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25. (1873) Principes de rhétorique française

Il a pour objet propre l’utile ; l’orateur conseille ou dissuade, il exhorte à prendre tel on tel parti ; c’est à l’auditeur de décider. […] Le genre démonstratif a peur matière le beau et son contraire, l’auditeur s’instruit pour approuver ou blâmer dans le présent ; le genre délibératif a pour matière le bon ou l’utile, l’auditeur examine ou délibère pour l’avenir ; enfin le genre judiciaire a pour matière le juste et l’injuste, l’auditeur décide et juge le passé. […] Comment l’auditeur pourrait-il le faire, si l’orateur ou l’écrivain ne l’avait fait d’abord ? […] — La bienveillance de l’auditeur répond à la bienveillance et à la modestie manifestées par l’auteur. […] Elle a pour objet de frapper un dernier coup, d’agir une dernière fois sur l’esprit et l’imagination du lecteur ou des auditeurs.

26. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Les avocats et les orateurs en savent encore mieux le prix car l’auditeur est toujours sensible à son influence. […] Voyez Massillon faisant apparaître Jésus-Christ lui-même au dernier jour pour juger ses auditeurs et le prêtre qui leur parle. […] C’est une règle absolue, au début d’un discours ou d’un livre, de se concilier l’attention et la bonne volonté de l’auditeur ou du lecteur. […] Quelle soit complète, claire, progressive et naturelle, elle intéressera l’auditeur en l’instruisant. […] La progression continue a ses avantages quand on est sûr d’occuper l’auditeur dès les premiers mots.

27. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre II. Des différentes espèces de Discours Oratoires. »

Partout il réduit ses auditeurs au silence, ne leur laisse ni excuse, ni prétexte, et les force à goûter la raison dont il est le plus fidèle organe. […] Dédaignant l’art de polir ses discours, il ne s’attache qu’à présenter à ses auditeurs le vrai sous toutes les faces. […] L’œil du lecteur est bien plus perçant que celui de l’auditeur, quelque attentif qu’on suppose celui-ci. […] Les ornements doivent en être bannis, à moins qu’ils ne naissent de la matière même, ou qu’ils ne soient nécessaires pour réveiller et piquer l’attention des auditeurs. […] L’orateur qui traite un de ces sujets veut ordinairement porter ses auditeurs à une entreprise, ou les en détourner.

28. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre IV. Prédicateurs français. »

Mais plus occupé de prouver, que jaloux d’émouvoir et d’attendrir, rarement Bourdaloue s’abandonne à ces grands mouvements qui surprennent, agitent et remuent l’auditeur. […] Bossuet et Bourdaloue ont parcouru ensemble la même carrière ; ils ont été par conséquent rivaux ; ils ont été comparés et jugés par leurs auditeurs.

29. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IX. De quelques autres figures qui appartiennent plus particulièrement à l’éloquence oratoire. »

Dans les pertes médiocres, on surprend ainsi la pitié des auditeurs ; mais on décrit sans art une mort qu’on déplore sans feinte, etc. » Et Bossuet, dans celle du Grand-Condé : « Ce serait ici le lieu de faire voir notre Prince dans ses glorieuses campagnes qui ont été les miracles de notre siècle, et dont la postérité aura un jour droit de douter ; et peut-être même ne les croira-t-elle pas, parce qu’elles sont bien plus vraies que vraisemblables. […] avec quelle énergie elle presse, frappe, poursuit et entraîne l’adversaire confondu, et l’auditeur subjugué par la véhémence de l’orateur ! […] Massillon, qui a si bien connu et si heureusement employé toutes les ressources de l’éloquence, a surtout connu ce grand art de s’entretenir avec ses auditeurs, de descendre, pour ainsi dire, de la chaire, pour se mêler avec eux, afin de pénétrer plus avant dans leur âme, et d’y surprendre les réponses qu’ils préparent, les objections qu’ils voudraient faire.

30. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Marc Girardin. Né en 1801. » pp. 534-541

Pour lui, le goût et la conscience ne font qu’un ; les caractères expliquent les talents, et, sans dogmatiser, il a converti par ses sermons, où l’on ne dort jamais, beaucoup d’auditeurs exposés à la contagion des idées fausses ou chimériques. […] Je m’affligeais que ma langue ne pût pas suffire à mon cœur ; je voulais que mes auditeurs comprissent ce que je comprenais moi-même, et je sentais que je ne parlais pas de manière à produire cet effet. […] Oubli pour oubli, autant vaut celui des auditeurs que celui des lecteurs.

31. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

Les auditeurs devenaient chaque jour plus nombreux, et il avait la satisfaction d’y compter les personnes les plus distinguées de la ville. […] On en avait répandu d’abord des copies imparfaites, exécutées sur des notes prises par quelques auditeurs, et bientôt on les a vendues publiquement. […] Nous disons susceptible de plus d’extension, parce que ce moyen ne se borne pas à agir sur un cercle étroit d’auditeurs, et qu’il nous donne la faculté d’étendre nos pensées au loin, et d’en entretenir le monde entier ; c’est ainsi que notre voix atteint jusqu’aux régions les plus reculées. […] Quelques-uns des préceptes que j’ai recommandés à l’attention de mes auditeurs, paraîtront peut-être minutieux ; cependant leur influence sur le style est bien plus grande qu’on ne l’imagine. […] Si nous voulons fixer l’attention du lecteur ou de l’auditeur, et conserver à notre style sa force et sa vivacité, nous devons chercher à varier nos mesures.

32. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre II. Qualités et devoirs de l’Orateur du Barreau. »

Pour peu qu’il les dénature, ou qu’il les place sous un faux jour, la supercherie ne tarde pas à être découverte ; et les juges en concluent, ainsi que les auditeurs, qu’il a manqué ou d’intelligence pour les sentir, ou de courage pour les admettre, ou de force enfin pour y répondre. […] xii, chap. 9), c’est une jouissance bien indigne d’un honnête homme, et qui ne peut que révolter un sage auditeur.

33. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

Cependant, l’éloquence de la chaire ne s’appuie pas exclusivement sur l’autorité divine, elle emploie aussi les armes humaines du raisonnement, selon les auditeurs auxquels elle s’adresse ; elle sait aussi prouver que les vérités qu’elle enseigne ne sont pas contraires aux lois de la raison ; mais elle nous met en garde contre les erreurs et les faiblesses de l’esprit ; là où la raison trébuche, l’autorité étend sa main bienfaisante pour la soutenir. […] Ce discours a un double but : il fait ressortir la grandeur, les talents, les vertus du personnage qu’il célèbre, en le proposant à l’admiration et à l’imitation des auditeurs ; puis il montre la mort triomphant de la grandeur et de la gloire, et l’orgueil humain confondu devant l’égalité de la tombe. […] L’éloquence de la tribune varie autant que les circonstances qui la font naître et que les auditeurs auxquels elle s’adresse : au milieu d’un sénat, dans une-assemblée de sages politiques, elle sera grave, réfléchie, pleine de simplicité et de raison ; elle s’occupera plus de discuter, de convaincre les esprits, que d’émouvoir les cœurs ; elle pourra préparer à loisir ses moyens de persuader, sa diction et son style.

34. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Ce tour est très propre à piquer ou à réveiller l’attention de l’auditeur. […] La Subjection est une figure par laquelle l’orateur interroge ses adversaires ou ses auditeurs et répond lui-même à ses propres questions. […] Réticence La Réticence consiste à s’interrompre au milieu d’une phrase et à laisser l’auditeur le soin de la continuer. […] Suspension La Suspension existe lorsque, pour piquer la curiosité de l’auditeur, on tient quelque temps son esprit en suspens et dans l’incertitude de ce que l’on va dire. Elle rend les auditeurs attentifs et contribue à faire naître dans leurs cœurs et la surprise et l’admiration.

35. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre premier. »

Dans le cours de la harangue populaire la plus animée, il ne faut jamais perdre de vue ce qu’on doit de respect et de ménagement à l’oreille des auditeurs. […] Que le plaisir de nous entendre parler ne nous fasse jamais oublier que les auditeurs sont faciles à lasser ; que l’inconstance et la légèreté du plus grand nombre ne leur permettent pas de donner, à rien de sérieux, une attention longtemps suivie ; et lorsqu’une fois cette lassitude commence à se faire sentir, tout l’effet de notre éloquence devient absolument nul.

36. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

On doit, en second lieu, convaincre, ou démontrer la vérité du fait que l’on révèle ; et enfin on doit toucher ou émouvoir, en faisant partager à ses auditeurs les sentiments que l’on éprouve. […] L’orateur qui veut que sa manière d’argumenter ne soit pas suspecte, doit cacher le piège sous les fleurs, et se souvenir qu’un auditeur qui prend plaisir à ce qu’il entend, est à demi gagné. » Nous ajouterons que, lorsqu’il s’agit en général d’établir la vérité d’une manière solide, il existe un art qui doit être l’objet d’une étude sérieuse ; cette étude, c’est la logique. […] Donc soyons sincèrement animés des sentiments dont nous voulons animer les autres, « Car, dit Quintilien, comment l’auditeur pourra-t-il s’attrister d’une chose que je lui raconterai avec indifférence ? […] Si est donc indispensable à l’écrivain ou à l’orateur de comprendre les différents caractères de ses auditeurs, et de faire une étude spéciale et profonde du cœur humain. […] Pour bien faire sentir toute l’importance des passions dans le discours, jetons les yeux sur quelques exemples qui nous feront voir comment les bons écrivains ont su être pathétiques, quand ils voulaient exprimer des sentiments dont ils étaient pénétrés eux-mêmes, et qu’ils voulaient faire partager à leurs lecteurs ou à leurs auditeurs.

37. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre premier. Objet de l’Éloquence de la chaire. »

Mais il doit s’accommoder à la faiblesse de l’entendement de ses auditeurs, quand il vient pour les instruire ; à la trempe de leur esprit, quand il veut les persuader ; au naturel enfin de leur âme, quand il cherche à les émouvoir. […] C’est à balancer l’une par l’autre ces deux qualités précieuses, que les prédicateurs se doivent attacher principalement dans leurs discours et dans la manière de les prononcer, De la chaleur et de la gravité réunies, résulte ce qu’on appelle l’onction, c’est-à-dire, la manière touchante d’un prédicateur vivement pénétré du désir ardent de communiquer à ses auditeurs la pureté de sa foi et la chaleur de son zèle.

38. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

Comme il s’agit à ce moment décisif de frapper les derniers coups, comme l’auditeur s’est échauffé à votre feu, identifié avec vos sentiments, tout alors vous est permis, tours animés, expressions énergiques, figures brillantes et hardies, hypotyposes, prosopopées, invocation de la nature entière, animée ou inanimée, en un mot, tout ce que la passion brûlante, impétueuse, peut vous fournir pour enfoncer le trait dans les âmes, pour faire jouer les deux grands ressorts tragiques, la terreur et la pitié. […] Mais la péroraison, comme l’exorde, se tire le plus souvent de la personne du client, ou de l’adversaire, ou des juges et de l’auditeur, ou enfin de l’orateur lui-même. […] Passant ensuite aux diverses parties, elle trace les règles du début, montre comment il dépend de l’ensemble, quelles dispositions il doit faire naître dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur ; elle en indique les différentes espèces, les sources, les mérites et les défauts.

39. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Préface » pp. -

L’esprit de ce livre est contenu dans la page que voici, et que j’emprunte à un de nos maîtres préférés : « Les leçons de littérature, pour être utiles et remplir leur véritable objet, doivent se composer en grande partie de lectures, d’extraits abondants, faits avec choix… L’accent qui insiste, qui souligne, pour ainsi dire, en lisant ; quelques remarques courantes et comme marginales, qui se glissent dans la lecture et s’en distinguent par un autre ton ; quelques rapprochements indiqués comme du doigt suffiront pour mettre l’auditeur à même de bien saisir la veine principale, et de se former une impression. […] On ne peut tout dire sans doute de chaque auteur ; il n’est besoin que d’en dire assez pour bien marquer le sens de sa manière, et donner à l’auditeur qui sort de là l’envie d’en savoir plus en recourant à l’original ; mais il faut, à la rigueur, lui en avoir déjà offert et servi un assez ample choix, pour que, même sans aller s’informer au delà, il en garde un souvenir propre, et attache à chaque nom connu une idée précise.

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