La littérature, telle que nous l’entendons ici, est en même temps la connaissance et la collection des préceptes qui président à l’expression du beau par le moyen de la parole. […] Le talent est une aptitude naturelle ou acquise pour certaines choses : le talent de la parole, le talent d’écrire, le talent de la musique, etc. […] Les préceptes littéraires ne sont pas des lois imaginées avant que personne eût composé et fait connaître le talent de la parole.
On ne comprend point l’intelligence sans la parole, ni l’homme sans la société. […] Au nom de toute la terre, un roi se déclare partie et prend la parole contre un empereur. […] La presse est plus libre que la parole ailleurs, et l’on en abuse moins. […] Qu’il te souvienne De garder ta parole, et je tiendrai la mienne. […] Écoute cependant, et tiens mieux ta parole.
« L’apostrophe, dit Marmontel, consiste à détourner tout à coup la parole et à l’adresser, non plus à l’auditoire ou à l’interlocuteur, mais aux absents, aux morts, aux êtres invisibles ou inanimés, et le plus souvent à quelqu’un ou à quelques-uns des assistants. » Il fait remarquer que, dans ce dernier cas, l’apostrophe est une des armes les plus puissantes de l’éloquence ; c’est l’adversaire, le juge, l’une ou l’autre classe d’auditeurs, que l’orateur interpelle tout à coup, qu’il prend à partie, qu’il atteste, qu’il terrasse ou qu’il implore. […] Bien entendu que quand la réticence est affectée, quand l’interruption n’est point l’effet naturel de la passion, mais un dessein prémédité de faire entendre, par le peu qu’on a dit, ce qu’on affecte de supprimer, et même souvent beaucoup au delà, elle n’appartient plus alors aux figures dont nous traitons ici, et doit se ranger, à la suite de l’ironie, parmi celles qui font contraster la parole avec la pensée. […] Tant que la pensée reste dans l’esprit à l’état de simple concept, elle est une et indivise, elle forme un tout qui n’a point de parties et n’en a pas besoin ; mais aussitôt qu’on veut la manifester à l’extérieur par la parole, il est bien évident qu’on ne le peut sans la diviser pour en présenter successivement les divers membres. […] Je pourrais multiplier les exemples ; je me contenterai de citer une phrase de Fléchier : « Déjà prenait l’essor, pour se sauver vers les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avait d’abord effrayé nos provinces122 ; » et cette belle construction de Bossuet déjà citée, qui reproduit si bien, par la hardie transposition du verbe et par le poids de toute la phrase la formidable pesanteur de l’objet à peindre : « Restait cette redoutable infanterie de l’armée d’Espagne… etc. » Souvent, sans inversion précise, la construction de Bossuet donne à sa parole un charme extrême.
Les deux muses y sont réconciliées par un cœur religieux et nourri de la parole homérique. […] Malgré son chagrin, il sourit1 des paroles extravagantes qui lui ont échappé. […] Gardez-vous bien de dire : « Demain nous irons nous divertir dans un tel jardin. » L’homme d’aujourd’hui ne sera point celui de demain ; celui qui vous promet maintenant, disparaîtra tantôt ; vous ne saurez plus le prendre3 pour le faire souvenir de sa parole. […] Le lendemain, à peine le duc de Bourgogne fut-il éveillé, que Fénelon entra chez lui, et, avec une gravité froide et respectueuse, lui adressa les paroles contenues dans ce morceau.
Mon fils, répliqua le bon religieux, qui n’avait garde de comprendre le vrai sens de mes paroles, que dites-vous ? […] Je n’étais plus embarrassé que d’une chose : je ne savais de quelle façon entamer la parole. […] » Le mouvement que ce peu de paroles jeta dans l’assemblée est inexprimable. […] quel éclat de paroles et d’images ! […] Il commence par de lentes et graves paroles qui excitent une attente mêlée d’anxiété.
Une sorte d’impunité est acquise à ses paroles comme à ses actions ! […] Il semble en effet que ce langage convient mieux à la religion que la parole. […] Il semble qu’en prononçant ces paroles on évoque l’histoire et qu’on ranime les morts. […] Sans doute les paroles déterminent l’expression musicale, mais le mérite alors est à la parole, non à la musique ; et quelquefois la parole imprime à la musique une précision qui la tue et lui ôte ses effets propres, le vague, l’obscurité, la monotonie, mais aussi l’ampleur et la profondeur, j’allais presque dire l’infinitude. […] ils ne le peuvent, et par là ils reconnaissent la supériorité de la parole et de la poésie.
Je vous mande que vous attendiez à juger de moi quand vous serez ici ; qu’y a-t-il de si terrible à ces paroles ? […] Vous m’avez accoutumé à vos victoires autant par inclination que par devoir, j’aime à vous féliciter dans vos succès nouveaux ; mais bientôt la parole va me manquer. […] Ces paroles du pauvre qui s’afflige de ce qu’on lui marchande son chien, sont nobles et font plaisir au cœur. […] que de paroles perdues ! […] Le chien prit la parole et dit : déesse, n’en soyez pas irritée.
Écrivain sans le savoir, il a la source vive, l’esprit alerte, de la gaieté, de l’entrain, des saillies gauloises, un bon sens gascon, une familiarité souriante, un brave langage, de la rondeur et du piquant, des accents de cœur, et la concision expressive de cette parole agissante qui n’a pas de temps à perdre. […] Parole digne d’un prince supérieur à la plupart de ses contemporains par l’esprit de tolérance.
