Le style C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile1 ; la chaleur naître de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. […] Dans le portrait du cygne, dit Rivarol, il y a d’habiles artifices d’élocution, de la limpidité, de la mollesse et une mélancolie d’expression qui, se mêlant à la splendeur des images, en tempère heureusement l’éclat. » 3. […] Chacun de nous est responsable de sa physionomie ; car l’expression d’une figure dépend des sentiments, des pensées, des habitudes morales de la personne.
Pourtant, hâtait sa richesse est une expression parasite. […] Se ride est une expression bien gauche. […] L’expression manque ici de grâce.
Esprit brillant, belle imagination, il fut le Malherbe de la prose : il a le sentiment de la cadence, l’ampleur de la période, l’éclat du discours ; il sait choisir et ordonner les mots ; il orne de grandes pensées par des expressions magnifiques dont l’harmonie soutenue enchante l’oreille. […] Dans cette richesse d’expressions et d’imagés, on voudrait plus de sobriété. […] Grande lettre, cette expression est un souvenir de Juvénal.
Brillant dans ses pensées, riche dans ses expressions, élégant dans ses tours, subtil, ingénieux dans ses réflexions, lumineux dans ses raisonnements, il n’a été surpassé que par saint Jean Chrysostôme, auquel il ne faut songer à rien comparer. […] quelle simplicité et quelle pureté dans l’expression !
Cette expression n’ayant point encore un sens bien déterminé, j’aurais dû dire science ; car ce mot s’applique mieux et plus souvent aux idées théoriques, aux ouvrages didactiques. Ces distinctions subtiles entre le talent et l’art n’existeraient point, si la Rhétorique n’avait point été réduite de nos jours en système rigoureux, suivant l’expression de Quintilien.
Il donne aux passions une expression familière, sans mêler à la tragédie le ton de la comédie. […] Il y a de la gaucherie dans l’expression. […] Roula, expression trop familière. […] Florir est une expression un peu archaïque.
L’usage ordinaire le fait assez entendre, et en disant qu’un homme a de l’esprit, qu’il a beaucoup d’esprit et qu’il a un bon esprit, il n’y a que le ton et les manières qui puissent mettre de la différence entre ces expressions, qui paraissent semblables sur le papier, et qui expriment néanmoins différentes sortes d’esprit. […] Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d’elles-mêmes. […] On ne peut donc trop s’en occuper366 ; c’est même le seul moyen d’affermir, d’étendre et d’élever ses pensées : plus on leur donnera de substance et de force par la méditation, plus il sera facile ensuite de les réaliser par l’expression. […] À cette première règle, dictée par le génie, si l’on joint de la délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix des expressions, de l’attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux374, le style aura de la noblesse. […] Lorsqu’une pensée est trop faible pour porter une expression simple, c’est la marque pour la rejeter.
Abondant, nombreux, plein d’énergie et de dignité, il étonne, il ravit, il transporte par la magnificence et la pompe des expressions, la vivacité des tours, la hardiesse des figures, la beauté frappante des comparaisons, la force et la rapidité des mouvements. […] Cette figure est le plus souvent l’expression de la colère et du désespoir. […] Le sublime peut se trouver, et se trouve bien souvent dans une expression, dans un seul mot. […] Le vrai sublime peut donc se passer du secours de l’expression. […] Corneille est de tous nos Poètes celui dans lequel on trouve le plus de sentiments sublimes ; et ces sentiments sont toujours rendus par l’expression la plus simple.
Qu’ils apprennent donc à distinguer ces traits de caractère, ces expressions échappées à l’âme d’un grand homme, dans un moment décisif, ou dans une circonstance importante, de ces harangues composées à loisir, et placées par le poète ou par l’historien dans la bouche d’un héros. […] Quelquefois encore les propres expressions du héros qu’on fait parler, sont tellement consacrées par la reconnaissance ou par l’admiration, que ce qu’il reste de mieux à faire au poète ou à l’historien, c’est de les rapporter textuellement.
Le sujet est-il proportionné aux moyens de l’auteur : aussitôt il trouve sous sa plume l’expression juste, la clarté, et l’ordre, cet ordre lumineux, dont le mérite et la grâce consistent, je ne crois pas me tromper, à dire d’abord ce qui doit d’abord être dit, et à différer les détails pour les placer au moment favorable. […] Le secret pour être admiré, c’est de savoir, par une alliance ingénieuse, rajeunir une expression surannée. […] 122De plus, que l’auteur 123d’un poëme attendu-du-public, 124délicat et réservé 125dans les mots à unir (dans son style), 126aime telle expression, 127 et dédaigne telle autre expression. […] En adoptant la première de ces deux expressions, nous avons voulu éviter l’interminable périphrase qu’il eût fallu employer pour nous rendre intelligible. […] L’expression serait assez vague, si les détails qui précèdent ne la rendaient parfaitement claire.
