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53. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Il n’eut pas, comme les rhéteurs, la prétention d’en tracer les règles infaillibles : il se moqua de leurs procédés, et, s’appliquant le vers où Homère fait dire à Philoctète que c’est une honte de se taire et de laisser parler les barbares, il se flatta avec raison d’avoir réduit au silence Isocrate et son école. […] Aux insinuations de votre adversaire vous pouvez opposer un silence victorieux ; votre vie répondra pour vous. […] Je sais bien que la plupart de ces effets sont préparés à l’avance dans le silence du cabinet. […] Ému, courroucé, impatient du dieu qu’il portait dans son sein, il avait une manière de jeter cette phrase, en secouant sa crinière, qui faisait dire à chacun : Silence !

54. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre III. Idée de l’Éloquence des Saints-Pères. »

Il paraît que ces philosophes-là ressemblaient à beaucoup d’autres, et qu’il suffisait, pour les réduire au silence, de les opposer à eux-mêmes.

55. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

Mais ces foudres brûlants d’une mâle éloquence, Ce sentiment profond que nourrit le silence, Ce vrai simple et touchant, ces sublimes pinceaux, Dont le chantre d’Abel220 anime ses tableaux ; Veux-tu les demander à ces esprits futiles ? […] Mais la faveur du ciel vous donne en récompense Du repos, du loisir, de l’ombre et du silence, Un tranquille sommeil, d’innocents entretiens ; Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens. […] Tantôt paraissant lui-même étonné de la grandeur et de l’importance de son sujet, il se dit inspiré par un Dieu ; il impose silence à toute la nature, et invite les mortels à l’écouter. […] Ses pensées naissent toutes les unes des autres : mais la chaleur de la passion ou du sentiment ne lui permet que de saisir les plus remarquables, et lui fait passer sous silence celles qui leur servent de liaison. […] Cependant je ne passerai point ici sous silence la bonne traduction que Reganhac nous a donnée de la plus grande partie des odes.

56. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre premier. »

Il ne doit donc rien hasarder qu’il n’ait mûrement pesé avec lui-même dans le silence des passions, et dont l’utilité générale ne lui soit d’avance clairement démontrée.

57. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — De Maistre 1753-1821 » pp. 210-213

On lui jette un empoisonneur, un parricide, un sacrilége : il le saisit, il l’étend, il le lie sur une croix horizontale, il lève le bras ; alors il se fait un silence horrible, et l’on n’entend plus que le cri des os qui éclatent sous la barre, et les hurlements de la victime.

58. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Joubert 1754-1824 » pp. 214-217

Et il se fit un silence pendant lequel le petit jeune homme s’avise d’improviser un distique latin à la louange de l’Empereur, qui, prenant son parti en habile homme, se mit à dire en souriant : « C’est bon, c’est bon, je t’entends, je t’entends. » Et puis, étendant gravement la main : — « Va, tu seras content de moi.

59. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Le cardinal de Retz avait écrit des troubles de la Fronde ces mots célèbres : « Le peuple entra dans le sanctuaire ; il leva le voile qui doit toujours couvrir tout ce que l’on peut dire, tout ce que l’on peut croire des droits des peuples et de celui des rois, qui ne s’accordent si bien ensemble que dans le silence. » Ce premier voile, la Révolution l’avait levé. […] Enfin, trouvant que je risquais davantage à garder le silence qu’à le rompre, je me déterminai à parler. […] Après un moment de silence, le Régent dit qu’il avait jugé le procès qui s’était élevé entre les princes du sang et les légitimés : ce fut le terme dont il usa, sans y ajouter celui de princes ; qu’il avait eu alors ses raisons pour n’en pas faire davantage ; mais qu’il n’était pas moins obligé de faire justice aux pairs de France qui l’avaient demandée en même temps au Roi par une requête en corps, que Sa Majesté avait reçue elle-même, et que lui-même Régent avait communiquée aux légitimés ; que cette justice ne se pouvait plus différer à un corps aussi illustre, composé de tous les grands du royaume, des premiers seigneurs de l’État, des personnes les plus grandement revêtues, et dont la plupart s’étaient distingués par les services qu’ils avaient rendus ; que s’il avait estimé au temps de leur requête n’y devoir pas répondre, il ne se sentait que plus pressé de ne plus différer une justice qui ne pouvait plus demeurer suspendue, et que tous les pairs désiraient de préférence à tout ; que c’était avec douleur qu’il voyait des gens (ce fut le mot dont il se servit), qui lui étaient si proches, montés à un rang dont ils étaient les premiers exemples, et qui avait continuellement augmenté contre toutes les lois ; qu’il ne pouvait se fermer les yeux à la vérité ; que la faveur de quelques princes, et encore bien nouvellement, avait interverti le rang des pairs ; que ce préjudice fait à cette dignité n’avait duré qu’autant que l’autorité qui avait forcé les lois ; qu’ainsi les ducs de Joyeuse104 et d’Épernon105, ainsi que MM. de Vendôme106, avaient été remis en règle et en leur rang d’ancienneté parmi les pairs, aussitôt après la mort de Henri III et de Henri IV ; que Monsieur de Beaufort n’avait point eu d’autre rang sous les yeux du feu Roi, ni M. de Verneuil, que le Roi fit duc et pair, en 1663, avec treize autres, et qui fut reçu au Parlement, le Roi y tenant son lit de justice, avec eux, et y prit place après tous les pairs ses anciens y séants, et n’y en a jamais eu d’autre ; que l’équité, le bon ordre, la cause de tant de personnes si considérables et la première dignité de l’État ne lui permettaient pas un plus long déni de justice, que les légitimés avaient eu tout le temps de répondre, mais qu’ils ne pouvaient alléguer rien de valable contre la force des lois et des exemples ; qu’il ne s’agissait que de faire droit sur une requête pour un procès existant et pendant, qu’on ne pouvait pas dire qui ne fût pas instruit ; que, pour y prononcer, il avait fait dresser la déclaration dont Monsieur le garde des sceaux allait faire la lecture, pour la faire enregistrer après au lit de justice que le Roi allait tenir. Un silence profond succéda à un discours si peu attendu et qui commença à développer l’énigme de la sortie des bâtards107. […] Quelques moments de silence morne et profond succédèrent à cette lecture, pendant lesquels le maréchal de Villeroy, pâle et agité, marmottait tout seul.

60. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Pascal, 1623-1662 » pp. 56-71

Qui se considérera de la sorte s’effrayera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles ; et je crois que sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence qu’à les rechercher avec présomption. […] Pascal a dit ailleurs : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraye. » 1.

61. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Casimir Delavigne 1794-1843 » pp. 524-529

Ses premières Messéniennes qui réussirent au delà de ses espérances firent entendre, comme un signal, les accents d’une inspiration libérale, après le long silence de l’opinion.

62. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Enfin je me leve debout dans ma lictiere, et ostant mon masque223, je fais signe au plus apparent que je veux parler à luy ; et estant venu à moy, je le priay de faire faire silence, afin que je peusse estre entendue. […] Quoiqu’ils tâchent de se couvrir par un silence contraint, l’émotion de leur esprit paroît toujours dans le trouble de leurs yeux. […] Qui se considérera de la sorte s’effrayera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles ; et je crois que, sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence qu’à les rechercher avec présomption.

63. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Staël 1766-1817 » pp. 218-221

je ne l’espère guère, disait la sixième en soupirant, et le silence recommençait.

64. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VI. De l’élocution et du style. »

Voici un passage de Châteaubriand dont la riche harmonie est sensible : « Si tout est silence et repos dans les savanes de l’autre côté du fleuve, tout ici, au contraire, est mouvement et murmure : des coups de bec contre le tronc des chênes ; des froissements d’animaux qui marchent, broutent ou broient les noyaux des fruits ; des bruissements d’ondes, de faibles gémissements, de sourds meuglements, de doux roucoulements, remplissent ces déserts d’une tendre et sauvage harmonie. […] Les vainqueurs ont parlé : l’esclavage en silence Obéit à leur voix dans cette ville immense. […] La réticence est une figure par laquelle on s’interrompt brusquement pour laisser deviner ce qu’on ne dit pas : ce mystère du silence fait entendre beaucoup plus que ce qu’on aurait pu dire.

65. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

Il est bon de remarquer toutefois qu’il y a des situations où le respect, la crainte, la pudeur, l’étonnement, l’admiration, la colère même, retiennent la passion et lui imposent silence. […] Et comme il était absorbé dans cette pensée, un autre voyageur survint, et celui-ci, ayant fait ce qu’avait fait le premier et s’étant trouvé aussi impuissant à remuer le rocher, s’assit en silence et baissa la tête. […] Auprès, tout était silence et repos, hors la chûte de quelques feuilles, le passage brusque d’un vent subit ; les gémissements rares et interrompus de la hulotte ; mais au loin, par intervalles, on entendait les roulements solennels de la cataracte du Niagara, qui, dans le calme de la nuit, se prolongeaient de désert en désert et expiraient à travers les forêts solitaires.

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