Mais la poésie, qui ne doit être autre chose que l’imitation fidèle de la nature, et qui s’attache à peindre tout ce qui est susceptible d’être peint par les sons ; la poésie a retenu et perfectionné la langue imitative : c’est un de ses caractères distinctifs ; et toute poésie qui ne peint rien par le mouvement du vers ou par la vérité de l’expression imitative, tombera bientôt dans un éternel oubli. C’est ce qu’on ne saurait trop répéter à ceux qui aspirent à la réputation de poètes, pour avoir rassemblé au hasard quelques lignes d’une prose mal conçue et mal écrite, et qui n’a rien de la poésie, que le refrain monotone d’une rime placée machinalement au bout d’un certain nombre de syllabes. […] Dans les écrivains du second ordre, au contraire, tout présente les traces pénibles d’efforts rarement heureux ; et ce rapprochement involontaire, mais perpétuel, de la nature, grande et belle sans effort, et de l’art qui se tourmente infructueusement pour l’imiter mal, altère sensiblement quelquefois le plaisir que pourraient nous faire les plus beaux morceaux de poésie moderne. […] Un mérite particulier à la poésie d’Homère et de Virgile, c’est que l’harmonie imitative est presque continue dans leurs vers, sans jamais y être monotone, parce qu’elle y est toujours l’expression vraie et simple de la nature, bien observée et peinte avec des traits, et dans des langues dignes d’elle. […] Tous les amateurs de la poésie savent par cœur, et ne se lassent point de répéter, ces beaux vers du quatrième chant : Chiama gli abitator dell’ombre eterne Il rauco suon de la tartarea tromba : Treman le spaziose atre caverne, E l’aer cieco a quel rumor rimbomba.
Que comprend-on sous le nom de poésies fugitives ? On donne le nom de poésies fugitives à de petites pièces de vers sur divers sujets, inspirées par une occasion, une circonstance quelconque, et qui n’ont entre elles aucune liaison. […] Nous allons maintenant passer en revue, dans les onze articles suivants, les onze espèces de poésies fugitives que nous avons citées plus haut. […] Les suivantes nous paraissent remplir les conditions pour ce genre de poésie. […] Citez un exemple de ce genre de poésie.
C’est donc la narration ou le récit qui forme le fondement et la base de cette espèce de poésie. […] Il y a donc, dans ce genre de poésie, plusieurs espèces de poèmes, que l’on peut distinguer selon la nature du sujet. […] Ce merveilleux moral est loin d’être admirable, et est fort près de manquer de poésie. […] Mais il faut que ce raisonnement soit embelli, autant qu’il peut l’être, des charmes de la poésie. […] Ce genre de poésie défigure un sujet déjà traité noblement, et travestit les choses les plus élevées et les plus sérieuses en plaisanteries bouffonnes.
L’écueil de l’élégie, c’est d’énerver l’âme : malgré le soulagement passager qu’elle procure, elle affaiblit et décourage ceux qui se livrent avec trop d’abandon au charme décevant de ces gémissements de la poésie : il est dangereux de se laisser trop aller à la volupté des larmes. […] Lamartine a bien compris cette mission sainte de l’élégie : sa poésie est vraiment celle des cœurs tendres et affligés. […] L’élégie moderne a eu de hardies inspirations, et s’est souvent rapprochée de la poésie lyrique au point de se confondre avec elle. […] Delavigne sait des chants patriotiques à la manière de Tyrtée ; les poésies de Lamartine et de Byron sont souvent des élégies au large essor26.
Poésie didactique. […] Dans les autres genres de poésie, l’instruction est subordonnée à l’amusement ; dans celui-ci, c’est l’amusement qui est subordonné à l’instruction. […] Poésie descriptive. […] Le poète qui décrit cherche à briller par l’imitation de la nature, par la symétrie des vers, par la cadence habilement calculée, par la pompe des mots et l’harmonie des sons ; mais cette poésie, qui lutte d’expression avec la nature, parle plus à l’oreille qu’à l’âme, et est trop souvent vague et creuse ; elle s’avilit en devenant un ingénieux mais puéril mécanisme.
