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2. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XII. Abrégé des règles de la versification française. »

Excepté le vers de onze syllabes, qui n’est pas admis par l’usage ni par l’oreille, on fait des vers depuis douze syllabes jusqu’à une. […] C’est l’oreille qui les compte, pour l’harmonie et l’effet qu’on veut produire. […] La rime doit avant tout satisfaire l’oreille ; on peut donc faire rimer les mots qui ont le même son sans avoir les mêmes lettres. […] Si l’oreille ne trouve pas ce nombre cadencé, ce rythme mélodieux qu’elle cherche et qu’elle attend, tout le charme s’évanouit. […] Quoique le mélange des vers libres ne soit assujetti à aucune règle positive, il en est une cependant qu’on ne saurait violer impunément : c’est celle de l’harmonie exigée par l’oreille.

3. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉLÉGANCE LATINE. — CHAPITRE III. De la disposition des mots qui composent le discours. » pp. 78-143

Cette combinaison, sans doute, est agréable à l’oreille. […] Mais quelle différence pour l’oreille ! […] C'est à la fois afin d’avoir pour finale un mot qui sonne bien à l’oreille, et qui soit comme le dénouement de tout ce qui précède. […] C'est à l’oreille de juger laquelle des deux s’unit le mieux avec le mot suivant. […] Dès que ces paroles eurent frappé les oreilles de la multitude.

4. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VI. De l’Harmonie du Style. »

Le premier organe que l’écrivain doit chercher à captiver, c’est l’oreille. […] Tous les genres de littérature n’exigent pas un style également nombreux ; mais tous demandent un style satisfaisant pour l’oreille. […] Ils se sont attachés, et ils sont parvenus avec succès à peindre la pensée dans les mots seulement, dont l’esprit et l’oreille devaient être vivement frappés. […] Ne serait-ce pas, pour l’oreille, l’effet intolérable du tintement monotone d’une grosse cloche ? […] Il y a harmonie enfin dans les chutes qui sont soutenues ou adoucies, molles ou fermes, sourdes ou brillantes, variées enfin, comme la pensée ou le style, au gré de l’esprit et de l’oreille.

5. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Supplément aux exemples. »

C’est peu d’aimer les vers, il les faut savoir lire ; Il faut avoir appris cet art mélodieux De parler dignement le langage des dieux ; Cet art qui, par les tons des phrases cadencées, Donne de l’harmonie et du nombre aux pensées ; Cet art de déclamer dont le charme vainqueur Assujettit l’oreille et subjugue le cœur. […] L’harmonieux débit que ta muse me vante Ne séduisit jamais une oreille savante. […] d’une lecture insipide et glacée Tu prétends attrister mon oreille lassée ! […] Enfin, quoique son aigre et déchirante voix De sa rauque allégresse importune les bois, Qu’il offense à la fois et les yeux et l’oreille, Que le châtiment seul en marchant le réveille, Qu’il soit hargneux, revêche et désobéissant, À force de malheur l’âne est intéressant ; Aussi le préjugé vainement le maltraite, En dépit de l’orgueil il aura son poète. […] Dieu submergea, Je travaillais dans l’ombre, — et je songeais déjà, Tandis que j’écrivais — sans peur, mais sans système, Versant le barbarisme à grands flots sur le thème, Inventant aux auteurs des sens inattendus, Le dos courbé, le front touchant presqu’au Gradus, Je croyais, car toujours l’esprit de l’enfant veille, Ouïr, confusément, tout près de mon oreille.

6. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre I. — Défauts et qualités de la phrase »

Mille sons qui heurtent son oreille, ne sont pour lui qu’un bruit confus ; ses pieds ne peuvent le porter, ses mains ne savent rien saisir, sa peau délicate ne sent rapproche des objets extérieurs que par le choc douloureux qu’ils lui font éprouver. […] L’action des corps qui s’agitent et qui se rencontrent, frappe son oreille d’une harmonie composée de mille lotis différents. […] L’harmonie du style en général est un son ou une succession de sons pleins de douceur, qui frappent agréablement l’oreille. […] Comme on le voit dans les vers de ce célèbre maître, Boileau nous recommande de ne pas blesser l’oreille ; car, puisque c’est l’oreille qui reçoit les paroles qui doivent convaincre l’esprit ou émouvoir le cœur, ce serait par conséquent manquer le but que de commencer par l’indisposer ou la rebuter entièrement. […] La suite de cette éloquente oraison funèbre se distingue par des beautés d’un ordre aussi élevé, et nous apprend qu’en général le choix des expressions, la tournure des phrases, la coupe des périodes, en flattant agréablement l’oreille, porte dans les ouvrages de ce genre ; un air de grandeur et de majesté dont les pensées seules ne pourraient, jamais les revêtir.

7. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre III. De la forme extérieure de la poésie » pp. 22-70

La consonnance des finales doit être sensible à l’oreille, et par conséquent tomber sur des syllabes sonores. […] La régularité demande, pour l’oreille, l’accord des sons essentiels ; et, pour l’orthographe, les mêmes caractères ou des caractères équivalents. […] La rime est-elle bonne quand l’oreille n’est pas frappée du même son ? La rime est vicieuse quand l’oreille n’est pas frappée du même son, quoique l’orthographe soit la même. […] C’est l’oreille et l’usage qu’il faut consulter pour l’emploi de cette licence.

8. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l’esprit quand l’oreille est blessée. […] Les longs mots sont en général plus agréables à l’oreille que les mono syllabes. […] Parmi les longs mots, ceux qui flattent le plus l’oreille sont les mots composés d’un mélange de syllabes brèves et longues. […] C’est surtout dans la distribution de la phrase qu’il faut éviter les sons désagréables qui peuvent blesser l’oreille. […] Cette harmonie demande une oreille très délicate et très exercée.

9. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Boileau 1636-1711 » pp. 401-414

Là, sur des tas poudreux de sacs et de pratique3, Hurle tous les matins une Sibylle étique4 : On l’appelle Chicane ; et ce monstre odieux Jamais pour l’équité n’eut d’oreilles ni d’yeux. […] Ce n’est pas que leurs sons, agréables, nombreux, Soient toujours à l’oreille également heureux ; Qu’en plus d’un lieu le sens n’y gêne la mesure, Et qu’un mot quelquefois n’y brave la césure4 : Mais c’est qu’en eux le vrai, du mensonge vainqueur, Partout se montre aux yeux et va saisir le cœur ; Que le bien et le mal y sont prisés au juste ; Que jamais un faquin n’y tint un rang auguste, Et que mon cœur, toujours conduisant mon esprit, Ne dit rien aux lecteurs qu’à soi-même il n’ait dit. […] N’offrez rien au lecteur que ce gui peut lui plaire : Ayez pour la cadence une oreille sévère. […] Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée, Ne peut plaire à l’esprit quand l’oreille est blessée. […] Par ce sage écrivain la langue réparée, N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée.

10. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

Aussi rien alors n’est si aisé, si coulant que l’harmonie de ses vers, qui semblent caresser l’oreille, autant que l’occuper. […] L’oreille frémit : elle entend le craquement de leurs os. […] Virgile, toujours sage, au milieu même de ses écarts, ne donne à l’oreille que ce qu’exige la vérité, et l’harmonie est toujours chez lui l’accord juste du tact le plus exquis avec l’imagination la plus brillante. […] Les contrastes d’harmonie sont fréquents dans Virgile, et si sensibles, que l’oreille la moins exercée s’y méprendrait rarement.

11. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VI. De l’élocution et du style. »

Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée. […] L’harmonie, est ce charme du style qui résulte, pour l’oreille, de l’heureux choix des mots et de leur habile combinaison. […] L’écrivain qui a l’oreille délicate donne à la pensée un souffle harmonieux, qui retentit agréablement à l’oreille du lecteur ou de l’auditeur ; c’est par là surtout qu’il plait et saisit l’imagination. Un style dur, raboteux, sans harmonie, fait l’effet d’un concert discordant, dont la cacophonie écorche l’oreille. […] Le nombre ne peut avoir de règles fixes comme la poésie ; il dépend entièrement de l’oreille ; c’est une harmonie de sentiment.

12. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre troisième. Du discours. »

Il n’y a donc pas de vers de neuf, de onze et de treize syllabes et au-dessus, parce que ces mètres se prêtent peu au rhythme, et qu’ils produisent sur l’oreille un effet désagréable. […] Son rhythme est doux et agréable à l’oreille. […] L’art du versificateur consiste à ménager les degrés du repos, pour le plus grand charme de l’oreille. […] La rime masculine n’étant que pour l’oreille et non pas pour les yeux, on doit, en la cherchant, se guider par le son plutôt que par l’orthographe. […] L’oreille pourrait se reposer sur trois ou quatre syllabes, et pour peu que la pensée fût grande, il s’en suivrait une césure supportable.

13. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Notions préliminaires. »

C’est au poète à choisir la plus agréable à l’oreille, et la plus convenable à son sujet. […] On peut dans d’autres sujets, et, surtout dans des pièces badines, ou destinées à être mises en musique, faire des vers de tout pied, qu’on appelle libres, et croiser les rimes en consultant toujours l’oreille et l’harmonie. […] Sans cette attention, l’oreille du lecteur serait un peu choquée de trouver, en passant d’une stance à l’autre, deux vers masculins, ou deux vers féminins qui ne rimeraient pas ensemble, comme dans celles-ci : Rois, chassez la calomnie. […] C’est cette variété de tons qui charme l’oreille, et qui, par l’impression qu’elle fait sur cet organe, parvient à ébranler doucement notre âme, et à la plonger dans une espèce de ravissement. […] On voit, dans ce dernier exemple, surtout, que l’oreille est bien loin d’être agréablement flattée par le retour des mêmes sons.

14. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — NOTIONS PRÉLIMINAIRES. » pp. 264-266

Quand cet enchaînement existe, l’oreille est satisfaite, quand même les règles générales ne seraient pas rigoureusement observées. […] Les élisions qui se font parmi un concours de voyelle et de consonnes douces à l’oreille, ne sont point désagréables, pourvu qu’elles ne soient pas trop fréquentes ; elles donnent de la variété au vers et de l’agrément au style.

15. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — A. Chénier. (1762-1794.) » pp. 304-312

Ses traits sont grands et fiers ; de sa ceinture agreste Pend une lyre informe, et les sons de sa voix Emeuvent l’air et l’onde et le ciel et les bois. »     Mais il entend leurs pas, prête l’oreille, espère, Se trouble, et tend déjà les mains à la prière1. […] Et si, dans le chemin, rapsode ingénieux, Tu veux nous accorder des chants dignes des cieux, Nous dirons qu’Apollon, pour charmer les oreilles, T’a lui-même dicté de si douces merveilles3. […] Il les entend, près de son jeune guide, L’un sur l’autre pressés, tendre une oreille avide ; Et Nymphes et Sylvains sortaient pour l’admirer, Et l’écoutaient en foule, et n’osaient respirer ; Car, en de longs détours de chansons vagabondes, Il enchaînait de tout les semences fécondes, Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air, Les fleuves descendus du sein de Jupiter, Les oracles, les arts, les cités fraternelles, Et depuis le chaos les amours immortelles5.

16. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Delille 1738-1813 » pp. 464-472

Même absent, on le craint : il voit, il entend tout ; Un invisible oiseau lui dit tout à l’oreille ; Il sait celui qui rit, qui cause, qui sommeille, Qui néglige sa tâche, et quel doigt polisson D’une adroite boulette a visé son menton. […] Ce mouvement, ce bruit, cette mer turbulente, Roulant, montant, tombant en montagne écumante, Enivraient mon esprit, mon oreille, mes yeux ; Et le soir me trouvait immobile en ces lieux3. […] Cette clôture même où l’enfance captive Prête aux tristes leçons une oreille craintive, Qui de nous peut la voir sans quelque émotion1 ?

17. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Bossuet. (1627-1704.) » pp. 54-68

N’attendez pas de l’Apôtre ni qu’il vienne flatter les oreilles par des cadences harmonieuses, ni qu’il veuille charmer les esprits par de vaines curiosités. […] Son discours, bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal et sans suite à ceux qui ne l’ont pas assez pénétré ; et les délicats de la terre, qui ont, disent-ils, les oreilles fines, sont offensés de la dureté de son style irrégulier. […] De là vient que nous admirons dans ses admirables Epîtres une certaine vertu3 plus qu’humaine, qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. […] L’oreille a son tambour, où une peau, aussi délicate que bien tendue, résonne au mouvement d’un petit marteau que le moindre bruit agite ; elle a, dans un os fort dur, des cavités pratiquées pour faire retentir la voix, de la même sorte qu’elle retentit parmi les rochers et dans les échos.

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