Conseils au poëte Quelque sujet qu’on traite, ou plaisant ou sublime, Que toujours le bon sens s’accorde avec la rime : L’un l’autre vainement ils semblent se haïr ; La rime est une esclave, et ne doit qu’obéir1 ; Lorsqu’à la bien chercher d’abord on s’évertue, L’esprit à la trouver aisément s’habitue2. […] Soyez simple avec art, Sublime sans orgueil, agréable sans fard. […] Un sublime écrivain n’en peut être infecté2 ; C’est un vice qui suit la médiocrité. […] Je veux un sublime si familier, si doux et si simple, que chacun soit d’abord tenté de croire qu’il l’aurait trouvé sans peine, quoique peu d’hommes soient capables de le trouver. […] Racine a consacré au docteur Arnauld les vers suivants : Sublime en ses écrits, doux et simple de cœur, Puisant la vérité jusqu’en son origine, De tous ses longs combats Arnauld sortit vainqueur, Et soutint de la foi l’antiquité divine ; De la grâce il perça les mystères obscurs, Aux humbles pénitens traça des chemins sûrs, Rappela le pécheur au joug de l’Évangile.
Cette poésie antique était la plus vraie et la plus complète ; c’était un cri d’amour et de reconnaissance envers Dieu, un transport d’admiration pour des vertus héroïques ou des actions sublimes ; elle fut le plus ancien de tous les arts, le produit de l’imagination et de l’inspiration réunies. […] Il est une inspiration céleste que nous ne pouvons comparer à celle de la terre : c’est celle qui se manifeste dans les Livres saints, et qui a pour interprète les cantiques de Moïse et de David ; rien de plus sublime que les pensées et les images qui remplissent ces chants. […] La poésie lyrique n’a pas toujours l’élan sublime de l’enthousiasme ; elle peut aussi se plier à une inspiration plus légère et plus gracieuse ; elle peut prendre tous les tons, depuis l’hymne jusqu’à la chanson.
l’expression est simple, et la précision de la pensée a quelque chose de sublime. […] Lucain, voulant peindre l’abattement muet et la consternation profonde qui régnaient dans Rome, aux approches de la guerre civile, n’emploie qu’un trait ; et ce trait est sublime par sa précision : Erravit sine voce dolor. […] Va, sublime ignorant, monte aux cieux, pèse l’air ! […] Le style fleuri est rempli de pensées plus agréables que fortes, d’images plus brillantes que sublimes, de termes plus recherchés qu’énergiques ; et la métaphore dont il emprunte son nom est justement prise des fleurs, qui offrent plus d’éclat que de solidité.
Mais son principal titre auprès de la postérité est son poëme de la Réligion, où, par la beauté des vers, il s’est rendu souvent le digne interprète des idées sublimes qu’il a chantées. […] Mais les temps sont changés, sa mort fut un sommeil : On le vit, plein de gloire à son brillant réveil, Laissant dans le tombeau sa dépouille grossière, Par un sublime effort voler vers la lumière. […] Quand je pense, chargé de cet emploi sublime, Plus noble que mon corps, un autre être m’anime. […] On se rappelle ce trait sublime de l’Écriture : « Usque huc venies, et non procedes amplius », liv. de Job, ch.
On ne doit pas confondre le sublime avec le style sublime. Il y a trois sortes de sublime : 1° Le sublime de pensée, ou grande idée exprimée simplement. […] En outre, il ne peut pas y avoir de style sublime ; car le sublime proprement dit exclut l’idée de continuité ; il est instantané comme les sentiments, les pensées ou les images qui le produisent ; on le trouve souvent dans la simplicité. […] 3° Style sublime. […] Sublime proprement dit : 1° Sublime de pensée ; 2° Sublime de sentiment ; 3° Sublime d’image 1° Figures de raisonnement.
Cependant comme toutes les matières qu’on traite, sont, ou dans un genre simple, ou dans un genre un peu plus élevé, ou dans un genre sublime ; on peut dire aussi qu’il n’y a que trois espèces générales de style, le simple, le tempéré, le sublime, et que le style particulier de chaque Écrivain doit être regardé comme une nuance de ces trois styles, variée à l’infini. […] Les figures de la première classe peuvent convenir plus particulièrement au style simple ; celles de la seconde au style tempéré ; celles de la troisième au style sublime. […] Une jeunesse éternelle, un bonheur sans fin, une gloire toute divine est peinte sur leur visage ; mais leur joie n’a rien de folâtre ni d’indécent ; c’est une joie douce, noble, pleine de majesté : c’est un goût sublime de la vérité et de la vertu qui les transporte. […] L’un plus pur, l’autre plus sublime, Tous deux partagent notre estime Par un mérite différent : Tour à tour ils nous font entendre Ce que le cœur a de plus tendre, Ce que l’esprit a de plus grand. […] Ce que j’ai à dire du style sublime, et des figures qui lui sont propres, je le renvoie à la section suivante, pour mettre de l’ordre et de l’exactitude dans les matières.
Cette manière de louer était digne du maître et de l’élève ; mais, peu content de cet hommage tacite rendu partout à la vertu sublime de Socrate, Platon crut devoir à sa mémoire un monument plus éclatant encore, où Socrate lui-même figurât, dans les circonstances les plus intéressantes pour nous, et les plus glorieuses pour lui, son jugement et sa mort. […] Peut-être eût-il fallu s’en tenir là, et passer immédiatement au morceau sublime qui termine ce beau discours. […] Criton ne trouve rien à répondre à la solidité véhémente de ces raisons ; il cède, et Socrate termine ce dialogue, comme le précédent, par un trait sublime : « Cesse donc, ô mon cher Criton !