Les règles de l’éloquence, de la poésie et des autres arts ayant été prises dans la nature du cœur humain, ont toujours été et seront toujours aussi invariables que la raison même. […] Mais d’un autre côté, il serait absurde de penser que, pour pouvoir juger, par exemple, d’un ouvrage de peinture ou de poésie, il fallût être peintre ou poète. […] Celui qui ne mettrait sous les yeux du lecteur, que les vers négligés d’une pièce de poésie, ou les morceaux peu saillants, d’une pièce d’éloquence, lui donnerait une bien fausse idée du poète ou de l’orateur, et serait injuste envers ces écrivains. […] Elles sont l’une et l’autre d’un littérateur philosophe, qui n’ignorait rien de ce qui est essentiel à l’éloquence et à la poésie, et qui en avait approfondi toutes les parties. […] -C, fut l’ennemi déclaré du mauvais goût, qui, de son temps, commençait à s’introduire dans l’éloquence et dans la poésie.
Le peuple de Dieu, dont la poésie a toujours été religieuse, grave et sérieuse, n’a jamais eu de poésie dramatique, ni par conséquent de théâtre. […] Faites connaître l’origine de la poésie dramatique. […] Qu’est ce qui caractérise la poésie dramatique ? […] La poésie dramatique, comme toute poésie sérieuse, doit avoir une fin utile, un but moral. […] La musique veut de la poésie toute pure, des images et des sentiments.
La césure est surtout de rigueur dans les genres élevés de poésie ; elle peut être plus faiblement marquée dans la comédie et dans les genres secondaires. […] Elle est surtout nécessaire à notre poésie, qui, à défaut de mètre, ne se sauve de l’écueil de la monotonie que par la césure et par la rime. […] On appelle rimes redoublées celles qui présentent plus de deux fois le retour de la même rime ; ce redoublement a de la grâce et quelquefois de l’énergie dans la poésie légère et dans la poésie lyrique ; mais il ne faut pas en abuser. […] L’inIversion est admise en poésie bien plus souvent qu’en prose ; elle est un des caractères essentiels et une des beautés du langage poétique ; elle lui donne de la grâce et de la vigueur. […] Les vers libres conviennent surtout au genre lyrique et aux poésies légères.
Cette figure exige une extrême réserve, et appartient presque exclusivement à l’éloquence et à la poésie. […] Il convient à la haute poésie, aux sujets nobles, à cause de son rythme grave et majestueux. […] La rime est la première condition de la poésie française. […] Ces rimes sont les seules adoptées dans la haute poésie. […] Dans la poésie, il n’est point permis, excepté quelques cas rares.
Poésies fugitives. […] Ainsi, le mot épigramme, dans son sens originel, s’applique tout simplement à une pièce de poésie très courte, comme de douze ou quinze vers au plus. […] La brièveté et le sel sont les deux principaux caractères de ce genre de poésie. […] Si l’on se sent un talent décidé pour ce genre de poésie, il faut, ou attaquer des personnages imaginaires, ou s’armer contre les vices généraux de la société, et faire des épigrammes morales, telles que celle-ci de J. […] Ce genre de poésie doit présenter une suite d’idées naturelles et piquantes, d’images douces et gracieuses, qui tendent toutes au même sujet.
Disons seulement à propos de l’imitation de la nature, que c’est surtout la belle nature qu’il faut imiter dans la poésie. […] Il y a des mots qui sont en eux-mêmes ignobles et bas ; le poète doit les éviter, ou, s’il les emploie, il faut qu’il les place de manière à les rendre dignes de la poésie. […] Nous les signalons seulement ici pour montrer qu’ils contribuent, avec les inversions, les épithètes nombreuses et autres figures, à distinguer la poésie de la simple prose. […] Les petites pièces, comme les impromptu, épigrammes, madrigaux, chansons, qu’on appelle souvent poésies fugitives, à cause du peu d’importance qu’on leur attribue. […] Domairon, Poét., de la Poésie en général.
vi (édition 1716) : « Je tâcherai de prouver la vérité de ce sentiment d’Aristote que la poésie d’Homère est plus grave et plus morale que l’histoire. » La poésie met ensuite des noms propres.] […] Il se souvient évidemment d’Aristote, quoiqu’il ne le nomme pas mais l’avait-il bien compris lorsqu’il ajoute, plus bas (p. 16, éd. 1604) : « Or imitant ces deux lumières de poésie (Homère et Virgile), fondé et appuyé sur nos vieilles Annales, j’ay basti ma Franciade sans me soucier si cela est vrai ou non, ou si nos roys sont Troyens ou Germains, Scythes ou Arabes : si Francus est venu en France ou non : car il y pouvoit venir : me servant du possible et non de la vérité. […] Diderot emprunte cette réflexion ainsi que beaucoup d’autres à la Poétique (De la Poésie dramatique, § 10).
