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50. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Que le critique commence par aimer les beaux arts d’un amour sincère ; que son âme en ressente les nobles impressions ; qu’il entre dans l’empire des lettres, non pas comme un proscrit qui veut venger sa honte, mais comme un rival légitime qui mesure sur son talent l’objet de son ambition, et qui veut obtenir une gloire, en jugeant bien celle des autres. […] Mais si le règne de Louis XIV favorisait particulièrement ce genre d’éloquence, son goût juste et noble3, son amour naturel du grand et du beau, ne devaient pas exercer moins d’influence sur toutes les formes que prit alors le génie littéraire. […] Ce qu’il prescrit il le fait, et si quelque chose pouvait nous rappeler au respect des lois du beau, à l’amour et à l’étude des modèles, ce serait cette critique qui semble se monter au ton des grands écrivains qu’elle juge, et prendre les formes de leur talent pour en mieux faire sentir le charme. […] L’honneur est tendre et se blesse de peu : tel est le goût ; et tandis que le jugement se mesure avec son objet ou le pèse dans la balance, il ne faut au goût qu’un coup d’œil pour décider son suffrage ou sa répugnance, je dirai presque son amour ou sa haine, son enthousiasme ou son indignation, tant il est sensible, exquis et prompt !

51. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXV. des figures. — figures par développement et par abréviation  » pp. 353-369

Vous souvenez-vous, par exemple, du commencement de cette charmante petite comédie de Molière, le Sicilien, ou l’Amour peintre, le seul ouvrage peut-être en vers blancs qu’ait produit le xviie  siècle ? […] C’est en ce sens que Napoléon disait à Sainte-Hélène : « La figure de rhétorique la plus éloquente est la répétition. » Répétition. — Le mot définit la chose : Eurydice, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] Je ne vois pas la nécessité de mettre au rang des figures quelques substantifs employés au lieu d’adjectifs pour qualifier, Lorsque César, l’amour et l’effroi de la terre ; ou quelques adjectifs qui précèdent le substantif plutôt que de le suivre : Telle, aimable en son agir, mais simple dans son style, Doit éclater sans pompe une élégante idylle. […] Est-ce à elle qu’il faut rapporter ces locutions toutes raciniennes : … Éphèse et l’Iouie A son heureux hymen était alors unie… Ce héros qu’armera l’amour et la raison… Quelles sauvages mœurs, quelle haine endurcie Pourrait en vous voyant n’être point adoucie ?

52. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Sévigné, 1626-1696 » pp. 76-88

Les effusions passionnées de l’amour maternel furent sa seule et charmante folie. […] Je suis partie de Paris avec l’abbé1, Hélène, Hébert et Marphise2, dans le dessein de me retirer du monde et du bruit jusqu’à jeudi au soir ; je prétends être en solitude ; je fais de ceci une petite Trappe, je veux y prier Dieu, y faire mille réflexions ; j’ai résolu d’y jeûner beaucoup pour toutes sortes de raisons, de marcher pour tout le temps que j’ai été dans ma chambre, et surtout de m’ennuyer pour l’amour de Dieu. […] Je trouvai que la place où étoit ce portrait étoit si juste, que l’amour paternel vous avoit empêché de vouloir défigurer cet ouvrage en l’ôtant d’un lieu où il tenoit si bien son coin. […] Il s’agit ici de la marquise de la Baume, qui, s’étant procuré une copie manuscrite des Amours des Gaules, les fit imprimer à l’insu de Bussy.

53. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Un fils expose sa vie pour sauver celle de son père : la cause, c’est l’amour filial, la reconnaissance, l’instinct du cœur ; l’effet, c’est la gratitude du vieillard, le bonheur d’avoir réussi, et d’avoir accompli un devoir sacré. […] Toutes les passions peuvent donc se rapporter à ces deux chefs, l’amour et la haine. […] C’est partout le cœur humain avec ses joies et ses douleurs, ses amours et ses haines.

54. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Principes généraux des Belles-Lettres. » pp. 1-5

Il en est d’autres mille fois plus précieux sans doute ; tels que l’élévation, la noblesse et la sensibilité de l’âme, l’énergie et l’aménité du caractère, des mœurs douces et polies, des inclinations bienfaisantes et généreuses, l’amour de la justice et de l’humanité. […] Quand l’esprit est frappé des charmes de l’ordre et du beau, le cœur est plus susceptible de l’amour de l’honnête et du bon.

55. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Victor Hugo Né à Besançon en 1802 » pp. 540-556

Le matin Le voile du matin sur les monts se déploie : Vois, un rayon naissant blanchit la vieille tour ; Et déjà, dans les cieux, s’unit avec amour,   Ainsi que la gloire à la joie, Le premier chant des bois1 aux premiers feux du jour. […] La meilleraie 2 Mon frère, la tempête a donc été bien forte ; Le vent impétueux qui souffle, et nous emporte De récif en récif, A donc, quand vous partiez, d’une aile bien profonde Creusé le vaste abîme, et bouleversé l’onde,   Autour de votre esquif, Que1 tour à tour, en hâté, et de peur du naufrage, Pour alléger la nef en butte au sombre orage,   En proie au flot amer, Il a fallu, plaisirs, liberté, fantaisie, Famille, amour, trésors, jusqu’à la poésie,   Tout jeter à la mer ! […] Sur lui-même Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées2 ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur3 ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie ; Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal1, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore2 !

56. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Dans le genre délibératif, c’est l’amour du bien public, du prince, de la patrie. Dans le genre démonstratif, c’est l’amour ardent de la vertu, l’admiration ou la reconnaissance de grandes vertus, de grands services. […] Il y a deux passions générales, l’amour et la haine, dont toutes les autres ne sont que des développements et des nuances. […] Voilà les vrais hommages, voilà le sincère amour que tu as droit d’attendre de tes parents. […] Voilà de ton amour le détestable fruit  Tu m’apportais, cruel, le malheur qui te suit.

57. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Modèles

Voilà ce que mon cœur a voulu vous dire de ma chère Pauline que j’aime et que je vous prie d’embrasser tout à l’heure pour l’amour de moi. […] Aussi voyez comme Dieu est bon, comme il accorde toutes ces demandes du juste, autant par pitié que par amour. […] … O miracle de l’amour maternel ! […] Ta beauté avait des rivales, ta vertu des émules ; mais ton amour maternelle et ton courage te laissent au premier rang. […] Pauvre ou riche, elle est toujours mère, elle a pour son enfant le même amour.

58. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre IV. Éloge de Trajan, par Pline le jeune. »

« Vous avez des amis, parce que vous l’êtes vous-même ; car on commande tout aux sujets, excepté l’amour. De tous les sentiments, l’amour est le plus fier, le plus indépendant et le plus libre.

59. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

La force de son caractère, l’amour de la gloire et le dévouement à une idée l’élevèrent au-dessus des querelles de son temps ; au lieu de se dépenser au jour le jour, il économisa si bien ses facultés qu’il ne se laissa pas distraire un instant du sujet grandiose auquel il avait consacré son existence. […] Nulle espèce ne le mérite mieux ; la nature en effet n’a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l’idée de ses plus charmants ouvrages : coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvements flexibles et ressentis3, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l’enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté ; tout nous l’annonce, tout le peint comme l’oiseau de l’amour ; tout justifie la spirituelle et riante mythologie d’avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles. […] Il convient de lire après cette page celle de Bossuet que voici : « L’homme a presque changé la face du monde ; il a su dompter par l’esprit les animaux qui le surmontaient par la force ; il a su discipliner leur humeur brutale, et contraindre leur liberté indocile ; il a même fléchi par adresse les créatures inanimées : la terre n’a-t-elle pas été forcée par son industrie à lui donner des aliments plus convenables, les plantes à corriger en sa faveur leur aigreur sauvage, les venins même à se tourner en remèdes pour l’amour de lui ?

60. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

La patrie, pour elle, vient après son amour, ce qui était nécessaire pour amener le choc terrible de ce caractère avec celui d’Horace qui est tout l’opposé. […] Mais cet amour et ses cruels malheurs ne sont qu’un épisode dans la pièce, et, au prix du destin de Rome et de ses fiers combattants, l’intérêt en est médiocre. […] C’est ainsi que chez Curiace le courage civique se tempère par des sentiments d’humanité et de famille, et n’exclut rien, ni l’amitié, ni l’amour. […] L’importance de ce rôle a fait croire à Voltaire que tout l’intérêt du drame est l’amour contrarié Sévère et de Pauline, et la lutte dont l’âme de chacun est le théâtre, entre le devoir et une passion non éteinte encore. […] Mais si elle doit refouler au fond de son cœur tous les dehors de son amour, elle n’en est que plus passionnée, plus dévouée ; elle est prête à tout sacrifier ; elle refuse le trône avec simplicité, mais avec des accents fermes et sublimes.

61. (1866) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de seconde

Après avoir détruit les armées d’un prince, ils ruinaient ses finances par des taxes excessives ou un tribut, sous prétexte de lui faire payer les frais de la guerre : nouveau genre de tyrannie qui le forçait d’opprimer ses sujets et de perdre leur amour. […] Leur amour pour la maison d’Autriche s’est conservé pendant deux générations ; mais cet amour était au fond celui de leur liberté. […] Au contraire, si quelque acte de clémence ou de générosité frappe nos yeux, quelle admiration, quel amour il nous inspire ! […] Il représenta tantôt des princesses brûlantes d’amour et ne respirant que l’adultère et les forfaits, tantôt des rois dégradés par l’adversité, au point de se couvrir de haillons et de tendre la main, à l’exemple des mendiants. […] C’est ainsi que, dans son Antigone, un mot, échappé comme par hasard à cette princesse, laisse éclater son amour pour le fils de Créon421.

62. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Enfin, au- dessus même de l’amour de la gloire, il y a encore un sentiment plus pur, l’amour de la vérité, qui fait des hommes de lettres comme les prêtres guerriers d’une noble cause ; ce sont eux qui désormais doivent garder le feu sacré, car de faibles femmes ne suffiraient plus comme jadis pour le défendre. […] L’amour de la patrie se ranimait au fond de mon cœur ; l’Arcadie se montrait à moi dans tous ses charmes. […] Ni vos bienfaits ni la nature ne réussiront jamais à leur inspirer un amour tel que celui des chrétiens pour leur Dieu ! […] Il allume la flamme d’un amour qui fait mourir l’amour de soi, qui prévaut sur tout autre amour122. […] Les fondateurs de religion n’ont pas même eu l’idée de cet amour mystique qui est l’essence du christianisme sous le beau nom de charité.

63. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

    Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre :     L’un d’eux s’ennuyant au logis,     Fut assez fou pour entreprendre     Un voyage en lointain pays.’ […] On dirait que, contraint par quelque lampe merveilleuse, un génie de l’Orient l’a élevé pendant une des mille et une nuits, et l’a dérobé au pays du Soleil, pour le cacher dans ceux du brouillard avec les amours d’un beau prince. […] Ce fut bien un génie qui éleva ces bâtiments, mais il vint d’Italie, et se nomma le Primatice : ce fut bien un beau prince dont les amours s’y cachèrent, mais il était roi, et se nommait François Ier. […] Marius le vengea : le sang coula de tous côtés ; les proscriptions se multiplièrent ; les brigues, la corruption s’introduisirent partout ; le respect pour les lois s’affaiblit ; l’amour de la patrie fut près de s’évanouir. […] Quand le soleil du midi embrase jusqu’à la tige l’herbe profonde et serrée des prairies ; quand les insectes bruissent avec force, et que la caille glousse avec amour dans les sillons, la fraîcheur et le silence semblent se réfugier dans les traînes.

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