Ce discours un peu fort Doit commencer à vous déplaire. […] S’il peint par des images, ces images sont moins fortes que gracieuses : s’il exprime des sentiments, ces sentiments portent dans l’âme une émotion plus douce que vive. […] Et nous avons répondu à mon Seigneur : Nous avons un père fort âgé, et un jeune frère qui est né dans sa vieillesse ; son frère qui est né de la même mère est mort : il est resté seul, et son père l’aime tendrement. […] Aussi l’Orateur, dit-il2, y emploie les couleurs les plus fortes et les plus vives. […] Le murmure d’acclamation et de surprise fut si fort, qu’il troubla l’Orateur ; et ce trouble ne servit qu’à augmenter le pathétique de ce morceau.
que Votre Majesté me le rende ; je l’ai lu brusquement. — Non, Monsieur le maréchal ; les premiers sentiments sont toujours les plus naturels. » Le Roi a fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chose que l’on puisse faire à un vieux courtisan1. […] M. le Prince le dit au Roi fort tristement. On dit que c’était à force d’avoir de l’honneur à sa manière ; on le loua fort, on loua, et on blâma son courage. […] Sur cela, je pleure sans pouvoir m’en empêcher ; je n’en puis plus, ma chère bonne : voilà qui est bien faible ; mais pour moi, je ne sais point être forte contre une tendresse si juste et si naturelle. » 1. […] On lit ailleurs : « Je serais fort heureuse dans ces bois, si j’avais une feuille qui chantât.
Écoutez avec quel art l’orateur répond à l’objection, toute forte qu’elle paraît. […] Il était fort adroit de s’étayer de l’exemple même de Philippe. […] Voilà bien ce qui s’appelle frapper fort, et frapper juste en même temps, comme le disait Voltaire, à propos de l’effet théâtral. […] Ce qui suit n’est ni moins fort, ni moins vigoureux. […] Et lorsque, fort d’un pareil exemple et d’un décret du sénat, le consul aura tiré le glaive, qui le fera rentrer dans le fourreau ?
Madame de Sévigné nous raconte à ce sujet une anecdote qui témoigne de l’admiration qu’il professait pour lui : « Despréaux, dit-elle en rendant compte d’un dîner chez M. de Lamoignon, soutint les anciens, à la réserve d’un seul moderne qui surpassait, à son goût, et les vieux et les nouveaux. » Fort interrogé sur cet auteur, il finit par le nommer : c’était Pascal. […] Avant lui et après lui, cette parfaite harmonie, qui dure si peu dans la vie littéraire d’un peuple, ou n’est pas encore ou bientôt n’est plus… » Le texte original des Pensées avait été fort altéré par ses premiers éditeurs : M. […] Villemain dans l’éloquent morceau sur Pascal que contiennent ses Mélanges, le passage où cet écrivain décrit avec une admirable énergie la longue et étrange guerre de la violence et de la vérité… Démosthène, Chrysostome ou Bossuet, inspirés par la tribune, ont-ils rien de plus fort et de plus sublime que ces paroles jetées à la fin d’une lettre polémique ? […] Ce verbe fort goûté de Montaigne et de Pascal a, peu après eux, presque entièrement cessé d’être en usage, quoiqu’il fût plus vif et plus gracieux que tromper.
Nous jouissons de cette heureuse médiocrité que vous vantiez si fort. […] Si cela arrive avant que vous soyez mariée, vous épouserez un gentilhomme de campagne fort misérable ; car vous ne serez pas riche, et si, pendant ma vie, vous épousez un plus grand seigneur, il ne vous considérera, quand je n’y serai plus, qu’autant que votre humeur lui sera agréable ; vous ne pouvez l’être que par votre douceur, et vous n’en avez point. […] Je ne suis point prévenue contre vous, car je vous aime fort ; mais je ne vous vois pas sans peine, par l’orgueil qui paraît dans tout ce que vous faites. […] Je vous parle comme à une grande fille, parce que vous avez l’esprit fort avancé ; mais je consentirais de bon cœur que vous en eussiez moins, et moins de présomption.
La vraie rhétorique et la saine logique se tiennent de fort près. […] Ce peu de mots suffit pour produire en nous une forte impression. […] Mais la quantité de nos syllabes est fort incertaine. […] Aristote, dans sa Poétique, lui donne une signification fort étendue. […] Une forte passion est trop sévère pour ne pas dédaigner et repousser un pareil ornement.
