Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et qui ne haïssent rien tant que d’être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris6. […] La vraie et la fausse grandeur La fausse grandeur est farouche et inaccessible ; comme elle sent son faible, elle se cache, ou du moins ne se montre pas de front, et ne se fait voir qu’autant qu’il faut pour imposer et ne paraître point ce qu’elle est, je veux dire une vraie petitesse. […] Une naissance auguste, un air d’empire et d’autorité, un visage qui remplisse la curiosité des peuples empressés de voir le prince6, et qui conserve le respect dans le courtisan ; une parfaite égalité d’humeur ; un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou assez de raison pour ne se la permettre point1 : ne faire jamais ni menaces ni repròches ; ne point céder à la colère, et être toujours obéi ; l’esprit facile, insinuant ; le cœur ouvert, sincère, et dont on croit voir le fond, et ainsi très-propre à se faire des amis, des créatures et des alliés ; être secret toutefois, profond et impénétrable dans ses motifs et dans ses projets ; du sérieux et de la gravité dans le public ; de la brièveté, jointe à beaucoup de justesse et de dignité, soit dans les réponses aux ambassadeurs des princes, soit dans les conseils ; une manière de faire des grâces2 qui est comme un second bienfait ; le choix des personnes que l’on gratifie ; le discernement des esprits, des talents et des complexions3, pour la distribution des postes et des emplois ; le choix des généraux et des ministres ; un jugement ferme, solide, décisif dans les affaires, qui fait que l’on connaît le meilleur parti et le plus juste ; un esprit de droiture et d’équité qui fait qu’on le suit jusqu’à prononcer quelquefois contre soi-même en faveur du peuple, des alliés, des ennemis ; une mémoire heureuse et très-présente qui rappelle les besoins des sujets, leurs visages, leurs noms, leurs requêtes ; une vaste capacité qui s’étende non-seulement aux affaires de dehors, au commerce, aux maximes d’État, aux vues de la politique, au reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces, et à leur sûreté par un grand nombre de forteresses inaccessibles ; mais qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails4 de tout un royaume ; qui en bannisse un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté, s’il s’y rencontre ; qui abolisse des usages cruels et impies5, s’ils y règnent ; qui réforme les lois et les coutumes6, si elles étaient remplies d’abus ; qui donne aux villes plus de sûreté et plus de commodités par le renouvellement d’une exacte police, plus d’éclat et plus de majesté par des édifices somptueux ; punir sévèrement les vices scandaleux ; donner, par son autorité et par son exemple, du crédit à la piété et à la vertu ; protéger l’Église, ses ministres, ses droits, ses libertés1 ; ménager ses peuples comme ses enfants2 ; être toujours occupé de la pensée de les soulager, de rendre les subsides légers, et tels qu’ils se lèvent sur les provinces sans les appauvrir ; de grands talents pour la guerre ; être vigilant, appliqué, laborieux ; avoir des armées nombreuses, les commander en personne ; être froid dans le péril3, ne ménager sa vie que pour le bien de son État, aimer le bien de son État et sa gloire plus que sa vie ; une puissance très-absolue, qui ne laisse point d’occasion aux brigues, à l’intrigue et à la cabale ; qui ôte cette distance infinie4 qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche, et sous laquelle tous plient également ; une étendue de connaissances qui fait que le prince voit tout par ses yeux, qu’il agit immédiatement par lui-même, que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres ; une profonde sagesse qui sait déclarer la guerre, qui sait vaincre et user de la victoire, qui sait faire la paix, qui sait la rompre, qui sait quelquefois, et selon les divers intérêts, contraindre les ennemis à la recevoir ; qui donne des règles à une vaste ambition, et sait jusqu’où l’on doit conquérir ; au milieu d’ennemis couverts ou déclarés, se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles ; cultiver les arts et les sciences, former et exécuter des projets d’édifices surprenants ; un génie enfin supérieur et puissant qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers ; qui fait d’une cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille unie parfaitement sous un même chef, dont l’union et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde. […] La foi Si ma religion était fausse, je l’avoue, voilà le piége le mieux dressé qu’il soit possible d’imaginer ; il était inévitable de ne pas donner tout au travers et de n’y être pas pris : quelle majesté, quel éclat des mystères !
» Faux honneurs, vains travaux ! […] ) Ainsi s’exprime le philosophe ancien, qui, détrompé des faux biens dont la poursuite lui semble trop pénible ou lui devient fastidieuse, se replie sur lui-même et se renferme dans la nullité de son indolence. […] Il le savait bien aussi, le sage de l’Écriture ; il l’avait éprouvé, que tout est vain ou faux ici-bas : mais il savait aussi qu’il y a une compensation à tout cela, et qu’il faut bien qu’il en soit ainsi. […] 182Trop frappé cependant d’une fausse lumière, J’ai longtemps ignoré cette vertu première, Cette docilité d’un cœur humble, ingénu, Et qui dans son néant ne s’est point méconnu.
