L’Enfant L’homme enfant, jeté par le ciel sur la terre, s’y montre d’abord nu, faible, sans défense, sans intelligence ; son premier cri est un gémissement, son premier accent est une plainte, sa première sensation est une douleur. […] Les premiers mots qu’il prononce sont ceux de père et de mère… mots charmants, qui expriment, qui inspirent le plus pur amour ; ces premiers accents payent le sein maternel de toutes ses douleurs, et font naître dans le cœur d’un père les plus vives et les plus joyeuses espérances. […] Comme elle allait à l’âme cette invocation du pauvre matelot à la Mère de douleur. » Chateaubriand, Prière du soir à bord d’un vaisseau.
dit Andromaque en pleurs, et cette apostrophe touchante aux murs de Troie est l’accent naturel de la douleur et des regrets. […] Voici un cas toutefois où l’antithèse habilement employée par le grand Corneille donne à la douleur une expression attendrissante. […] Dans sa douleur elle se trouvait malheureuse d’être immortelle. […] n’est pas seulement une apostrophe effrayante que l’orateur s’adresse et à laquelle l’auditeur était loin de s’attendre, C’est encore une transition magnifique : car il est clair que puisque l’orateur a eu tort de contrister les pauvres, c’est dans l’âme des riches qu’il va porter la douleur. […] La douleur a l’accent saccadé, rompu, une marche chancelante ; elle égare ses pensées ; son expression est comme abattue.
Les fameuses stances de consolation à du Périer : Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle, écrites en 1599, attestent un nouveau progrès. […] Il s’écrie avec douleur : Scène V. […] Encor si je pouvais, libre dans mon malheur, Par des larmes au moins soulager ma douleur ! […] Le soir, elle eut un grand dégoût, Et ne put, au souper, toucher à rien du tout, Tant sa douleur de tête était encor cruelle. […] Je vois avec douleur ces routes méprisées : Art et guides, tout est dans les Champs-Élysées.
La duchesse de Bourgogne entendant blâmer à Versailles la conduite de son époux, en ressentit une douleur amère, et ne put retenir ses larmes. […] Mais en ayant été abandonnée, elle en ressentit une si vive douleur, qu’elle se laissa mourir de faim. […] Périclès eut la douleur de voir périr tous ses enfants de la peste, et mourut lui-même de ce fléau, l’an 429 avant Jésus-Christ, après avoir joint le port Pyrée à la ville par une longue muraille, et avoir élevé neuf trophées pour monuments de ses victoires. […] De retour à Athènes au bout de dix ans, il eut la douleur de trouver cette ville livrée à ses anciennes factions, et d’y voir Pisistrate, seul maître absolu du gouvernement.
À cette vue, Jephté est saisi de douleur et laisse éclater son désespoir. […] C’est surtout, dan si les grands accidents, aux sentiments religieux qu’il convient de faire appel ; c’est le remède le plus fort contre la douleur. […] Pour moi, je l’ai senti avec toute l’amertume et la douleur que j’avais imaginées, et que j’avais appréhendées depuis si longtemps. […] M. de Coulanges se conforma à mon état : j’allai descendre chez M. le cardinal de Retz, où je renouvelai tellement toute ma douleur, que je fis prier M. de La Rochefoucauld, madame de La Fayette et madame de Coulanges, qui vinrent pour me voir, de trouver bon que je n’eusse point cet honneur : il faut cacher sa faiblesse devant les forts.
L’intérêt et la passion ont fait les premiers orateurs, comme les émotions vives de douleur ou de joie ont fait les premiers poêles ; l’histoire, la philosophie et la science ne sont nées que plus tard, ce sont comme des rameaux détachés de la souche commune. […] Ce sont des sentiments de douleur ou de plaisir qui apportent un tel changement dans l’esprit qu’il se transfigure suivant la direction dans laquelle ils l’entraînent, et que sur les mêmes objets son jugement n’est plus le même. […] Comme la douleur de Bossuet est soutenue dans le morceau suivant, et quelle émotion en découle dans notre âme ! […] — Il se rencontre certains cas très-particuliers où le début peut et doit être véhément : C’est le cas où une vive passion de joie ou de douleur occupe déjà le cœur de ceux qui écoutent ou qui lisent. […] Par exemple un simple et froid historien qui raconterait la mort de Didon se contenterait de dire : Après le départ d’Énée, ta reine, accablée de douleur, se donna la mort.
Dans celle-ci, c’est la péroraison suppliante, commiseratio ; il termine par le tableau le plus pathétique des douleurs de son client, d’autant plus habile ici, que, connaissant la fierté du caractère de Milon, il prend pour lui-même ce rôle de suppliant que dédaignait l’accusé ; et après lui avoir ainsi concilié l’intérêt de ses juges, s’il le fait parler, les paroles qu’il lui prète ne sont plus empreintes que d’une dignité affectueuse et d’une touchante fermeté. […] Courbé, comme je le suis, par la main de la douleur, je suis peu capable d’assister mon pays dans cette périlleuse conjoncture ; mais, milords, tant que je garderai le sentiment et la mémoire, je ne consentirai jamais à priver la royale postérité de la maison de Brunswick et les descendants de la princesse Sophie de leur plus bel héritage. » N’est-ce pas dans l’intervention personnelle de l’orateur que consiste en grande partie le triomphe de Bossuet, dans la péroraison de l’Oraison funèbre de Condé, « lorsqu’après avoir mis Coudé au cercueil, comme parle Chateaubriand, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsqu’en s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe, et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité ?