J’en doute fort. […] Géruzez a trouvé un remarquable exemple de climax dans la Satire Ménippée : c’est d’Aubray rappelant au peuple de Paris tout ce qu’a fait pour lui Henri III : « Tu n’as pu supporter ton roi débonnaire, si facile, si familier, qui s’était rendu comme concitoyen et bourgeois de ta ville, qu’il a enrichie, qu’il a embellie de somptueux bâtiments, accrue de forts et superbes remparts, ornée de priviléges et exemptions honorables : que dis-je ? […] La manie de la périphrase énigmatique mène souvent fort loin. […] Bouhours trouve cela fort joli. […] C’est augmenter inutilement une nomenclature déjà fort longue.
Sans doute nous pourrons embrasser dans nos canevas quelques parties du discours ; mais ce sera toujours une composition restreinte et fort éloignée d’atteindre la hauteur du discours proprement dit. […] Personne, à ne pas le connaître, n’aurait cru devoir redouter un concurrent si dénué des fortes armes de l’éloquence. […] Les armées les plus fortes, de vaillants souverains, ont fui devant vous. […] Ce sont des montagnes, des ravins, des précipices, des bois, des marais, des torrents, des forts, des forêts entières, d’affreux chemins. […] la voix doit être forte et le ton irrité ; la nature elle-même nous guide en ces occasions, et nous ferions un contre-sens cruel si nous allions rire quand un autre pleure, déplacé si nous soupirions quand il gronde.
Le cœur Je ne croirai jamais que le cœur s’use, et je sens tous les jours qu’il devient plus fort, plus tendre, plus séparé des liens du corps, à mesure que la vie et la réflexion détruisent l’enveloppe où il est étouffé. […] Il croissait avec la triple garde de ces fortes vertus, comme un enfant de Sparte et de Rome, ou, pour mieux dire encore, comme un enfant chrétien, en qui la beauté du naturel et l’effusion de la grâce divine forment une fête mystérieuse que le cœur ne peut oublier jamais. […] Au plus fort de ses luttes, Lacordaire rêva toujours une existence uniforme et cachée. […] Vous êtes juges du pré, du champ, non de la vie, non des mœurs, non de la religion ; si vous ne vous sentez pas assez forts et justes pour commander vos passions et aimer vos ennemis, selon que Dieu commande, abstenez-vous de l’office de juges. » 1.
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé, Six forts chevaux tiraient un coche6. […] Vieux mot, pour serre ou enferme, très-bien placé ici, tandis que Rousseau s’en est servi fort mal à propos, au début d’une de ses odes les plus célèbres : Tout ce que leur globe enserre… 1. […] L’auteur commence sur un ton fort imposant, conforme à la grandeur de son sujet ; mais il n’aura garde de s’y tenir : il nous ménage un peu plus loin des contrastes pleins d’intérêt. […] Or La Fontaine avait fort étudié les anciens : « Ce qu’on ne s’imaginerait pas, dit l’historien de l’Académie (l’abbé d’Olivet), c’est qu’il faisait ses délices de Platon et de Plutarque. […] La Fontaine connaissait à fond notre antiquité française : il était même remonté fort au delà de Rabelais et de Marot dans l’histoire de notre littérature ; et, comme l’observe le compte de Caylus dans un mémoire sur les fabliaux, « il n’eût pas été ce qu’il sera éternellement, c’est-à-dire un auteur d’un goût exquis, s’il n’avait pas puisé à ces sources des exemples et des modèles » 2.
Elle se montre aussi fort souvent dans les œuvres de l’historien, du philosophe et du poète. […] Les unes sont fortes et convaincantes ; d’autres sont moins solides et même un peu fragiles. […] Dans une harangue comme celle-ci, qui, dans de telles circonstances, devait être fort courte, l’ordre demandait que les raisons allassent en croissant et que les plus fortes fussent mises à la fin. […] Sous sa plume éloquente, tout devient fort, énergique, animé. […] La dernière pensée est fort belle, et conduit naturellement du premier motif au second.
