« Que cet homme, dominé naturellement par un tempérament vif, emporté par l’excès de son zèle, aigri par les contradictions sans cesse renaissantes, poussé par l’indignation que devaient exciter tant de crimes réunis, se soit laissé aller à des plaintes amères et à des reproches violents ; qu’il ait fait entendre, qu’il ait fait tonner dans toute sa force la voix de cette vérité toujours si effrayante pour les coupables ; qu’il les ait accablés de menaces dont malheureusement il n’a jamais exécuté aucune ; que parmi ces coupables, quelques-uns l’nient été moins, en effet, qu’ils ne lui ont paru l’être ; qu’accoutumé à se voir trompé de toutes parts, à rencontrer partout l’hypocrisie et la scélératesse, il en était presque venu au point de ne pas croire à la vertu dans ces affreux climats ; qu’il ait confondu le citoyen indolent et incapable avec le citoyen perfide et dangereux ; qu’il n’ait pas toujours eu assez de patience avec l’un, assez de dissimulation avec l’autre : qu’il ait été ou trop prompt ou trop franc dans quelques-uns de ses jugements, ou trop indiscret ou trop dur dans quelques-unes de ses expressions ; que dans ces instants de trouble et d’amertume où tout conspirait à le plonger, il lui ait échappé quelque démarche imprudente dont il n’est jamais résulté de préjudice public, quelque résolution désespérée qui n’a jamais eu d’effet ; qu’enfin, il faille dire de lui, si l’on veut, ce que Tite-Live disait du grand Camille : Que les génies les plus supérieurs, que les plus grands hommes savent mieux vaincre que gouverner, était-ce donc là de quoi le condamner à perdre la tête sur un échafaud ?
si je dois vivre encore, si les jours de Démosthène doivent être conservés, que mes conservateurs soient mon pays, les flottes que j’ai armées à mes dépens, les fortifications que j’ai élevées, l’or que j’ai fourni à mes concitoyens, leur liberté que j’ai défendue, leurs lois que j’ai rétablies, le génie sacré de nos législateurs, les vertus de nos ancêtres, l’amour de mes concitoyens qui m’ont tant de fois couronné, la Grèce entière que j’ai vengée jusqu’à mon dernier soupir ; voilà quels doivent être mes défenseurs : et si dans ma vieillesse je suis condamné à traîner une vie importune aux dépens des autres, que ce soit aux dépens des prisonniers que j’ai rachetés, des pères dont j’ai doté les filles, des citoyens indigents dont j’ai acquitté les dettes.
Tout écrivain qui s’écarte de ce principe, n’est digne ni du nom d’honnête homme, ni de celui de bon citoyen.
La qualité de sujet et de citoyen, ainsi que l’humanité naturelle, jointe à notre propre intérêt, nous en font une loi inviolable. […] Parmi les auteurs modernes, le baron de Puffendorf me paroît être celui qui a le mieux établi les principes raisonnés de la morale dont je parle ici, dans ses Devoirs de l’homme et du citoyen.
Marius et de plusieurs citoyens distingués, battus de verges par l’ordre des magistrats romains. […] Mais écoutez Cicéron, lorsque des citoyens romains, des citoyens innocents, au mépris du droit des gens et des lois, sont battus de verges ou livrés au dernier supplice : quelles plaintes il fait entendre ! […] Cicéron ne dit pas : Il fut battu de verges ; mais, prolongeant devant nos yeux le supplice de la victime : « On frappait de verges, s’écrie-t-il, au milieu de la place de Messine, un citoyen romain. […] Un citoyen romain, dans une province romaine, au sein d’une ville alliée, par les ordres « d’un homme qui devait à Rome les haches et les faisceaux qu’il faisait porter devant lui, un citoyen romain était lié et battu de verges sur la place publique ! […] L’esclavage est pour les citoyens esclaves.
Bon raisonnement, si l’éloquence était telle qu’on se la figure ; ce serait un art méprisable indigne de l’étude d’un bon ou d’un sage citoyen ; mais rien n’est plus éloigné de la vérité. […] Les harangues publiques n’étaient pas un vain débat pour attirer les applaudissements, mais un combat sérieux pour arriver aux dignités, objet de la convoitise de l’homme ambitieux et du citoyen vertueux. […] Lorsqu’il mourut, il se glorifia de n’avoir jamais fait porter le deuil à aucun citoyen pendant sa longue administration. […] Rien de plus populaire que les harangues que Démosthène adressait à tous les citoyens d’Athènes. […] Je le prendrai dans sa dernière Verrine, où il décrit la cruauté exercée par Verrès, alors gouverneur de Sicile, contre un certain Gavius, citoyen romain.
