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2. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

Il y a, en effet, des circonstances communes, des couleurs usées, qui ont besoin d’être rajeunies pour ne pas déparer une description. […] Il en est de ces gradations comme de celles du son, de la lumière et des couleurs : rien n’est heurté, mais il y a partout transition naturelle et harmonieuse, comme dans l’arc-en-ciel dont les couleurs ne sont si douces à la vue que parce qu’elles s’allient par un doux mélange. […] De même, dans une description, il faut placer en relief l’objet le plus intéressant et le peindre avec des couleurs plus vives et plus magnifiques. […] S’il est permis au premier de forcer un peu les couleurs, en appuyant sur les points favorables à sa cause, le second a le droit de tout oser. […] Le portrait de La Fontaine, par La Harpe, mérite d’être cité ; les couleurs y sont parfaitement assorties au sujet.

3. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bernardon de Saint-Pierre 1737-1814 » pp. 203-209

C’était surtout vers la fin du jour qu’ils développaient toute leur beauté en se réunissant au couchant, où ils se revêtaient des plus riches couleurs, et se combinaient sous les formes les plus magnifiques. […] C’est un fond de concert qui fait ressortir les chants éclatants des oiseaux, comme la douce verdure est un fond de couleur sur lequel se détache l’éclat des fleurs et des fruits. […] Un air transparent, un lever du jour radieusement calme, des nuages en monceaux, du nord au midi, des nuages d’un éclat, d’une couleur molle et vive, du coton d’or sur un ciel bleu. » 1. […] C’est son caractère propre de mêler des impressions morales à ses vives couleurs. […] C’est son caractère propre de mêler des impressions morales à ses vives couleurs.

4. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IV. Du Beau et des Plaisirs du Goût. »

La couleur nous fournit, selon moi, le caractère le plus simple de la beauté. Il est probable que l’association des idées influe en quelque sorte sur le plaisir que nous font les couleurs. Le vert, par exemple, peut nous paraître beau, parce qu’il se lie dans notre imagination avec les idées de scènes champêtres, de perspectives, etc. ; le blanc nous retrace l’innocence ; le bleu la sérénité d’un beau ciel Indépendamment de cette association d’idées, tout ce que nous pouvons remarquer de plus, à l’égard des couleurs, c’est que ce sont les plus délicates et non les plus éclatantes, qui passent généralement pour les plus belles. […] La couleur, la figure et le mouvement, considérés séparément, sont des sources de beauté ; ils se rencontrent cependant dans une foule d’objets, qui empruntent de cette réunion le caractère de la beauté la plus parfaite. Les fleurs, par exemple, les arbres, les animaux, nous offrent à la fois la délicatesse des couleurs, la grâce des figures, souvent même le mouvement de l’objet.

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Peinture transparente d’une jeunesse rêveuse, agitée et mélancolique, René (1805) fixa par des couleurs immortelles les principaux traits d’une âme qui souffrait d’un mal que son talent rendit contagieux, au lendemain des bouleversements qui avaient laissé tant de ruines. […] Sa langue musicale et pittoresque produit, par l’arrangement des sons et le choix des mots, des effets d’harmonie et de couleur qui enchantent l’oreille et les yeux. […] Une teinte singulièrement harmonieuse marie la terre, le ciel et les eaux ; toutes les surfaces, au moyen d’une gradation insensible de couleurs, s’unissent par leurs extrémités, sans qu’on puisse déterminer le point où une nuance finit et où l’autre commence. […] Suspendus sur le cours des ondes, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se mêlent, croissent ensemble, montent dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. […] La liane flexible, entourant les rameaux, Ici tombe en festons qu’un vent léger balance ; Quelquefois s’égarant, d’arbre en arbre s’élance, Court, s’abaisse, s’élève, et mêle à leurs couleurs Des chaînes de verdure et des voûtes de fleurs.

6. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

On écrira ainsi avec vérité, avec charme ; le style prendra la couleur locale ; enfin les difficultés s’aplaniront. […] Traduire n’est pas imiter, c’est se rapprocher autant que possible de l’original, le rendre avec fidélité, précision, par des mots qui aient le même sens, ou par des expressions équivalentes ; il faut reproduire non seulement le sens des idées, mais encore le génie de l’écrivain, la couleur de sa pensée et de son style ; c’est ainsi seulement qu’une traduction peut être utile et agréable. […] Celui qui sent vivement, exprime sa pensée avec énergie, avec chaleur ; il s’inspire en composant ; son sujet lui apparaît avec des couleurs variées, sa pensée se produit par de vives et brillantes images. […] Quand le style est revêtu d’images, il prend de la couleur et de l’éclat : on dit alors qu’il est pittoresque. […] Que dit-on d’une parure bigarrée de toutes les couleurs ?

