Les luttes de la tribune et du barreau ont, comme le duel, leurs moments de crise où les règles communes de l’attaque et de la défense deviennent inutiles : la seule règle alors consiste à suivre son inspiration, et l’art suprême à oublier l’art. […] Et ils avaient raison, car s’il y a un moment où il importe de troubler les âmes, c’est quand elles sont déjà ébranlées par le raisonnement. […] On voit le moment où il va courir après son client, lui sauter à la gorge et le ramener de force à sa place pour achever sa péroraison. […] Et en effet, au moment le plus pathétique du discours, l’enfant joua son rôle à merveille : « Voyez, juges, s’écrie aussitôt l’orateur, il pleure, et pourquoi pleure-t-il ? […] Et cela, juges, la veille des comices, quand il disputait à son rival la première charge de l’État, dans ce moment critique (car vous savez, juges, combien un candidat est timide et inquiet, et pat quelles angoisses nous fait passer la poursuite du consulat), dans ce moment, dis-je, où tout nous effraye, non-seulement le blâme hautement manifesté, mais le murmure secret de l’improbation, dans ce moment où bruits fâcheux, contes mensongers, si vagues, si légers, si imperceptibles qu’ils soient, nous donnent le frisson, où nous étudions avec anxiété jusqu’aux physionomies, jusqu’aux regards de la foule !
La révolution qui s’opéra alors dans les esprits et dans les âmes, est si frappante ; ses conséquences ont tellement influé sur la destinée des peuples de l’Europe, que nous avons cru nous y devoir arrêter un moment. […] À l’époque dont nous parlons, la religion ranima un moment l’éloquence, et le barreau s’en empara.
« Des bords du Pô jusqu’à ceux du Danube, on bénit de tous côtés, au nom du même Dieu, ces drapeaux sous lesquels marchent des milliers de meurtriers mercenaires, à qui l’esprit de débauche, de libertinage et de rapine ont fait quitter leurs campagnes ; ils vont, ils changent de maîtres ; ils s’exposent à un supplice infâme pour un léger intérêt ; le jour du combat vient, et souvent le soldat qui s’était rangé naguères sous les enseignes de sa patrie, répand sans remords le sang de ses propres concitoyens ; il attend avec avidité le moment où il pourra, dans le champ du carnage, arracher aux mourants quelques malheureuses dépouilles qui lui sont enlevées par d’autres mains. […] » Le poème de Fontenoy présentait le même contraste, le même fonds d’idées : rapprochons un moment le poète de l’orateur.
C’est le premier de nos auteurs qui ait écrit supérieurement, dans ses moments heureux, notre langue parvenue à sa maturité. […] Tout change en un moment, et on déclare au prince sa mort prochaine. […] À ce moment, il étend ses soins jusqu’aux moindres de ses domestiques. […] Il était à sa maison de Tibur, où jouissait des premiers moments tranquilles de sa vie. […] On ne donna pas un moment de relâche aux vaincus ; on les poursuivit partout.
Mais qu’un orateur public, qu’un homme d’état, qu’un citoyen enfin, qui fait partie de l’assemblée devant laquelle il parle, et dont les intérêts lui sont par conséquent communs, ne soit et ne paraisse pas intimement convaincu que ce qu’il conseille est en effet ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment, son but est manqué, et il laisse sur sa probité et sur son patriotisme des soupçons que le temps n’efface jamais complètement. […] L’influence de l’orateur cesse nécessairement, du moment qu’il ne sait plus se commander à lui-même.
Mais l’incendie se propageait de moment en moment, et la cabane elle-même fut aussi gagnée par les flammes. […] … » En ce moment, de leurs larmes noyés, Père, mère, enfants, tous sont tombés à ses pieds. […] ô combien ton enceinte immortelle Renferme en ce moment de peuples éperdus ! […] — Un moment. — Tu répliques ? […] Ne l’osez-vous laisser un moment sur sa foi ?
Mais le moment n’est pas venu encore d’exploiter cette mine féconde ; et nous renvoyons à l’article de l’Éloquence de l’Écriture sainte, ce que nous avons à dire à ce sujet. […] C’est le moment où Jupiter a rendu aux Dieux la permission de se mêler de la querelle des Grecs et des Troyens. […] Bornons-nous, pour le moment, à cette belle description de Satan, qui se montre, après sa chute, à la tête de son armée infernale.
Si l’ardeur d’un sang qui s’enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit, le moment d’après, toute la bonté de son cœur1 dans l’effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu’il a faite ; il voudrait, au prix de son sang, racheter celui2 qu’il a versé : tout son emportement s’éteint, toute sa fierté s’humilie devant le sentiment de sa faute. […] Les oiseaux en chœur se réunissent, et saluent de concert le père de la vie ; en ce moment, pas un seul ne se tait. […] On part à son moment, on s’arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d’exercice qu’on veut.
