Remarquons toutefois qu’il y a une grande différence entre l’art de peindre à l’imagination et l’art de peindre au cœur. […] Son pinceau vif et brillant peint mieux à l’imagination et au cœur que celui d’aucun historien. […] Elle amuse comme une conversation polie où se peignent des caractères bien soutenus. […] La vivacité de son esprit se peignait dans ses regards ; son âme était belle comme ses yeux. […] Le poète, dans une pastorale doit peindre très distinctement le lieu de la scène.
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir combien nos grands poëtes contemporains sont supérieurs à leurs devanciers par le talent de peindre. […] En général, il faut que les comparaisons ajoutent à l’idée de l’objet qu’on vent peindre, et l’agrandissent. […] Au xvii e siècle, on ne savait pas peindre aussi vivement. […] Le poëte anime tous les objets qu’il peint.
L’auteur personnifie l’Espérance, il en fait une femme couverte d’un bandeau et lisant dans l’avenir, pour désigner l’incertitude de nos projets ; tenant des fleurs ou une coupe pleine d’un doux breuvage, pour peindre les plaisirs qu’elle nous promet. […] Il peint en général une qualité ou un vice, sans faire d’application personnelle. […] S’il peint les animaux, leurs mœurs, leur république, Pline est moins éloquent, Buffon moins magnifique, L’Epopée elle-même a des accents moins fiers. […] Le chien, le boeuf, le cerf sont vraiment ses amis, trait naïf, on peint bien ceux qu’on aime bien. […] Soyez riche, — Peignez avec des couleurs vives et tellement vraies qu’on ne puisse méconnaître l’objet décrit.
Il a peint avec une vérité saisissante tous les types de la physionomie humaine ; son investigation philosophique a parcouru tous les rangs de la société ; il met en scène la cour, la ville et la province : bourgeoiset nobles, marchands, médecins et hommes de lois ; pédants, fâcheux, fanfarons, fripons, servantes, valets et maîtres, sans compter les ridicules ou les vices de toutes les conditions et de tous les caractères : bel esprit, faux savoir, avarice, prodigalité, faiblesse, égoïsme, entêtement, malveillance, vanité, sottise, jalousie, libertinage, misanthropie, irréligion, hypocrisie, en un mot son siècle et avec lui l’humanité tout entière. […] Réponse aux ennemis qui l’accusent de peindre des portraits d’après nature 2 Molière. […] Il disait que rien ne lui donnait du déplaisir comme d’être accusé de regarder quelqu’un dans les portraits qu’il fait ; que son dessein est de peindre les mœurs sans vouloir toucher aux personnes, et que tous les personnages qu’il représente sont des personnages en l’air1 et des fantômes proprement, qu’il habille à sa fantaisie, pour réjouir les spectateurs ; qu’il serait bien fâché d’y avoir jamais marqué qui que ce soit ; et que, si quelque chose était capable de le dégoûter de faire des comédies, c’étaient les ressemblances qu’on y voulait toujours trouver, et dont ses ennemis tâchaient malicieusement d’appuyer la pensée pour lui rendre de mauvais offices auprès de certaines personnes à qui il n’a jamais pensé. […] Comme l’objet de la comédie est de représenter en général tous les défauts des hommes, et principalement des hommes de notre siècle, il est impossible à Molière de tracer aucun caractère qui ne rencontre quelqu’un dans le monde ; et, s’il faut qu’on l’accuse d’avoir songé à toutes les personnes où l’on peut trouver les défauts qu’il peint, il faut, sans doute, qu’il ne fasse plus de comédies. » Molière. […] Il ne veut pas peindre tel ou tel individu, mais il crée des types avec les traits essentiels que lui fournissent les originaux vivants.
Nulle espèce ne le mérite mieux ; la nature en effet n’a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l’idée de ses plus charmants ouvrages : coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvements flexibles et ressentis3, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l’enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté ; tout nous l’annonce, tout le peint comme l’oiseau de l’amour ; tout justifie la spirituelle et riante mythologie d’avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles. […] L’homme Tout marque dans l’homme, même à l’extérieur, sa supériorité sur tous les êtres vivants ; il se soutient droit et élevé, son attitude est celle du commandement, sa tête regarde le ciel1 et présente une face auguste2 sur laquelle est imprimé le caractère de sa dignité ; l’image de l’âme y est peinte par la physionomie ; l’excellence de sa nature perce à travers les organes matériels, et anime d’un feu divin3 les traits de son visage ; son port majestueux, sa démarche ferme et hardie, annoncent sa noblesse et son rang4 ; il ne touche à la terre que par ses extrémités les plus éloignées, il ne la voit que de loin5, et semble la dédaigner ; les bras ne lui sont pas donnés pour servir de piliers d’appui à la masse de son corps ; sa main ne doit pas fouler la terre, et perdre par des frottements réitérés la finesse du toucher dont elle est le principal organe ; le bras et la main sont faits pour servir à des usages plus nobles, pour exécuter les ordres de la volonté, pour saisir les choses éloignées, pour écarter les obstacles, pour prévenir les rencontres et le choc de ce qui pourrait nuire, pour embrasser et retenir ce qui peut plaire, pour le mettre à portée des autres sens. […] C’est surtout dans les yeux3 qu’elles se peignent et qu’on peut les reconnaître : l’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher, et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvements les plus doux et les sentiments les plus délicats ; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre âme le feu, l’action, l’image de celle dont ils partent : l’œil reçoit, et réfléchit en même temps la lumière de la pensée, et la chaleur du sentiment : c’est le sens de l’esprit, et la langue de l’intelligence4. […] Après avoir esquissé les principales lignes du corps, Buffon revient à la physionomie où se peint l’âme.