Image naïve des peuples, et du prince qui les gouverne, s’il est bon prince2 Giton ou le riche Giton a le teint frais, le visage plein, et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée : il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit ; il déploie un ample mouchoir3, et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut ; il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie ; il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre ; il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche ; tous se règlent sur lui ; il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole ; on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler, on est de son avis ; on croit les nouvelles qu’il débite. […] Phédon ou le pauvre Phédon2 a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre : il dort peu, et d’un sommeil fort léger ; il est abstrait, rêveur, et il a, avec de l’esprit, l’air d’un stupide ; il oublie de dire ce qu’il sait ou de parler d’événements qui lui sont connus, et, s’il le fait quelquefois, il s’en tire mal ; il croit peser à ceux à qui il parle ; il conte brièvement, mais froidement ; il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire ; il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis, il court, il vole pour leur rendre de petits services ; il est complaisant, flatteur, empressé ; il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur ; il est superstitieux, scrupuleux, timide ; il marche doucement et légèrement, il semble craindre de fouler la terre3 ; il marche les yeux baissés, et il n’ose les lever sur ceux qui passent. […] Je m’affaiblis moi-même, continue-t-elle, et je ne suis plus si forte ni si saine que j’ai été : C’est, dit le dieu, que vous vieillissez2. — Mais quel moyen de guérir de cette langueur ? […] Libertin, c’est-à-dire esprit fort. […] On suppose que les principaux traits de ce caractère s’appliquent au maréchal de Villeroi, dont Saint-Simon dit : « Incapable de toute affaire, même d’en rien comprendre par delà l’écorce… il se piquait néanmoins d’être fort honnête homme ; mais comme il n’avait point de sens, il montrait la corde fort aisément… On n’y trouvait qu’un tissu de fatuité, de recherche et d’applaudissement de soi, de montre de faveur et de grandeur de fortune. » (Chap. 392.)
Je visitai d’abord les peuples qui ne sont plus : je m’en allai m’asseoir sur les débris de Rome et de la Grèce, pays de forte et d’ingénieuse mémoire, où les palais sont ensevelis dans la poudre, et les mausolées des rois cachés sous des ronces. […] Le soleil, qui se couchait, versait des fleuves d’or par toutes ces galeries où roulait jadis le torrent des peuples ; de fortes ombres sortaient en même temps de l’enfoncement des loges et des corridors, ou tombaient sur la terre en larges bandes noires. […] Toutefois, Dieu qui voyait que mon cœur ne marchait point dans les voies iniques de l’ambition, ni dans les abominations de l’or, a bien su trouver l’endroit où il le fallait frapper, puisque c’était lui qui avait pétri l’argile, et qu’il connaissait le fort et le faible de son ouvrage. […] Montaigne décrit ainsi la campagne de Rome telle qu’elle était il y a environ deux cents ans : « Nous avions loin sur notre main gauche l’Apennin, le prospect du pays mal plaisant, bossé, plein de profondes fendaces, incapable d’y recevoir nulle conduite des gens de guerre en ordonnance ; le terroir nu, sans arbres, une bonne partie stérile, le pays fort ouvert tout autour et plus de dix milles à la ronde, et quasi tout de cette sorte, fort peu peuplé de maisons. » (Note de Chateaubriand.) […] J’aime à fouler aux pieds tes monuments épars, J’aime à sentir le temps, plus fort que ta mémoire, Effacer pas à pas les traces de ta gloire !
Nam, si umquam de bonis et fortibus viris : si umquam de bene meritis civibus potestas vobis judicandi fuit : si denique umquam locus amplissimorum ordinum delectis viris datus est, ubi sua studia erga fortes et bonos cives, quæ vultu et verbis sæpe significassent, re et sententiis declararent ; hoc profectò tempore eam potestatem omnem vos habetis, ut statuatis, utrùm nos, qui semper vestræ auctoritati dediti fuimus, semper miseri lugeamus ; an diù vexati a perditissimis civibus, aliquando per vos, ac vestram fidem, virtutem, sapientiamque recreemur ». […] Ce qui suit est bien plus fort et bien plus beau encore : 119« Quamobrem, si cruentum gladium tenens clamaret T. […] Etenim si in gladiatoriis pugnis, et in infimi generis hominum conditione atque fortunâ, timidos et supplices, et ut vivere liceat obsecrantes, etiam odisse solemus ; fortes et animosos, et se acriter ipsos morti offerentes, servare cupimus, eorumque nos magis miseret, qui nostram misericordiam non requirunt, quàm qui illam efflagitant ; quantò hoc magis in fortissimis civibus facere debemus » ? […] Ces serviteurs fidèles, pleins de zèle et de courage, ou périrent en défendant leur maître, ou voyant que le fort de l’attaque était autour de sa voiture, qu’on les empêchait de le secourir ; entendant Clodius lui-même crier que Milon était tué, et le croyant en effet… ; les esclaves de Milon firent (car je ne veux ni éluder l’accusation, ni altérer les faits) ce que chacun de vous voudrait que fissent pour lui les siens, en pareille occasion ». […] si dans les combats des gladiateurs, quand il s’agit du sort de ces hommes de la dernière classe, nous n’avons que du mépris, de l’aversion même, pour ces timides combattants qui demandent lâchement la vie ; si, au contraire, nous nous intéressons tous à la conservation de ces généreux athlètes qui présentent fièrement la gorge à l’épée du vainqueur ; si nous leur accordons si volontiers une pitié qu’ils ne réclament point, à combien plus forte raison ne la devons-nous pas, cette pitié, quand il s agit de nos meilleurs citoyens » !