Mais le psalmiste avait dit tout cela, et l’avait dit avec cette énergique concision qui caractérise le sublime de pensée, et qui, écartant nécessairement de l’esprit du lecteur toute idée de recherche dans les figures, et d’ambition dans la manière de les exprimer, ne donne et ne laisse que l’idée simple, mais vraie, d’une image presque au-dessus de la pensée, et inaccessible aux efforts de la diction la plus étudiée, ou la plus naturellement pittoresque : Justitia et judicium correctio sedis ejus (Ps. […] Mais ce même écrivain qui sait déployer à propos cette chaleur éloquente, sait tempérer aussi, par les images les plus douces et le coloris le plus gracieux, l’austérité de ces conseils, ou la monotonie naturellement inséparable d’une longue suite de préceptes. […] Mais aucun d’eux ne l’a sentie aussi profondément qu’Young, et ne l’a revêtue d’images plus propres à la faire vivement sentir à d’autres.
Image naïve des peuples, et du prince qui les gouverne, s’il est bon prince2 Giton ou le riche Giton a le teint frais, le visage plein, et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée : il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit ; il déploie un ample mouchoir3, et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut ; il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie ; il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre ; il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche ; tous se règlent sur lui ; il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole ; on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler, on est de son avis ; on croit les nouvelles qu’il débite. […] Les roues, les ressorts, les mouvements, sont cachés ; rien ne paraît d’une montre que son aiguille, qui insensiblement s’avance et achève son tour : image du courtisan d’autant plus parfaite, qu’après avoir fait assez de chemin, il revient souvent au même point d’où il est parti3. […] Voir Montaigne, Essais, III, 8 : « Il ne faut que veoir un homme eslevé on dignité : quand nous l’aurions cogneu, trois jours devant, homme de peu, il coule insensiblement en nos opinions une image de grandeur, de suffisance ; et nous persuadons que, croissant de train et de crédit, il est creu de mérite, etc. » 3.
C’est ainsi, mon très-cher ami, que nous sommes avertis à chaque pas de notre néant ; l’homme cherche au dehors des raisons pour s’en convaincre, il va sur les ruines des empires, il oublie qu’il est lui-même une ruine encore plus chancelante, et qu’il sera tombé avant ces débris1 Ce qui achève de rendre notre vie le songe d’une ombre 2, c’est que nous ne pouvons pas même espérer de vivre longtemps dans le souvenir de nos amis, puisque leur cœur, où s’est gravée notre image, est comme l’objet dont il retient les traits, une argile sujette à se dissoudre. On m’a montré à Portici un morceau de cendre du Vésuve, friable au toucher, et qui conserve l’empreinte, chaque jour plus effacée, du sein et du bras d’une jeune femme ensevelie sous les ruines de Pompéia : c’est une image assez juste, bien qu’elle ne soit pas encore assez vaine, de la trace que notre mémoire laisse dans le cœur des hommes, cendre et poussière 3. […] Pendant que je contemplais ce tableau, mille idées confuses se pressaient dans mon esprit : tantôt j’admirais, tantôt je détestais la grandeur romaine ; je pensais tantôt aux vertus, tantôt aux vices de ce propriétaire du monde qui avait voulu rassembler une image de son empire dans son jardin.
Le jeune patricien s’y plaît et s’y donne ; il s’y plaît comme Démosthène, il s’y donne comme Cicéron ; et toutes ces images du beau, en le préparant aux devoirs de la cité, lui font déjà une arme présente contre les erreurs trop précoces de ses sens. […] Lui, le prédestiné de l’infini, ne connaît encore que le sein de sa mère, son berceau, sa chambre, quelques images pendues aux murs, tout l’espace que l’œil embrasse d’une fenêtre : une heure est pour lui l’histoire ; une maison l’univers, une caresse la fin dernière des choses. […] Un temple lui offre sous une image sensible le dieu qui a fait le monde, le père de la justice et l’habitant des âmes.
Aussi leurs orateurs multiplient les images, prodiguent les invocations, les apostrophes, tous les mouvements les plus dramatiques. […] et à ces grands hommes dont tu vois passer les images ? […] Et tu ne frémis pas à la vue de cette morte et des images mêmes de tes ancêtres !
Devant un peuple assemblé, l’éloquence prend un autre ton, un autre caractère ; elle s’adresse moins à la logique qu’à la passion ; elle emprunte plus de puissance à la voix, au geste, au regard, aux images, qu’à l’enchaînement des mots et des idées ; elle sait que son triomphe tient à l’ébranlement momentané des cœurs. […] On peut y déployer un art pompeux, des images éclatantes et hardies, une harmonie périodique et soutenue.
