Il pensait fortement, et s’exprimait de même : on en juge par un de ses discours, que Thucydide nous a conservé. […] Gardez bien vos rangs, je vous prie : si la chaleur du combat vous les fait quitter, pensez aussitôt au ralliement ; c’est le gain de la bataille… ; et si vous perdez vos enseignes, cornettes et guidons, ne perdez point de vue mon panache blanc, vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur et de la victoire ».
Tous les sages de l’antiquité ont pensé, ont parlé, ont agi pour lui ; ou plutôt il a vécu avec eux, il a entendu leurs leçons, il a été le témoin de leurs grands exemples. […] Si l’art prescrit à l’orateur de connaître les mœurs de ceux à qui il parle, c’est afin de proportionner son discours à leur intelligence, à leurs sentiments ; de remuer les passions qui leur sont le plus familières : car on ne pense point, on ne s’exprime point à la cour comme à la ville, comme à la campagne.
Massillon devait parler à peu près de même, dans son discours de réception à l’Académie, en 1719 : « Le cardinal de Richelieu, à qui il était donné de penser au-dessus des autres hommes, comprit que l’inconstance de la nation avait besoin d’un frein, et que le goût n’aurait pas chez nous une destinée plus invariable que les usages, s’il n’établissait des juges pour le fixer. » 1.
762ou penserai-je que tout-le-monde 763verra mes fautes, 764tranquille cependant et rassuré 765dans l’espoir que j’ai du pardon ?
Le dilemme du vieil Horace défendant son fils : Dis, Valère, dis-nous, si tu veux qu’il périsse, Où tu penses choisir un lieu pour son supplice Sera-ce entre ces murs que mille et mille voix Font résonner encor du bruit de ses exploits ? […] Non, non, je me trahis moi-même d’y penser. […] Rondeau en vers de huit syllabes, commençant par un vers féminin : Penser, que pour ne vous déplaire, Je me veuille jamais distraire D’un dessein, où j’ay tant de droit, C’est être injuste en mon endroit Et de plus, un peu téméraire. Philis depuis deux ans m’éclaire, Elle est mon Ange tutélaire ; Je l’aime plus qu’on ne sçauroit Penser.
Pourquoi vouloir, en effet, quand on pense de même, dire autrement ce que bien évidemment on ne dira pas mieux ?
Lorsque le célèbre peintre Zeuxis voulut peindre une beauté parfaite, il pensa bien qu’il ne pourrait pas en trouver un modèle existant dans la nature.
Pendant que je contemplais ce tableau, mille idées confuses se pressaient dans mon esprit : tantôt j’admirais, tantôt je détestais la grandeur romaine ; je pensais tantôt aux vertus, tantôt aux vices de ce propriétaire du monde qui avait voulu rassembler une image de son empire dans son jardin.
Les Romains trouvaient déjà l’atticisme de Lysias un peu maigre ; nous, dont l’éloquence s’est formée aussi à l’école du pathétique, nous pensons comme les Romains.
La naïveté consiste à dire ingénument tout ce que l’on pense, sans que rien ne paraisse en aucune manière être l’ouvrage de l’art ou le fruit de la réflexion. […] Boileau a excellé dans ce genre d’Épîtres : tout y est plein, exact, sagement pensé et exprimé de même.
Les vers suivants de Corneille offrent un bel exemple de communication ; c’est le vieil Horace qui défend son fils contre Valère : Dis, Valère, dis-nous, puisqu’il faut qu’il périsse, Où penses-tu choisir un lieu pour son supplice ? […] L’ironie consiste à dire précisément le contraire de ce qu’on pense et de ce qu’on veut faire entendre.
« Ô Fabriciusc, qu’eût pensé votre grande âme, si, pour votre malheur vous eussiez, vu la face pompeuse de Rome sauvée par votre bras, et que votre nom respectable avait plus illustrée que toutes ses conquêtes ?
C’est surtout pour un travail de cette nature qu’un excellent professeur est nécessaire aux élèves : tantôt en expliquant le sujet, tantôt en corrigeant le devoir, il fait passer en eux la chaleur qui l’anime lui-même ; sous l’inspiration de sa parole, leurs idées prennent du mouvement et de la couleur ; ils pensent d’abord par lui et ensuite par eux-mêmes, et, par une douce violence, il tire des profondeurs de ces jeunes âmes tous les trésors qu’elles recélaient à leur insu. […] Son frère, au lieu d’imiter cet exemple, ne pense point à son arbre ; il perd son temps à mille divertissements frivoles. […] Le calife réunit dans son palais les trois favoris et Élaïm ; il leur ordonne de lui dire franchement ce qu’ils pensent de lui. […] Exorde : Il ne s’étonne pas que les Napolitains pensent sans horreur à la destruction de Florence ; mais lui, mais ses compagnons d’infortune peuvent-ils ne pas frémir à cette seule idée !
C’était la coutume des anciens ; mais quand on pense que les discours qu’ils prêtent à leurs personnages n’ont jamais été tenus, que ce sont des pièces d’éloquence qu’ils ont composées eux-mêmes à l’occasion des faits qu’ils rapportent, il est difficile de croire que ces discours, malgré le mérite de la composition, ne sont pas dans l’ouvrage des défauts réels.