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2. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Nicole. (1625-1695.) » pp. 40-47

Ce que nous lisons entre dans notre mémoire, et y est reçu comme un aliment qui nous nourrit et comme une semence qui produit dans les occasions des pensées et des désirs. […] De sorte qu’il y a tout ensemble dans ce procédé, et de l’orgueil qui nous cause ce dépit, et du défaut de charité qui nous porte à nous en venger par une contradiction indiscrète, et de l’hypocrisie qui nous fait couvrir tous ces sentiments corrompus du prétexte de l’amour de la vérité et du désir charitable de désabuser les autres, au lieu que nous ne recherchons en effet1 qu’à nous satisfaire nous-mêmes. […] Ainsi, comme nous nous devons à nous-mêmes la première charité, notre premier soin doit être de travailler sur nous-mêmes, et de tâcher de mettre notre esprit en état de supporter sans émotion les opinions des autres qui nous paraissent fausses, afin de ne les combattre jamais que dans le désir de leur être utiles. Or, si nous n’avions que cet unique désir, nous reconnaîtrions sans peine qu’encore que toute erreur soit un mal, il y en a néanmoins beaucoup qu’il ne faut pas s’efforcer de détruire, parce que le remède serait souvent pire que le mal, et que, s’attachant à ces petits maux, on se mettrait hors d’état de remédier à ceux qui sont vraiment importants. […] Tout ce que ces personnes gagnent donc par là est que l’on s’applique encore plus qu’on ne ferait aux raisons de douter de ce qu’ils disent, parce que cette manière de parler excite un désir secret de les contredire et de trouver que ce qu’ils proposent avec tant d’assurance n’est pas certain, ou ne l’est pas au point qu’ils se l’imaginent.

3. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Guizot Né en 1787 » pp. 247-250

Le besoin de faire mieux à l’avenir, si je ne me trompe ; il ne s’agit ni de le rendre malheureux d’un tort irréparable, ni de l’accabler sous le poids des regrets : il faut associer pour lui à l’idée de sa faute un vif désir de la réparer, et la certitude qu’il y parviendra, s’il le veut. […] Nous en sommes sortis travaillés de maladies contraires, enivrés d’orgueil et vaincus par le doute, offrant tour à tour le spectacle de l’emportement des désirs, et de la mollesse de la volonté. Ce sera votre tâche de lutter contre ce double mal, de retrouver pour vous-mêmes, et de répandre autour de vous des convictions fermes avec des désirs modérés, de la tempérance et de l’énergie.

4. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bourdaloue, 1632-1704 » pp. 133-137

Né à Bourges, fils d’un avocat, tourmenté dès l’enfance par le désir de se consacrer à Dieu, il se déroba aux vœux de sa famille, qui le destinait à la robe, et se jeta dans le noviciat des Jésuites (1648) à l’âge de seize ans. […] Je dis plus : c’est que cet état2, si l’on est enfin assez heureux pour s’y ingérer, bien loin de mettre des bornes à l’ambition et d’en éteindre le feu, ne sert au contraire qu’à la piquer davantage et qu’à l’allumer ; que d’un degré on tend bientôt à un autre, tellement qu’il n’y a rien où l’on ne se porte, ni rien où l’on se fixe ; rien que l’on ne veuille avoir, ni rien dont on jouisse ; que ce n’est qu’une perpétuelle succession de vues, de désirs, d’entreprises, et, par une suite nécessaire, qu’un perpétuel tourment. […] Massillon a dit : « L’ambition, ce désir insatiable de s’élever au-dessus et sur les ruines même des autres ; ce ver qui pique le cœur et ne le laisse jamais tranquille ; cette passion qui est le grand ressort des intrigues et de toutes les agitations des cours, qui forme les révolutions des États, et qui donne tous les jours à l’univers de nouveaux spectacles ; cette passion qui ose tout, et à laquelle rien ne coûte, rend malheureux celui qui en est possédé.

5. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — D’Aguesseau. (1668-1751.) » pp. 124-129

Le désir lui présente de loin l’image trompeuse d’une parfaite félicité ; l’espérance, séduite par ce portrait ingénieux, embrasse avidement un fantôme qui lui plaît. Par une espèce de possession anticipée, l’âme jouit d’un bien qu’elle n’a pas encore ; mais elle le perdra aussitôt qu’elle aura commencé de le posséder véritablement, et le dégoût abattra l’idole que le désir avait élevé. […] Transporté loin de lui par ses désirs, et vieux dans sa jeunesse, il méprise le présent ; et courant après l’avenir, il veut toujours vivre et ne vit jamais1.

6. (1883) Poétique et Rhétorique (trad. Ruelle)

La volonté est le désir d’un bien, accompagné de raison. […] Quant aux désirs non raisonnés, ce sont la colère et la passion. […] Toute chose en outre est agréable, dont nous avons un désir passionné ; car le désir passionné est une aspiration vers l’agréable. […] Sous le rapport des mœurs, les jeunes gens sont susceptibles de désirs ardents et capables d’accomplir ce qui fait l’objet de ces désirs. […] Leurs désirs sont violents, mais tombent vite.

7. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

» Je l’attends cette mort, sans crainte, sans désir : » Je ne puis l’avancer, je ne puis la choisir, etc. » (Ibid. […] 181Usez, n’abusez point : ne soyez point en proie Aux désirs effrénés, au tumulte, à l’erreur. […] Toujours simples, parce qu’ils sont toujours grands, et cédant au besoin de se rendre utiles, bien plus qu’au désir de se voir célèbres, ils n’ont pu.voir et n’ont du nous dire que ce qu’il y avait de mieux. […] Tourmenté de désirs, de besoins déchiré, De rivaux, de jaloux, d’ennemis entouré, Ses biens sont au pillage et ses jours à l’enchère ; Sou bonheur est plus triste encore que la misère ; Lui-même il se déchire, et devient tour à tour De son cœur inquiet la proie et le vautour. […] C’est l’âme de son beau poème des nuits ; c’est cette touche d’originalité divine qui en a fait un ouvrage à part, qui n’avait point de modèles, et qui ne trouvera point de rivaux : c’est enfin le génie de l’immortalité chrétienne qui inspirait Young, comme c’est le sentiment et le désir de la gloire qui inspire les autres poètes.

8. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Et celui qui le dit, c’est un homme ; et cet homme ne s’applique rien, oublieux de sa destinée, ou s’il passe dans son esprit quelque désir volage de s’y préparer, il dissipe bientôt ces noires idées ; et je puis dire, messieurs, que les mortels n’ont pas moins de soin d’ensevelir les pensées de la mort, que d’enterrer les morts mêmes2. […] Ainsi, encore que3 les hommes du monde n’aient pas de liberté véritable, étant presque toujours contraints de céder au vent qui les pousse, toutefois ils s’imaginent jouir d’un certain air de liberté et de paix, en promenant deçà et delà leurs désirs vagues et incertains4. […] Quelle ardeur, quelle impatience, quelle impétuosité de désirs ! […] Là, les folles amours4 ; là, le luxe, l’ambition et le vain désir de paraître exercent leur empire sans résistance. […] Il est bien malaisé de régler ses désirs : Le plus sage s’endort sur la foi des zéphyrs.

9. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

« Alors même que par une faveur singulière nous avons accompli ou possédé une partie de ce qui excitait nos désirs, quelle âme humaine n’a en elle-même au bout d’un certain temps assez d’illusions détruites, assez de déceptions accumulées, assez de ruines intérieures pour qu’au moindre souvenir qui les agite il ne s’en échappe, comme une noire vapeur, un nuage épais de tristesse ? […] Nos tristesses sont du même ordre que nos désirs, puisque nos désirs déçus les composent, et nos désirs, c’est nous-mêmes. […] Nos amis notre pays, le désir trop souvent confondu de savoir la vérité, l’inutile effort vers le bien, le découragement inquiet de l’âme qui s’élance vers la lumière et qui retombe, sont-ils au fond de notre tristesse mêlés, je le veux bien, à cette inévitable lie qui dort toujours dans le cœur de l’homme ?

10. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Perdus que nous sommes dans l’immensité visible et invisible des choses, accablés du spectacle de la terre et du ciel, des perspectives de l’histoire et des horizons sans fin de l’avenir, nous ne pouvons arriver à la persuasion de notre petitesse1 ; notre âme proteste contre nos yeux, et, de l’abîme où elle semble anéantie, elle nous suscite la pensée que nous servons, et le désir invincible de servir en effet. […] Il vous était impossible, madame, de me donner une plus grande preuve d’attachement que celle dont votre lettre est la vivante et sainte expression ; et si je ne consultais que mon désir de vous en témoigner ma reconnaissance, je vous obéirais à l’instant même, sans réflexion ni réserve2. […] M. l’Archevêque sait bien que nul ne m’insultera dans la chaire de Notre-Dame ; il sait bien qu’un immense auditoire me couvrira contre tout désir isolé et honteux ; il sait que je ne donnerai pas le temps à tout ce monde de se reconnaître, et qu’à ma troisième phrase je me serai fait dans leur cœur un asile sacré1. […] La responsabilité de M. l’Archevêque est donc à couvert ; il doit savoir qu’il n’a rien à craindre, qu’il n’a besoin, pour sauver Notre-Dame1, que du désir qu’on a de m’y voir. […] La vanité, l’ambition, la vengeance, le luxe, la volupté, le désir insatiable d’accumuler, voilà les vertus que le monde connaît et estime, voilà les vertus auxquelles il porte ses partisans.

11. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

L’autre anime nos cœurs, enflamme nos désirs, Et même en nous trompant, donne de vrais plaisirs : Mais aux mortels chéris à qui le ciel l’envoie, Elle n’inspire point une infidèle joie ; Elle apporte de Dieu la promesse et l’appui ; Elle est inébranlable et pure comme lui. […] Helvétius5 Tout vouloir est d’un fou ; l’excès est son partage : La modération est le trésor du sage ; Il sait régler ses goûts, ses travaux, ses plaisirs, Mettre un but à sa course, un terme à ses désirs. […] J’y fus pris ; j’asservis au vain désir de plaire La mâle liberté qui fait mon caractère3 ; Et, perdant la raison, dont je devais m’armer, J’allai m’imaginer qu’un roi pouvait aimer. […] La loi naturelle De nos désirs fougueux la tempête fatale Laisse au fond de nos cœurs la règle et la morale.

12. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Quelle ardeur, quelle impatience, quelle impétuosité de désirs ! […] Là, les folles amours4 ; là, le luxe, l’ambition et le vain désir de paraître exercent leur empire sans résistance. […] C’est donc Votre Majesté qui, par la force invincible avec laquelle elle voudra ce soulagement, fera naître un désir semblable en ceux qu’elle emploie ; en ne se lassant point de chercher et de pénétrer, elle verra sortir ce qui sera utile effectivement. […] Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles, Qu’on croit avoir pour soi les vents et les étoiles, Il est bien malaisé de régler ses désirs : Le plus sage s’endort sur la foi des zéphyrs. […] Que si nous voulons les déconcerter et rompre cette intelligence, voici l’unique remède : un amour généreux de la vérité, un désir de nous connaître nous-mêmes tels que nous sommes, à quelque prix que ce soit.

13. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

J’ai été nourri aux lettres dès mon enfance, et, pour ce qu’on me persuadait que par leur moyen on pouvait acquérir une connaissance claire et assurée de tout ce qui est utile à la vie, j’avais un extrême désir de les apprendre. […] Et j’avais toujours un extrême désir d’apprendre à distinguer le vrai d’avec le faux, pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en cette vie. […] Il faut lire la lettre qu’il écrivit à l’un de ses anciens professeurs en lui envoyant un de ses ouvrages : « Je juge bien que vous n’aurez pas retenu les noms de tous les disciples que vous aviez il y a vingt-trois ou vingt-quatre ans (la lettre est du 15 juin 1637, et Descartes avait quitté le collége en 1612), lorsque vous enseigniez la philosophie à la Flèche, et que je suis du nombre de ceux qui sont effacés de votre mémoire ; mais je n’ai pas cru pour cela devoir effacer de la mienne les obligations que je vous ai, ni n’ai pas perdu le désir de les reconnaître, bien que je n’aie aucune occasion de vous en rendre témoignage, sinon qu’ayant fait imprimer ces jours passés le volume que vous recevrez en cette lettre, je suis bien aise de vous l’offrir, comme un fruit qui vous appartient… » 2.

14. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Guizot. Né en 1787. » pp. 469-478

Aussi, quand il avait observé, réfléchi et arrêté son idée, rien ne le troublait ; il ne se laissait point jeter ou entretenir, par les idées d’autrui, ni par le désir de l’approbation, ni par la crainte de la contradiction, dans un état de doute et de fluctuation continuelle. […] Nous en sommes sortis travaillés de maladies contraires, enivrés d’orgueil et vaincus par le doute, offrant tour à tour le spectacle de l’emportement des désirs et de la mollesse de la volonté. Ce sera votre tâche de lutter contre ce double mal, de retrouver pour vous-mêmes et de répandre autour de vous des convictions fermes avec des désirs modérés, de la tempérance et de l’énergie.

15. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre premier. Objet de l’Éloquence de la chaire. »

Il ne suffit pas, en effet, d’un zèle que rien n’intimide, d’une âme brûlante et consumée du désir vrai d’opérer le bien ; il faut que la raison dirige cet enthousiasme divin : et, ici plus qu’ailleurs, c’est la conviction qui doit amener la persuasion et le triomphe de l’orateur. […] C’est à balancer l’une par l’autre ces deux qualités précieuses, que les prédicateurs se doivent attacher principalement dans leurs discours et dans la manière de les prononcer, De la chaleur et de la gravité réunies, résulte ce qu’on appelle l’onction, c’est-à-dire, la manière touchante d’un prédicateur vivement pénétré du désir ardent de communiquer à ses auditeurs la pureté de sa foi et la chaleur de son zèle.

16. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Je ne vous nierai point, seigneur, que ses soupirs M’ont daigné quelquefois expliquer ses désirs. […] Il m’aime ; il obéit à l’empereur son père, Et j’ose dire encore, à vous, à votre mère : Vos désirs sont toujours si conformes aux siens8… Néron. […] Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs : Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs1 ; L’empire en est pour vous l’inépuisable source ; Ou, si quelque chagrin en interrompt la course, Tout l’univers, soigneux de les entretenir2, S’empresse à l’effacer de votre souvenir. […] L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux : Soit que, déshérité de son antique gloire, De ses destins perdus il garde la mémoire ; Soit que de ses désirs l’immense profondeur Lui présage de loin sa future grandeur.

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