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65. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Lieux communs extrinsèques. — On rangeait sous ce titre tout ce qui appartient à la loi ou bien au témoignage : textes de lois, titres, promesses, serments, dépositions des témoins. […] C’est un lieu commun propre au genre judiciaire, où l’on cherche à prouver que les textes généraux de la loi sont applicables dans l’ espèce au sujet particulier. […] La narration oratoire doit être vraie, quoique les grands orateurs eux-mêmes n’aient pas toujours obéi à cette loi. […] Il consiste à conclure du particulier au général, d’un fait accidentel, d’une vérité partielle et relative, à une loi universelle et absolue. […] Il ne faut pas croire non plus que les lois générales du goût et du style ne servent qu’aux écrivains.

66. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre II. division de la rhétorique. — de l’invention  » pp. 24-37

Elle considère les mots actuels selon le vocabulaire et selon la grammaire ; d’un côté les éléments matériels, de l’autre, les principes et les lois d’affinité d’après lesquels ils se lient et se combinent ; elle fixe leur valeur précise, leur signification propre ou métaphorique, leurs accidents, leur synonymie, les règles qui les modifient et les coordonnent. […] Dans un système de lectures habilement graduées, l’élève étudiera les vocables individuellement, en quelque sorte ; il en observera la nature, les ressemblances et les différences6 ; il cherchera à apprécier non-seulement les lois, mais les habitudes qui déterminent leurs relations réciproques. […] Quand l’élève a bien remarqué dans vingt circonstances que le mot qui exprime la qualité se met au même genre et au même nombre que les noms qu’il qualifie, quand il a parfaitement compris tous les éléments de ce fait grammatical, qu’alors la règle : l’adjectif s’accorde avec le substantif en genre et en nombre, ou les deux mots, Deus sanctus , viennent résumer ces observations multipliées, et leur donner un corps ; que l’élève apprenne cette règle littéralement, comme une formule algébrique, comme le texte d’un article de loi ; alors seulement il ne l’oubliera plus. […] Après cette préparation générale, les préparations particulières coûtent peu ; au lieu que, quand on ne s’applique qu’à des actions détachées, on en est réduit à payer de phrases et d’antithèses ; on ne traite que des lieux communs ; on ne dit rien que de vague ; on coud des lambeaux qui ne sont point faits les uns pour les autres ; on ne montre point les vrais principes des choses ; on se borne à des raisons superficielles et souvent fausses ; on n’est pas capable de montrer l’étendue des vérités, parce que toutes les vérités générales ont un enchaînement nécessaire, et qu’il faut les connaître presque toutes pour en traiter solidement une en particulier. » Mais de toutes les études préliminaires de l’écrivain, la plus importante est celle de la philosophie et surtout de la logique, qui enseigne la nature, les lois et les formes du raisonnement.

67. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Tel livre didactique présente, après l’exorde, une synthèse, dont tout le reste de l’ouvrage n’est que le développement analytique, sauf à conclure parfois en faisant revenir la synthèse primitive : ainsi l’Esprit des lois, l’Emile de Rousseau, etc. […] N’oubliez pas maintenant que la clarté résulte surtout du plan, de la disposition, et que la loi souveraine de ce plan lui-même est, comme pour l’ensemble de tout ouvrage, la loi de l’unité. […] La première loi à observer, c’est de ne jamais décrire pour décrire, mais pour ajouter soit à l’intérêt du récit, soit à la puissance des preuves.

68. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

…. je finis le traité des fiefs où la plupart des auteurs l’ont commencé : » voilà la seule conclusion de Montesquieu pour les trente et un livres de l’Esprit des lois. […] Socrate, au contraire, et Platon, philosophes plutôt qu’artistes en cet endroit, proclament la loi que plus tard nos mélodrames du boulevard ont religieusement suivie : récompense pour la vertu, châtiment pour le crime, ut bono bene, malo male sit. […] En portant cette loi, les anciens n’ont été que les interprètes de la nature. […] Elle donne enfin les lois qui règlent toute conclusion et en déterminent la nature d’après celle de l’ouvrage entier.

69. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

L’antiphrase nous mène à l’antithèse, et nous trouvons autant de charmes dans l’opposition que dans la similitude, dans l’antithèse que dans la métaphore, parce que, des deux parts, la rhétorique ne fait que constater les lois universelles de la nature. […] Donc, c’est la loi de Dieu qui doit être la règle constante des temps, et non la variété des temps qui doit devenir la règle et la loi de Dieu. » Tout le monde connaît l’épigramme d’Ausone : Pauvre Didon, où t’a réduite De les maris le triste sort ? […] Commander aux hommes, et leur donner des lois ?

70. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

En même temps que nous entendons un des plus fidèles organes de la loi, nous en voyons un des plus rigides observateurs. […] Ô loi Porcia38 ! Ô lois de Sempronius39 ! […] Que doit ce donc être, lorsque je parle à l’auguste sénat de Rome, aux auteurs des lois, des jugements et de notre jurisprudence, etc. » ? […] y a-t-il rien de plus nouveau, que de voir un homme de Macédoine se rendre maître des Athéniens, et faire la loi à toute la Grèce ?

71. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

La gymnastique est pour les corps ce que la science des lois est pour l’âme : elle forme, elle perfectionne. […] Il fallait dire : ne sera jamais qu’une suite des lois de la nature. […] Quelqu’un a dit autrefois qu’il faut écrire comme on parle ; le sens de cette loi est qu’on écrive naturellement. […] Il me semble que les langues s’établissent comme les lois. De nouveaux besoins, dont on ne s’est aperçu que petit à petit, ont donné naissance à bien des lois qui paraissent se contredire.

72. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre V. Analyse de l’éloge de Marc-Aurèle, par Thomas. »

La langue de Platon lui devint familière comme la sienne ; l’éloquence lui apprit à parler aux hommes ; l’histoire lui apprit à les juger ; l’étude des lois lui montra la base et le fondement des états : il parcourut toutes les législations, et compara ensemble les lois de tous les peuples. […] Les préjugés et les passions qui dominent tant d’hommes et de princes s’anéantiront pour toi : tu ne verras plus que tes devoirs et Dieu, et cette raison suprême qui doit être ton modèle et ta loi ; mais la volonté de la suivre en tout ne te subit pas, il faut que l’erreur ne puisse t’égarer. » Viennent ensuite les députés de toutes les nations de l’empire, qui apportent successivement à la cendre de Marc-Aurèle les hommages des trois parties du monde. […] On te dira bientôt que tu es tout-puissant ; on te trompera : les bornes de ton autorité sont dans la loi.

73. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Écoute seulement et, docile à ma voix, D’une mère qui t’aime exécute les lois. […] Je prends pour exemple le plus important de tous, la loi des Francs saliens ou loi salique, dont la rédaction latine appartient au règne de Dagobert. […] Les lois désarmées tombent dans le mépris ; les armes qui ne sont pas modérées par les lois tombent bientôt dans l’anarchie. […] rangea ses volontés            Sous le joug de tes lois augustes ! […] Le Français est l’enfant de l’Europe ; si l’on a quelquefois vu parmi nous des crimes odieux, ils ont disparu plutôt par le caractère national que par la sévérité des lois.

74. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Heureux, heureux mille fois L’enfant que le Seigneur rend docile à ses lois ! […] J’adore le Seigneur ; on m’explique sa loi ; Dans son livre divin, on m’apprend à la lire Et déjà de ma main je commence à l’écrire. […] Que vous dit cette loi ? […] Je vous atteste : Qui ne sait que la loi, si quis canis, Digeste2, De vi, paragrapho, messieurs… Caponibus, Est manifestement contraire à cet abus ? […] Je trouve deux hommes en moi : L’un veut que, plein d’amour pour toi, Mon cœur te soit toujours fidèle ; L’autre, à tes volontés rebelle, Me révolte contre ta loi.

75. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

Est-ce la vengeance d’Achille que vous remettez sur la scène : montrez-le-nous ardent, colère, inexorable, impétueux : qu’il se mette résolûment au-dessus des lois, et n’en appelle qu’a son épée. […] Il est vrai que, dans leurs trimètres si vantés, Accius et Ennius observent rarement cette règle : quoi qu’il en soit, les vers jetés sur la scène avec un lourd bagage de spondées, accusent chez le poëte ou une précipitation et une négligence extrêmes, ou une coupable ignorance des lois de la poésie. […] Ensuite parut la vieille Comédie, et elle compta de brillants succès ; mais la liberté dégénéra en licence : il fallut arrêter le scandale, et une loi intervint, qui, condamnant le Chœur à l’impuissance de nuire, le réduisit à un silence honteux. […] On sait les premiers bienfaits de la sagesse antique : distinguer le bien public de l’intérêt privé, les choses sacrées des profanes, réprimer la licence effrénée des mœurs, tracer les devoirs de l’hymen, bâtir des villes, graver des lois sur le chêne : telle fut la cause de cette immortalité glorieuse, réservée aux poëtes et à leurs divins travaux. […] N’importe le genre où l’on s’exerce, le goût, ce goût sévère, qui sait en prendre et en laisser (hoc amet, hoc sernat), le goût est la première loi de l’écrivain : Le style le moins noble a pourtant sa noblesse.

76. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Buffon. (1707-1788.) » pp. 146-152

Auparavant, Buffon s’était livré à l’étude des sciences : son puissant génie s’attacha dès lors à pénétrer dans tous les secrets de l’art d’écrire, dont il nous a si parfaitement tracé les lois. […] ils sont ensevelis pour jamais dans une nuit profonde ; l’homme d’alors, replongé dans les ténèbres de l’ignorance, a, pour ainsi dire, cessé d’être homme1 : car la grossièreté, suivie de l’oubli des devoirs, commence par relâcher les liens de la société, la barbarie achève de les rompre ; les lois méprisées ou proscrites ; les mœurs dégénérées en habitudes farouches ; l’amour de l’humanité, quoique gravé en caractères sacrés, effacé dans les cœurs ; l’homme enfin sans éducation, sans morale, réduit à mener une vie solitaire et sauvage, n’offre, au lieu de sa haute nature, que celle d’un être dégradé au-dessous de l’animal. […] Ce monument, auquel Buffon consacra environ cinquante années d’une santé et d’une application presque continues (il avait, a dit Voltaire, l’âme d’un sage dans le corps d’un athlète), n’était pas de ceux qu’une vie d’homme suffit à achever. — Les trois premiers volumes in-4° de l’Histoire naturelle avaient paru en 1749, un an après l’Esprit des lois, « comme si, remarque M.

77. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — André de Chénier 1762-1794 » pp. 480-487

La prose plus souvent vient subir d’autres lois, Et se transforme, et fuit mes poétiques doigts ; De rimes couronnée, et légère, et dansante, En nombres mesurés elle s’agite et chante. […] Et ceci (tu peux voir si j’observe ma loi), Montaigne, il t’en souvient, l’avait dit avant moi1 La jeune captive C’était Mlle de Coigny (depuis duchesse de Fleury), alors prisonnière à Saint-Lazare, comme Chénier. […] Mon imitation n’est point un esclavage : Je ne prends que l’idée, et les tours, et les lois Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois.

78. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section I. De l’Art d’écrire correctement. — Chapitre II. De l’arrangement des Mots. » pp. 87-179

Dans la première phrase, il fallait répéter le nom et dire : le précepte si généreux du pardon des injures, le précepte si juste de la loi de nature, etc. […] Qui, désignant le sujet, se dit des personnes et des choses : = l’homme qui étudie : = la loi qui commande : = le bâton qui me soutient. […] Ainsi on ne peut pas dire : la loi à qui nous obéissons : = le bâton sur qui je m’appuie. Il faut dire : la loi à laquelle nous obéissons : = le bâton sur lequel je m’appuie. […] On dira, par exemple : les lois qu’on n’a pas su maintenir, et qui devaient être maintenues ; au lieu de dire simplement, et qui devaient l’être.

79. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — La Fontaine 1622-1695 » pp. 339-378

Le Premier occupant12 est-ce une loi plus sage ? […] Sans leur aide, il ne peut entrer dans les esprits Que tout mal et toute injustice : Faute d’y recourir, on viole leurs lois. […] Mais la loi du premier occupant lui serait également favorable. […] Il a la foi du paysan chicaneur dans l’homme de loi ; c’est pour lui l’oracle. […] Aux lois, c’est-à-dire dans les lois.

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