Mais les écrivains doués d’une oreille sensible, et d’un goût sûr et délicat, ont su trouver au besoin, dans cette même langue, si ingrate et si stérile pour les autres, des nombres analogues à la pensée, au sentiment, au mouvement de l’âme qu’ils voulaient exprimer. […] N’outrons rien ; mais admettons, avec Aristote, qu’une prose trop harmonieuse, trop rythmique serait ridicule, par cela seul qu’elle passerait les limites qui la séparent de la poésie : ποίημα γὰρ ἕσται ; mais qu’une prose totalement dénuée du charme de l’harmonie, serait également défectueuse, parce qu’elle n’offrirait point à l’oreille le repos qu’elle attend et dont elle a besoin : τὸ δὲ ἄῤῥυθμον, ἀπέραντον.
Vivant sous la tente patriarcale, éprouvant peu de besoins, trouvant la terre docile à leurs désirs et produisant sans culture les fruits les plus délicieux, entourés de nombreux troupeaux qui leur assuraient une existence facile, exempte de soucis, ne soupçonnant pas l’existence des honneurs et des richesses, n’abandonnant leurs cœurs qu’à des passions douces et innocentes, les hommes durent nécessairement se contenter d’un langage fort limité pour l’expansion de leurs sentiments et l’expression de leurs idées. Rendre hommage au Créateur, affectionner leur famille, veiller à l’instruction et à la conservation de leurs troupeaux dans les belles plaines voisines du Tigre et de l’Euphrate, recueillir les fruits de la terre complaisante : telles furent leurs principales occupations, et presque les seules idées qu’ils durent transmettre à leurs fils ; aussi n’eurent-ils besoin pour ce travail que d’un très petit nombre d’expressions ou de mots, et la nomenclature du premier langage dut être, sans contredit, fort restreinte.
Cette circonspection sévère n’a pas besoin d’être excusée. […] Était-ce là de ces tempêtes par où le ciel a besoin de se décharger quelquefois ? […] Que ne lui promit-on pas dans ces besoins ? […] Ô homme important et chargé d’affaires, qui, à votre tour avez besoin de mes offices, venez dans la solitude de mon cabinet ! […] Et en effet, de quoi l’Église a-t-elle besoin ici-bas ?
L’écrivain qui sent le nombre règle la longueur de sa phrase sur l’objet dont il parle, sur l’harmonie de la cadence et le besoin de la respiration. […] Du reste, il est impossible de poser des règles absolues pour l’application du style périodique et du style coupé ; on peut employer l’un et l’autre dans un même ouvrage, selon que le besoin s’en fait sentir. […] Elles naissent naturellement du besoin d’exprimer vivement la pensée ; de lui donner une tournure pittoresque, ou de suppléer aux expressions qui manquent dans la langue pour rendre certaines idées : c’est ainsi qu’on dit un rayon d’espérance, une feuille de papier. […] Les figures doivent s’offrir naturellement à notre esprit quand il a besoin de les employer ; on les fait sans le savoir, comme M. […] Les langues varient sans cesse, avec l’esprit et le caractère des peuples ; de nouvelles idées, des besoins nouveaux amènent nécessairement des expressions nouvelles qui y correspondent ; certains mots vieillissent et tombent en désuétude, on les oublie ; d’autres prennent faveur : ainsi, dit Horace, les feuilles des forêts se renouvellent chaque année.
La plus riche est celle qui a le moins besoin de ces sortes d’emprunts qui sont toujours des preuves d’indigence. […] L’ellipse doit son introduction dans la langue au besoin d’exprimer promptement sa pensée. […] La conversation en fourmille ; dans le style, l’ellipse se rencontre plus rarement, parce que l’écrivain sent la nécessité de bien dire plutôt que le besoin de dire vite. […] Cette définition concise a besoin d’être expliquée par des réflexions et des exemples. […] Un trait héroïque a sa pensée profonde qui fait agir, et son langage n’a pas besoin de venir à nos oreilles ; le cœur entend tout.
