Pourquoi emploie-t-elle tant d’artifices et cherche-t-elle tant de tours ? […] Termes, qui s’attendait bien à le voir rompre dans peu de temps, n’était en peine que de la manière : savoir891 si son maître l’attaquerait par un torrent d’injures mêlées de certaines épithètes qui pouvaient lui convenir ; ou si, se servant de quelque outrageante ironie, l’on emploierait toutes les louanges qui seraient les plus capables de le confondre. […] Il est impossible que ses lettres ne lui aient emporté un temps très considérable : mais il aimait autant l’employer au profit ou à la gloire d’autrui qu’à son profit ou à sa gloire particulière. […] Employez tant qu’il vous plaira vos biens et votre autorité à tous les usages que l’orgueil et les plaisirs peuvent inventer : vous serez rassasiés, mais vous ne serez pas satisfaits ; ils vous montreront la joie, mais ils ne la laisseront pas dans votre cœur. […] J’emploie des moyens plus simples et plus sûrs.
Racine, voulant peindre la bonté de Dieu, emploie ce moyen, dans le premier chœur d’Athalie : Tout l’univers est plein de sa magnificence ; Chantons, publions ses bienfaits. […] Il est impossible d’écrire sans employer une passion quelconque.
Il s’emploie dans les entretiens familiers, dans les conversations, dans les fables dans les contes et les historiettes, dans le genre épistolaire, et généralement dans tous les sujets ordinaires, qui ne sont susceptibles ni d’élévation, ni d’agrément. […] Le Style fin ou spirituel « Le style fin ou spirituel montre la pensée à travers un voile, ou n’en présente qu’un côté, pour laisser au lecteur ou à l’auditeur le plaisir de deviner ce qu’on lui cache ; il emploie surtout l’allusion, la comparaison, l’antithèse, la suspension, etc. » (Filon.) […] Vous n’avez point sans doute oublié que ce même Nicias, sur le sort duquel vous allez prononcer, est celui qui plaida votre cause dans rassemblée des Athéniens, et qui employa tout son crédit et toute son éloquence pour les détourner de vous faire la guerre. […] Il convient dans les discours d’apparat principalement destinés à plaire, dans les compliments faits aux puissances, dans les panégyriques où il est permis d’employer toutes les richesses de l’art et d’en étaler toute pompe. […] Mais le ton de l’orateur et du poète, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce qu’ils sont les maîtres de joindre à la grandeur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d’illusion qu’il leur plaît ; et que, devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent ainsi partout employer toute la force, et déployer toute l’étendue de leur génie.
N’y épargnez rien, grande reine : employez-y l’or et tout l’art des plus excellents ouvriers ; que les Phidias et les Zeuxis de votre siècle déploient tout leur science sur vos plafonds et sur vos lambris ; tracez-y de vastes et de délicieux jardins, dont l’enchantement soit tel qu’ils ne paraissent pas faits de la main des hommes ; épuisez vos trésors et votre industrie sur cet ouvrage incomparable ; et après que vous y aurez mis, Zénobie, la dernière main, quelqu’un de ces pâtres qui habitent les sables voisins de Palmyre, devenu riche par les péages de vos rivières, achètera un jour à deniers comptants cette royale maison pour l’embellir, et la rendre plus digne de lui et de sa fortune1. […] Aucun, s’employait au pluriel. […] Offices, services, s’emploie rarement sans épithète.
Mais Quintilien, qui fait cette remarque judicieuse, et qui proscrit si positivement l’abus, ne laisse pas d’établir partout la nécessité de l’usage, et d’observer qu’il faut posséder la dialectique en philosophe, et l’employer en orateur. […] Quintilien conseille encore, avec sa sagesse ordinaire, de mesurer ses forces avant d’essayer le pathétique, et de ne point manier ce ressort puissant, mais délicat, si l’on ne se sent pas tout le talent nécessaire pour l’employer avec succès.
Jusqu’après la guerre du Péloponèse, la Grèce ne connut et n’employa guère que la parole pour produire et répandre au dehors les productions de l’intelligence. […] La folie des sophistes, ce fut de toucher au fond, quand ils devaient se borner à la forme, et, si j’ose employer cette expression, de composer la recette, quand on ne leur demandait que la manière de s’en servir.
A Paris il fut bientôt connu de M. de Pontchartrain, alors contrôleur général, qui, pour s’assurer de ce qu’il valait, n’eut besoin ni d’employer toute la finesse de sa pénétration, ni de le faire passer par beaucoup d’essais sur des affaires de finances dont il lui confiait le soin. […] Environné et accablé dans ses audiences d’une foule de gens, du menu peuple pour la plus grande partie, peu instruits même de ce qui les amenait, vivement agités d’intérêts très-légers et souvent très-mal entendus, accoutumés à mettre à la place du discours un bruit insensé, il n’avait ni l’inattention ni le dédain qu’auraient pu s’attirer les personnes ou les matières ; il se donnait tout entier aux détails les plus vils, ennoblis à ses yeux par leur liaison nécessaire avec le bien public ; il se conformait aux façons de penser les plus basses et les plus grossières ; il parlait à chacun sa langue, quelque étrangère qu’elle lui fût ; il accommodait la raison à l’usage de ceux qui la connaissaient le moins ; il conciliait avec bonté des esprits farouches, et n’employait la décision d’autorité qu’au défaut de la conciliation.