Lemoine veut peindre le courage avec lequel saint Louis se précipita dans le Nil, à son arrivée devant Damiette ? […] La pensée est vive quand l’objet qu’elle représente se peint d’un seul trait dans l’esprit. […] Mais si l’objet, quoique sensible par lui-même, ne se présente à l’imagination que faiblement, confusément ou avec peine, l’image qui le peint avec force, avec éclat, et ramassé comme en un seul point, soulage l’esprit autant qu’elle embellit le style. […] Nous avons ensuite examiné l’art de peindre la pensée ou les images ; et par là nous avons commencé à étudier ce qu’il faut pour bien rendre, puisque le talent d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre, d’après La Bruyère et Fénelon. Mais, pour bien rendre sa pensée, s’il est bon de la peindre au moyen des images, il est surtout nécessaire de se servir des mots, des termes les plus propres et les plus convenables pour l’exprimer d’une manière conforme au goût.
Dans les passions, comme dans les mœurs, l’écrivain doit s’étudier d’abord ; mais comme il n’est pas absolument nécessaire, pour peindre ou inspirer la passion, de l’éprouver ou de l’avoir éprouvée soi-même, et qu’il suffit de la bien comprendre, il doit l’étudier aussi dans les autres, dans les assemblées publiques, dans la société intime, enfin, dans les écrivains qui ont su le mieux la traiter. Il remarquera dans ces écrivains non-seulement l’art de peindre ou d’inspirer la passion, mais aussi ce que nous appellerons le talent de passionner un sujet, c’est-à-dire d’y intéresser le lecteur, en s’y intéressant vivement soi-même. […] Les règles ayant pour principes la satisfaction de nos besoins intellectuels, et notre esprit ne demandant point seulement l’unité et l’enchaînement des idées, mais encore l’harmonie, la variété et la gradation, il faut aussi s’occuper des points suivants : Juste étendue de l’ouvrage, en sorte qu’il ne soit ni trop vaste ni trop resserré ; Juste proportion des parties de l’ouvrage, et entre elles, et dans leur rapport avec l’ensemble et la forme adoptée ; Épisodes et digressions, admissibles, pourvu qu’ils ne soient ni fréquents, ni longs, ni trop étrangers au sujet, ni déplacés ; Transitions, auxquelles l’enchaînement parfait des idées dispense presque toujours d’avoir recours, la transition artificielle n’étant nécessaire que quand deux idées ou absolument opposées, ou tout à fait semblables, doivent être rapprochées, ici sans monotonie, là, sans disparate ; Contrastes, utiles pour éviter la trop grande uniformité, mais qu’il faut employer avec ménagement et sans exagération ; Gradation et préparation oratoire, presque toujours indispensable, surtout quand il s’agit d’entraîner les esprits ou de peindre les passions. […] Souvent on peint mieux les personnages en les faisant parler que par des portraits proprement dits. […] L’allégorie qui peut se peindre prend le nom d’emblème.
Les figures de pensée, qui sont suggérées par la passion et l’artifice oratoire, ont pour objet de peindre les mouvements de l’esprit et les émotions de l’âme. […] L’hypotypose peint les objets dont on parle avec des couleurs si vives et des images si vraies, qu’elle les met pour ainsi dire sous les yeux. […] Peins-moi légèrement l’amant léger de Flore ; Qu’un doux ruisseau murmure en vers plus doux encore. […] L’épithète se distingue de l’adjectif en ce que celui-ci est nécessaire pour déterminer la pensée rendue par le substantif, tandis que l’épithète ne sert qu’à la peindre sous des traits plus frappants, ou à lui donner une nuance plus fine ou plus délicate. […] Les poètes grecs et latins admettaient quelquefois des épithètes qui n’avaient d’autre objet que de peindre la personne ou la chose d’une manière générale, sans rapport spécial avec la circonstance présente.