Que la philosophie parvienne à leur faire aimer la vérité pour elle-même ; quand elle y aura réussi, l’éloquence n’aura plus besoin d’avoir recours aux passions. […] Il veut démontrer que si la dépravation de la raison nous fait sentir le besoin que nous avons d’un remède qui la guérisse, les inconstances et les variations éternelles de cette raison apprennent encore à l’homme qu’il ne peut se passer d’un frein et d’une règle qui la fixe. […] À tant de calamités, à des plaies si hideuses et si touchantes, vous ne fermâtes pas votre cœur, et n’endurcîtes pas, Seigneur, vos entrailles ; mais vous tirâtes des trésors de votre miséricorde une de ces grandes ressources que vous ne refusez jamais aux besoins extrêmes de votre Église. […] Il n’est pas douteux, non plus, qu’il n’ait besoin d’une connaissance assez étendue des belles-lettres, pour orner des sujets qui peuvent ne présenter par eux-mêmes aucun agrément, et pour faire naître des fleurs dans un terrain qui, au premier aspect, paraît aride ou propre seulement à produire des épines. […] Je n’avais pas besoin de cette leçon pour savoir qu’il y a peu de distance du Capitole à la roche Tarpéienne ; mais l’homme qui combat pour la raison, pour la patrie, ne se tient pas si aisément pour vaincu.
Le don a, pour les uns et les autres, de quoi répondre à leurs besoins. […] (Il y a avantage) dans ce qui a moins besoin de l’autre chose225 ou de diverses autres choses ; car cela se suffit mieux à soi-même ; or on a moins besoin d’autre chose quand on n’a besoin que de choses moins importantes, ou plus faciles à obtenir. […] Or celle-ci se suffit mieux qui n’a pas besoin d’une autre, d’où l’on voit qu’elle est un plus grand bien. […] Les besoins sont des appétits, et au premier rang sont ceux auxquels se joint le chagrin de la privation. […] Cette impression, après tout, n’a rien que de naturel, car beaucoup de gens ont besoin de ceux qui possèdent.
Le néologisme consiste à employer sans besoin et sans goût des termes nouveaux, à se servir de tours de phrase recherchés, et à unir d’une manière bizarre plusieurs mots qui ne peuvent aller ensemble. […] Mais, pour qu’on puisse le faire légitimement, il faut que les nouvelles expressions soient nécessaires, agréables et intelligibles ; que les tours soient justes, et que les alliances de mots, fondées sur la véritable signification de ces mots, soient nécessitées par le besoin réel d’exprimer une belle pensée qui, sans cela, ne serait pas bien entendue. […] Voici le sage conseil que Maynard donnait à un jeune homme qui affectait d’écrire d’une manière inintelligible : Mon ami, chasse bien loin Cette noire rhétorique : Tes écrits auraient besoin D’un devin qui les explique : Si ton esprit veut cacher Les belles choses qu’il pense, Dis-moi qui peut t’empêcher De te servir du silence ? […] 4° Par une expression plus noble rapprochée du terme bas ou commun, ou par une allusion piquante : Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses ?
Je m’en coureuz à la gendarmerie2, trouppe à trouppe, et leur priay de s’acheminer seulement le petit pas, leur disant : « Ce n’est pas à vous, messieurs, à qui il faut par belles remonstrances mettre le cueur au ventre ; je sçay que vous n’en avés pas besoin ; il n’y a noblesse en France qui esgalle celle de nostre Gascongne. […] Il les avait harangués : « La nuict j’y avois revassé, et ay eu ce don de Dieu, encore que je ne sois pas grand clerc, de me sçavoir bien exprimer quand j’en ay eu besoin. » 5.
