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85. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

Essayez d’agir ainsi, même avec les sujets qui, au premier abord, vous paraissent les plus indifférents, peu à peu cette animation fictive, sous certains rapports, échauffe réellement ; on s’enthousiasme pour son idée, la fiction devient une vérité ; et cela sans contradiction avec ce qui précède, car cette passion volontaire ne prend plus au cœur et aux entrailles, elle réside toute dans l’imagination. […] Dès qu’ils entrent dans nos passions, colère ou faveur, haine ou pitié, notre affaire devient la leur ; le torrent les emporte et ils se laissent aller. […] L’émotion prolongée devient une fatigue.

86. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — D’Aubigné, 1550-1630 » pp. -

Devenu maréchal-de-camp, gouverneur d’Oléron et de Maillezais, vice-amiral de Guienne et de Bretagne, il vit avec douleur une conversion qu’il ne pouvait pardonner, bien qu’elle fût un acte de raison et de patriotisme. […] C’est le cœur gros de mépris, que cet Alceste huguenot soufflette de son gantelet de fer ses compagnons de la veille, devenus les courtisans de la victoire. […] Mathieu Beroalde embrassa le calvinisme et devint ministre de l’Évangile à Genève.

87. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉLÉGANCE LATINE. — CHAPITRE I. De la propriété des mots. » pp. 2-8

Le langage ainsi analysé devient la peinture vivante de nos idées ; notre esprit se plaît à en saisir les rapports, notre imagination les voit comme sur un tableau, et notre mémoire vient facilement à bout de s’en souvenir. […] Les mots acies, exercitus, agmen, qui sont devenus synonymes par suite de l’extension de leur premier sens, expriment tous trois l’idée du mot armée. […] Cette même racine am sert aussi à former des adverbes, en s’unissant aux terminaisons anter, atoriè, icè, et elle devient un adjectif qualificatif, en s’unissant à la terminaison abilis, am-abilis, aimable.

88. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre VI. Massillon. »

Mais c’est ici que la différence des manières va devenir plus sensible encore. […] Il n’est devenu impie qu’en se fermant toutes les voies qui pouvaient le conduire à la vérité ; en ne faisant plus de la religion une affaire sérieuse ; en ne l’examinant plus que pour la déshonorer par des blasphèmes et des plaisanteries sacrilèges ; il n’est devenu impie qu’en cherchant à s’endurcir contre les cris de sa conscience, et se livrant aux plus infâmes voluptés. […] — Cependant cette idée si extraordinaire est devenue l’idée de tous les hommes : ce sentiment, qui n’aurait pas dû même trouver un inventeur dans l’univers, a trouvé une docilité universelle parmi tous les peuples. — Ce n’est pas ici une collusion ; car comment ferez-vous convenir ensemble les hommes de tous les pays et de tous les siècles ?

89. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — De Maistre, 1753-1821 » pp. 377-387

Il les déterminait uniquement par l’étendue de la voix humaine ; ce qui devait être ainsi, la prédication étant devenue la partie principale du culte, et presque tout le culte dans les temples qui ont vu cesser le sacrifice. […] Puisse cette force mystérieuse, mal expliquée jusqu’ici, et non moins puissante pour le bien que pour le mal, devenir bientôt l’organe d’un prosélytisme salutaire, capable de consoler l’humanité de tous les maux que vous lui avez faits2 ! […] Dès que nous nous écartons de la droiture et de la générosité, nous sommes ridicules et déplaisants ; nos mesures sont étroites, nos projets mal concertés, notre maintien même devient aigrefin. […] Mais il faut que nous soyons abandonnés à notre instinct ; si l’on veut nous faire agir par des voies étrangères à notre naturel, nous devenons mesquins, intrigants sans succès, jouets de tous et dignes de mépris.

90. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Il deviendra plus égal, plus châtié, plus maître de lui ; mais jamais souffle plus inspiré ne l’animera. […] Dès lors, l’illustre prélat devint l’âme de son siècle, et mérita ce titre de Père de l’Église que La Bruyère lui décerna de son vivant. […] Édifier, éclairer, diriger les âmes fut son unique ambition, et c’est de lui qu’on peut dire : « Il ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vérité et la vertu. » Le spoliateur du pauvre Vous1 avez dépouillé cet homme pauvre, et vous êtes devenu un grand fleuve engloutissant les petits ruisseaux ; mais vous ne savez pas par quels moyens, ni je ne me soucie pas de le pénétrer. […] Il se compose1, il devient plus obéissant sous l’éperon, sous le frein, sous la main qui le manie à droite et à gauche, le pousse, le retient comme elle veut. […] Il dit ailleurs : « Si un roi épouse une fille de basse extraction, elle devient reine ; on en murmure quelque temps, mais enfin on la reconnaît ; elle est anoblie par le mariage du prince, sa noblesse passe à sa maison, ses parents sont appelés aux plus belles charges, et ses enfants sont les héritiers du royaume.

91. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Bientôt il arriva que ces mots, dotés d’un nouveau sens, devinrent un des plus beaux ornements du langage ; les écrivains et les poètes surtout les semèrent dans leurs compositions, comme autant de pierres précieuses dont ils embellirent et enrichirent leur style. […] Et que deviendront les pauvres ? […] Il faut user sobrement de cette figure ; autrement on tomberait dans l’affectation ; des antithèses trop multipliées deviennent fatigantes et rendent le style prétentieux. L’antithèse prolongée devient un parallèle, ainsi que la comparaison. […] « Français, s’écrierait-il, que sont devenus ces vaisseaux que j’ai commandés, ces flottes victorieuses qui dominaient sur l’Océan ?

92. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

Mais, son parti pris, il n’hésite plus, il devient le partisan le plus zélé de la guerre, l’âme de l’expédition. […] Ulysse, alors devenu citoyen, s’appellera Démosthène ; il ne frappera plus les Grecs avec son sceptre, mais avec l’arme bien autrement puissante d’une parole inspirée par l’amour du droit et de la liberté. […] Ses insinuations deviennent plus claires, ses attaques plus directes : — Le meilleur avis, je le connais, Athéniens, mais quelle tournure prendre pour l’énoncer ? […] Il leur montre ensuite Olynthe devenue leur alliée par la merveilleuse intervention des Dieux. — Cette ville, leur dit-il, est menacée par Philippe : il faut la secourir. […] Car remarquez bien qu’elle deviendrait inutile et même condamnable, si l’orateur pouvait dire ouvertement la vérité, c’est-à-dire s’il s’adressait à des hommes capables de la souffrir.

93. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Qu’est devenue son autorité à l’époque de la révolution romantique ? […] Expliquer comment et pourquoi Paris est devenue la capitale de la France. […] Elle était emphatique, affectée, surchargée de citations profanes, toute pleine de faux-brillants, elle devient grave, élevée, sublime. […] Ce qui était confus s’est ordonné sous sa main ; ce qui était vague est devenu précis. […] L’histoire qui était surtout un art devient une science.

94. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Buffon. (1707-1788.) » pp. 146-152

Néanmoins, après la perte des sciences, les arts utiles auxquels elles avaient donné naissance se sont conservés : la culture de la terre devenue plus nécessaire à mesure que les hommes se trouvaient plus nombreux, plus serrés ; toutes les pratiques qu’exige cette même culture, tous les arts que supposent la construction des édifices, la fabrication des idoles et des armes, la texture2 des étoffes, etc., ont survécu à la science ; ils se sont répandus de proche en proche, perfectionnés de loin en loin ; ils ont suivi le cours des grandes populations : l’ancien empire de la Chine s’est élevé le premier, et presque en même temps celui des Atlantes en Afrique ; ceux du continent de l’Asie, celui de l’Egypte, d’Ethiopie, se sont successivement établis, et enfin celui de Rome, auquel notre Europe doit son existence civile. Ce n’est donc que depuis environ trente siècles que la puissance de l’homme s’est réunie à celle de la nature, et s’est étendue sur la plus grande partie de la terre : les trésors de sa fécondité jusqu’alors étaient enfouis, l’homme les a mis au grand jour ; ses autres richesses, encore plus profondément enterrées, n’ont pu se dérober à ses recherches, et sont devenues le prix de ses travaux. […] Par son intelligence, les animaux ont été apprivoisés, subjugués, domptés, réduits à lui obéir à jamais ; par ses travaux, les marais ont été desséchés, les fleuves contenus, leurs cataractes effacées, les forêts éclaircies, les landes cultivées ; par sa réflexion, les temps ont été comptés, les espaces mesurés, les mouvements célestes reconnus, combinés, représentés, le ciel et la terre comparés, l’univers agrandi et le Créateur dignement adoré ; par son sort émané de la science, les mers ont été traversées, les montagnes franchies, les peuples rapprochés, un nouveau monde découvert, mille autres terres isolées sont devenues son domaine ; enfin la face entière de la terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme, laquelle, quoique subordonnée à celle de la nature, souvent a fait plus qu’elle1, ou du moins l’a si merveilleusement secondée, que c’est à l’aide de nos mains qu’elle s’est développée dans toute son étendue, et qu’elle est arrivée par degrés au point de perfection et de magnificence où nous la voyons aujourd’hui.

95. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

Avec Horace, la satire devient une causerie familière de morale ou surtout de littérature (sermo). […] À mesure que ces conditions sont moins remplies, on voit l’épopée devenir plus rare ou ne produire que des œuvres avortées. […] L’apologue devint ensuite insensiblement un genre littéraire et eut pour principaux représentants Ésope et Phèdre, chez les Grecs et les Romains. […] La comédie devient alors un genre mixte, plus près de la tragi-comédie que de la farce, et où l’influence de l’Espagne se fait sentir désormais plus que celle de l’Italie. […] Grâce à la réforme de Malherbe, et aux efforts de ceux qui cherchent à le continuer, la littérature devient le domaine de tous, et le public est le juge suprême : elle devient l’expression de la vie sociale, sous toutes ses faces, c’est vraiment une littérature mondaine, née du monde et pour le monde.

96. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Si quelquefois il s’élève et s’anime, il change de nature et de nom ; il devient oratoire. […] L’histoire ne peint que l’homme, et le peint tel qu’il est : ainsi le ton de l’historien ne deviendra sublime, que quand il fera le portrait des plus grands hommes, quand il exposera les plus grandes actions, les plus grands mouvements, les plus grandes révolutions, et partout ailleurs, il suffira qu’il soit majestueux et grave. Le ton du philosophe pourra devenir sublime toutes les fois qu’il parlera des lois de la nature, de l’être en général, de l’espace, de la matière, du mouvement et du temps, de l’âme, de l’esprit humain, des sentiments, des passions ; dans le reste, il suffira qu’il soit noble et élevé. […] Craindriez-vous de devenir trop nombreux ? […] Ne pouvant retenir son inquiétude et son ardeur, il frappe la terre et l’enfonce ; et il ne devient point tranquille par les premiers signaux de la trompette.

97. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

Lors, il commença de devenir pensif. […] Autrefois, c’était le ciron809, mais aujourd’hui ce petit ciron est devenu monstrueux par sa grandeur. […] Le perroquet gâté devint bavard, importun et fou. […] Mais un philosophe ne peut guère, quoiqu’il devienne riche, se tourner à des dépenses inutiles et fastueuses, qu’il méprise. […] Elle devint la meilleure amie du père et de la mère.

98. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Or où sera l’action de graces, si par gourmandise tu te charges tellement de vin et de viandes que tu en deviennes stupide et sois rendu inutile à servir Dieu et faire ce qui est de ta vocation ? […] Plusieurs se delectent tellement en or, marbres et peintures qu’ils en deviennent comme pierres, qu’ils sont comme transfigurez en metaux et semblables à des idoles. […] Par lui, dit Montaigne, Plutarque est « devenu français ». […] Sainte Catherine de Gennes268, estant devenue veuve, se dedia au service de l’hospital. […] Ils ont promis nos suffrages : que voulez-vous que je devienne ?

99. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Maintenon, 1635-1719 » pp. 138-145

Son dévouement, le charme de ses entretiens, la solidité de son esprit, et l’estime qu’elle inspira peuvent expliquer le crédit insensible qui l’achemina par degrés vers le trône d’un souverain devenu enfin soucieux de sa dignité. […] Si vous mettez toute votre confiance en Dieu, mes très-chères filles, sans vous appuyer sur vous-mêmes, ni sur aucun talent naturel et sur aucune perfection mondaine, vous deviendrez par votre docilité, par votre humilité et par votre abandon dans la main de Dieu, les vrais instruments de la grâce pour sanctifier les familles séculières et les couvents ; vous formerez d’excellentes vierges pour les cloîtres et de pieuses mères de famille pour le monde. […] Je ne sais si c’est vous qui leur inspirez la fierté qu’elles ont, ou si ce sont elles qui vous donnent celle qu’on admire3 en vous : quoi qu’il en soit, comptez que vous serez insupportable à Dieu et aux hommes, si vous ne devenez plus humble et plus modeste que vous ne l’êtes.

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