Celui qui dit incessamment qu’il a de l’honneur et de la probité, qu’il ne nuit à personne, qu’il consent que le mal qu’il fait aux autres lui arrive, et qui jure pour le faire croire, ne sait pas même contrefaire l’homme de bien. […] Ce palais, ces meubles, ces jardins, ces belles eaux, vous enchantent, et vous font récrier d’une première vue sur une maison si délicieuse, et sur l’extrême bonheur du maître qui la possède : il n’est plus, il n’en a pas joui si agréablement ni si tranquillement que vous ; il n’y a jamais eu un jour serein ni une nuit tranquille ; il s’est noyé de dettes pour la porter à ce degré de beauté où elle vous ravit : ses créanciers l’en ont chassé ; il a tourné la tête, et il l’a regardée de loin une dernière fois ; et il est mort de saisissement1. […] D’abord elle se plaint qu’elle est lasse et recrue1 de fatigue ; et le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu’elle vient de faire : elle dit qu’elle est le soir sans appétit ; l’oracle lui ordonne de dîner peu : elle ajoute qu’elle est sujette à des insomnies, et il lui prescrit de n’être au lit que pendant la nuit : elle lui demande pourquoi elle devient pesante, et quel remède ?
La Mort, déployant ses ailes, Couvrait d’ombres éternelles La clarté dont je jouis ; Et dans cette nuit funeste, Je cherchais en vain le reste De mes jours évanouis. […] …………………………… Je disais à la nuit sombre : Ô nuit ! […] ce peuple prosterné, Ce temple dont la mousse a couvert les portiques, Ses vieux murs, son jour sombre et ses vitraux gothiques ; Cette lampe d’airain, qui, dans l’antiquité, Symbole du soleil et de l’éternité, Luit devant le Très-Haut, jour et nuit suspendue ; La majesté d’un Dieu parmi nous descendue, Les pleurs, les vœux, l’encens qui montent vers l’autel, Et de jeunes beautés, qui, sous l’œil maternel, Adoucissent encore par leur voix innocente De la religion la pompe attendrissante ; Cet orgue qui se tait, ce silence pieux, L’invisible union de la terre et des cieux, Tout enflamme, agrandit, émeut l’homme sensible : Il croit avoir franchi ce monde inaccessible, Où sur des harpes d’or l’immortel séraphin Au pied de Jehovah chante l’hymne sans fin.
Partout cette demi-clarté Dont la morne tranquillité Suit un crépuscule d’été, Ou de l’aurore Fait pressentir que le retour2 Va poindre au céleste séjour, Quand la nuit n’est plus, quand le jour N’est pas encore3 ! […] Assis sur la rive opposée, Je te vois, lorsque le soleil Sur tes gazons boit la rosée, Sourire encore à ton réveil, Et d’un brouillard pâle entourée, Quand le jour meurt avec le bruit, Blanchir comme une ombre adorée Qui nous apparaît dans la nuit.
Nuit déjà froide, mais brillante, calme, majestueuse. […] Nous avons dit que chez l’homme et chez l’animal même la figure est belle par l’expression ; mais, quand vous êtes sur les hauteurs des Alpes ou en face de l’immense Océan, quand vous assistez au lever ou au coucher du soleil, à la naissance de la lumière ou à celle de la nuit, ces imposants tableaux ne produisent-ils pas sur vous un effet moral ?
— Averti qu’un corps ennemi était campé dans un village, à une lieue de nos avant-postes, je partis à la nuit close avec un escadron de chevau-légers. […] Un malheureux avait pénétré la nuit dans la chambre d’une pauvre vieille et l’avait étranglée pour avoir ses nippes. […] Toujours les poëtes opposeront le jour à la nuit, l’aurore au déclin, le berceau à la tombe, la force à la faiblesse, le grand au petit, le bien au mal, l’effet à la cause, etc.