Pascal et Corneille en ont de sublimes ; Pline le jeune, Sénèque, Fléchier, Marivaux, de vives et d’ingénieuses ; mais ces derniers ne peuvent s’en rassasier, et ils en deviennent faux et fatigants. […] « En effet, dit Pascal, ceux qui font des antithèses en forçant les mots sont comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie. […] Mais quand plus tard Clytemnestre le presse de ces questions redoublées : Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Le voici : « Livrés, dès notre enfance, aux préjugés de l’éducation et de la coutume, le désir d’une fausse gloire nous empêche de parvenir à la véritable ; et, par une ambition qui se précipite en voulant s’élever, on veut agir avant que d’avoir appris à se conduire, juger avant que d’avoir connu ; et, si nous osons même le dire, parler avant que d’avoir pensé ». […] « Il s’est élevé au milieu de nous une secte impie et audacieuse ; elle a décoré sa fausse sagesse du nom de philosophie : sous ce titre imposant, elle a prétendu posséder toutes les connaissances.
Ils les changent et les corrompent quand ils sortent de l’enfance ; ils croient qu’il faut imiter ce qu’ils voient, et ils ne le peuvent parfaitement imiter : il y a toujours quelque chose de faux et d’incertain dans cette imitation. […] Le faux est toujours fade, ennuyeux, languissant… 3.
Il résulte de là qu’il est impossible d’asseoir sur rien un jugement solide, que l’homme est la mesure de toutes choses, qu’il n’y a pas plus de passage et de relations possibles de l’être au connaître que d’analogie et de représentation possibles de la pensée à la parole ; en un mot, que tout est vrai et que tout est faux. […] » Tout dans ce début est conforme aux règles banales de la rhétorique : modération de l’orateur, désintéressement, piété, respect des juges, langage insinuant, et cependant tout y est faux. Fausse est l’attitude d’Ulysse, qui affecte une modestie que ses actes démentent, puisqu’il ne revendiquerait pas les armes d’Achille s’il ne s’en jugeait le plus digne ; fausse, cette invocation prématurée à l’ombre du défunt ; fausses, ces larmes d’héritier qui coulent entre deux antithèses. […] Car si la nature ne vous a pas donné une organisation délicate et impressionnable, les préceptes sur le style ne vous apprendront pas plus à parler éloquemment que l’étude de la logique ne vous apprendra à raisonner juste, si vous avez l’esprit faux. […] Une faute d’accent dans le discours est choquante comme une note fausse dans un concert.
Quand la pensée est-elle fausse ? La pensée est fausse lorsqu’elle unit deux idées qui s’excluent mutuellement, comme dans cette phrase : le méchant est heureux ; ou lorsqu’elle désunit celles qui ont du rapport, comme si l’on disait : Dieu n’est pas juste. […] La majesté touche de près à l’enflure, qui revêt de paroles magnifiques une idée fausse, ou qui, par l’emploi de termes emphatiques, veut faire paraître les pensées plus élevées et plus nobles qu’elles ne le sont en réalité. […] Voici l’image sublime qui termine l’ode sur le Jugement dernier, de Gilbert : L’Éternel a brisé son tonnerre inutile, Et d’ailes et de faux dépouillé désormais, Sur les mondes détruits le Temps dort immobile. […] Lorsqu’on s’exprime mal, il y a toujours, indépendamment de ce qui tient à l’art de manier la langue, quelque chose de faux dans la pensée.
Les amitiés littéraires Aimer Molière, c’est avoir une garantie en soi contre bien des défauts, bien des travers et des vices d’esprit ; c’est n’être disposé à goûter ni le faux bel-esprit, ni la science pédante ; c’est savoir reconnaître à première vue nos Trissotins et nos Vadius1 jusque sous leurs airs galants et rajeunis ; c’est ne pas se laisser prendre aujourd’hui plus qu’autrefois à l’éternelle Philaminte, cette précieuse de tous les temps, dont la forme seule change, et dont le plumage se renouvelle sans cesse ; c’est aimer la santé et le droit sens de l’esprit, chez les autres comme pour soi. Aimer et préférer ouvertement Corneille, c’est sans doute une belle chose, et sans aucun doute bien légitime ; c’est vouloir habiter et marquer son rang dans le monde des grandes âmes : et pourtant n’est-ce pas risquer, avec la grandeur et le sublime, d’aimer un peu la fausse gloire, jusqu’à ne pas détester l’enflure et l’emphase, un air d’héroïsme à tout propos ?
De faux rapports de valets gagnés par la mère coquette ont commencé à brouiller Acanthe avec Isabelle sa maîtresse. […] La rhétorique apprend surtout à distinguer l’esprit vrai du faux, à conserver dans la finesse le naturel et la sobriété, à ne pas être ingénieux hors de propos, à ne point tomber dans le prétentieux, à ne jamais perdre de vue le vers de Gresset : L’esprit qu’on veut avoir gâte celui qu’on a. […] Que, sous sa direction, les élèves soumettent à l’analyse ces faux semblants d’originalité et de finesse ; la science des apparences est un grand pas vers celle des réalités.