Il a de la droiture dans le sens, de l’ordre dans le discours et dans les choses, de l’arrangement dans les paroles, et une heureuse facilité, qui est le fruit d’une longue étude. […] » À ces cris Jérusalem redoubla ses pleurs ; les voûtes du temple s’ébranlèrent ; le Jourdain se troubla, et tous ses rivages retentirent du son de ces lugubres paroles : « Comment est mort cet homme puissant qui sauvait le peuple d’Israël ! […] Ses mœurs étaient aussi pures que sa doctrine, et je ne puis me souvenir de cet air de candeur et de vérité, qui accompagnait ses actions et ses paroles, et qui le rendait si agréable, que je ne regrette le temps que j’ai passé loin de lui.
Il est commode d’offrir sa protection à qui ne peut en profiter, d’être généreux en paroles et sans frais. […] Il prend l’adversaire corps à corps ; sa parole ardente a les accents brisés de la passion. […] Je les réprimandai fort, et leur dis que de telles paroles n’étaient ni bonnes ni belles, et qu’ils avaient bien vite oublié leur compagnon. […] Alors l’émotion personnelle se substitue au lieu commun ; alors nous trouvons les sentiments et les paroles qu’il faut pour exprimer notre douleur. […] Qui de nous n’a pas vu l’embarras et l’inquiétude d’une maîtresse de maison ayant un salon, quand elle voit un de ces diseurs de riens prêt à prendre la parole ?
Voici une comparaison : comme en creusant la pierre ou le métal on y grave des caractères qui deviennent ineffaçables, ainsi j’ai cherché à retenir vos paroles de manière à ne plus les oublier. — J’ai gravé vos paroles dans mon esprit : voilà le trope. […] demande l’un. — Rien, répond l’autre, sinon que vous montez et que je descends. » Les auteurs d’Ana attribuent à Molière un mot qu’il n’a probablement jamais prononcé, mais qui rentre parfaitement dans les allusions verbales : « Messieurs, aurait-il dit un jour à son public, nous vous avions promis Tartufe pour demain ; nous regrettons d’être forcés de vous manquer de parole ; monsieur le premier président ne veut pas qu’on le joue. » On peut placer parmi les allusions verbales la figure nommée par les rhéteurs syllepse oratoire, pour la distinguer de la syllepse grammaticale, dont il sera bientôt question. […] Tous les rhéteurs latins, Cicéron, Varron, Quintilien, font une loi impérieuse de la plus sévère décence dans les paroles, comme dans la conduite.
Sur son lit de mort il dicte à son fils ses mémorables instructions, les plus belles paroles qui soient jamais sorties de la bouche d’un roi. […] Il était homme de parole où un grand intérêt ne l’obligeait pas au contraire, et en ce cas il n’oubliait rien pour sauver les apparences de la bonne foi. […] Depuis ce jour, Le Sueur ne quitta plus les pas de son nouveau maître ; il se nourrissait de sa parole féconde et puissante ; il sentait, en l’écoutant, ses doutes se dissiper, ses pressentiments et ses rêves se réaliser et s’éclaircir. […] Ces deux paroles du christianisme, le précepte et l’exemple, sont réunies dans le Nouveau Testament ou l’Évangile. […] Sus, je romps notre trêve, et reprends ma parole.
Ils appuyaient cet avis de tant de sortes de considérations que le roi même commençait à s’ébranler, quand le maréchal de Biron, qui avait entendu ce discours avec dédain, fâché qu’il fit plus d’impression qu’il ne devait, prit la parole et d’une voix animée de colère dit au roi : « C’est donc tout de bon, sire, que l’on vous conseille de monter sur mer, comme s’il n’y avait point d’autre moyen de conserver votre royaume que de le quitter. […] Je ne puis croire, pour moi, que vous deviez plutôt fier1 votre personne à l’inconstance des flots et à la merci de l’étranger qu’à tant de braves gentilshommes et tant de vieux soldats qui sont prêts de lui servir de rempart et de bouclier ; et je suis trop serviteur de Votre Majesté pour lui dissimuler que, si elle cherchait sa sûreté ailleurs que dans leur vertu, ils seraient obligés de chercher la leur dans un autre parti que dans le sien2. » Par de semblables paroles le maréchal ferma la bouche à ceux qui avaient ouvert cet avis ; et le roi, dont le courage suivait toujours les plus hardies résolutions et se déterminait facilement dans les plus pressantes rencontres, se résolut d’attendre l’ennemi dans un poste avantageux3.
Les Paroles d’un croyant furent l’évangile aventureux de sa rébellion contre les arrêts de Rome. […] Il allait publier les Paroles d’un croyant.
« L’homme digne d’être écouté, est celui qui ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vérité et la vertu. » (Lettre à l’Académie). […] I, v. 150, et cette parole du poète est généralement présumée un hommage rendu à l’orateur romain, à Cicéron. […] L’Être suprême n’a besoin d’aucunes paroles. […] La même conformité qui se trouve entre la pensée et l’objet, doit se trouver entre la parole et la pensée. […] On s’égarerait si l’on induisait de ces paroles du grand orateur que le débit est tout dans l’éloquence.