C’est d’une part l’appréciation exacte des sentiments religieux et de la position des correspondants, et d’autre part, la délicatesse des tournures à employer pour ne pas tomber dans l’affectation et l’éloge outrés. […] Il ne doit point non plus employer de réticence dans sa satisfaction.
Et moi, Romains, cette même voix qui ne devait plus être désormais que l’organe de la reconnaissance envers ceux qui m’ont si bien servi, je suis forcé de l’employer aujourd’hui pour les arracher au péril. […] Lorsque de tels hommes ont trouvé des chefs de leur parti, il se forme dans la république des orages, lesquels obligent ceux qui ont pris en main le gouvernail de la patrie, à se tenir sur leurs gardes, à employer tous leurs soins, à déployer toute leur habileté, pour conserver les grands objets dont je viens de parler, pour se mettre en état de naviguer sûrement, et d’arriver enfin au port d’une heureuse tranquillité ».
Également merveilleux, soit que le pinceau captif s’assujettisse à l’imitation d’un modèle, soit que sa muse, dégagée d’entraves, s’abandonne à elle-même ; incompréhensible, soit qu’il emploie pour éclairer ses tableaux l’astre du jour ou celui de la nuit, la lumière naturelle ou les lumières artificielles ; toujours harmonieux, vigoureux et sage, tel que ces grands poëtes, ces hommes rares, en qui le jugement gouverne si parfaitement la verve qu’ils ne sont jamais ni exagérés ni froids. […] — Ma foi, je l’ignore… Des inquisiteurs, d’eux-mêmes. — Outre que ce conseil est le plus secret qu’il y ait au monde, cet homme n’est pas fait pour en approcher. — Mais c’est peut-être un des espions qu’ils emploient. — A d’autres3 !
Le but de la tragédie est d’émouvoir par le tableau des passions et du malheur ; elle emploie pour cela deux moyens, la terreur et la pitié : ce sont les bases de l’intérêt tragique. […] On aurait donc tort d’y employer les figures poétiques, les hyperboles, les fleurs du langage. […] La comédie emploie différents moyens pour amuser ; de là deux espèces de comédies : la comédie de mœurs et la comédie d’intrigue.
Les Synonymes Comme dans une langue il n’existe pas deux mots pour rendre la même idée, il est important de connaître la valeur de chaque expression pour savoir l’employer à propos ; et aucune étude n’est plus propre à nous instruire du bon choix des mots que celle des Synonymes de notre langue. […] La Précision diffère de la Concision et de la Brièveté : Être bref c’est employer peu de mots ; être concis, c’est rendre sa pensée avec le moins de mots possible ; mais être précis, c’est ne rien dire de superflu. […] Racine voulant peindre le monstre qui s’élance sur Hippolyte, emploie des mots qui représentent bien les efforts de cet animal furieux : Indomptable taureau, dragon impétueux, Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
C’étoit un homme d’un caractère doux, sage et circonspect ; ayant beaucoup de finesse et de mesure dans l’esprit, avec un courage toujours conforme aux circonstances ; n’employant jamais la force qu’au défaut des autres moyens ; possédant sur-tout à un degré supérieur l’art de connoître les hommes, et de les employer à propos.
Voilà l’origine des figures en général : elles la doivent, comme on voit, à la nécessité, à la pénurie, à la stérilité du langage ; mais on continua de les employer dans la suite, parce qu’elles flattaient l’imagination26. […] Nous appuyons à dessein sur ces différences du sens propre au sens figuré, pour faire voir combien les figures de mots ont besoin d’être appropriées au génie particulier de la langue qui les emploie, et dans quelle erreur, par conséquent, s’exposent à tomber ceux qui s’obstinent à juger un auteur d’après une traduction qui se borne à travestir les mots, sans traduire la pensée32. […] C’est un reproche qu’encourent rarement Fléchier et surtout Bossuet, qui nous donnent, dans leurs belles oraisons funèbres, une foule d’exemples de la manière dont il faut employer la prosopopée. […] On peut donc employer avec succès l’antithèse, lorsqu’il s’agit de fortifier l’impression que l’on s’est proposé de faire.
La seule circonstance où l’on puisse employer la transition artificielle, c’est lorsque deux idées, ou tout à fait opposées, ou au contraire absolument semblables, doivent être rapprochées, d’un côté, sans monotonie, de l’autre, sans trop de disparate et d’imprévu. […] L’antithèse est la forme la plus ordinaire de ces transitions ; continuez de feuilleter l’oraison funèbre de Condé : — Pendant que le prince se soutenait si hautement avec l’archiduc, il rendait au roi d’Angleterre tous les honneurs qui lui étaient dus… Nous avons parlé des qualités de l’âme, venons maintenant aux qualités de l’esprit… Si les autres conquérants ont reçu une récompense aussi vaine que leurs désirs, il n’en sera pas ainsi de notre grand prince, en effet,… etc. — C’est en étudiant les auteurs qui ont ainsi travaillé leurs transitions, Racine surtout et Massillon, que vous trouverez les modèles de ces mille artifices, et que vous vous habituerez à les employer vous-même à l’occasion.