Quelquefois une haute colonne se montrait seule debout dans un désert, comme une grande pensée s’élève, par intervalles, dans une âme que le temps et le malheur ont dévastée. […] Je fus frappé du silence de ces lieux ; le vent seul gémissait autour du marbre tragique. […] Ces chantres sont de race divine ; ils possèdent le seul talent incontestable dont le ciel ait fait présent à la terre. […] L’ermite les avait roulés dans une pièce de lin d’Europe, filé par sa mère ; c’était le seul bien qui lui restât de sa patrie, et depuis longtemps il le destinait à son propre tombeau. […] « Deux choses te viendront à la fois dans un seul jour, stérilité et veuvage. » Isaïe.
Aucun livre n’atteste plus que le premier la puissance du style : car c’est par le style seul qu’a vécu et que demeurera immortelle cette œuvre de polémique religieuse, qui autrement eût péri depuis longtemps comme beaucoup d’autres. […] Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien, et échappons1 sans réflexion le seul qui subsiste. […] Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. […] Lui seul est son véritable bien ; et depuis qu’il l’a quitté, c’est une chose étrange qu’il n’y a rien dans la nature qui n’ait été capable de lui en tenir la place, astres, ciel, terre, élément, plantes, animaux, insectes, fièvre, peste, guerre, famine, vices4. […] Madame de Sévigné nous raconte à ce sujet une anecdote qui témoigne de l’admiration qu’il professait pour lui : « Despréaux, dit-elle en rendant compte d’un dîner chez M. de Lamoignon, soutint les anciens, à la réserve d’un seul moderne qui surpassait, à son goût, et les vieux et les nouveaux. » Fort interrogé sur cet auteur, il finit par le nommer : c’était Pascal.
Quelquefois un seul de ces moyens suffit ; le plus souvent ce n’est pas trop de les réunir tous trois. […] Vous seul, ô mon Dieu, connaissez ceux qui vous appartiennent. […] Le seul exorde ex abrupto est une exception à cette règle. […] L’élégance d’un discours n’est pas l’éloquence, c’en est une partie ; ce n’est pas la seule harmonie, le seul nombre : c’est la clarté, le nombre et le choix des paroles. […] Gracchus, sans flétrir sa vertu par une seule plainte, tombe en silence.
Le seul travail alors est la disposition et l’expression des pensées. […] A la chambre comme au barreau, dans les questions philosophiques ou dans la critique littéraire, eussiez-vous cent fois raison, mais de vous-même, sans appui, seul dans l’arène, souvent notre amour-propre regimbe, car vous n’êtes en définitive qu’un des nôtres, unus e multis. […] Je ne puis assez recommander aux jeunes gens d’examiner avec la raison la plus scrupuleuse et la plus difficile les définitions qu’ils rencontreront dans certains écrivains, de bien voir si elles sont adéquates, c’est-à-dire parfaitement en rapport avec l’objet défini tout entier et avec lui seul. […] On l’emploie, parce que de tous les modes de développement, celui-ci est de l’application la plus fréquente et de la plus riche fécondité, ou plutôt parce qu’il les résume tous en lui seul. […] Encore un seul exemple, c’est Racine qui me le fournira : « Synthèse : Faut-il, Abner, faut-il vous rappeler le cours Des prodiges fameux accomplis en nos jours, Des tyrans d’Israël les célèbres disgrâces, Et Dieu trouvé fidèle en toutes ses menaces ?
Il doit même, autant qu’il est possible, les simplifier, c’est-à-dire en réduire plusieurs à une seule générale, en indiquant toutes celles qui en découlent. […] Le seul qui nous soit parvenu est son Traité du sublime, traité admirable par la justesse et la sagesse des réflexions, et par l’élégance du style. […] On a dit souvent que les Français étaient les seuls qui sussent faire un livre. […] Déprécier un ouvrage d’après le nom seul de l’auteur, qui, jusque-là, n’en a publié que de médiocres ; louer un ouvrage sur le seul nom de l’auteur, parce qu’il est déjà connu par d’excellents écrits, ce serait juger avec prévention. […] Il semble que l’imprimerie seule pouvait faire de la critique littéraire une profession.
