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2. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

Mais serait-il vrai que toutes les actions, tous les événements, dussent indistinctement passer sous la plume de l’historien ? […] Dans quel ordre faut-il placer alors ces événements ? […] Aucun des détails propres à éclaircir un événement ou une action mémorable ne doit être passé sous silence. […] L’esprit inquiet se hâte d’arriver à l’événement : que l’historien se hâte donc de l’y conduire. […] Elles peuvent joindre alors au récit des événements publics et généraux, les particularités de leur vie ou de leurs principales actions.

3. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIV. Genre historique. »

L’histoire détaillée est plus instructive, plus attachante ; elle offre plus de prise à l’imagination, parce qu’elle peint les événements et les caractères, et qu’elle met en relief les mœurs, les lois et les institutions. […] L’une, qu’on peut appeler narrative, consiste à détailler beaucoup les événements, en laissant au lecteur à tirer lui-même les conséquences ; elle s’adresse plus à la mémoire et à l’imagination. […] C’est ce qui se rencontre fréquemment dans l’histoire générale, où les événements séparés et multiples, ne peuvent tous être conduits de front. […] L’histoire sacrée raconte les faits relatifs à la religion : on la nomme histoire sainte quand elle renferme les événements religieux antérieurs au Messie ; c’est l’Ancien Testament qui en est la source. […] L’histoire de la littérature est aussi un complément nécessaire de l’histoire politique : si celle-ci présente le tableau des événements, celle-là fait comprendre la marche des esprits.

4. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre V. Du Roman. »

Il s’agit d’abord d’inventer des événements qui soient peu ordinaires, mais vraisemblables ; qui intéressent, attachent le lecteur ; et qui amènent des peintures vraies du cœur humain, des divers mouvements qui l’agitent, et des différentes passions qui le tyrannisent dans les différentes circonstances de la vie. Il faut que rien ne languisse dans le récit de ces événements ; que l’action marche avec rapidité ; que le style vif et plein de chaleur échauffe toujours de plus en plus l’imagination et l’âme du lecteur ; que les situations des personnages n’aient rien de forcé ; que leurs caractères particuliers soient bien marqués, parfaitement soutenus jusqu’à la fin ; et que le dénouement amené naturellement et par degrés, soit tiré du seul fond des événements. Il est permis de rompre le fil du récit de la principale action par des incidents, qui ne sont autre chose que des événements, des circonstances particulières. […] Mais l’amour ne tarda pas à troubler leur repos, et produisit parmi eux des événements considérables qu’il décrit dans son roman. […] Ceux qu’on met au nombre des meilleurs, sont Zaïde et la princesse de Clèves par madame de La Fayette ; faits avec goût, écrits avec décence, et bien propres à entretenir dans les cœurs l’amour de la vertu : Les Mémoires d’un homme de qualité, le Doyen de Killerine, et autres de l’abbé Prévost ; pleins des situations les plus attendrissantes ou les plus terribles, et qui décèlent l’imagination la plus féconde ; mais où quelquefois les événements ne s’accordent pas assez avec la vraisemblance : Gil Blas 130, le Diable boiteux et autres de Lesage 131 ; ils offrent un tableau de tous les états de la vie, le portrait ou la satire du monde : Le Paysan parvenu de Marivaux, très plaisant.

5. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre VI. Contes, romans, nouvelles. »

Il s’agit d’abord d’inventer des événements peu ordinaires, mais qui soient pourtant vraisemblables, c’est-à-dire qui ne soient pas en contradiction formelle soit avec ce que nous voyons ordinairement dans le monde, soit avec la donnée première. Ces événements doivent amener des situations particulières, et, par suite, des peintures vraies du cœur humain, des mouvements qui l’agitent, des passions qui le tyrannisent, des plaisirs ou des peines qui en résultent. […] Le roman d’intrigue est celui où les événements s’embarrassent et s’enchevêtrent afin d’attacher de plus en plus le lecteur. […] Le roman poétique est celui dans lequel les événements ont quelque chose d’héroïque, et où surtout l’auteur affecte en prose les formes de style et les idées généralement réservées à la poésie. […] On ne peut guère citer des romans par extraits, puisque alors ils perdent l’enchaînement des événements qui fait un de leurs mérites.

6. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

Or, on peut avoir à peindre le temps où un événement s’est passé, le lieu où il est arrivé, l’événement lui-même, l’extérieur d’un homme ou d’un animal, et les mœurs. […] La narration est l’exposition d’un seul événement, d’un fait unique. […] L’événement est véritable ou fabuleux, parce qu’il peut avoir eu lieu réellement, ou bien avoir été imaginé par l’écrivain. […] Ainsi, le dénoûment est la partie de la narration où l’on fait connaître le résultat heureux ou malheureux de l’événement. […] La narration fabuleuse ou poétique est l’exposé d’un événement feint, mais vraisemblable.

7. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre III. Du genre épique » pp. 207-250

C’est une entreprise, c’est-à-dire un événement qui comprend un ensemble de faits ou d’actions qui doivent tendre au même but. […] Il faut donc que l’unité soit dans le sujet, et qu’elle résulte de la liaison intime des parties qui se rapportent toutes à un seul événement mémorable et héroïque. […] La première consiste à suivre l’ordre naturel des événements, comme Homère dans l’Iliadeet le Tasse dans la Jérusalem délivrée. […] La seconde manière consiste à se jeter brusquement au milieu des événements pour faire dire ensuite à son héros ce qui a précédé l’événement par lequel le récit a été commencé. […] Le poème narratif est le récit d’un fait quelconque, par exemple, un combat, un voyage, ou tout autre événement intéressant.

8. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre IV. Du genre dramatique. » pp. 252-332

Le grand art de l’exposition est de faire qu’elle sorte tout naturellement de la situation, et qu’elle présente le germe de tous les événements qui doivent composer l’action. […] Le dénoûment a lieu lorsqu’un événement particulier démêle le nœud, lorsqu’un incident termine la pièce. […] L’achèvement ou complément dramatique est la conclusion qui suit l’événement par lequel l’intrigue est dénouée. […] Les événements y sont aussi moins nombreux ; ils y sont inventés pour faire mieux éclater les travers des caractères agissants auxquels la contexture de l’intrigue est subordonnée. […] Les coups de théâtre ou surprises sont des événements imprévus, quoique préparés par l’auteur, qui arrivent subitement dans une pièce.

9. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mignet. Né en 1796. » pp. 504-512

Ces leçons, suivies par un public d’élite, ne furent que le prélude de travaux considérables qui devaient être des événements littéraires. […] Se servir de l’esprit de son temps pour connaître celui des autres siècles ; unir la fermeté des jugements à la fidélité des peintures ; dérouler la suite des événements en remontant à leurs causes ; montrer toute faute suivie d’un châtiment, toute exagération provoquant un retour ; assigner, dans l’accomplissement des faits, la part des volontés particulières qui attestent la liberté morale de l’homme, et l’action des lois générales de l’humanité vers des fins supérieures sous la direction cachée de la Providence : telle est aujourd’hui sa mission. […] Mais si elle ne conserve pas toujours les détails éphémères des événements et les intentions périssables des hommes, elle transmet avec certitude les résultats généraux de la vie des nations et les grands motifs qui les ont produits. En effet, les événements essentiels à connaître éclatent avec évidence, s’accomplissent avec suite, et, transportant jusqu’à l’historien qui sait les interroger et les comprendre, les idées, les sentiments, les besoins d’une époque, lui font découvrir la raison de leur existence et la loi de leur succession. […] Les anciens ne l’appelaient la dépositaire des temps que pour la rendre l’institutrice de la vie, et Polybe disait avec profondeur que si elle ne cherchait pas le comment et le pourquoi des événements, elle n’était bonne qu’à amuser l’esprit.

10. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Il n’a point de talent, s’il ne sait pas enchaîner l’un à l’autre les événements qu’il raconte, de manière à en former un récit suivi. […] Il faut qu’il nous place comme sur un point élevé d’où nous puissions apercevoir toutes les causes qui influent sur les événements. […] L’histoire nous instruit plus par le récit exact et judicieux des événements, que par des leçons expresses et directes. […] Il doit, en second lieu, faire un choix convenable entre les circonstances diverses qui se rapportent à l’événement qu’il raconte. […] Au temps d’Homère, aucun événement n’avait plus de grandeur et d’importance que la guerre de Troie.

11. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

L’hésitation ne saurait l’atteindre, le choix des procédés ne l’embarrasse plus, il n’a qu’à obéir au sujet, et à tirer des événements antérieurs une conséquence prévue. […] Dans les dénoûments semblables, le lecteur demande ce que les rhéteurs appellent l’achèvement, c’est-à-dire les suites de l’événement qui dénoue l’intrigue. […] Ce qu’on a droit d’exiger dans toute fiction, drame ou roman, c’est d’abord que le dénoûment soit amené, c’est-à-dire, comme le veut Aristote, que les événements ne viennent pas simplement les uns après les autres, mais qu’ils naissent les uns des autres ; c’est ensuite qu’autant que possible il soit imprévu ; le premier élément de l’intérêt, c’est pour ainsi dire ce balancement de l’âme suspendue entre la crainte et l’espoir jusqu’à ce que D’un secret tout à coup la vérité connue Change tout, donne à tout une face imprévue. […] J’admets dans l’histoire un épilogue qui dégage des événements passés les leçons qu’ils donnent ou les résultats qu’ils promettent à l’avenir ; dans les œuvres philosophiques ou didactiques, dans certains discours prononcés au barreau ou à la tribune, un sommaire, une récapitulation, qui rappelle avec énergie et variété de forme tout ce qui a été dit, pour le graver plus avant dans la mémoire et en faire mieux saisir l’ensemble par la suppression des développements. […] Les esprits élevés savent démêler les fils les plus déliés d’un événement à travers la trame Je l’ensemble des choses, et les rattachent peut-être aux limites les plus reculées de l’avenir et de la destinée, tandis que le commun des hommes ne sait voir là qu’un fait Isolé au milieu du libre espace de l’univers.

12. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Argument analytique de la Poétique d’Artistote. » pp. -

Éléments de l’action implexe : péripétie, reconnaissance, événement tragique. […] Continuation du même sujet : de l’événement tragique dans la fable. […] Retour à l’épopée et à l’histoire  de la durée des événements épiques.

13. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Thiers. Né en 1797. » pp. 513-521

L’art d’écrire l’histoire 1 L’observation assidue des hommes et des événements, ou, comme disent les peintres, l’observation de la nature, ne suffit pas : il faut un certain don pour bien écrire l’histoire. […] Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante ; tel raconte avec une abondance qui entraîne, tel autre, sans suite, va par saillies et par bonds, mais en passant, il trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] On remarque souvent chez un enfant, un ouvrier, un homme d’État, quelque chose qu’on ne qualifie pas d’abord du nom d’esprit, parce que le brillant y manque, mais qu’on appelle l’intelligence, parce que celui qui en paraît doué saisit sur-le-champ ce qu’on lui dit, voit, entend à demi-mot, comprend, s’il est enfant ce qu’on lui enseigne, s’il est ouvrier l’œuvre qu’on lui donne à exécuter, s’il est homme d’État les événements, leurs causes, leurs conséquences, devine les caractères, leurs penchants, la conduite qu’il faut en attendre, et n’est surpris, embarrassé de rien, quoique souvent affligé de tout. […] En effet, avec ce que je nomme l’intelligence, on démêle bien le vrai du faux ; on ne se laisse pas tromper par les vaines traditions ou les faux bruits de l’histoire ; on a de la critique, on saisit bien le caractère des hommes et des temps ; on n’exagère rien, on ne fait rien trop grand ou trop petit, on donne à chaque personnage ses traits véritables ; on écarte le fard, de tous les ornements le plus malséant en histoire, on peint juste ; on entre dans les secrets ressorts des choses, on comprend et on fait comprendre comment elles se sont accomplies ; diplomatie, administration, guerre, marine, on met ces objets si divers à la portée de la plupart des esprits, parce qu’on a su les saisir dans leur généralité intelligible à tous ; et quand on est arrivé ainsi à s’emparer des nombreux éléments dont un vaste récit doit se composer, l’ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l’enchaînement même des événements ; car celui qui a su saisir le lien mystérieux qui les unit, la manière dont ils se sont engendrés les uns les autres, a découvert l’ordre de narration le plus beau, parce que c’est le plus naturel ; et si, de plus, il n’est pas de glace devant les grandes scènes de la vie des nations, il mêle fortement le tout ensemble, le fait succéder avec aisance et vivacité ; il laisse au fleuve du temps sa fluidité, sa puissance, sa grâce même, en ne forçant aucun de ses mouvements, en n’altérant aucun de ses heureux contours ; enfin, dernière et suprême condition, il est équitable, parce que rien ne calme, n’abat les passions comme la connaissance profonde des hommes. […] presque sans art, l’esprit clairvoyant que j’imagine n’a qu’à céder à ce besoin de conter qui souvent s’empare de nous, et nous entraîne à rapporter aux autres les événements qui nous ont touchés, et il pourra enfanter des chefs-d’œuvre.