Nous cherchâmes, tant qu’il fit jour, notre chemin à travers ces bois ; mais plus nous cherchions, plus nous nous perdions, et il était nuit noire quand nous arrivâmes près d’une maison fort noire. […] La nuit s’était déjà passée presque entière assez tranquillement, et je commençais à me rassurer, quand sur l’heure où il me semblait que le jour ne pouvait être loin, j’entendis au-dessous de moi notre hôte et sa femme parler et se disputer ; et, prêtant l’oreille par la cheminée qui communiquait avec celle d’en bas, je distinguai ces propres mots du mari : « Eh bien !
Telles sont ces vers si touchants où Virgile (traduit par Delille) peint la douleur d’Orphée après la mort d’Eurydice : Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] Et à la lune ; « Paraissez et soyez le flambeau de la nuit » ? […] Leur âme, incapable de sentir les plaisirs, semble n’avoir de délicatesse que pour les peines ; un citoyen fut fatigué toute la nuit d’une feuille de rose qui s’était repliée dans son lit. […] Mais au milieu de tant d’avantages, règne une passion funeste pour lui, et peut-être pour le genre humain : c’est une envie excessive de dominer, qui le tourmente jour et nuit. […] Racine donne moins de détails dans le songe affreux d’Athalie : C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit.
Cette nuit, dans l’erreur d’un songe, Au rang des dieux j’étais monté. […] — Et c’est, dit-il, le diable, oyez-vous bien, Ouvrir sa bourse et ne voir rien dedans. » Tel est aussi ce petit conte de Baraton, sur un mot de Caton, rapporté par saint Augustin : Autrefois, un Romain s’en vint fort affligé Raconter à Caton que la nuit précédente Son soulier des souris avait été rongé, Chose qui lui semblait tout à fait effrayante. […] Dans les Folies amoureuses de ce dernier, Agathe chante : Toute la nuit entière, Un vieux vilain matou Me guette sur la gouttière.
Les réveils de la nuit ont été noirs5, et le matin je n’étais point avancée d’un pas pour le repos de mon esprit. […] Cela saisit Vatel ; il dit plusieurs fois : « Je suis perdu d’honneur ; voici un affront que je ne supporterai pas. » Il dit à Gourville6 : « La tête me tourne, il y a douze nuits que je n’ai dormi ; aidez-moi à donner des ordres. » Gourville le soulagea en ce qu’il put. […] Gourville le dit à M. le Prince, M. le Prince alla jusque dans sa chambre, et lui dit : « Vatel, tout va bien, rien n’était si beau que le souper du Roi. » Il dit : « Monseigneur, votre bonté m’achève1 ; je sais que le rôti a manqué à deux tables. — Point du tout, dit M. le Prince, ne vous fâchez point, tout va bien. » La nuit vient, le feu d’artifice ne réussit pas, il fut couvert d’un nuage2 ; il coûtait seize mille francs.
Dans l’horreur de la nuit m’égarer sur les eaux. […] Je marchai dans la nuit, conduit par Epicure. […] Isabelle pour qui ce mariage fatal est plus à craindre que le trépas même, sort de sa chambre aussitôt qu’il fait nuit. […] Il faut qu’il les feuillette, qu’il les lise nuit et jour, comme le disoit Horace aux Romains, en parlant des excellens ouvrages de théâtre que les Grecs ont laissés. […] De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur ?
Il en fit un bataillon carré long ; et, quoique chargé de cinq blessures, il se retira en bon ordre en cette forme, au milieu de la nuit, dans la petite ville de Gurau, à trois lieues du champ de bataille. […] La perte de Schullembourg paraissait inévitable ; cependant, après avoir sacrifié peu de soldats, il passa l’Oder pendant la nuit.
Mal employée, elle nuit à la clarté ; on ne doit s’en servir pour cette raison qu’avec beaucoup de circonspection. […] « O nuit désastreuse ! ô nuit effroyable ! […] Que la nuit étale à nos yeux serait un remplissage sans la métaphore gracieuse qui prête à la nuit une sorte d’orgueil. […] On peut dire en général que tout ce qui n’est pas convenablement exprimé nuit à la beauté du style ; mais il y a certaines imperfections qui choquent plus particulièrement.