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Il a des couleurs pures et un dessin correct. […] Quelque brillantes que soient les couleurs qu’il emploie, quelques beautés qu’il sème dans les détails4, comme l’ensemble choquera ou ne se fera pas assez sentir, l’ouvrage ne sera point construit ; et, en admirant l’esprit de l’auteur, on pourra soupçonner qu’il manque de génie. […] Les Indiens, frappés de l’éclat et du feu que rendent les couleurs de ces brillants oiseaux, leur avaient donné les noms de rayons ou cheveux du soleil… Les petites espèces sont au-dessous de la grande mouche asile2 pour la grandeur, et du bourdon pour la grosseur. […] Il faut que le style ait de la couleur et du relief. […] Citons encore Condorcet : « En peignant la nature sublime ou terrible, douce ou riante ; en décrivant la fureur du tigre, la majesté du cheval, la fierté et la rapidité de l’aigle, les couleurs brillantes du colibri, la légèreté de l’oiseau-mouche, son style prend le caractère des objets : mais il conserve sa dignité imposante : c’est toujours la nature qu’il peint, et il sait que même dans les petits objets elle a manifesté toute sa puissance. » 2.

8. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

Ce sont eux dont il faut observer et méditer les mœurs, les passions, la couleur locale. […] Enfin, à ces deux grands caractères généraux, éthique et pathétique, encore une fois qu’on me passe ces mots, viendra se joindre la prodigieuse diversité des climats et des produits, qui donnera à chaque coin de terre, à chaque subdivision des eaux, aux animaux, aux plantes, selon les lieux et les saisons différentes, aux métaux même et aux minéraux façonnés par la main de la nature ou de l’homme, une physionomie sui generis, une couleur locale, féconde en idées neuves pour celui qui observe longtemps avant de prendre la plume. […] Ajoutez à l’observation de l’homme et de ses impressions physiques et morales celle de la nature qui l’environne, du ciel, du sol, des plantes, des édifices, des costumes, des meubles, des ustensiles, des idiotismes et formes de langage usités à telle époque et dans telle condition, transportez les résultats de ces observations dans vos écrits et dans vos paroles, et vous obtiendrez ce qu’on appelle la couleur locale. […] Racine, qui a si admirablement, j’ai presque dit si audacieusement, conservé la couleur locale dans l’Athalie, par exemple, parce que la pensée et le langage bibliques étaient familiers à son parterre, n’a pas osé agir de même avec l’antiquité grecque. […] Deux écueils sont d’ailleurs à éviter dans la couleur locale.

9. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Plus habiles que Zeuxis et Polygnote, tu promènes les pinceaux sur une toile impérissable ; tes couleurs sont vives et conservent une fraîcheur éternelle. […] Mais le ton de l’orateur et du poète, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce qu’ils sont les maîtres de joindre à la grandeur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d’illusion qu’il leur plaît ; et que, devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent ainsi partout employer toute la force, et déployer toute l’étendue de leur génie. […] Jamais ni le souffle empesté du midi qui sèche et qui brûle tout, ni le rigoureux aquilon, n’ont osé effacer les vives couleurs qui ornent ce jardin. […] 1° Le Sublime des images Toute image qui reproduit avec des couleurs vives et fortes, un grand objet, une grande action, produit le sublime. […] À ce portrait des méchants princes de la terre, le vertueux Rollin oppose le portrait d’un bon juge et d’un bon prince ; il nous le fait comprendre au moyen des couleurs les plus vives et les plus extraordinaires.

10. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre II. Des différentes Espèces de Style, et des Figures de Pensées. » pp. 238-278

Il périssait, tel qu’une fleur qui étant épanouie le matin, répand ses doux parfums dans la campagne, et se flétrit peu à peu vers le soir : ses vives couleurs s’effacent ; elle languit, elle se dessèche ; et sa belle tête se penche ne pouvant plus se soutenir. […] Elle raconte un fait particulier, un événement, une tempête, une bataille, un incendie, etc. ; mais avec tant de feu, avec des couleurs si vives et si animées, qu’on croit voir sous ses yeux l’objet même que décrit le Poète ou l’Orateur. […] Voyez d’abord avec quelles couleurs le P.  […] Fénelon, dans sa prose poétique, donne à tous les objets qu’il peint les couleurs les plus riches, les plus animées, et en même temps celles qui leur sont propres. […] Mais celui-ci obligé de présenter la vérité telle qu’elle est, développe le caractère de ses personnages, pour le faire connaître dans toute son étendue ; et sans trop s’attacher aux autres ornements de l’art, il n’emploie que des couleurs simples et naturelles.

11. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Origine et principe des beaux-arts »

Il est très probable que, dans le même temps, on entreprit de tracer, sur une superficie plate, l’image d’un objet avec ses couleurs naturelles. […] On voit, en effet, que l’éloquence et la poésie l’imitent par les diverses formes et les divers agréments du discours ; l’architecture, par les masses ; la sculpture, par le relief ; la peinture, par les couleurs ; la musique, par les sons inarticulés ; la danse, par les mouvements et les attitudes du corps. […] Ce que le premier fait par les couleurs, le second le fait par l’expression.

12. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXII. des figures. — figures par rapprochement d’idées semblables  » pp. 301-322

Par là les objets se renvoient mutuellement leurs couleurs. Il n’en est point qui n’emprunte des nuances, il n’en est point qui n’en prête ; et aucun d’eux, lorsqu’ils sont réunis, n’a exactement la couleur qui lui serait propre, s’ils étaient séparés. […] Les couleurs se mêlent sans se confondre ; elles contrastent sans dureté, elles s’adoucissent mutuellement, elles se donnent mutuellement de l’éclat, et tout s’embellit. […] Magicienne universelle, elle transforme, au gré de l’écrivain, tout être et toute chose, et la nature entière lui offre à profusion les images et les couleurs qui vivifient les idées. […] Il est difficile de mettre sur un buisson un bonnet de quelque couleur qu’il soit.

13. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VII. Des différents exercices de composition. »

Voyez comme cette femme célèbre se joue, en écrivant, de toutes les difficultés et de toutes les règles ; comme elle revêt son style, brillant papillon, des couleurs les plus riches et les plus variées ; elle court, elle vole, elle vous entraîne ; elle vous arrache, ici un sourire, ailleurs une larme. […] Voilà de quelle couleur sont les réflexions d’une personne de mon âge. […] Si l’on décrit une tempête, on peut jeter de belles couleurs sur ces éléments déchaînés ; mais si l’on y voit l’homme luttant contre le péril et la mort, combien l’intérêt n’en sera-t-il pas augmenté ? […] Un peintre habile sait ménager dans un tableau l’ombre et la lumière, et tirer du clair-obscur de merveilleux effets : l’art de l’écrivain est le même ; l’opposition des tons et des couleurs, donne à l’ensemble du mouvement, de la variété, et fait ressortir les parties essentielles. […] La couleur des eaux devint semblable à celle du verre liquide.

14. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

Les couleurs les plus brillantes et les plus variées éclatent dans ses fables : tout y est image et peinture. Mais ces couleurs y sont placées avec une simplicité merveilleuse : elles ne sont que les propres traits dont la nature se peint elle-même. […] Les couleurs sont des plus fortes et des plus animées. […] La douleur a fait naître toutes les idées, toutes les réflexions ; et l’art en se cachant, les a revêtues des couleurs qui leur étaient propres. […] Ce sont les jeux et les plaisirs qu’il chante ; c’est le sentiment qu’il peint avec les couleurs les plus douces.

15. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre V. Du Roman. »

Mais je ne saurais trop répéter que le romancier doit toujours présenter la vertu sons des couleurs favorables et attrayantes, la faire respecter, la faire aimer dans le sein même des plus affreux malheurs et des plus humiliantes disgrâces ; qu’il doit peindre le vice sous les couleurs les plus noires et les plus propres à inspirer l’horreur qu’il mérite, fût-il monté au faîte des honneurs, et parvenu au comble de la plus brillante prospérité.

16. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Staël, 1766-1817 » pp. 399-408

Une certaine habitude leur rend nécessaires les sons harmonieux, ils en jouissent comme de la saveur des fruits, du prestige des couleurs ; mais leur être entier a-t-il retenti comme une lyre, quand, au milieu de la nuit, le silence a tout à coup été troublé par des chants ou par ces instruments qui ressemblent à la voix humaine ? […] Je ne crois pas que je me relève jamais de ce que j’éprouve ; rien ne m’intéresse plus ; je ne trouve du plaisir à rien ; la vie est pour moi comme un bal3 dont la musique a cessé, et tout, excepté ce qui m’est ravi, me paraît sans couleur. […] Il faut de l’enthousiasme dans la voix pour être une grande cantatrice, dans la couleur pour être grand peintre, dans les sons pour être grand musicien, dans les mots pour être grand écrivain.

17. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Thiers. Né en 1797. » pp. 513-521

Il a, dit-il, le fanatisme de la simplicité, et compare lui-même son style à ces glaces sans tain à travers lesquelles apparaissent tous les objets sans la moindre altération de couleur ou de contour. […] Un jour sa bannière à trois couleurs éclate sur les montagnes du mont Thabor, un jour sur le Tigre, un dernier jour sur le Borysthène. […] D’admirables armées faisaient flotter ses trois couleurs à la face des rois qui avaient voulu l’anéantir.

18. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre Ier. Des éléments du style. » pp. 22-78

La pensée brillante est celle qui joint à la solidité d’une pensée vive des couleurs plus éclatantes et des images plus frappantes. La pensée qui a de l’éclat rappelle ces ouvrages de l’art dont le brillant charme les yeux, ou ces fleurs nouvellement écloses qui parent nos jardins de leurs vives couleurs. […] La pensée est hardie lorsqu’elle présente les objets avec des tours ou des traits frappants, des expressions ou des couleurs extraordinaires, qui paraissent sortir de la règle. […] La description, qui est la peinture d’un objet dans ses détails les plus pittoresques et les plus intéressants et avec ses couleurs les plus vives, diffère du tableau, dit Marmontel à qui nous empruntons une grande partie de cet article, en ce que le tableau n’a qu’un moment et qu’un lieu fixe. […] Les images, comme les pensées et les sentiments, sont quelquefois sublimes, c’est-à-dire qu’elles représentent de grands objets avec des couleurs si vraies, si vives et si fortes, que l’âme est ravie d’admiration.

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