On lui dressera des monuments pour immortaliser ses conquêtes : mais les cendres encore fumantes de tant de villes autrefois florissantes ; mais la désolation de tant de campagnes dépouillées de leur ancienne beauté ; mais les ruines de tant de murs, sous lesquels des citoyens paisibles ont été ensevelis ; mais tant de calamités qui subsisteront après lui, seront des monuments lugubres, qui immortaliseront sa vanité et sa folie. […] Les citoyens ne se souviennent que des bouffons qui les ont divertis, et ont perdu la mémoire des magistrats qui les ont gouvernés. […] Leur âme, incapable de sentir les plaisirs, semble n’avoir de délicatesse que pour les peines ; un citoyen fut fatigué toute la nuit d’une feuille de rose qui s’était repliée dans son lit. […] » Je n’entrerai pas dans le détail de ses cruautés ; je ne parlerai pas de ses folles dissipations, de la passion pour un cheval dont il menaçait de faire un consul ; de ses campagnes militaires ridicules et extravagantes ; des autels qu’il s’élevait à lui-même, dont il était le prêtre et dont il vendait chèrement le sacerdoce aux plus riches citoyens ; de sa manie à se donner tantôt pour Jupiter, tantôt pour Mercure, tantôt pour Junon, etc.
Il fut suivi dans sa retraite de Vignay par les regrets de tous les bons citoyens.
Le fils de mon manœuvre, en ma ferme élevé, A d’utiles travaux à quinze ans enlevé, Des laquais de Paris s’en va grossir l’armée : De sergent des impôts il obtient un emploi ; Il vient dans son hameau, tout fier, de par le roi Fait des procès-verbaux, tyrannise, emprisonne, Ravit aux citoyens le pain que je leur donne, Et traîne en des cachots le père et les enfants3. […] Aujourd’hui tous les citoyens sont égaux devant l’impôt, et les percepteurs ne représentent que l’équité du Trésor public.
Depuis qu’il ne sert plus la défense commune, Le sceptre n’a servi qu’à sa propre fortune ; Affranchi du péril de nos rivaux anciens, Il s’essaye à présent contre les citoyens. […] Le nouveau droit commun confond toutes les classes ; Je ne distingue plus ni familles ni races ; Le peuple est tout le monde, et les nobles anciens, Tombés nobles, se sont relevés citoyens.
L’on peut voir dans les admirables Institutions de Quintilien, que s’il s’occupe de former avec soin et d’orner l’esprit de son jeune élève, il met bien plus d’attention encore et de sollicitude à ouvrir son âme à toutes les vertus, persuadé avec raison qu’il en fera aisément un orateur habile, quand il en aura fait un citoyen vertueux.
Mais qu’un orateur public, qu’un homme d’état, qu’un citoyen enfin, qui fait partie de l’assemblée devant laquelle il parle, et dont les intérêts lui sont par conséquent communs, ne soit et ne paraisse pas intimement convaincu que ce qu’il conseille est en effet ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment, son but est manqué, et il laisse sur sa probité et sur son patriotisme des soupçons que le temps n’efface jamais complètement.
ne le croyez pas ; c’est un hypocrite de patriotisme et un mauvais citoyen : il n’y a de bon citoyen que l’honnête homme. […] Tout soldat était également citoyen ; chaque consul avait une armée ; et d’autres citoyens allaient à la guerre sous celui qui succédait. […] On frappait de verges sur la place de Messine un citoyen romain. […] ô droits sacrés du citoyen ! […] Un citoyen romain, dans une province romaine, au sein d’une ville alliée, par les ordres d’un homme qui devait à Rome les faisceaux portés devant lui, un citoyen romain a été lié et battu de verges sur la place publique.
Quel est le citoyen, qui, en voyant cet homme si grand et si simple, ne doive s’écrier du fond de son cœur : Si la frontière de ma province est en sûreté, si la ville où je suis né est tranquille, si ma famille jouit en paix de son patrimoine, si le commerce et tous les arts viennent en foule rendre mes jours plus heureux, c’est à vous, c’est à vos travaux, c’est à votre grand cœur que je le dois »103.