Influence exercée par l’Italie On ne saurait refuser à un peuple le droit d’emprunter à ses voisins les termes qui lui manquent ; c’est un exemple que nous donnent les anciens eux-mêmes ; et si Montaigne conseillait à ses contemporains de puiser à toutes les sources, aux patois provinciaux comme « au jargon de nos chasses et de nos guerres », le néologisme qui procède d’origine étrangère est légitime, lorsqu’il répond à des besoins nouveaux qui n’ont pas encore leur expression. […] Ici, comme tout à l’heure, nous rencontrons des intempérants qui, suivant l’expression de Bonaventure des Périers, voulaient « tirer tout le françois du grégeois 2 ». […] Car ils en interdisent l’abord aux profanes, qui ne peuvent attacher aucune idée à ces vocables dont les hellénistes tiennent seuls la clef2 En examinant de près les écrivains de cette époque, on pourra surprendre l’influence du grec dans certaines tournures ou expressions, entre autres dans l’emploi des substantifs formés soit avec des adjectifs, comme le clair, le chaud, l’efficace, le subit (pour clarté, chaleur efficacité, soudaineté), soit avec des infinitifs, comme l’imaginer, le vivre, le partir, le mourir, le dormir, le chanter, le vouloir, le taire, le médire et le philosopher. […] nous estimons pourtant que cette ressource se prêtait à des nuances délicates dont l’expression n’a plus son équivalent. […] Des formes archaïques et de l’orthographe au XVIe siècle S’il est utile de pratiquer nos modèles antiques, pour apprendre d’eux le parler franc, énergique, pittoresque et coloré, il serait puéril de faire dévier cette étude vers un pastiche artificiel qui étonnerait l’oreille ou les yeux, sans profit pour l’expression ou le sentiment.
On a coutume de comprendre par le mot poésie l’expression de la pensée sous une forme rythmique ; mais chacun sait que ce mot se prend aussi dans un sens bien plus général et bien plus étendu. […] Quoique la prose puisse servir à l’expression de la poésie, les vers n’en sont pas moins la vraie langue poétique. […] Alors naît aussi la prose, expression de la pensée réfléchie : l’histoire raconte les évolutions des peuples dans leur sphère d’activité.
Dire d’une chose modestement, ou qu’elle est bonne ou qu’elle est mauvaise, et les raisons pourquoi elle est telle, demande du bon sens et de l’expression : c’est une affaire. […] Ce style, trop ferme et trop décisif pour Démophile, n’est pour Basilide ni assez pompeux ni assez exagéré : il a bien d’autres expressions en tête ; il travaille aux inscriptions des arcs et des pyramides qui doivent orner la ville capitale un jour d’entrée ; et, dès qu’il entend dire que les armées sont en présence ou qu’une place est investie, il fait déplier sa robe et la mettre à l’air, afin qu’elle soit toute prête pour la cérémonie de la cathédrale3. […] Expression heureusement familière, qui nous transporte au milieu des ouvriers, en nous montrant les instruments dont ils se servent pour élever les pierres.
Nous ne serons obligés de recourir ni à des tournures bizarres, ni à des expressions nouvelles, parce que nous n’aurons jamais à rendre qu’une certaine suite d’idées, dans un ordre simple et lumineux ; et notre style sera clair, notre langage pur, parce que nos idées seront justes et nos sentiments vrais. […] Mais nous entendons spécialement ici ces traits qui émeuvent puissamment la sensibilité, qui vont au cœur, parce qu’ils en sont partis, et qui nous affectent à proportion que nous y retrouvons plus ou moins l’expression vraie de nos propres sentiments. […] Mais en l’examinant de plus près, en le rapprochant surtout du texte d’lsaïe, on voit que le cantique français doit une partie de son mérite au choix de l’expression, à l’harmonie des vers, à l’heureuse symétrie des rimes, etc. […] Il y a dans toutes ses pièces des traits qui décèlent le grand poète ; des strophes entières qui sont sublimes de pensée ou d’expression ; mais ces beautés mêmes ne font qu’ajouter aux regrets de retrouver dans ses meilleures odes, plus ou moins de traces de ce néologisme poétique, dont il avait contracté l’habitude, et qu’il avait le malheur de regarder comme le premier caractère de son talent, et le mérite principal de ses productions.
On y voit la description d’une chose par ses propriétés ; description où ne sont employées que des idées et des expressions équivoques, puisqu’elles présentent plusieurs rapports et plusieurs sens. […] On n’y souffre ni le moindre écart du sujet, ni un vers faible ou négligé, ni une expression impropre ou superflue, ni la répétition du même mot. La précision et la justesse des pensées, l’élégance des expressions, l’harmonie des vers, la richesse des rimes n’y doivent rien laisser à désirer : en un mot, tout doit y être d’une beauté achevée. […] On veut que le style de la chanson soit léger, les expressions choisies et toujours exactes, la marche libre, les vers faciles et coulants ; que les tours n’aient rien de forcé ; que tout y soit fini, sans que le travail s’y fasse sentir.
Voilà encore des expressions qui font tableau. […] Expression pittoresque ; les flots des courtisans s’agitaient comme ceux de la mer.
Les différentes figures de ce tableau, leurs attitudes, leur expression, leur coloris, les différents corps de ce superbe édifice, les différentes parties de ce monument admirable existent ou peuvent exister séparément dans la nature. […] Ce que fait la peinture par les couleurs, la poésie doit le faire par l’expression. […] Ce sont les pensées les plus nobles et les plus hardies, les expressions les plus magnifiques et les plus animées, les métaphores les plus riches et les plus brillantes, les figures les plus vives et les plus pompeuses, les tours les plus nombreux et les plus variés, l’harmonie la plus agréable et la plus séduisante. […] Le poète doit donc, pour rendre son style pittoresque, ou, ce qui est la même, chose, vraiment poétique, s’attacher au choix des pensées et des expressions.