Je suppose, ce qu’à Dieu ne plaise, que toute notre Angleterre soit athée par principes, je conviens qu’il pourra se trouver plusieurs citoyens qui, nés tranquilles et doux, assez riches pour n’avoir pas besoin d’être injustes, gouvernés par l’honneur, et, par conséquent, attentifs à leur conduite, pourront vivre ensemble en société. […] L’agitation, la fièvre du travail et du plaisir lui devint un besoin, une seconde nature. […] Ces vérités de simple bon sens ont besoin d’être répétées dans tous les temps, et aujourd’hui plus que jamais.
Le besoin le fit homme de lettres. […] La langue était assez épurée pour n’avoir plus besoin que de hautes pensées. […] Pour séparer le vrai du faux, nous avons besoin d’un autre criterium plus exact, plus philosophique. […] Mais il n’était pas besoin qu’elle le montrât pour qu’elle fût obligatoire. […] Honorons les hommes supérieurs, et proposons-les en imitation ; car c’est en préparer de semblables, et jamais le monde n’en a eu un besoin plus grand.
Dans les compositions littéraires, elle rappelle les modèles en même temps que les règles, et présente aux facultés dont nous avons parlé plus haut les matériaux dont elles ont besoin. […] Le goût a-t-il besoin d’être dirigé ?
On n’a pas besoin de savoir les Offices 3 de Cicéron, pour être un homme de bien ; et la femme du monde la plus honnête sait peut-être le moins ce que c’est que l’honnêteté. […] Je trouvais en moi un vide inexplicable que rien n’aurait pu remplir, un certain élancement de cœur vers une autre sorte de jouissance, dont je n’avais pas d’idée, et dont pourtant je sentais le besoin. […] Je ne demandais pour moi qu’une vie innocente et tranquille, exempte du vice, de la douleur, des pénibles besoins, la mort des justes et leur sort dans l’avenir. […] « Un continuel besoin d’épanchement met à tout moment mon cœur sur mes lèvres.
Ils n’ont point d’opinion qui soit à eux, qui leur soit propre ; ils en empruntent à mesure qu’ils en ont besoin, et celui à qui ils ont recours n’est guère un homme sage, ou habile, ou vertueux ; c’est un homme à la mode. Clitiphon ou l’important Je vais, Clitiphon, à votre porte ; le besoin que j’ai de vous me chasse de mon lit et de ma chambre : plût aux dieux que je ne fusse ni votre client ni votre fâcheux ! […] O homme important et chargé d’affaires, qui, à votre tour, avez besoin de mes offices2, venez dans la solitude de mon cabinet !
Quintilien l’a dit lui-même : « N’allez pas croire qu’il faille, sur chaque sujet, sur chaque pensée, interroger tous les lieux communs, les uns après les autres, et frapper, pour ainsi dire, à leur porte, pour voir s’ils ne répondraient pas aux besoins de la question ; ce ne serait prouver ni expérience ni facilité. » A l’exemple de Quintilien, Vico compare ingénieusement les lieux à l’alphabet. […] La rhétorique, qu’on ne l’oublie pas, ne donne point les idées ; elle indique où et comment on peut les découvrir, les disposer, les mettre en œuvre, les retrouver au besoin.
Cette ardeur a passé à de tels excès, qu’il a eu besoin de toute son autorité pour la réprimer. […] Cependant il est merveilleux que, parmi les soins d’une guerre qui a dû, ce semble, l’occuper tout entier, ce prince soit encore entré dans le détail du gouvernement de son État, et qu’on l’ait vu aussi appliqué aux besoins particuliers de ses sujets que si toutes ses pensées avaient été renfermées au dedans de son royaume.
A Paris il fut bientôt connu de M. de Pontchartrain, alors contrôleur général, qui, pour s’assurer de ce qu’il valait, n’eut besoin ni d’employer toute la finesse de sa pénétration, ni de le faire passer par beaucoup d’essais sur des affaires de finances dont il lui confiait le soin. […] Ainsi, le vrai a besoin d’emprunter la figure du faux pour être agréablement reçu dans l’esprit humain : mais le faux y entre bien sous sa propre figure ; car c’est le lieu de sa naissance et sa demeure ordinaire, et le vrai y est étranger.