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2. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Comme elle se sent forte et vigoureuse, elle bannit la crainte et tend les voiles de toutes parts à l’espérance qui l’enfle et qui la conduit6. Vous le savez, fidèles, de toutes les passions la plus charmante7, c’est l’espérance. C’est elle qui nous entretient et qui nous nourrit, qui adoucit toutes les amertumes de la vie ; et souvent nous quitterions des biens effectifs, plutôt que de renoncer à nos espérances. Mais la jeunesse téméraire et malavisée, qui présume toujours beaucoup, à cause qu’elle a peu expérimenté, ne voyant point de difficulté dans les choses, c’est là8 que l’espérance est la plus véhémente et la plus hardie ; si bien que les jeunes gens, enivrés de leurs espérances, croient tenir tout ce qu’ils poursuivent : toutes leurs imaginations leur paraissent des réalités. […] Bossuet dit ailleurs : « Ainsi nous allons toujours tirant après nous cette longue chaîne traînante de notre espérance ; et avec cette espérance, quelle involution d’affaires épineuses !

3. (1872) Recueil de compositions françaises pour préparer au discours latin les candidats au baccalauréat ès-lettres. Première série

Nous avons reconnu par expérience quelle est votre valeur, quel est votre dévouement, et j’ai la ferme espérance que vous nous les conserverez. […] Soit : je consens à mourir, si je suis l’unique empêchement à la réalisation de tes espérances. […] Aujourd’hui, je ne me serais pas présenté devant vous pour vous adresser un discours, si j’étais guidé par une détermination personnelle ou par une espérance irréfléchie, ou par un désir quelconque plus fort que cette espérance. […] J’ai moi-même choisi le champ de bataille, et quand nous les aurons vaincus, il ne leur restera pas même l’espérance du salut. […] Tes parents ne me sont pas inconnus ; dès ton enfance, j’ai étudié ton heureux naturel et j’en ai conçu les plus belles espérances.

4. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Béranger 1780-1859 » pp. 488-497

Souvenirs d’enfance 1 1831 Lieux où jadis m’a bercé l’Espérance, Je vous revois à plus de cinquante ans. […] Lieux où jadis m’a bercé l’Espérance, Je vous revois à plus de cinquante ans. […]   Au réveil, voyant mes pleurs,   Il me dit : Bonne espérance ! […] Ces vers, qui de nous ne les répète encore aujourd’hui, comme une espérance de victoire nationale et de salut public ?

5. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

Deux vérités opposées s’éclairent en se rapprochant, comme deux couleurs opposées se font ressortir l’une l’autre ; exemples : La jeunesse vit d’espérance, la vieillesse de souvenir ; — ce ne sont pas les places qui honorent les hommes, mais les hommes qui honorent les places. — Pourquoi la forme de la phrase ne chercherait-elle pas à exprimer un contraste que comporte si bien le fond de l’idée ? […] Clytemnestre va retourner en Argos après la mort de sa fille qu’elle avait amenée pour l’hymen d’Achille ; Et moi qui l’amenai triomphante, adorée, Je m’en retournerai seule et désespérée ; Je verrai les chemins encor tout parfumes Des fleurs dont sous ses pas on les avait semés… Madame de Sévigné ne dira pas autrement que Clytemnestre : « Quand j’ai passé sur ces chemins, j’étais comblée de joie dans l’espérance de vous voir et de vous embrasser ; et en retournant sur mes pas, j’ai une tristesse mortelle dans le cœur, et je regarde avec envie les sentiments que j’avais en ce temps-là. » Dans tous ces exemples, l’antithèse n’est que le reflet de l’opposition qui existe réellement dans les idées, les faits, les sentiments ; et ce rapprochement préalable entre les choses ne peut que gagner en clarté, en force, en grâce, en pathétique, au rapprochement entre les mots. […] Espérance est-il le mot propre ? […] Espérance n’est pas le synonyme d’attente. Je ne m’aviserai pas de prononcer entre Virgile et Quintilien ; mais quant à Racine, le ton généralement ironique du morceau justifie pleinement à mes yeux l’emploi d’espérance pour attente.

6. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Massillon, 1663-1742 » pp. 205-215

Je veux que vous prolongiez vos jours au delà même de vos espérances : hélas ! […] Quelle folie donc de ne faire aucun usage d’un trésor si inestimable, de prodiguer en amusements frivoles un temps qui peut être le prix de notre salut éternel, et de laisser aller en fumée l’espérance de notre immortalité ? […] La mort d’un aîné change nos vues, nous rengage dans le monde d’où nous venions de sortir ; et notre vocation à l’autel expire à mesure que nous voyons revivre de nouvelles espérances pour la terre. […] Il apporte, pour toute marque de vocation à un ministère d’humilité, des vues d’élévation et de gloire ; à un ministère de travail et de sollicitude, des espérances de repos et de mollesse ; à un ministère de désintéressement, de modestie et de charité, des projets de luxe, de profusion et d’abondance ; et, comme cet infidèle Héliodore, il ne vient dans le temple que parce qu’il a toujours ouï dire qu’il y trouverait des richesses immenses, et les dépouilles saintes des peuples. […] Elle seule est la lumière de notre esprit, la règle de notre cœur, la source des vrais plaisirs, le fondement de nos espérances, la consolation de nos craintes, l’adoucissement de nos maux, le remède de toutes nos peines ; elle seule est la source de la bonne conscience, la terreur de la mauvaise, la peine secrète du vice, la récompense intérieure de la vertu ; elle seule immortalise ceux qui l’ont aimée, illustre les chaînes de ceux qui souffrent pour elle, attire des honneurs publics aux cendres de ses martyrs et de ses défenseurs, et rend respectables l’abjection ou la pauvreté de ceux qui ont tout quitté pour la suivre ; enfin, elle seule inspire des pensées magnanimes, forme des âmes héroïques, des âmes dont le monde n’est pas digne, des sages seuls dignes de ce nom.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

De là cet instinct indomptable de l’immortalité, cette universelle espérance d’une autre vie dont témoignent tous les cultes, toutes les poésies, toutes les traditions. […] La mienne, ma perfection morale, celle dont j’ai l’idée claire et le besoin invincible, et pour laquelle je me sens né, en vain je l’appelle, en vain j’y travaille ; elle m’échappe et ne me laisse que l’espérance. Cette espérance serait-elle trompée ? […] L’homme religieux éprouve cette terreur ; mais il sait d’où elle vient, et il la surmonte en s’attachant aux solides espérances que lui fournissent la raison et le cœur. […] O espérance divine, qui me fait battre le cœur au milieu des incertitudes de l’entendement !

8. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

» La vivacité de l’âge et la chaleur du sang, qui les tiennent toujours dans une espèce d’ivresse, les font vivre d’espérances, pour la plupart chimériques ; car, outre qu’ils ne se sont pas encore vus déchus de leurs espérances, le court espace qu’ils ont vécu, ne leur paraît rien : l’avenir qui leur paraît long, les frappe bien autrement. […] De là vient qu’on les amuse, qu’on les trompe si facilement par des espérances et par des promesses spécieuses. » La colère et l’espérance auxquelles ils se livrent volontiers, les rendent braves : la première leur ôte la crainte ; la seconde leur inspire la confiance. […] Également éloigné de la timidité commune aux vieillards, et de l’ardeur ordinaire aux jeunes gens, l’homme qui a atteint la force et la vigueur de l’âge, se gouverne avec prudence, avec raison, sans se laisser éblouir par l’espérance, ni abattre par les dangers. […] « Je ne veux que vous faire souvenir de la cause célèbre de ces Étrangers, que l’espérance du gain avait attirés des bords du Levant, pour porter en Europe les richesses de l’Asie.

9. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Et la France, qui vous revit avec tant de joie, environnée d’un nouvel éclat, n’avait-elle plus d’autres pompes et d’autres triomphes pour vous au retour de ce voyage fameux, d’où vous aviez emporté tant de gloire et de si belles espérances ! […] Bossuet l’a senti : voyez aussi avec quelle énergie il relève les destinées et les espérances de l’homme, que la première partie de ce bel exorde venait d’accabler de l’idée de son néant. […] Sans doute ce triste spectacle des vanités humaines nous imposait ; et l’espérance publique, frustrée tout à coup par la mort de cette princesse, nous poussait trop loin. […] etc. » Cette transition amène naturellement la seconde partie, où l’orateur développe les motifs qui doivent nous donner une idée juste des espérances de l’homme, et de la destinée qui lui est promise.

10. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Comme elle se sent forte et vigoureuse, elle bannit la crainte et tend les voiles de toutes parts à l’espérance qui l’enfle et qui la conduit5. Vous le savez, fidèles, de toutes les passions la plus charmante6 c’est l’espérance. C’est elle qui nous entretient et qui nous nourrit, qui adoucit toutes les amertumes de la vie ; et souvent nous quitterions des biens effectifs, plutôt que de renoncer à nos espérances. […] Que tout le reste vous aime, mette en vous sa consolation et son espérance, et reçoive de votre bonté le soulagement de ses maux. […] Bossuet dit ailleurs : « Ainsi nous allons toujours tirant après nous cette longue chaîne traînante de notre espérance ; et avec cette espérance, quelle involution d’affaires épineuses !

11. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Massillon 1643-1743 » pp. 133-138

Semblables à un malade à qui une longue langueur a rendu tous les mets insipides4, ils essayent de tout, et rien ne les pique et ne les réveille ; et un dégoût affreux, dit Job, succède à l’instant à une vaine espérance de plaisir dont leur âme s’était d’abord flattée. […] Quelle folie donc de ne faire aucun usage d’un trésor si inestimable, de prodiguer en amusements frivoles un temps qui peut être le prix de notre salut éternel, et de laisser aller en fumée l’espérance de notre immortalité ! […] Elle seule est la lumière de notre esprit, la règle de notre cœur, la source des vrais plaisirs, le fondement de nos espérances, la consolation de nos craintes, l’adoucissement de nos maux, le remède de toutes nos peines ; elle seule est la source de la bonne conscience, la terreur de la mauvaise, la peine secrète du vice, la récompense intérieure de la vertu ; elle seule immortalise ceux qui l’ont aimée, illustre les chaînes de ceux qui souffrent pour elle, attire des honneurs publics aux cendres de ses martyrs et de ses défenseurs, et rend respectables l’abjection ou la pauvreté de ceux qui ont tout quitté pour la suivre ; enfin, elle seule inspire des pensées magnanimes, forme des âmes héroïques, des âmes dont le monde n’est pas digne, des sages seuls dignes de ce nom.

12. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IX. De l’élégie. »

Parfois l’espérance lui envoie un rayon consolateur, et alors il sourit au milieu de ses larmes ; mais bientôt le malheur ressaisit sa victime ; l’élégie se noie dans les pleurs et caresse l’image de la mort. […] Là, ce n’est plus le langage humain, c’est Dieu lui-même qui parle par les prophètes ; c’est lui qui met dans la bouche de David l’expression la plus vraie et la plus touchante de la douleur de l’âme, tempérée par les élans de la foi et de l’espérance religieuse : telle est entre autres le psaume qui chante la captivité de Babylone (Super flumina Babylonis), et que Chateaubriand appelle le plus beau des cantiques sur l’amour de la patrie .

13. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

L’Espérance. […] Elle se nomme l’Espérance. […] L’auteur personnifie l’Espérance, il en fait une femme couverte d’un bandeau et lisant dans l’avenir, pour désigner l’incertitude de nos projets ; tenant des fleurs ou une coupe pleine d’un doux breuvage, pour peindre les plaisirs qu’elle nous promet. […] Une puissance divine indique d’abord la différence, viennent ensuite les rapports, c’est-à-dire l’objet de l’espérance, ses moyens de plaire, et ses effets. […] Deux vertus aimables, la pitié et l’espérance, entourent la justice de Dieu.

14. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Ses yeux se sont fermés à la fleur de son âge ; et, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, il a eu la douleur insupportable de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, il n’a pu sauver sa vertu de cette tache. […] Sire, Pénétré de servir, depuis neuf ans, sans espérance, dans les emplois subalternes de la guerre, avec une faible santé, je me mets aux pieds de Votre Majesté, et la supplie très-humblement de me faire passer du service des armées, où j’ai le malheur d’être inutile, à celui des affaires étrangères, où mon application peut me rendre plus propre. […] Il disait dans une première lettre : « J’ai honte de vous laisser voir ce que je présume de moi ; mais j’ai remarqué très-souvent que les espérances les plus ridicules et les plus hardies avaient été presque toujours la cause des succès extraordinaires. » 2.

15. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Musset 1810-1857 » pp. 564-575

Lorsque plus tard, las de souffrir, Pour renaître ou pour en finir, J’ai voulu m’exiler de France ; Lorsque, impatient de marcher, J’ai voulu partir, et chercher Les vestiges d’une espérance… Partout où j’ai voulu dormir, Partout où j’ai voulu mourir4, Partout où j’ai touché la terre, Sur ma route est venu s’asseoir Un malheureux vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère L’incendie Lorsque le laboureur, regagnant sa chaumière, Trouve le soir son champ rasé par le tonnerre, Il croit d’abord qu’un rêve a fasciné ses yeux, Et, doutant de lui-même, interroge les cieux. […] Et de tant de beauté, de gloire et d’espérance, De tant d’accords si doux d’un instrument divin, Pas un faible soupir, pas un écho lointain ! […] Venez, rhéteurs païens, maîtres de la science, Chrétiens des temps passés et rêveurs d’aujourd’hui1, Croyez-moi, la prière est un cri d’espérance !

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