Combien de traits de sentiment, de pensées sublimes, de mouvements pathétiques l’éloquence ne leur doit-elle pas ? […] Quel parti sublime le même orateur a tiré, dans un autre discours, de ces mots si simples, si vrais et si profonds en même temps : vanitas vanitatum, et omnia vanitas .
qu’il est heureux le mortel qui, pénétré de tes vérités sublimes, trouve sans cesse dans ton sein un asile contre le vice et un refuge contre le malheur ! […] sublimes.
« Un homme s’éleva, qui fut à la fois plus passionné et plus correct ; moins varié, mais moins inégal ; aussi sublime quelquefois, et toujours noble sans enflure ; jamais déclamateur, parlant au cœur avec plus de vérité et plus de charmes. » Un de leurs contemporains, incapable peut-être du sublime qui élève l’âme, et du sentiment qui l’attendrit, mais fait pour éclairer ceux à qui la nature accorda l’un et l’autre ; laborieux, sévère, pur, harmonieux, il devint le poète de la raison : — il égala et surpassa peut-être Horace dans la morale et dans l’art poétique. […] Mais s’il imite la nature dans sa marche et dans son travail, s’il s’élève par la contemplation aux vérités les plus sublimes, s’il les réunit, s’il les enchaîne, s’il en forme un tout, un système par la réflexion, l’établira, sur des fondements inébranlables, des monuments immortels.
Mais ce défaut (si c’en est un) est si heureusement compensé par des beautés du premier ordre, par ces développements profonds du cœur humain, par cette abondance de pensées fortes ou sublimes qui mettent le héros tout entier sous les yeux du lecteur, que l’on pardonne volontiers à l’historien de prendre la parole, et de se mettre à la place d’un personnage qui n’eût pas toujours été capable de parler aussi bien. […] Leur génie s’enflamme avec le leur, leurs pensées s’élèvent ; et de ce concours admirable, de ce choc sublime de deux grandes âmes, résultent ces traits qui frappent, qui entraînent, qui n’excitent et ne laissent après eux qu’un sentiment, celui de l’admiration la plus profonde. […] Voilà ce qu’a dit l’auteur latin, et tout le monde sait par cœur l’imprécation sublime : Rome ! […] Il s’en faut bien que ce début vaille celui de Tite-Live ; et cet arrangement symétrique est bien loin du défaut sublime de construction qui peint si heureusement le trouble de l’âme, et le désordre des idées dans un pareil moment : « Per ego te, fili, quæcumque jura liberos jungunt parentibus, precor, quæsoque, ne ante oculos patris facere et pati omnia infanda velis » ! […] Cette idée sublime de donner à un grand homme ses exploits pour cortège, a été reproduite avec autant d’éclat que de noblesse par Fléchier, dans ce morceau déjà cité.
On entend donc par belles-lettres cette partie des lettres où le beau se révèle, dont le beau est le principal caractère, comme la poésie, l’éloquence, l’histoire, et aussi la philosophie quand elle revêt des formes dignes des sujets sublimes qu’elle embrasse. — On dit aussi, mais plus rarement dans le même sens, les lettres humaines, les lettres polies, humaniores litteræ, parce que les compositions et exercices littéraires adoucissent les mœurs et civilisent les hommes. […] Si le génie est une illumination soudaine qui brille et disparaît tour à tour, comme dit Bossuet, si son attribut spécial est d’inventer et de créer, si ce don immédiat de la nature se distingue par des pensées sublimes et profondes, par des plans d’une ordonnance surprenante, par des caractères d’une nouveauté frappante, par des raisons d’une force à laquelle rien ne résiste, le talent est une disposition habituelle à réussir dans une chose, une qualité qui se distingue par l’ordre, la clarté, l’élégance, le naturel, la justesse, la grâce, un don acquis ou au moins accru par l’étude, qui se montre principalement dans les détails et qui brille par l’habileté de l’exécution. […] Celui dont le cœur est dur ou manque de délicatesse, qui ne sait point admirer ce qui est grand et généreux, qui ne partage point les sentiments doux et tendres, sentira toujours faiblement les beautés les plus sublimes de l’éloquence et de la poésie.
La passion inspire un mot sublime, comme le qu’il mourût du vieil. […] Mais le discours proprement dit contient tous les genres de composition : description, narration, portrait, dissertation, dialogue, etc. ; il comporte tous les tons depuis l’élévation sublime de l’inspiration religieuse ou patriotique jusqu’à la familiarité de la lettre et de la conversation. […] Une philosophie sublime qui démontre l’ordre, L’unité de la nature, et explique l’énigme du cœur humain ; le plus puissant mobile pour porter l’homme au bien, puisque la Foi le met sans cesse sous l’œil de la Divinité, et qu’elle agit sur la volonté avec autant d’empire que sur la pensée ; un supplément de la conscience, qui commande, affermit et perfectionne toutes les vertus, établit de nouveaux rapports de bienfaisance sur de nouveaux liens d’humanité, nous montre dans les pauvres des créanciers et des juges, des frères dans nos ennemis, dans l’Etre suprême un père ; la religion du cœur, la vertu en action, le plus beau de tous les codes de morale, et dont tous les préceptes sont autant de bienfaits du Ciel. […] Tout cela peut sans doute se faire médiocrement ; mais cela, fait avec génie, est sublime. […] Après avoir préparé les esprits et les cœurs par un tableau sublime de la toute-puissance de Dieu, Bossuet indique le sujet de son discours dans cette proposition : La sage et religieuse princesse qui fait le sujet de ce discours, n’a pas été seulement un spectacle proposé aux hommes pour y étudier les conseils de la divine Providence ; elle s’est instruite elle-même, pendant que Dieu instruisait les princes par son exemple.