Des générations de rois issus du même sang se sont succédé pendant dix siècles au gouvernement du même peuple, et, malgré cette perpétuité d’intérêt et de commandement, ils n’ont pu couvrir aux yeux du monde les fautes de leurs pères, et maintenir sur leur tombe le faux éclat de leur vie. […] Les triomphes d’Alexandre ne le défendent pas du meurtre de Clitus, et la mort tranquille de Sylla n’insulte plus au sang de ses victimes. […] L’intérêt le plus vil arme le frère contre le frère, l’ami contre l’ami, rompt tous les liens du sang et de l’amitié ; et c’est un motif si bas, si indigne de la fin à laquelle nous sommes destinés, qui décide de nos haines et de nos amours.
Qu’on voie dans l’histoire de Rome tant de guerres entreprises, tant de sang répandu, tant de peuples détruits, tant de grandes actions, tant de triomphes, tant de politique, de sagesse, de prudence, de constance, de courage, ce projet d’envahir tout, si bien formé, si bien soutien, si bien fini, à quoi aboutit-il ? […] Voici une bien belle lettre de Ducis inspirée par la piété filiale : « Mon père était un homme rare et digne du temps des patriarches ; c’est lui qui par son sang et ses exemples a transmis à mon âme ses principaux traits et ses maîtresse formes.
Aumale (le Chevalier d’), deuxième fils de Claude de Lorraine, duc d’Aumale, et petit-fils de Claude de Lorraine, duc de Guise, qui vint s’établir en France en 1312, et y épousa en 1513, Antoinette de Bourbon, princesse du sang.
Si l’ardeur d’un sang qui s’enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit, le moment d’après, toute la bonté de son cœur1 dans l’effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu’il a faite ; il voudrait, au prix de son sang, racheter celui2 qu’il a versé : tout son emportement s’éteint, toute sa fierté s’humilie devant le sentiment de sa faute.
Il était la proie de ses idées : de là, les saillies aventureuses d’un style qui participe à l’ardeur de son sang et à la fougue d’une imagination mobile. […] Ils sont portés par les flots contre des rochers voisins, où leur sang se mêle à l’écume qui les blanchit.
L’amour cruellement éprouvé d’une sœur y maudit un frère meurtrier de son amant et libérateur de la patrie ; et, par amour pour son pays, un frère verse le sang d’une sœur qui s’est laissé emporter à des imprécations contre Rome et son vengeur. […] Deux princes s’y trouvent placés entre deux furies altérées de sang, et courent continuellement de l’une à l’autre sans savoir s’en défaire. […] Noyons-la dans son sang justement répandu ; Brûlons ce Capitole, où j’étais attendu ; Détruisons ses honneurs et faisons disparaître La honte de cent rois et la mienne peut-être. […] vous hasarderiez le fruit de tant de larmes Et celui de ce sang qu’un Dieu versa pour vous ! […] Modère ces bouillons de ta mélancolie ; Et garde qu’un de ceux que tu penses blâmer N’éteigne dans ton sang cette ardeur de rimer.
L’une a pour ministre un homme de sang, l’autre un homme de paix ; l’une condamne, l’autre absout. […] Un bourreau, ministre de sang, un prêtre, ministre de paix, agissent et parlent au nom de ces figures muettes, la victime est au milieu de ce cortège qui marche et se meut sur un échafaud. […] Ainsi se repose un lion de Numidie, après avoir déchiré un troupeau de brebis ; sa faim est apaisée, sa poitrine exhale l’odeur du carnage ; il ouvre et ferme tour à tour sa gueule fatiguée, qu’embarrassent des flocons de laine ; enfin, il se couche au milieu des agneaux ; égorgés, sa crinière, humectée d’une rosée de sang, retombe des deux côtés de son cou ; il croise ses grilles puissantes, il allonge la tête sur ses ongles, et, les yeux à demi fermés, il lèche encore les molles toisons étendues autour de lui. […] Quelle force dans les épithètes, sa gueule fatiguée, sa crinière humectée d’une rosée de sang (métaphore hardie) ses griffes puissantes, et par contraste les molles toisons, les brebis les agneaux, les flocons de laine, toutes ces idées douces mêlées à l’horreur du récit, viennent rendre plus sauvage la férocité du roi des forêts.
On a imaginé, il y a longtemps, que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible ; mais que répondraient les partisans de cette opinion à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands qui souvent ne font pas naître un seul chêne ? […] y a-t-il une plus exécrable tyrannie que celle de verser le sang à son gré, sans en rendre la moindre raison ? […] il faut que cela devienne l’usage : vous devez compte aux hommes du sang des hommes. » Citons encore ce passage : « Il est fâcheux pour la nature humaine, j’en conviens avec vous, que l’or fasse tout, et le mérite presque rien ; que les vrais travailleurs, derrière la scène, aient à peine une subsistance honnête, tandis que des personnages en titre fleurissent sur le théâtre ; que les sots soient aux nues, et les génies dans la fange ; qu’un père déshérite six enfants vertueux, pour combler de biens un premier-né qui souvent le déshonore. […] Dans sa lettre du 3 avril 1741, Voltaire écrit à peu près les mêmes choses à Helvétius : « Vous ne savez pas combien cette première épître sera belle, et moi je vous dis que les plus belles de Despréaux seront au-dessous ; mais il faut travailler, il faut savoir sacrifier des vers ; vous n’avez à craindre que votre abondance, vous avez trop de sang, trop de substance ; il faut vous saigner et jeûner.
