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77. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Il y avait d’ailleurs tant de magnificence dans leurs tombeaux, que le contraste du néant de la mort et des splendeurs de la vie s’y faisait moins sentir. […] L’homme a la conscience du beau comme celle du bon, et la privation de l’un lui fait sentir le vide, ainsi que la déviation de l’autre, le remords. […] Lorsque la légion s’avança dans la plaine, les Francs se sentirent arrêtés au milieu de leur victoire. […] Il sentait à la fois l’empire et la vie lui échapper : un messager arrivé des Gaules venait de lui apprendre la mort de Constance. […] Ce noble et sincère esprit se sentait lui-même atteint de ce mal de notre temps, « le grand et irrémédiable scepticisme. » M. 

78. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Montluc, 1503-1577 » pp. -

Il sentit l’importance de l’infanterie, et accomplit ses plus belles prouesses à la tête « des gens de pied », qu’il entraînait par son exemple. […] Car n’être rien que pour soi, c’est en bon français, être né une bête. » Ses harangues et ses récits, qui ne sentent jamais le clerc, étincellent de belle humeur, et son nourris de bon sens. […] Nous sommes perdeus : toute nostre fiance7 après Dieu, est en luy ; il n’est possible qu’il en eschappe. » Je croy fermement que les bonnes prieres de ces honnestes femmes me tirarent8 de l’extremité et langueur où j’estois, j’entendz du corps, car, quant à l’esprit et l’entendement, je ne le sentis jamais affoiblir9.

79. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre VI. — Différents genres d’exercices »

Ces fragments, déjà arrondis, sent d’abord émoussés et polis par le frottement ; les plus gros sont déposés sur la plage, et les plus petits continuent leur course et sont déposés plus bas. […] Vous me faites sentir vos bontés de la manière la plus bienfaisante ; vous semblez, ne me laisser de sentiments que ceux de la reconnaissance ; et il faut avec cela que je vous importune encore. […] Pour moi, je l’ai senti avec toute l’amertume et la douleur que j’avais imaginées, et que j’avais appréhendées depuis si longtemps. […] M. le cardinal entra dans les miennes ; la sorte d’amitié qu’il a pour vous le rend fort sensible à votre départ… Ne blâmez point, mon enfant, ce que je sentis en rentrant chez moi : quelle différence ! […] M. de Grignan comprend bien ce que je veux dire et ce que je sentis.

80. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Tite-Live est plein de morceaux où respire cette éloquence vraiment dramatique, qui identifie le lecteur avec le personnage, et lui fait éprouver tout ce qu’il a senti. […] Mais ce qui rend surtout son style si intéressant et si animé ; ce qui attache si puissamment à sa lecture les âmes faites pour l’apprécier, c’est qu’il ne se borne point à parler de la vertu ; il la fait respecter à ses lecteurs, parce qu’il paraît la sentir lui-même : il ne déclame jamais contre le vice ; il en est profondément affecté ; et il épanche sur le papier l’émotion douloureuse de son âme. […] On sent qu’un pareil discours n’a pu sortir que d’une âme capable de s’élever à la hauteur de celle de Germanicus lui-même. […] J’ai toujours cru voir mes forces augmenter avec le nombre de mes années, en sorte que, dans ma vieillesse même, je ne me suis senti ni moins fort, ni moins vigoureux qu’aux jours même de ma jeunesse. […] N’est-ce pas parce qu’une âme exercée à voir plus et mieux, sent parfaitement qu’elle s’avance vers un meilleur ordre de choses, tandis que cette perspective consolante échappe à celle dont les sens ont émoussé les facultés » ?

81. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

« Quand un discours naturel, dit-il, peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, qui y était sans qu’on le sût, et on se sent porté à aimer celui qui nous le fait sentir, car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable : outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer. […] « On veut trop éblouir et surprendre, dit encore Fénelon ; on veut avoir plus d’esprit que son lecteur et le lui l’aire sentir, pour enlever son admiration ; au lieu qu’il faudrait n’en avoir jamais plus que lui, et lui en donner même sans paraître en avoir.

82. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Il est difficile de donner là-dessus des règles positives ; les bienséances se sentent mieux qu’elles ne s’enseignent : ce sont les délicatesses du sentiment de l’écrivain ; elles tiennent à mille nuances qui varient dans chaque circonstance. […] L’homme de bien se fait sentir dans ses écrits ; on le suit avec plaisir, on l’aime, on se laisse doucement persuader par sa parole. […] L’écrivain qui sent le plus vivement est celui qui a le plus de succès.

83. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Victor Hugo Né à Besançon en 1802 » pp. 540-556

Il n’y a pas dans la nature, telle qu’il la sent, d’objets inanimés ; tout a vie, il le sait. […] Le bonheur est de sentir son âme bonne. […] La muse marche ; mais, alors même, on sent qu’elle a des ailes. […] C’est senti, c’est ému, intime.

84. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Cette composition nous fera sentir les défauts du nôtre, et nous apprendra à les corriger. […] On sent qu’alors un exorde simple affaiblirait, ou détruirait le mouvement qu’il faut entretenir et augmenter. […] Bossuet est grand, mais juste et naturel ; on sent qu’il s’élève sans effort. […] Mais il se trouva par terre, parmi des milliers de morts dont l’Espagne sent encore la perte. […] Qui de vous ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ?

85. (1873) Principes de rhétorique française

Du reste, c’est une force qui doit se faire sentir plutôt que se montrer. […] O dieux, vous le savez, quelle fut ma joie quand je sentis que mes mains le touchaient ! […] Le chant des cigales a quelque chose de vif et qui sent l’été. […] Avec elle on traverse les mauvais jours sans en sentir le poids ; on se fait à soi-même sa destinée ; on use noblement sa vie. […] La période destinée à faire sentir les rapports plus multipliés entre les propositions doit être symétrique.

86. (1866) Cours élémentaire de rhétorique et d’éloquence (5e éd.)

On exprime toujours plus ou moins mal ce qu’on ne sent pas, ce qu’on n’éprouve pas au fond de son âme. […] Patere tua consilia non sentis ? […] Que votre œuvre soit naturelle et animée, qu’elle ne sente pas le cabinet et le travail. […] Accoutumez-vous à sentir avec force tout ce qui est juste et vrai. […] Ils raisonnent plus qu’ils ne sentent ; car le raisonnement conduit à l’intérêt, le sentiment à la vertu.

87. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

Il est d’heureuses natures qui, de bonne heure, sentent, imaginent et formulent vivement : c’est le très-petit nombre. Il est, au contraire, des natures ingrates qui semblent radicalement inhabiles à sentir, à imaginer et à exprimer : c’est encore le très-petit nombre. […] 3° C’est encore au maître à lui apprendre comment il faut, dans l’occasion, savoir s’écarter des règles, et obéir, en dépit d’elles, aux inspirations du goût, c’est-à-dire de cette faculté, moitié d’instinct, moitié de culture, qui nous fait discerner et sentir le beau, en dehors même des lois générales et des prévisions de l’art.

88. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre premier. De la lettre. »

Voltaire, Racine, Marmontel, Fénélon, Clément xiv se font lire, mais leur travail sent l’étude ; l’esprit y perce partout et détruit la perfection. […] Quand on a reçu un bienfait, il faut montrer qu’on en sent le prix. […] Celle manière a quelque chose de touchant et de gracieux et doit faire sentir à M.

89. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fléchier, 1632-1710 » pp. 124-132

Il sait se servir de son esprit, mais il ne sait pas s’en prévaloir ; et bien qu’il se sente, bien qu’il s’estime ce qu’il vaut, il laisse à chacun son jugement. […] » Chrétiens, qu’une triste cérémonie assemble en ce lieu, ne rappelez-vous pas en votre mémoire ce que vous avez vu, ce que vous avez senti il y a cinq mois ? […] L’un disait qu’il était aimé de tout le monde sans intérêt ; l’autre, qu’il était parvenu à être admiré sans envie ; un troisième, qu’il était redouté de ses ennemis sans en être haï ; mais enfin, ce que le roi sentit sur cette perte, et ce qu’il dit à la gloire de cet illustre mort, est le plus grand et le plus glorieux éloge de sa vertu.

90. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

• Appliquer à Démosthène, en la confirmant par des exemples, cette définition du véritable orateur : Il pense, il sent, et la parole suit. (10 novembre 1883). […] Plus sensibles que l’homme, plus propres à sentir qu’à raisonner, jugeant plus souvent avec le cœur qu’avec l’esprit, elles sont des témoins plus émus de ce qui s’accomplit sous leurs yeux. […] Mais c’est là une double erreur et l’on ne saurait demander à Euripide d’avoir les idées et les sentiments de Racine, ni à Racine de penser et de sentir comme Euripide. […] La comédie devient alors un genre mixte, plus près de la tragi-comédie que de la farce, et où l’influence de l’Espagne se fait sentir désormais plus que celle de l’Italie. […] Avec un instinct admirablement sûr, il débute par la farce, parce que là, du moins, il se sent près de la nature et que, à travers les exagérations du genre, il sent bien qu’il peut faire voir des types vivants.

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