Je les fis mettre en mer à bord d’une chaloupe, Hors de notre eau tournante et de son tourbillon, Et je revins, tout seul, me coucher sur la poupe, Au pied du pavillon1. […] Seul et dernier anneau de deux chaînes brisées, Je reste. […] Michelet : « Oiseaux-mouches et colibris vivent impunément dans ces brillantes solitudes où tout est danger, parmi les plus venimeux insectes, et sur les plantes lugubres dont l’ombre seule fait mourir. […] Citons, comme exercice de comparaison, l’ode de Lebrun sur le vaisseau le Vengeur, qui, en 1794, se fit sauter plutôt que de se rendre Trahi par le sort infidèle, Tel qu’un lion pressé de nombreux léopards, Seul, au milieu de tous, sa colère étincelle ; Il les combat de toutes parts. […] Semblables à ces étoiles extraordinaires dont on ignore les causes, et dont on sait encore moins ce qu’elles deviennent après avoir disparu, ils n’ont ni aieuls ni descendants ; ils composent seuls toute leur race.
C’est peut-être le seul de tous les hommes, et jusqu’ici le seul de tous les rois, qui ait vécu sans faiblesse ; il a porté toutes les vertus des héros à un excès où elles sont aussi dangereuses que les vices opposés. […] Ses grandes qualités, dont une seule eût pu immortaliser un autre prince, ont fait le malheur de son pays. […] On les demande depuis cent années au seul corps dont ils puissent émaner avec fruit et bienséance. […] « Voltaire, dans ses écrits, n’est jamais seul avec lui-même. […] On se contentait à Berlin de lever les épaules, car le roi ayant pris parti dans cette malheureuse affaire, personne n’osait parler ; je fus le seul qui élevai la voix.
Tout l’art en est renfermé dans les seuls préceptes que nous avons dits : ils suffisent seuls, ils prouvent seuls ; toutes les autres règles sont inutiles ou nuisibles. […] La nature, qui seule est bonne, est toute familière et commune. […] Eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire. […] En trouverait-il un seul ? […] Les connaisseurs seuls les ont mis tous trois à leur place.
L’ensemble des qualités qui forment l’art de plaire est à la fois le premier point et le seul que les règles ne peuvent donner. […] L’espérance, seul adoucissement des peines des hommes, n’est plus un bien qui me regarde. […] Vous seul, ô mon Dieu, connaissez ceux qui vous appartiennent. […] — Ainsi mœurs, arguments et passions, tout concourt à un seul et même but. […] Un honnête homme est seul capable d’avouer ses torts et de s’offrir à les réparer loyalement.
« La seule différence entre Pradon et moi, disait Racine, c’est que j’écris mieux que lui. » Le mot, vrai ou faux, prouve la haute importance que Racine attachait ou était supposé attacher à l’expression. Buffon était du même avis : « Les ouvrages bien écrits, dit-il, seront les seuls qui passeront à la postérité. […] Le seul passage où il semble établir des distinctions de ce genre se trouve au commencement de son traité sur l’éloquence de Démosthène, traité qui nous est d’ailleurs parvenu acéphale, comme on sait. […] L’orateur ne fera point parler la république, n’évoquera point les morts, n’affectera point ces riches énumérations qui se lient dans une seule période… Et pourquoi tout cela ? […] La pensée est, pour ainsi dire, générale et impersonnelle, elle relève de l’humanité ; le style relève de l’homme seul et l’exprime.
Dans le premier cas, le mot seul orne la figure ; elle disparaît si l’on change le mot. […] Une seule de ces métaphores expliquée suffit pour faire connaître la nature de toutes les autres. […] Elle dit en plusieurs paroles ce qu’on pourrait dire en moins, et souvent en un seul mot. […] La comparaison rapproche deux idées qui se ressemblent soit par plusieurs côtés soit par un seul. […] Mais ce n’est pas le seul genre de pensées que je veux faire remarquer aux élèves.