Il y a des endroits où il faut appeler Paris, Paris, et d’autres où il faut l’appeler capitale du royaume. » — Il fait nuit et Didon veille. — On comprend que le sentiment demande une périphrase pour la première idée, et que cette périphrase exprimera nécessairement le contraste entre le repos silencieux de la nature entière et l’orageuse insomnie de l’infortunée : C’était l’heure où tout dort dans une paix profonde ; Un calme universel assoupissait le monde ; Ni les flots de la mer, ni les feuilles des bois N’exhalaient un murmure, une plainte, une voix ; Les étoiles glissaient dans le ciel taciturne, Les troupeaux réunis sous le bercail nocturne, Les oiseaux colorés, les voyageurs errants Qui peuplent les forêts ou les lacs transparents, Mollement engourdis dans leurs muets domaines, Savouraient le repos et l’oubli de leurs peines, Mais la fille de Tyr veille avec ses ennuis110. Sans doute, vous vous rappelez bien des périphrases pour rendre ces mots : il fait nuit ; comparez-les ensemble, et, si elles appartiennent à de vrais écrivains, vous remarquerez comment elles se modifient d’après l’analogie des idées, d’après la nature des sentiments, et enfin d’après le caractère des ouvrages ; car ce sont là les trois influences auxquelles doit obéir la périphrase. […] C’est en ce sens que Napoléon disait à Sainte-Hélène : « La figure de rhétorique la plus éloquente est la répétition. » Répétition. — Le mot définit la chose : Eurydice, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour.
La nuit enfin les chasse, ils entrent au logis. […] Mais la vue d’une immensité d’eau, dont les bornes paraissent être celles de l’univers, et qui rembrunie sous les ombres de la nuit, reprend insensiblement son azur, à la clarté graduelle du jour naissant : de longs traits de lumière qui paraissent jaillir du sein des eaux pour dorer l’horizon : un tourbillon de feux et d’éclairs étincelants, qui semblent embrasser cette surface liquide, pour annoncer le flambeau de la terre et des cieux : enfin ce grand astre, dont le globe resplendissant paraît s’élancer du milieu des ondes, réalisant, en quelque sorte, les fictions des anciens poètes ! […] Fier d’être le flambeau du monde, Il contemple du haut des airs L’olympe, la terre et les mers Remplis de sa clarté féconde, Et jusques au fond des enfers Il fait rentrer la nuit profonde, Qui lui disputait l’univers. […] Ce bois semblait couronner ces belles prairies, et formait une nuit que les rayons du soleil ne pouvaient percer.
Il a semé, voilà tout ; et de jour, de nuit, par un secret travail, inconnu de lui dans ses voies, la semence a germé, s’est développée, est devenue ce qu’elle devait devenir. […] Ce que voyant, il s’assit plein de tristesse et dit : « Que sera-ce de moi lorsque la nuit viendra et me surprendra dans cette solitude, sans nourriture, sans abri, sans défense ? […] Cette pensée calme ; elle fait qu’on tourne avec espérance ses regards vers l’occident, là où naît l’aurore du jour qui n’est pas de la terre, du jour que ne trouble aucun orage, et que la nuit n’obscurcit jamais1.
Quand vous aurez vu le Tibre, au bord duquel les Romains ont fait l’apprentissage de leurs victoires, et commencé ce long dessein qu’ils n’achevèrent qu’aux extrémités de la terre ; quand vous serez monté au Capitole, où ils croient que Dieu était aussi présent que dans le ciel, et qu’il avait enfermé le destin de la monarchie universelle ; après que vous aurez passé au travers de ce grand espace qui était dédié aux plaisirs du peuple2, et où le sang des martyrs a été souvent mêlé avec celui des criminels et des bêtes, je ne doute point qu’après avoir encore regardé beaucoup d’autres choses, vous ne vous lassiez à la fin du repos et de la tranquillité de Rome, qui sont deux choses beaucoup plus propres à la nuit et aux cimetières qu’à la cour et à la lumière du monde3. […] La fraîcheur et les rosées de la nuit viennent ensuite, et réjouissent ce qui languirait sur la terre sans leur secours ; mais, ayant plutôt abattu la poussière que fait de la boue, il faut avouer qu’elles ne contribuent pas peu aux belles matinées dont nous jouissons3.