte que la France vient de faire. […] Dieu Ces globes lumineux qui, depuis tant de siècles, roulent majestueusement dans l’espace, sans jamais s’écarter de leur orbite, ni se choquer dans leurs révolutions ; ce soleil suspendu à la voûte céleste, comme une lampe de feu qui vivifie toute la nature, et se trouve placée à la distance convenable pour éclairer, échauffer la terre, sans l’embrasser de ses ardeurs ; cet astre qui préside à la nuit avec ses douces clartés, ses phases, son cours inconstant et pourtant régulier, dont le génie de l’homme a su tirer tant d’avantages ; cette terre si féconde, sur laquelle on voit se perpétuer par des lois constantes une multitude d’êtres vivants, avec cette admirable proportion des deux sexes, de morts et de naissances, qui fait qu’elle n’est jamais déserte, ni surchargée d’habitants ; ces mers immenses, avec leurs agitations périodiques et si mystérieuses ; ces éléments qui se mélangent, se modifient, se combinent de manière à suffire aux besoins, à la vie de cette multitude prodigieuse d’êtres, qui sont si variés dans leur structure et leur grandeur ; enfin ce concours si réglé des saisons qui reprochait sans cesse la terre sous des formes nouvelles, qui, après le repos de l’hiver, la présente successivement embellie de toutes les fleurs du printemps, enrichie des moissons de l’été, couronnée des fruits de l’automne, et fait ainsi rouler l’année dans un cercle de scènes variées sans confusion, et semblables sans monotonie ; tout cela ne forme-t-il pas un concert, un ensemble de parties dont vous ne pouvez détacher une seule sans rompre l’harmonie universelle ?

97. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

Mais, si le talent, à la fois élevé et souple, qu’il déploya pour acclimater en France les genres de l’antiquité classique, ne mérite pas l’admiration, voisine du fétichisme, que son siècle lui avait vouée, sachons du moins reconnaître qu’une réforme de notre poésie était urgente, et qu’il y eut pour Ronsard quelque gloire et quelque grandeur à la tenter et à l’accomplir. […] D’une grande habileté dans ses exordes, il met dans l’argumentation tantôt la vivacité et la précision, tantôt l’abondance et la grandeur ; il attaque avec véhémence, raille et confond les adversaires comme en se jouant ; ajoutons à cela le mouvement et le pathétique de son éloquence, et nous avons signalé les principales marques de sa supériorité dans le genre oratoire. […] Ils n’ont pas assez d’éloges pour la politique ferme et sage au-dehors, pour l’excellence de leur organisation au-dedans, pour leur caractère plein de grandeur d’unie, d’héroïsme, de dévouement. […] Et notre siècle leur a donné raison, car l’histoire de Rome, mieux connue, nous a révélé que derrière l’héroïsme et la grandeur d’âme de ce peuple trop admiré, se cachaient un immense orgueil et un brutal égoïsme. […] L’histoire de Tibère, de Laïus, de Claude et de Néron, falsifiée par la crainte, aux jours de leur grandeur, fut écrite, après leur mort, sous l’influence de haines trop récentes.

98. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Notes. Pour l’intelligence des exemples cités dans ce troisième volume. — C — article »

Mais sa modération, son désintéressement, une simplicité respectable, une noble indifférence pour les honneurs, en un mot toutes les qualités qui rendent l’homme véritablement grand, au sein de la grandeur même, ne l’ont pas moins immortalisé.

99. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

L’orbe de la lune tout rouge se levait dans un horizon embrumé, d’une grandeur démesurée. […] Les arbres qui s’isolent, soit par leur position, soit par la grandeur de leur taille, présentent des physionomies, des caractères, je dirais presque des visages qui semblent exprimer comme les passions muettes et les choses inconnues qui se passent peut-être sous l’écorce de ces êtres immobiles. » (Voir l’édition Didier.)

100. (1870) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices par Gustave Merlet,... à l'usage de tous les établissements d'instruction. Cours moyens, grammaire et enseignement spécial. Première partie : prose

Cela ne s’appelle pas naître dans la pourpre, et il n’y a rien ici qui sente la grandeur d’un empire. […] De leurs cendres et de leurs ruines s’est élevée la grandeur et la souveraineté de notre Église. […] Au sentiment de notre grandeur et de notre misère, il associe l’accent d’un cœur qui a souffert. […] Pour les grands qui se prévalent de ce qu’ils sont, il les respecte de loin, et les abandonne à leur propre grandeur. […] La grandeur a ses peines, et souvent plus cruelles que celles des particuliers.

101. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

Le style rend singulières les choses les plus communes, fortifie les plus faibles, donne de la grandeur aux plus simples109. […] On s’en aperçoit surtout dans les comparaisons, où l’esprit doit toujours gagner et ne jamais perdre ; car il faut qu’elles nous montrent la chose plus grande, ou, s’il ne s’agit pas de grandeur, plus fine et plus délicate. […] La magnificence est la richesse unie à la grandeur. […] Cette pensée a beaucoup d’éclat, et même un air de grandeur qui impose. […] Et par les mêmes paroles qui marquent la destruction de ce peuple, il fait voir la grandeur de son courage et de son opiniâtreté192.

102. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

Ceux qui ont eu l’heur de l’entendre se rappellent de quel ton il disait à Flaminius : Attale a le cœur grand, l’esprit grand, l’âme grande, Et toutes les grandeurs dont on fait un grand roi… Et si Flaminius en est le capitaine, Nous pourrons lui trouver un lac de Trasimène… à Attale : Vous avez de l’esprit, si vous n’avez du cœur… à Laodice, après son entretien avec l’ambassadeur de Rome, Vous a-t-il conseillé beaucoup de lâchetés, Madame ? […] Ce n’est qu’en faisant des heureux. que les grands peuvent être heureux eux-mêmes, car toutes les autres jouissances qu’ils croiraient pouvoir retirer de leurs grandeurs sont toujours accompagnées de maux ou d’inconvénients qui changent en tourments les plaisirs qu’ils espéraient.

103. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Chateaubriand 1768-1848 » pp. 222-233

Le jour, tombant d’en haut à travers un voile de feuillage, répand dans la profondeur des bois une demi-lumière changeante et mobile, qui donne aux objets une grandeur fantastique. […] La grandeur, l’étonnante mélancolie de ce tableau, ne sauraient s’exprimer dans les langues humaines ; les plus belles nuits en Europe ne peuvent en donner une idée.

104. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Montrer comment Corneille a fait de la tragédie une école de grandeur d’âme. […] Montesquieu : Grandeur et décadence des Romains. […] Donner une idée générale de la grandeur de ce siècle sous le rapport des armes, des institutions et des lettres. […] Au cinquième acte, cette grandeur se révèle tout entière. […] Si cette conduite les relève à nos yeux, elle ajoute encore quelque chose à la grandeur d’Auguste.

105. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

J’ai vu mille peines cruelles Sous un vain masque de bonheur ; Mille petitesses réelles Sous une écorce de grandeur ; Mille lâchetés infidèles Sous un coloris de candeur. […] Nous terminerons cet article en indiquant comme plus particulièrement remarquables, sous le rapport de l’harmonie imitative, les morceaux suivants : Les derniers moments du sage : ni l’or ni la grandeur… ; dans un chemin montant… par La Fontaine ; la mort d’Hippolyte : un effroyable cri… ; le commencement de l’Oraison funèbre de la reine d’Angleterre et la fin de celle du grand Condé ; la cantate de Circé ; la Tempête, par Saint-Lambert ; le Vol de l’hirondelle, par Buffon. […] Cet orateur, pour passer de la première partie de son sermon sur l’humanité des grands à la seconde, dit : Si l’humanité envers les peuples est le premier devoir des grands, (ce qu’il a prouvé), n’est-elle pas aussi l’usage le plus délicieux de la grandeur ! […] ) Dans son discours sur la grandeur de Jésus-Christ, il sait joindre la seconde partie à la première au moyen de cette admirable transition : De tous les superbes monuments de la Grèce et de Rome, à peine un seul est venu jusqu’à nous. […] Aussi, le dernier caractère de la grandeur de Jésus-Christ, c’est la durée et la perpétuité de son règne.

106. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Chapitre » pp. 169-193

Immolez, non à moi, mais à votre couronne, Mais à votre grandeur, mais à votre personne, Immolez, dis-je, sire, au bien de tout l’Etat Tout ce qu’enorgueillit un si grand attentat. […] Mais qu’on veuille bien se le rappeler : une délicatesse souvent raffinée et une grandeur inculte, tel était le double caractère de l’époque où vécut Corneille. […] Voltaire en a toutefois approuvé dans les vers l’emploi actif, qu’offrent encore les tragédies de Bajazet et d’Esther : ajoutons que l’on en pourrait même citer quelques exemples contemporaines ; mais ils ne sont pas à imiter. — Le théâtre, dont on a dit que le Cid avait parmi nous inauguré la grandeur, devait être le plus riche domaine de notre poésie, comme de la chaire chrétienne a été celui de notre prose.

/ 227