14. (1875) Poétique

La tragédie étant non seulement l’imitation d’une action, mais d’une action qui excite la terreur et la pitié, cet effet se produit quand les événements naissent les uns des autres, surtout sans être attendus. […] La chose est odieuse, sans être tragique ; car il n’y a nul événement malheureux : aussi a-t-elle été rarement employée. […] Différence entre l’épopée et l’histoire pour le choix du sujet et la durée des événements. […] Elle a les mêmes parties composantes, hors le chant et le spectacle ; elle a les reconnaissances et les événements tragiques ; enfin elle a les pensées et les expressions non vulgaires. […] Cependant, si cette faute a conduit l’art à son but ; si, par exemple, elle a rendu l’événement plus piquant, soit dans l’endroit même où elle est, soit ailleurs, elle peut s’excuser : la poursuite d’Hector en est un exemple.

15. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Retz, 1614-1679 » pp. 38-42

Il voulut régner selon son inclination, qui ne se prescrivait point de règles, même dans les choses où il ne lui eût rien coûté de s’en imposer ; et il fit si bien que, dans le cas où le destin lui eût donné un successeur de son mérite, je ne sais si la qualité de premier ministre qu’il a prise le premier n’aurait pas pu devenir, avec un peu de temps, aussi odieuse en France que le fut par l’événement celle de maire du palais et de comte de Paris1. […] Fléchier disait avec plus de raison : « Déjà, pour l’honneur de la France, était entré dans l’administration des affaires un homme plus grand par son esprit et par ses vertus que par ses dignités et par sa fortune ; toujours employé, et toujours au-dessus de ses emplois ; capable de régler le présent et de prévoir l’avenir ; d’assurer les bons événements et de réparer les mauvais ; vaste dans ses desseins, pénétrant dans ses conseils, juste dans ses choix, heureux dans ses entreprises, et, pour tout dire en peu de mots, rempli de ces dons excellents que Dieu fait à certaines âmes qu’il a créées pour être maîtresses des autres, et pour faire mouvoir ces ressorts dont sa providence se sert pour élever ou pour abattre, selon ses décrets éternels, la fortune des rois et des royaumes. » 1. […] Il aimait l’intrigue pour intriguer : esprit hardi, délié, vaste et un peu romanesque, sachant tirer parti de l’autorité que son état lui donnait sur le peuple, et faisant servir la religion à sa politique ; cherchant quelquefois à se faire un mérite de ce qu’il ne devait qu’au hasard, et ajustant souvent après coup les moyens aux événements.

16. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

L’unité. — S’il faut, dans l’histoire, tout rapporter à une cause première, ainsi que l’a fait Bossuet dans son discours sur l’histoire universelle, à plus forte raison faut-il dans une simple narration avoir un but unique auquel on rapportera tous les détails d’un fait, toutes les circonstances d’un événement. […] On n’a point pour s’excuser la réalité du fait, puisqu’on dispose à son gré des événements ; 3° donnez à la narration l’unité la plus parfaite, ne vous plaignez point de la multiplicité des événements, de l’aridité des détails, de l’imperfection des caractères : car vous êtes maître de tout ; 4° l’action doit offrir fort nettement un commencement, un milieu et une fin ; mais, soit pour éviter les longueurs, soit pour faire arriver l’intérêt dès l’abord, on peut ne pas commencer par l’exposition. […] La narration badine ou conte est le récit d’un événement dont le but est d’instruire le lecteur tout en l’amusant. […] Mais Madame de Sévigné en racontant la même événement, fait une petite narration épistolaire, charmante, récréative et pittoresque. […] La légende est le récit d’un fait puisé dans l’histoire du moyen-âge, ou dans ces temps primitifs où l’imagination se passionnait pour le merveilleux ; elle reproduit toutefois le plus ordinairement un événement religieux, qu’admet volontiers une foi simple et pure.

17. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XVI. Genre du roman. »

Quoique le roman, tel que nous le comprenons aujourd’hui, soit une véritable création des temps modernes, on peut dire que, dans tous les âges et dans tous les lieux, l’homme s’est plu à sortir en imagination de la vie ordinaire, et à rêver un ordre d’événements plus varié, plus fantastique, plus en harmonie avec ses désirs. […] L’histoire de l’homme ne consiste pas seulement dans les événements extérieurs et publics, qui ne nous montrent guère que des princes, des héros, et les actions mémorables des grands hommes ; l’humanité a encore une autre face : c’est la vie privée, c’est la multitude, ce sont les passions, les intérêts, les accidents de tous les jours, les vertus, les vices, les mœurs, les usages, les caractères de la vie commune ; c’est l’histoire de chacun et l’histoire de tous : tels sont les éléments variés et féconds où le roman puise ses peintures et ses récits. […] Rien de plus attrayant que cet effort de l’imagination et de la science qui s’empare d’une époque historique, ranime la poussière du passé, et fait revivre dans ses peintures, à l’aide de personnages et d’événements supposés, les mœurs, les usages et l’esprit d’un autre âge.

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