Molière 1622-1672 [Notice] Molière a peint avec une vérité saisissante tous les types de la physionomie humaine ; il met en scène la cour, la ville et la province : bourgeois et nobles, marchands, médecins et hommes de lois, pédants, fâcheux, fanfarons, fripons, servantes, valets et maîtres, bel esprit, faux savoir, avarice, prodigalité, faiblesse, égoïsme, entêtement, malveillance, vanité, sottise, jalousie, libertinage, misanthropie, irréligion, hypocrisie, en un mot, son siècle, et avec lui l’humanité tout entière. […] Et s’y veut contenter de la fausse pensée Qu’ont tous les autres gens que nous sommes heureux. […] De l’autre qu’on connaît la traitable méthode Aux faiblesses d’un peintre aisément s’accommode ; La paresse de l’huile, allant avec lenteur, Du plus tardif génie attend la pesanteur ; Elle sait secourir, par le temps qu’elle donne, Les faux pas que peut faire un pinceau qui tâtonne ; Et sur cette peinture on peut, pour faire mieux, Revenir, quand on veut, avec de nouveaux yeux. […] Le faux honneur de tout charmer Détruit le véritable.
Le jugement est une faculté par laquelle l’intelligence compare les objets et distingue le vrai du faux. […] Les meilleurs et les plus vantés ont presque toujours quelque chose de tendu, de faux et de guindé. […] L’enflure consiste à employer des termes pompeux et des phrases magnifiques pour exprimer des pensées fausses ou communes. […] En second lieu, ne mêlez pas les faux dieux avec les êtres surnaturels de notre religion. […] Cette opinion, qu’on appelle la théorie de l’art pour l’art, et tout à fait fausse et immorale.
À peine vous aurai-je quittés, que des loups ravisseurs se glisseront parmi vous : au milieu de vous s’élèveront de ces faux esprits qui, mettant une doctrine subtile et erronée à la place des vérités de sentiment, s’efforceront d’entraîner sur leurs pas les disciples de l’évangile. […] à qui nous avons cru plus utile encore de donner des leçons de morale, que de citer des modèles d’éloquence, apprenez de bonne heure et n’oubliez jamais, que l’esprit est essentiellement faux, le goût essentiellement dépravé, quand le cœur est corrompu ; et le cœur est corrompu, quand rien de bon ou d’utile n’y a germé dans l’enfance, ou que ces germes précieux ont été tristement étouffés, dans la suite, par la séduction des mauvais exemples et l’empire des mauvaises habitudes.
Que le moindre clocher sonne le glas d’alarmes ; Que chacun sous son toit se dresse avec ses armes ; Que tout hameau lointain vierge de l’étranger Coure au-devant du flot qui nous veut submerger ; ……………… Que tout homme jaloux d’une sœur, d’une femme, Ayant à lui son champ et sa fierté dans l’âme ; Que tout chef d’une race, et tout enfant pieux Qui sait sous quel gazon reposent ses aïeux, Jurant de recouvrer cette place usurpée, Frappe un coup de sa faux, s’il manque d’une épée. […] Les faux marchent toujours, allongeant derrière elles Les rangs d’épis tombés en réseaux parallèles, Et qui semblent, de loin, tissu fauve et doré, Des toiles de lin neuf qu’on blanchit sur le pré4.
3° Les sujets qui reposent sur une donnée fausse ou puérile. La donnée est-elle fausse, paradoxale même, le langage sera pénible, embarrassé, et le néologisme, obligé pour rendre des idées excentriques, augmentera l’obscurité de l’ensemble.
Et, bien qu’ils se soient vantés d’avoir purgé la terre de la nation des chrétiens, d’avoir aboli le nom chrétien en toutes les parties de l’empire, l’expérience nous a fait voir qu’ils ont triomphé à faux, et leurs marbres ont été menteurs. […] L’heureuse combinaison des tours et la noblesse des termes sont entrés dans le trésor de la prose oratoire : l’exagération emphatique, le faux goût, la recherche, sont demeurés sur le compte de Balzac, et l’on n’a plus compris la gloire de cet écrivain, parce que les fautes seules lui restaient, tandis que ses qualités heureuses étaient devenues la propriété commune de la langue qu’il avait embellie. » 3.
Les généralités peuvent donner de fausses idées et induire en erreur. […] Les propositions sont aussi vraies ou fausses, selon la vérité ou la fausseté des jugemens, c’est ce qu’on appelle leur qualité. […] On exige de plus que la réponse à chaque membre de la disjonctive soit juste ; sans quoi, le dilemme serait faux et ridicule. […] En vain un faux censeur voudrait vous démentir, Et si vous n’en sortez, vous en devez sortir. […] Tous les faux raisonnemens, les vaines ergoteries, les sophismes de toute espèce, naissent ordinairement des vices ou de l’omission des définitions.