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65. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré, etc. » Enfin le dénouement terrible approche ; le trait le plus frappant manque encore à cet éloquent tableau du néant de tout ce que notre erreur appelle et croit grand : « Enfin, la voilà malgré ce grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ! […] Mais la marche nécessairement froide de la dialectique y est fréquemment interrompue par quelques-uns de ces traits qui caractérisent d’autant mieux le génie, qu’ils lui échappent plus facilement, et, pour ainsi dire, à son insu. Souvent son raisonnement n’est qu’un trait de sentiment, et sa preuve, une image brillante.

66. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fontenelle. (1657-1757). » pp. 110-119

Quelquefois, des contestations peu susceptibles ou peu dignes d’un jugement sérieux, il les terminait par un trait de vivacité plus convenable et aussi efficace. […] Il avait une gaieté naturelle et une vivacité d’esprit heureuse et féconde en traits, qui seules auraient fait une réputation à un homme oisif. […] Il a quelquefois accommodé à ses propres dépens des procès, même considérables ; et un trait rare en fait de finances, c’est d’avoir refusé, à un renouvellement de bail, cent mille écus qui lui étaient dus par un usage établi : il les fit porter au trésor royal… Autant que par sa sévérité, ou plutôt par son apparence de sévérité, il savait se rendre redoutable au peuple dont il faut être craint, autant, par ses manières et par ses bons offices, il savait se faire aimer de ceux que la crainte ne mène pas.

67. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — J. B. Rousseau. (1671-1741.) » pp. 254-266

Quels traits me présentent vos fastes, Impitoyables conquérants ? […] On a remarqué, avec raison, qu’il y avait quelque chose de petit dans l’idée de ce cercle, et que l’auteur, par ce trait ajouté à l’original qu’il a suivi, en avait rabaissé la grandeur. […] Quoi Rome…, Quel est donc…, Héros cruels… ; et surtout on ne saurait trop estimer cet autre endroit : Le masque tombe… L’auteur choisit et met en œuvre les traits d’histoire avec beaucoup d’art. » 1.

68. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Thiers. Né en 1797. » pp. 513-521

S’il nous laisse désirer parfois des coups de pinceau plus hardis, ou des traits de burin plus pénétrants, s’il a des des négligences ou des longueurs, ces accidents proviennent du souci de ne rien omettre, et de ne trahir aucune préoccupation littéraire. […] Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante ; tel raconte avec une abondance qui entraîne, tel autre, sans suite, va par saillies et par bonds, mais en passant, il trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] En effet, avec ce que je nomme l’intelligence, on démêle bien le vrai du faux ; on ne se laisse pas tromper par les vaines traditions ou les faux bruits de l’histoire ; on a de la critique, on saisit bien le caractère des hommes et des temps ; on n’exagère rien, on ne fait rien trop grand ou trop petit, on donne à chaque personnage ses traits véritables ; on écarte le fard, de tous les ornements le plus malséant en histoire, on peint juste ; on entre dans les secrets ressorts des choses, on comprend et on fait comprendre comment elles se sont accomplies ; diplomatie, administration, guerre, marine, on met ces objets si divers à la portée de la plupart des esprits, parce qu’on a su les saisir dans leur généralité intelligible à tous ; et quand on est arrivé ainsi à s’emparer des nombreux éléments dont un vaste récit doit se composer, l’ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l’enchaînement même des événements ; car celui qui a su saisir le lien mystérieux qui les unit, la manière dont ils se sont engendrés les uns les autres, a découvert l’ordre de narration le plus beau, parce que c’est le plus naturel ; et si, de plus, il n’est pas de glace devant les grandes scènes de la vie des nations, il mêle fortement le tout ensemble, le fait succéder avec aisance et vivacité ; il laisse au fleuve du temps sa fluidité, sa puissance, sa grâce même, en ne forçant aucun de ses mouvements, en n’altérant aucun de ses heureux contours ; enfin, dernière et suprême condition, il est équitable, parce que rien ne calme, n’abat les passions comme la connaissance profonde des hommes.

69. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Et de ce siècle on reconnaît déjà tous les traits et aussi les contrastes chez les deux grands écrivains qui dominent leur temps, Chateaubriand et madame de Staël. […] Néanmoins, à s’en tenir aux traits les plus généraux, voici ce qui apparaît. […] Il leur échappa mille traits qu’il ne m’est pas permis de rapporter, et qui marquaient bien le dérèglement de leurs mœurs. […] La pensée rapide caractérise d’un trait ; or, plus l’expression des arts est vague, plus l’imagination est à l’aise. […] qu’un homme gai, sociable hors de chez lui, solide et bienfaisant dans ses foyers, se trouve en butte à mille traits envenimés ?

70. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Cicéron et Quintilien citent un trait de Démosthène qui nous fait voir le prix qu’y attachait le plus éloquent des orateurs. […] Les descriptions de ce dernier sont plus entières, plus simples, plus naturelles ; celles de Tacite sont formées d’un petit nombre de traits hardiment dessinés. […] Aussi le public s’est-il montré toujours très curieux de la correspondance des personnages éminents ; il cherche à y saisir quelque trait particulier de leur caractère. […] Mais le dernier trait est le plus frappant du tableau. […] On nous le montre, il est vrai, rempli de bravoure et de piété ; mais son caractère n’est indiqué par aucun de ces traits qui touchent le cœur.

71. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Il dessina à grands traits les caractères du style oratoire. […] A ces dons si rares il joint une oreille délicate, un sens exquis de l’harmonie, de la grâce, de l’enjouement, du trait, l’esprit de saillie, prompt à l’attaque comme à la riposte. […] Laissons-les donc s’arrêter aux détails, et contentons-nous d’esquisser à grands traits le travail de la composition oratoire. […] A chaque instant il sort de ses retranchements, relance l’ennemi dans les siens et le perce des traits de son invective. […] Donc connaître les traits distinctifs de l’éloquence, c’est connaître la couleur qui lui convient.

72. (1867) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de rhétorique

Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. […] Vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. […] Ceux qui déjà regardaient cet événement comme favorable avaient beau pousser la gravité jusqu’au maintien chagrin et austère, le tout n’était qu’un voile clair, qui n’empêchait pas de bons yeux de remarquer et de distinguer tous leurs traits. […] Or la recherche des traits saillants, des pensées ingénieuses, mais sans consistance, le désir d’exprimer avec noblesse ou nouveauté les choses ordinaires et communes, sont opposés à cette convenance du ton. […] L’ouvrage étonne ; mais c’est l’empreinte divine dont il porte les traits qui doit nous frapper.

73. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

Il n’y a pas une de ses tragédies qui n’offre des traits vigoureusement prononcés, des conceptions heureuses, des scènes, des actes même d’un bel effet : toutes se distinguent par une diction pure, mais froidement correcte, qui ne tombe jamais, il est vrai, dans la bouffissure gigantesque de Dubelloy, ni dans la dureté tudesque de Lemierre, mais qui n’étincelle pas, comme celle de ces deux poètes (si loin d’ailleurs de M. de La Harpe), de cette foule de beaux vers, de grandes idées, de traits imprévus, et d’autant plus précieux, qu’il faut les payer plus cher, et les attendre plus longtemps. […] Ainsi Coriolan, Philoctète, Icilius (dans Virginie) ont tous avec Warvick, ce trait premier de ressemblance qui tient à l’idée générale du rôle ; et malgré les efforts de l’auteur pour graduer les nuances qui devaient les différencier, tous ces personnages ont un défaut commun, l’exagération du sentiment de l’injure, plus de roideur que de véritable force, et d’âpreté que d’énergie. […] Combien il admira ces traits, ces caractères, Ces âmes de héros si tendres et si fières ; Ces tableaux tour à tour et touchants et pompeux ; Leur accord, leur contraste également heureux : Du féroce Aladin la sombre tyrannie, Et la rage d’Argant dans le sang assouvie ; Ce superbe sultan qui, seul et détrôné, Vers le ciel ennemi lève un front indigné ; Et Renaud, si brillant dans sa fougue indocile, La foudre de la guerre et le rival d’Achille ! […] On ne saurait croire avec quel art il saisit un trait heureux, une belle image, une grande pensée, quand elle se présente, pour la développer et l’étendre en vers harmonieux187 ; avec quel goût il passe légèrement sur des détails qui répugneraient à notre délicatesse française ; avec quel bonheur il rend supportable ce qu’il lui est impossible de supprimer tout à fait ; rien, enfin, n’égale son attention scrupuleuse à faire valoir tout ce que son auteur a de bon, à pallier adroitement tout ce qu’il offre de défectueux.

74. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre I. Du Pathétique. » pp. 280-317

On débute sur un ton noble et pompeux ; on a l’air d’annoncer quelque chose de grand, et l’on finit par un trait d’esprit agréable, plaisant ou épigrammatique. […] Le sublime, soit dans les pensées, soit dans les sentiments, est un trait merveilleux, extraordinaire, qui ravit, transporte, élève l’âme, au dessus d’elle-même, et qui lui fait sentir en même temps cette élévation. […] Voilà, dit Voltaire 1, voilà ce trait du plus grand sublime, ce mot auquel il n’en est aucun de comparable dans toute l’antiquité. […] Je borne à ces quatre traits mes citations de Corneille : elles seraient trop multipliées, si je rapportais tous les sentiments vraiment sublimes qu’il a répandus dans ses Tragédies. […] On y trouvera le vrai sublime des images, quoiqu’on ne puisse pas y admirer ces traits énergiques, ce coloris vigoureux, cette élévation majestueuse qui caractérisent les Prophètes.

75. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre premier. Idée générale de l’Éloquence. »

Voilà ce que fait la nature pour l’orateur, voilà les grands traits qui caractérisent son ouvrage ; et il est clair que celui qu’elle a si heureusement disposé, trouvera plus de ressources et de moyens qu’un autre dans les préceptes de l’art : mais il lui sera toujours indispensable de les connaître ; et plus il les approfondira, plus il les rapprochera des grands modèles, plus il se convaincra que ce qu’on appelle un art, n’est autre chose que le résultat de la raison et de l’expérience mis en pratique, et que son but est d’épargner, à ceux qui nous suivront, tout le chemin qu’ont fait ceux qui nous ont précédés. […] Ce genre de composition offre à l’esprit un délassement agréable, et peut d’ailleurs laisser échapper, par intervalle, les traits d’une morale utile ou d’un sentiment agréable.

76. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Encore une rature laisserait-elle quelques traces du moins d’elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d’un seul trait toute notre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant. […] Ce trait est une réminiscence d’Aristote : « Comme les gens pris de vin, ils s’échauffent. » 3. […] Ces expressions familières et imprévues sont un des traits essentiels du style de Bossuet. […] La Harpe a osé trouver ce trait vulgaire ! […] Cette péroraison résume tous les traits du caractère, toutes les grandes idées du discours.

77. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — L. Racine. (1692-1763.) » pp. 267-276

On se rappelle ce trait sublime de l’Écriture : « Usque huc venies, et non procedes amplius », liv. de Job, ch.  […] Châteaubriand, au ch. 7 de l’ouvrage et du livre indiqués, après avoir transcrit ces vers, au lendemain de la révolution française : « Nous avons vu, dit-il, quelques infortunés à qui ce dernier trait faisait venir les larmes aux yeux. » 2. […] Ce trait rappelle quelques vers charmants de Bertaut, fort aimés et très-souvent répétés par nos pères : Félicité passée, Qui ne peux revenir, Tourment de ma pensée, Que n’ai-je, en te perdant, perdu le souvenir ?

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