C’est cette folle de madame Van-Loo qui lui a donné cet air-là ; elle venait causer avec lui tandis qu’on le peignait, et elle a tout gâté. […] Alors sa bouche se serait entr’ouverte, ses regards distraits se seraient portés au loin, le travail de sa tête fortement occupée se serait peint sur son visage ; et Michel eût fait une belle chose. […] Diderot recommande au critique d’art d’entrer dans la toile qu’il vent juger ; ici il devient acteur de la scène qu’il peint. […] Diderot dit ailleurs de Vernet : « Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que l’artiste se rappelle ces effets à deux cents lieues de la nature, et qu’il n’a de modèle présent que dans son imagination ; c’est qu’il peint avec une vitesse incroyable ; c’est qu’il dit : Que la lumière se fasse, et la lumière est faite ; que la nuit succède au jour, et le jour aux ténèbres, et il fait nuit, et il fait jour ; c’est que son imagination, aussi juste que féconde, lui fournit toutes ces vérités ; c’est qu’elles sont telles, que celui qui en fut spectateur froid et tranquille au bord de la mer en est émerveillé sur la toile ; c’est qu’en effet ces compositions prêchent plus fortement la grandeur, la puissance, la majesté de la nature, que la nature même.
Naturaliste de fantaisie, il ravit toutes les âmes sensibles, En 1788, parut son quatrième volume, qui contenait l’épisode de Paul et Virginie, immortelle pastorale où circule la flamme de la passion, mais peinte dans toute la fleur de la grâce adolescente et avec le charme de l’innocence. […] Le vent détachait de leurs sommets anguleux une espèce de crinière d’écume, où se peignaient çà et là les couleurs de l’arc-en-ciel. […] Comparez ce paysage de Maurice de Guérin : c’est peint de près, sur place, d’après nature. […] On pourra comparer à cette description une lettre où Jacquemont peint à sa manière vive et franche un ouragan à l’île Bourbon.
Il se peint comme le plus malheureux des mortels. […] Combien peu de génies ont-ils su exprimer ce que tant d’auteurs ont voulu peindre ! […] Pour la peindre, Cicéron n’emploie que des mots courts, des phrases coupées, et beaucoup de syllabes brèves. […] La philosophie décrit et dépeint la nature ; la poésie la peint et l’embellit ; elle peint aussi les hommes et les agrandit, elle les exagère ; elle crée les héros et les dieux : l’histoire ne peint que l’homme, et le peint tel qu’il est ; ainsi, le ton de l’historien ne deviendra sublime que quand il fera le portrait des plus grands hommes, quand il exposera les plus grandes actions, les plus grands mouvements, les plus grandes révolutions ; et partout ailleurs il suffira qu’il soit majestueux et grave. […] peint l’ardeur d’un guerrier qui va combattre.
Il a peint avec une vérité saisissante tous les types de la physionomie humaine ; il met en scène la cour, la ville et la province, bourgeois et nobles, marchands, médecins et hommes de lois, pédants, fâcheux, fanfarons, fripons, servantes, valets et maîtres, sans compter tous les ridicules et tous les vices, bel esprit, faux savoir, avarice, prodigalité, faiblesse, égoïsme, entêtement, malveillance, vanité, sottise, jalousie, libertinage, misanthropie, irréligion, hypocrisie, en un mot, son siècle, et avec lui l’humanité tout entière. […] Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce que vous voulez ; ce sont des portraits à plaisir, où l’on ne cherche pas la ressemblance, et vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor, et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux. Mais, lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature ; on veut que ces portraits ressemblent, et vous n’avez rien fait, si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. […] La Bruyère peint un travers analogue : « Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et, dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse.
Il ne s’est donc pas contenté de raconter : il peint, et souvent d’un seul trait. […] Il a peint dans ses idylles la nature naïve et gracieuse, et a mérité d’être donné partout comme l’excellent modèle de ce genre de poésie. […] Ce poète a supposé que des femmes ou filles de héros, séparées de leurs maris ou de leurs pères, leur écrivaient des lettres dans lesquelles elles peignaient leur impatience de les revoir. […] « La plainte, suivant Horace, fut d’abord renfermée dans l’élégie ; ensuite l’amour y chanta ses succès. » Boileau a dit après le poète latin : Elle peint des amants la joie et la tristesse. […] Il est aisé de juger que pour réussir dans le genre de l’élégie, il faut bien sentir et peindre le sentiment avec des couleurs vraies et naturelles : Il faut que le cœur seul parle dans l’élégie.
L’Allégorie habite un palais diaphane, a dit Lemierre ; et il l’a peinte en la définissant. […] Quand nous sommes vivement frappés de quelque idée que nous voulons représenter, il est rare que nous n’allions pas au-delà de la vérité en cherchant à l’exprimer, parce que les termes ordinaires nous paraissent trop faibles pour peindre ce que nous sentons. […] L’hyperbole est propre à peindre le désordre d’un esprit à qui une grande passion exagère tout. […] Ici le fait était si grand, si étonnant par lui-même, qu’il suffisait de le peindre, et c’est ce qu’a fait M. […] Et avec quel intérêt nous partageons, à notre tour, un bonheur si bien senti et peint sous des images si enchanteresses !