Le Cid et Cinna n’en sont pas moins pathétiques, quoiqu’ils se terminent à la satisfaction générale et sans effusion de sang. […] Après avoir lancé contre ce dernier la plus terrible philippique, pendant laquelle il avait toujours tenu en réserve le nom maudit de son ennemi, comme s’il eût craint de souiller ses lèvres en le prononçant, Louvet termine ainsi : « J’insiste surtout pour qu’à l’instant vous prononciez sur un homme de sang, dont les crimes sont prouvés.
On ne voit plus que carnage ; le sang enivre le soldat, jusqu’à ce que ce grand Prince, qui ne put voir égorger ces lions comme de timides brebis, calma les courages émus, et joignit au plaisir de vaincre celui de pardonner. […] Son ombre eût pu encore gagner des batailles : et voilà que dans son silence son nom même nous anime ; et ensemble il nous avertit que, pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux, et n’arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le Roi de la terre, il faut encore servir le Roi du Ciel. » Servez donc ce Roi immortel et si plein de miséricorde, qui vous comptera un soupir et un verre d’eau donné en son nom, plus que tous les autres ne feront jamais tout voire sang répandu ; et commencez à compter le temps de vos utiles services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant.
Je ne dirai pas qu’après tant de conquêtes, il parviendra à la Monarchie universelle de la Grèce, avec plus d’apparence qu’il n’y avait lieu de se défier autrefois qu’il dût parvenir où il est à présent. » On voit encore un exemple de cette figure dans ces vers de la Henriade : Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris, Le sang de tous côtés ruisselant dans Parisa, Le fils assassiné sur le corps de son père, Le frère avec la sœur, la fille avec la mère, Les époux expirants sous leurs toits embrasés, Les enfants au berceau sur la pierre écrasés. […] Crébillon en fournit un exemple dans cet endroit de sa tragédie d’Atrée, où Thieste, après avoir reconnu le sang de son fils dans la coupe qui lui a été présentée par Atrée, son frère, lui parle ainsi : Monstre, que les enfers ont vomi sur la terre, Assouvis la fureur dont ton cœur est épris : Joins un malheureux père à son malheureux fils, À ses mânes sanglants donne cette victime, Et ne t’arrête point au milieu de ton crime. […] Ce que Jésus-Christ est venu chercher du ciel en terre, ce qu’il a cru pouvoir, sans se ravilir, acheter de tout son sang, n’est-ce qu’un rien ?
Le lieu où nous sommes fut alors couvert d’un monceau de cadavres, et le sang des citoyens y coula à grands flots. […] vous osez paraître devant le peuple romain, sans avoir auparavant arraché du port de votre ville cette croix où coule encore le sang d’un citoyen de Rome ! […] Cette affinité de goût, cette ressemblance de conduite et de mœurs, sont des liens peut-être aussi forts que ceux du nom et du sang dont vous faites tant d’état. […] Verrès ne s’est pas contenté de répandre le sang des Siciliens, il a fait battre de verges et frapper de la hache des citoyens romains. […] Il tombe, le visage couvert de son sang.
Chacun aurait l’ambition d’en faire autant, d’abord ; et puis, après avoir sué sang et eau, on quitterait la partie : tant l’ordre et l’harmonie ont de valeur dans un poëme ! […] Mais vous, noble sang de Pompilius, soyez impitoyables pour ces poëmes faits à la hâte et sans corrections, essais imprudents qu’un goût sévère n’a pas dix fois retouchés. […] Les hommes vivaient dispersés dans les bois, quand un poëte sa cré, interprète des Dieux, Orphée, leur inspira l’horreur du sang et d’une affreuse nourriture. […] plus d’espoir : il faut périr sous son vers homicide ; la sangsue ne lâchera prise, que gorgée du sang de sa victime. […] 1372Mais celui qu’il a attrapé, 1373il le tient-ferme, 1374et il l’assassine en lui lisant ses vers : 1375 véritable sangsue 1376qui ne lâchera point la peau, 1377si-ce-n’est gorgée de sang.
Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes, et que ce nom soit une gloire d’être sortis d’un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes ? […] Ainsi vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né ; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu’ils ont fait d’illustre ne vous donne aucun avantage : au contraire, l’éclat n’en rejaillit sur vous qu’à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d’un chacun la honte de vos actions.