Nous étions seuls. […] si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux, Avant de nous quitter, un seul instant arrête : Étoile, écoute-moi, ne descends pas des cieux ! […] Ce fut là ton seul mal, et le secret fardeau Sous lequel ton beau corps plia comme un roseau. […] Dieu parle, il faut qu’on lui réponde ; Le seul bien qui me reste au monde Est d’avoir quelquefois pleuré2. […] Le poëte a souvent trouvé de beaux accents pour peindre la tristesse et la douleur : Le seul bien qui me reste au monde Est d’avoir quelquefois pleuré.
Mourons donc puisqu’enfin dans l’état où je suis La mort est l’espoir seul qui reste à mes ennuis. […] N’allait-elle pas gagner tous les cœurs, c’est-à-dire la seule chose qu’ont à gagner ceux, à qui la naissance et la fortune semblent tout donner ? […] Le sublime peut se trouver, et se trouve bien souvent dans une expression, dans un seul mot. […] Mais qu’il n’ait point d’autre crainte ; qu’il ne craigne point la puissance et la fureur d’une Reine impie, ambitieuse et vindicative, c’est un courage dont les âmes les plus fortes et les plus élevées sont seules capables. […] Dieu seul est toujours le même, et ses années ne finissent point.
A l’homme seul il a été donné de varier et de modifier les sons qui représentent ses idées. […] Tout est heureux, pour ainsi dire ; tout est à sa place dans la nature : l’homme seul est inquiet etmécontent, l’homme seul est en proie à ses désirs, se laisse déchirer par ses craintes, trouve son supplice dans ses espérances, devient triste et malheureux au milieu de ses plaisirs ; l’homme seul ne rencontre rien ici-bas où son cœur puisse se fixer. […] Je tremble au seul récit de la tempête furieuse dont sa flotte fut battue durant dix jours. […] Et tous les discours dont se compose le Petit Carême tendent eux-mêmes à un seul but ; ils sont destinés à réaliser une seule idée, l’éducation d’un roi. […] Le seul remède alors, ce serait d’avoir un souffleur derrière soi, ou de tenir en réserve son manuscrit pour le déployer au besoin.
A un seul homme.] […] Dacier : « En composant son Odyssée, il n’y a pas fait entrer toutes les aventures d’Ulysse par exemple, il n’a pas mêlé la blessure qu’il reçut sur le Parnasse avec la folie qu’il feignit lorsque les Grecs assembloient leurs armées car de ce que l’une est arrivée, il ne s’ensuit ny nécessairement ny vraisemblablement que l’autre doive arriver aussi mais il a employé tout ce qui pouvoit avoir rapport à une seule et même action, comme est celle de l’Odyssée. » Batteux : « Il s’est bien gardé d’employer dans son Odyssée toutes les aventures d’Ulysse, comme sa folie simulée, sa blessure au mont Parnasse, dont l’une n’est liée à l’autre ni nécessairement ni vraisemblablement. Mais il a rapproché tout ce qui tenait à une seule et même action, et il en a composé son poëme. » Chénier : « En composant l’Odyssée, il n’a point chanté toute la vie d’Ulysse, ni la blessure qu’il reçut d’un sanglier sur le mont Parnasse, ni la folie qu’il affecta lorsqu’on rassembla l’armée. Ces choses n’étant point des parties nécessaires ou vraisemblables, Homère s’est borné au détail d’une seule action telle que la présente l’Odyssée » Quant au précepte général qui fait le sujet de ce chapitre, on peut voir dans le Tasse (Discours IIe sur l’Art poétique, et Lettres poétiques, 2 juin, 15 juillet et 15 octobre 1575) combien ce grand génie se préoccupe de l’unité épique et de l’autorité d’Aristote sur cette question.