Transporter à la scène le plus de réalité possible, et nous émouvoir fortement en ébranlant nos sens par la vue de douleurs affreuses. […] Que m’importe à moi-même ma douleur dans cet instant fugitif, si bientôt je dois le revoir pour ne m’en séparer jamais ?
Un carrosse vient, on l’emporte dans sa lente : ce fut là où M. de Lorges, M. de Roye et beaucoup d’autres pensèrent mourir de douleur ; mais il fallut se faire violence, et songer aux grandes affaires qu’on avait sur les bras. […] Mats, ce qu’il n’eût point fait, la Grèce avec douleur Vous voit du sang troyen relever le malheur, Et, vous laissant toucher d’une pitié funeste, D’une guerre si longue entretenir le reste. […] Quelquefois l’orateur s’interrompt lui-même par un cri qui éclate tout à coup après une période harmonieuse, et porte au fond de l’âme des auditeurs la joie ou la douleur, l’enthousiasme ou l’indignation. […] j’y verrai notre malheureuse mère, noyée dans les larmes et expirant de douleur... […] Oswald, arrivé près de la maison, vit, à la seule fenêtre qui n’était pas entourée par les flammes, des insensés qui regardaient les progrès de l’incendie, et souriaient de ce rire déchirant qui suppose ou l’ignorance de tous les maux de la vie, ou tant de douleur au fond de l’âme, qu’aucune forme de la mort ne peut plus épouvanter.
À cette nouvelle, Achille s’abandonne aux transports d’une douleur sauvage ; il abjure sa résolution et se dispose à venger la mort de son ami. […] Fénelon nous offre, dans sa correspondance, des modèles de lettres éloquentes et simples en même temps, consolantes et persuasives pour les grandes douleurs qu’il cherche à adoucir. […] le père annonce à son fils qu’il lui faut renoncer à l’amour de Chimène et s’armer contre son père ; Rodrigue alors exhale sa douleur dans des stances pathétiques et se décide à sacrifier sa passion à son honneur, c’est-à-dire à la vengeance de l’outrage fait à son père. […] Bossuet témoigne, dans son exorde, une douleur profonde du devoir qu’il est appelé à remplir envers le héros qui fut son ami, et une crainte sincère de n’atteindre pas, par ses louanges, à la hauteur qui convient à un si grand nom. […] N’espérons de soulagement à notre douleur que du temps qui adoucit les plus cuisants chagrins ; toutefois nous devons considérer, dès aujourd’hui, qu’une gloire immortelle va couronner la vie si laborieuse et si pénible de notre pauvre ami.
D’abord il promena ses regards sur les différentes sectes qui étaient autour de lui ; il en distingua une qui apprenait à l’homme à s’élever au-dessus de lui-même : elle lui découvrit, pour ainsi dire, un monde nouveau, où le plaisir et la douleur sont comme anéantis, où les sens ont perdu tout leur pouvoir sur l’âme, où la pauvreté, les richesses, la vie, la mort ne sont rien, où la vertu existe seule. […] Son visage cicatrisé était mâle et terrible, mais ses traits à demi sauvages semblaient adoucis dans ce moment par la douleur.
Non, ou vous me croirez ; ou bien de ce malheur Ma mort m’épargnera la vue et la douleur. […] Maintenant donc si je retourne vers mon père votre serviteur, et que ce jeune homme n’y soit pas, comme sa vie dépend absolument de celle de son fils, dès qu’il ne le verra point avec nous, il mourra, et vos serviteurs accableront sa vieillesse d’une douleur qui le mettra au tombeau.
Ainsi l’idée de guerre nous rappelle tout ce qui l’accompagne : la mêlée sanglante, les champs dévastés, les villes ruinées, la douleur des familles ; ou bien encore la patrie sauvée, la gloire des vainqueurs.
Au premier bruit d’un mal si étrange, on accourt à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le cœur de cette princesse4 : partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l’image de la mort. Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l’accomplissement de cette parole du Prophète1 : « Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d’étonnement. » Mais et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain Monsieur, en vain le roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements. […] Péroraison de l’éloge funèbre de Condé 1 Jetez les yeux de toutes parts ; voilà tout ce qu’a pu la magnificence et la piété pour honorer un héros : des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n’est plus ; des figures2 qui semblent pleurer autour d’un tombeau, et de fragiles images d’une douleur que le temps emporte avec tout le reste ; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu’au ciel le magnifique témoignage de notre néant ; et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. […] Bossuet parle sous l’impression d’une douleur publique, à laquelle il mêle un deuil personnel.
Il en vint enfin (et c’était l’expression vraie de la douleur de ce grand homme) à douter si, d’après cela, l’éloquence avait fait plus de bien que de mal à la société : boni ne, an mali plus attulerit hominibus, et civitatibus copia dicendi, et summum eloquentiæ studium (de Invent.
Nous venons tous les soirs lui porter nos douleurs ; Nous regardons le ciel, et nous versons des pleurs. […] Les vers suivants, le dernier surtout, en présentent un bel exemple : Ici-bas la douleur à la douleur s’enchaîne, Le jour succède au jour et la peine à la peine, Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.
Madame de Sévigné veut exprimer la douleur de madame de Longueville à la mort de son fils : « Tout ce que la plus vive douleur peut faire et par des convulsions, et par des évanouissements, et par un silence mortel, et par des cris étouffés, et par des larmes amères, et par des élans vers le ciel, et par des plaintes tendres et pitoyables, elle a tout éprouvé. » Il y a disjonction, au contraire, quand pour donner plus de rapidité à la construction, vous supprimez toutes les particules conjonctives.