/ 199
2. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Nicole. (1625-1695.) » pp. 40-47

Et ainsi on nous peut très-justement appliquer ce que dit le Sage, que « les avertissements que donne un homme qui veut faire injure sont faux et trompeurs » : Est correptio mendax in ira contumeliosi 2. Ce n’est pas qu’il dise toujours des choses fausses ; mais c’est qu’en voulant paraître avoir le dessein de nous servir en nous corrigeant de quelque défaut, il n’a que le dessein de déplaire et d’insulter. Nous devons donc regarder cette impatience, qui nous porte à nous élever sans discernement contre tout ce qui nous paraît faux, comme un défaut très-considérable, et qui est souvent beaucoup plus grand que l’erreur prétendue dont nous voudrions délivrer les autres. Ainsi, comme nous nous devons à nous-mêmes la première charité, notre premier soin doit être de travailler sur nous-mêmes, et de tâcher de mettre notre esprit en état de supporter sans émotion les opinions des autres qui nous paraissent fausses, afin de ne les combattre jamais que dans le désir de leur être utiles. […] Car si nous nous faisions justice à nous-mêmes, nous reconnaîtrions sans peine que ceux qui nous attribuent des défauts que nous n’avons pas ne nous en attribuent pas aussi un grand nombre d’autres que nous avons effectivement ; et qu’ainsi nous gagnons à tous ces jugements dont nous nous plaignons, quelque faux qu’ils soient.

3. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

N’a-t-il pas dit : « Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Observateur profond, et peintre de caractères, il excelle dans l’art d’attirer l’attention par des remarques soudaines, des traits vifs et pénétrants, des métaphores passionnées, des hyperboles à outrance, des paradoxes simulés, des contrastes étudiés, des expressions originales, de petites phrases concises qui partent comme des flèches, des allégories ingénieuses, et des morceaux d’apparat où l’esprit étincelle dans les moindres détails Le berger et son troupeau 1 Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre2 qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger, soigneux et attentif, est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturage ; si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien qui le met en fuite ; il les nourrit, il les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil. […] La cour Il y a un pays où les joies sont visibles, mais fausses, et les chagrins cachés, mais réels. […] L’on juge en le voyant qu’il n’est occupé que de sa personne ; qu’il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie ; qu’il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler3 La vraie et la fausse grandeur La fausse grandeur est farouche et inaccessible ; comme elle sent son faible, elle se cache, ou du moins ne se montre pas de front, et ne se fait voir qu’autant qu’il faut pour imposer et ne paraître point ce qu’elle est, je veux dire une vraie petitesse. […] Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et que ne haïssent rien tant que d’être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris4. […] Je lis dans Duclos [Considérations sur les mœurs) : « La politesse est l’expression ou l’imitation des vertus sociales : c’en est l’expression s elle est vraie, et l’imitation si elle est fausse ; et les vertus sociales sont celles qui nous rendent utiles et agréables à ceux avec qui nous avons à vivre.

4. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Mais les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres. […] Voilà la fausse éloquence qui ressemble à la mauvaise musique. […] Je n’en prendrai point dans notre siècle, quoiqu’il soit fertile en faux ornements. […] Mais combien a duré cette fausse éloquence que vous dites qui succéda à la bonne ? […] N’est-ce pas un mélange de finesse et de grossièreté, de vrai et de faux ?

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bourdaloue, 1632-1704 » pp. 133-137

Contre les faux semblants 3 Il n’est rien de plus dangereux ni de plus à craindre que l’intérêt mêlé dans la dévotion, ou que la dévotion gouvernée par l’intérêt. […] Et n’est-ce pas (je ne ferai point ici de difficulté de le dire, non pour décréditer la piété, à Dieu ne plaise, mais pour condamner hautement les abus qui s’y peuvent glisser, et qui s’y sont glissés de tout temps), n’est-ce pas par la voie d’une fausse piété, qu’on a vu les plus faibles sujets s’élever aux plus hauts rangs ; les hommes les moins dignes de considération et de recommandation être néanmoins les plus recommandés et les plus considérés, et, sans d’autres titres ni d’autre mérite qu’un certain air de réforme, emporter sur quiconque la préférence, et s’emparer des premières places ? […] Comparer Molière distinguant la vraie et la fausse dévotion (Même Recueil.)

6. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi, la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. […] Je ne dirai rien de la philosophie, sinon que, voyant quelle a été cultivée par les plus excellents esprits qui aient vécu depuis plusieurs siècles, et que néanmoins il ne s’y trouve encore aucune chose dont on ne dispute, et par conséquent qui ne soit douteuse, je n’avais point assez de présomption pour espérer d’y rencontrer mieux que les autres ; aussi, considérant combien il peut y avoir de diverses opinions touchant une même matière, qui soient soutenues par des gens doctes, sans qu’il y en puisse avoir jamais plus d’une seule qui soit vraie, je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que vraisemblable. Puis, pour les autres sciences, d’autant qu’elles empruntent leurs principes de la philosophie, je jugeais qu’on ne pouvait avoir rien bâti qui fût solide sur des fondements si peu fermes ; et ni l’honneur ni le gain qu’elles promettent n’étaient suffisants pour me convier à les apprendre : car je ne me sentais point, grâce à Dieu, de condition1 qui m’obligeât à faire un métier de la science pour le soulagement de ma fortune ; et, quoique je ne fisse pas profession de mépriser la gloire en cynique, je faisais néanmoins fort peu d’état de celle que je n’espérais point pouvoir acquérir qu’à faux titres. […] Et j’avais toujours un extrême désir d’apprendre à distinguer le vrai d’avec le faux, pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en cette vie.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Voltaire, 1694-1778 » pp. 253-281

Votre danse haute ne doit pas se permettre un faux pas ; il n’en fait point dans ses petits menuets. […] Des équations algébriques ne donnent de prise ni à l’épigramme, ni à la chanson, ni à l’envie ; mais on juge durement ces énormes recueils de vers médiocres, de compliments, de harangues, et ces éloges qui sont quelquefois aussi faux que l’éloquence avec laquelle on les débite. […] J’ai été, comme je vous l’ai mandé, désabusé des idées fausses que vos adversaires avaient données sur la vitesse vraie et sur la vitesse propre. […] Lorsqu’on imprime que je me suis vanté mal à propos d’avoir une édition de la Henriade honorée de la Préface d’un souverain, je réponds qu’il est faux que je m’en sois vanté ; qu’il est faux que cette édition existe, et qu’il est faux que cette Préface, qui existe réellement, ait été citée mal à propos ; elle a toujours été citée dans les éditions de la Henriade, depuis celle de M. […] Voici comment Voltaire raconte ce qui se passa : « L’ambassadeur Freytag et un marchand nommé Smith, condamné ci-devant à l’amende pour fausse monnaie, me signifièrent de la part de Sa Majesté le roi de Prusse que j’eusse à ne point sortir de Francfort jusqu’à ce que j’eusse rendu les effets précieux que j’emportais à Sa Majesté.

8. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XII. du corps de l’ouvrage. — portrait, dialogue, amplification  » pp. 161-174

Voyez le chef-d’œuvre de Molière, le double portrait si savamment tracé de l’espèce faux dévot et de l’individu Tartufe ; voyez le Misanthrope qui, à défaut d’intrigue, est une admirable galerie de portraits ; étudiez la manière du peintre, ce n’est en général qu’une simple esquisse, quelques traits énergiques, ineffaçables, deux ou trois touches qui déterminent une physionomie. […] Que de phrases creuses ou fausses débitées depuis qu’il y a des critiques et des jugements sur Eschyle et Corneille, Sophocle et Racine, Démosthène et Cicéron, Raphaël et Michel-Ange ! […] Laissez alors vos adversaires soutenir eux-mêmes leur cause ; mais comme c’est vous qui les faites parler, n’allez pas tronquer l’attaque ; ni la défense donnez à leurs développements toute l’étendue qu’ils leur donneraient eux-mêmes ; gardez-vous surtout de leur prêter ces arguments évidemment faux ou vides qui ne sembleraient placés là que pour faciliter votre victoire ; on ne voit que trop de ces discussions où l’interlocuteur joue le rôle de compère, et donne complaisamment la replique à l’auteur. […] Parfois, la gravité des circonstances, l’imminence des dangers, l’exaltation des idées communiquées ou admises sont telles qu’elles nécessitent ou du moins justifient ce qui, partout ailleurs, serait faux ou ridicule.

9. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Affranchir la poésie de la gêne du Vers, ce serait consacrer la forme fausse et fatigante qu’on appelle prose poétique. C’est une prose lâche, embarrassée d’épithètes, où le sentiment poétique, évoqué péniblement, tourne à la fausse couleur et à la fausse chaleur. […] Est-il besoin de montrer les fâcheux effets du pathétique employé à faux ou sans préparation et sans ménagement ? […] Nous rencontrons à chaque pas mille copies des immortels originaux de Molière, leurs faux raisonnements comme leurs ridicules. […] Il condamne et proscrit ce naturel faux et menteur, qu’affecte les images puériles ou basses, les descriptions plates et triviales.

10. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Boileau 1636-1711 » pp. 401-414

Évitons ces excès : laissons à l’Italie5 De tout ces faux brillants l’éclatante folie6. […] Plein du feu qu’en son cœur souffla l’Esprit divin, Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin ; De tous les faux docteurs confondit la morale : Mais, pour fruit de son zèle, on l’a vu rebuté, En cent lieux opprimé par leur noire cabale, Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté ; Et même par sa mort leur fureur mal éteinte N’aurait jamais laissé ses cendres en repos, Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte A ces loups dévorants n’avait caché les os1. […] On dit de nos jours : Rien n’est beau que le laid, rien n’est vrai que le faux. […] Le faux goût de l’Italie régnait alors en France.

11. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Il n’y a rien de plus estimable que l’exactitude du jugement et la justesse de l’esprit dans le discernement du vrai et du faux, parce que cette rectitude de la raison est utile dans toutes les parties et dans tous les emplois de la vie. […] Il ne se laisse jamais éblouir par le faux, quelque brillant qu’il soit, et retranche sans pitié tout ce qui est au delà du beau et du parfait, s’arrêtant précisément où il faut. […] Un homme d’un goût pur est celui qui ne se laisse jamais séduire par des beautés fausses, qui estime avec justesse, qui compare avec équité les beautés des divers genres, et qui distingue pourquoi elles ont la faculté de plaire.

12. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Lettre. A un ancien Elève de l’Ecole Militaire de Paris. » pp. 375-399

L’auteur y expose les fausses notions qui peuvent l’égarer, et les excès par lesquels il peut s’avilir. […] Ces notes servent à rectifier quelques maximes un peu fausses ou exagérées, et à développer celles qui présentent un sens un peu obscur ou équivoque. […] En nous traçant les moyens de connoître les hommes, l’auteur nous apprend parfaitement la manière de nous bien conduire avec eux ; c’est-à-dire, de ne pas nous engager dans de fausses démarches, et de bien prendre nos mesures, pour réussir dans les affaires, autant qu’il est possible, sans violer les règles de la probité. […] Je ne vous exhorterai point, mon cher ancien élève, à n’être pas retenu par une fausse honte dans la pratique de la vertu.

13. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Fénelon 1651-1715 » pp. 118-132

La vraie et la fausse philanthropie Il y a deux manières de se donner aux hommes : la première est de se faire aimer, non pour être leur idole, mais pour employer leur confiance à les rendre bons. […] Il y en a une autre qui est une fausse monnaie, quand on se donne aux hommes pour leur plaire, pour les éblouir, pour usurper de l’autorité sur eux en les flattant. […] Ce faux philanthrope est comme un pêcheur qui jette un hameçon avec un appât ; il paraît nourrir les poissons, mais il les prend, et les fait mourir. […] Au moins l’amour-propre d’un misanthrope n’est que sauvage et inutile au monde ; mais celui de ce faux philanthropes est traître et tyrannique ; ils promettent toutes les vertus de la société, et ils ne font de la société qu’un trafic dans lequel ils veulent tout attirer à eux, et asservir tous les citoyens.

14. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre III. Du Genre historique. »

Le premier devoir de l’historien est de distinguer avec la plus exacte précision le faux du vrai, de rejeter tout ce qui est incertain, ou d’une autorité suspecte, et de n’admettre que ce qui ne peut pas être révoqué en doute. […] S’il rapporte des choses fausses, ou qu’il donne pour des vérités de simples conjectures, il trompe le public, il en impose à l’univers pour lequel il écrit. […] C’est à lui qu’il appartient de distinguer le vrai et le faux mérite, la véritable et la fausse gloire, les actions réellement vertueuses et celles qui ne le sont qu’en apparence ; de démasquer hardiment le vice, d’exposer la vertu dans tout son jour, et de les peindre l’un et l’autre avec les seules couleurs qui leur sont propres ; en un mot de ne louer que ce qui mérite les éloges de l’homme honnête et éclairé. […] Les ruses, les stratagèmes, les fausses marches, les attaques vraies ou simulées, les campements, les décampements, rien n’échappe à ces capitaines historiens. […] On le voit toujours rejeter le faux, discuter le douteux et ne s’attacher qu’au vrai.

15. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

De là vient que le vice, quoique triomphant dans le monde, est encore réduit à se déguiser sous le masque de l’hypocrisie, ou de la fausse probité, pour s’attirer une estime qu’il n’ose espérer en se montrant à découvert. […] Il y en a une autre qui est une fausse monnaie, quand on se donne aux hommes pour leur plaire, pour les éblouir, pour usurper de l’autorité sur eux en les flattant. […] Ce faux philanthrope est comme un pêcheur qui jette un hameçon avec un appât : il paraît nourrir les poissons, mais il les prend, et les fait mourir. […] Au moins l’amour-propre d’un misanthrope n’est que sauvage et inutile au monde ; mais celui de ces faux philanthropes est traître et tyrannique ; ils promettent toutes les vertus de la société, et ils ne font de la société qu’un trafic dans lequel ils veulent tout attirer à eux, et asservir tous les citoyens. […] Le mieux, dit-on, est l’ennemi du bien : Jamais le goût n’admit ce faux proverbe.

/ 199