Point de grandes choses sans de grandes peines ; et il n’y a point de nation au monde chez laquelle il soit plus difficile que chez la nôtre de rendre une véritable vie à la poésie ancienne. Les premiers poètes formèrent le génie de leur langue ; les Grecs et les Latins employèrent d’abord la poésie à peindre les objets sensibles de toute la nature. Homère exprime tout ce qui frappe les yeux : les Français, qui n’ont guère commencé à perfectionner la grande poésie qu’au théâtre, n’ont pu et n’ont dû exprimer alors que ce qui peut toucher l’âme. — Le langage du cœur et le style du théâtre ont entièrement prévalu : ils ont embelli la langue française, mais ils en ont resserré les agréments dans des bornes un peu trop étroites. […] D’où vient ce grand effet de la poésie, de former et fixer enfin le génie des peuples et leurs langues ? […] À cette époque, n’avaient point encore paru la traduction des Géorgiques par Delille, qui joint au mérite d’une élégance et d’une harmonie soutenues, celui d’une fidélité qui tient quelquefois du prodige : sa traduction de l’Énéide, dans laquelle il y a beaucoup à reprendre, mais plus encore à admirer ; son Paradis Perdu, l’une des plus belles créations de la poésie française.
Boileau était trop préoccupé de l’imitation de l’antiquité païenne pour comprendre que la poésie moderne doit reposer sur des bases nouvelles. […] C’est donc un vrai contresens pour la poésie que d’aller puiser ses inspirations dans un monde qui n’existe plus, dans une religion qui n’est plus pour nous qu’une fantasmagorie fausse et ridicule. […] Il y a, dans les régions célestes où plane l’imagination du chrétien, tout un monde resplendissant de poésie, dont l’épopée peut s’approprier les richesses. […] Souvent le poème héroïque n’est que de l’histoire mise en vers, mais ornée de tous les charmes de l’imagination et de tous les prestiges de la poésie. […] Le poème burlesque, mis autrefois à la mode en France par Scarron, est le degré le plus bas et le plus trivial de la poésie ; c’est ordinairement un travestissement de mœurs et de langage, ou la parodie d’un poème sérieux.
Alfred de Vigny 1799-1863 [Notice] Né de race patricienne, à Loches, en Touraine, mousquetaire du roi, puis capitaine d’infanterie, le comte Alfred de Vigny se retira du service en 1828, pour se vouer plus librement à la poésie. […] Dans toutes ses compositions, roman, poésie ou drame, prose ou vers, la conception toujours élevée domine le reste. […] Comparez l’oiseau-mouche de Buffon. — Ce morceau est éblouissant de ton, et d’une magnificence élégante que la poésie française n’avait point connue jusqu’alors. […] Tiré des Destinées, poésies posthumes, publiées chez Michel Lévy, par les soins pieux de M. […] « Il écrivait : « L’honneur, c’est la poésie du devoir », et de cette pensée exquise il faisait la devise de sa vie. »Louis Ratisbonne.
On entend donc par belles-lettres cette partie des lettres où le beau se révèle, dont le beau est le principal caractère, comme la poésie, l’éloquence, l’histoire, et aussi la philosophie quand elle revêt des formes dignes des sujets sublimes qu’elle embrasse. — On dit aussi, mais plus rarement dans le même sens, les lettres humaines, les lettres polies, humaniores litteræ, parce que les compositions et exercices littéraires adoucissent les mœurs et civilisent les hommes. […] L’Académie comprend, sous le nom de belles-lettres, la poésie, l’éloquence, et aussi la grammaire dont la connaissance approfondie est nécessaire pour le succès des œuvres littéraires. […] Celui dont le cœur est dur ou manque de délicatesse, qui ne sait point admirer ce qui est grand et généreux, qui ne partage point les sentiments doux et tendres, sentira toujours faiblement les beautés les plus sublimes de l’éloquence et de la poésie. […] D’autres observateurs les firent, et ainsi on en a fait de siècle en siècle, à mesure que le génie de l’homme a perfectionné l’éloquence, la poésie et l’art de l’écrivain. […] Comme la poésie a précédé l’éloquence, on en fera ensuite connaître les règles spéciales.