O si l’Esprit divin, l’Esprit de force et de vérité, avait enrichi mon discours de ces images vives et naturelles qui représentent la vertu, et qui la persuadent tout ensemble, de combien de nobles idées remplirais-je vos esprits, et quelle impression ferait sur vos cœurs le récit de tant d’actions édifiantes et glorieuses ! […] N’attendez-pas, messieurs, que j’ouvre ici une scène tragique, que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées, que je découvre ce corps pâle et sanglant auprès duquel fume encore la foudre qui l’a frappé, que je fasse crier son sang comme celui d’Abel3, et que j’expose à vos yeux les tristes images de la religion et de la patrie éplorées.
Mais ses écrits ne nous offrent qu’une image affaiblie d’elle-même ; car elle brillait surtout par le génie de la conversation, et son style, parfois vague ou abstrait, n’a pas retenu toute la flamme de sa parole. […] Jamais, nous le croyons, jamais sa main paternelle ne nous abandonnera tout à fait dans ce monde, et son image attendrie se penchera vers nous pour nous soutenir avant de nous rappeler1.
L’imitation des maîtres qui excellent ou qui ont excellé en chaque temps, consiste dans l’art de transporter dans ses propres écrits leurs pensées, leurs sentiments, leurs images, leur plan, mais avec une certaine liberté, c’est-à-dire en les déguisant avec esprit ou en les embellissant. […] Ce vieillard qui d’un vol agile, Fuit toujours sans être arrêté ; Le Temps, cette image mobile De l’immobile éternité.
L’homme, que Dieu a fait à son image, n’est-il qu’une ombre ? […] Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l’image de la mort. […] Vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. […] Voilà l’image de l’Église pendant qu’elle voyage sur la terre. […] quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule !
III, p. 118) propose une autre explication et voit dans les moulins ornés ( parti-coloured « gaily-painted » millstones ) l’image de l’oppression des colonies athéniennes sous la domination de la métropole. […] L’autre manière, qu’on pourrait appeler la manière littéraire, c’est d’habiller l’auteur ancien à la française, de substituer à son style celui du traducteur, de remplacer les termes et les images, la structure des phrases et les périodes par des termes, des images, des périodes qui n’appartiennent qu’à notre idiome et à nos habitudes. […] Les variétés d’honneurs sont les sacrifices, les inscriptions métriques et non métriques, les récompenses, la préséance, les tombeaux, les images, la subsistance publique ; les usages des barbares, tels que les prosternations et le soin qu’on y prend de s’effacer.
La narration poétique orne le récit, l’enrichit de traits et d’images qui frappent l’esprit. […] Il se distingue des deux autres par la magnificence des images, la vivacité et la hardiesse des mouvements, et le sublime proprement dit. […] En outre, il ne peut pas y avoir de style sublime ; car le sublime proprement dit exclut l’idée de continuité ; il est instantané comme les sentiments, les pensées ou les images qui le produisent ; on le trouve souvent dans la simplicité. […] Par cette qualité on assortit le style aux idées, aux sentiments ou aux images que comporte le sujet. […] La langue poétique se distingue par des expressions et des tours hardis, les grandes images, la couleur et l’éclat.
Quand par d’affreux sillons l’implacable vieillesse A sur un front hideux imprimé la tristesse ; Que dans un corps courbé sous un amas de jours Le sang comme à regret semble achever son cours ; Lorsqu’en des yeux couverts d’un lugubre nuage Il n’entre des objets qu’une infidèle image ; Qu’en débris chaque jour le corps tombe et périt, En ruines aussi je vois tomber l’esprit. […] Je trouve donc qu’en moi, par d’admirables nœuds, Deux êtres opposés sont réunis entre eux : De la chair et du sang, le corps, vil assemblage ; L’âme, rayon de Dieu, son souffle, son image… Le corps, né de la poudre, à la poudre est rendu, L’esprit retourne au ciel dont il est descendu.
Une raison patriotique dont la clairvoyance devine le fort et le faible de chaque parti, une ironie amère, un mépris superbe de la contradiction, le sang-froid de la passion qui se maîtrise au milieu de la colère, des ripostes foudroyantes, une inépuisable fécondité de preuves, une action théâtrale et dramatique, une voix tonnante, l’éclat des images qui ne sont que des arguments rendus sensibles, l’audace d’une volonté dominatrice, l’attitude hautaine d’une âme sincère qui réunit l’intelligence politique à la passion populaire : voilà les traits saillants de sa physionomie. […] Contrarié de nouveau, il revenait plus pressant et plus clair, et présentait la vérité en images frappantes ou terribles.
C’est l’imagination qui fournit les images, et les images, dit Longin, animent et échauffent le discours ; elles ne persuadent pas seulement, elles domptent et soumettent l’auditeur. […] L’amplification se fait souvent par image et par comparaison. […] Toutefois, il faut que ces genres de conclusions présentent une succession rapide de pensées, de sentiments et d’images. […] Rejetez donc ces idées ou changez-les en images ; donnez-leur une teinture plus vive. […] » Quelle foule de pensées et d’images !