Mais il fut prié d’arrêter un moment, jusqu’à ce qu’on eût parcouru le nom des coupables qu’on avait ordre d’arrêter. […] Je ne les ai pas quittés d’un moment. — Et où est-il, traître, qui ne fais que raisonner dans le temps que je devrais être habillé ? […] Tout cela fut ménagé si juste que le Roi arriva un moment après, et que le salut commença. […] Dès ce moment, Jeannot n’étudia plus, se regarda au miroir, et méprisa tout le monde. […] M. d’Assas se recueille un moment pour mieux renforcer sa voix, il crie : « A moi, Auvergne !
Ainsi donc, lorsque je vous aurai précisé le moment où il faudra nous réunir, chacun devra se rendre à mon appel. […] » Tels furent les derniers moments de Socrate : sa fermeté, son énergie parurent inaltérables. […] Quelques moments plus tard, il se frappait au-dessous de la poitrine. […] Elles n’existent ni d’aujourd’hui ni d’hier ; elles sont éternelles, et personne ne sait à quel moment elles ont pris naissance. […] qui n’en possèdent pas un pouce dont ils puissent disposer un moment, et dont il leur soit permis de faire une hutte !
Sa souplesse, à leur égard, était sans pareille, et ne se démentit jamais d’un moment. […] Admise à tout, à la réception des courriers qui apportaient les nouvelles les plus importantes, entrant chez le roi à toute heure, même des moments pendant le conseil, utile et fatale aux ministres mêmes, mais toujours portée à obliger, à servir, à excuser et à bien faire.
Depuis ce moment, en effet, les Carthaginois n’éprouvèrent que des revers. […] Louis XIV fut la voir dans ses derniers moments, un peu avant qu’elle expirât. […] Quelques moments après, le roi dit au dauphin, en le tirant du chevet du lit de la princesse qui expirait : Voilà ce que deviennent les grandeurs. […] Jupiter, pour les en punir, fit tomber du ciel une pluie de feu, qui détruisit en un moment le bourg et tous ses environs. […] Après une longue suite d’années, ils se virent, tous les deux métamorphosés dans le même moment, Philémon en chêne, et Baucis en tilleul.
Il est aisé de prévoir, dès le moment où l’action s’engage, comment elle se déliera : si les fils sont embrouillés, si l’intrigue est chargée de complications, le dénoûment sera forcé, ou, comme l’on dit vulgairement, tiré par les cheveux : cette conséquence est obligée. » Je ne conteste rien de tout cela, et pourtant il suffit d’avoir un peu lu pour savoir combien il est malaisé souvent de terminer convenablement un ouvrage. […] « Lorsque dans Argos, dit-il, la statue de Mytis tomba fortuitement sans doute sur celui qui avait tué ce même Mytis, et l’écrasa au moment qu’il la considérait, cela fit une grande impression, parce que cela semblait renfermer un dessein, une volonté. » Schiller a mis sur la scène la conjuration de Fiesque. […] Comme il s’agit à ce moment décisif de frapper les derniers coups, comme l’auditeur s’est échauffé à votre feu, identifié avec vos sentiments, tout alors vous est permis, tours animés, expressions énergiques, figures brillantes et hardies, hypotyposes, prosopopées, invocation de la nature entière, animée ou inanimée, en un mot, tout ce que la passion brûlante, impétueuse, peut vous fournir pour enfoncer le trait dans les âmes, pour faire jouer les deux grands ressorts tragiques, la terreur et la pitié.
Dans ce moment Turenne expire ; voilà un fait réduit à sa plus grande simplicité. […] Dans ce moment le cheval s’arrête, le héros tombe entre les bras de ses gens, il ouvre deux fois de grands yeux, et demeure tranquille pour jamais. […] Après la réfutation, il n’y a plus qu’à conclure, Or, la fin d’un discours est un moment critique, et l’orateur doit ici achever son triomphe, soit en résumant ses moyens pour convaincre l’esprit, soit en recourant au pathétique pour toucher le cœur.
Il semble que le temps soit un ennemi commun contre lequel tous les hommes sont convenus à conjurer : toute leur vie n’est qu’une attention déplorable à s’en défaire ; les plus heureux sont ceux qui réussissent le mieux à ne pas sentir le poids de sa durée ; et ce qu’on trouve de plus doux, ou dans les plaisirs frivoles1, ou dans les occupations sérieuses, c’est qu’elles abrégent la longueur des jours et des moments, et nous en débarrassent sans que nous nous apercevions presque qu’ils ont passé. […] Massillon a dit encore : Un criminel condamné à la mort, et à qui on ne laisserait qu’un jour pour obtenir sa grâce, y trouverait-il encore des heures et des moments à perdre ? […] Chercherait-il des amusements frivoles pour l’aider à passer ces moments précieux qu’on lui laisse pour mériter son pardon et sa délivrance ?