« C’est faute de plan, dit Buffon, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé et ne sait par où commencer. […] Nous rapportons ici le récit de la bataille de Rocroi : Bataille de Rocroi À la nuit qu’il fallut passer en présence des ennemis, connue un vigilant capitaine, le duc d’Enghien reposa le dernier ; mais jamais il ne reposa plus paisiblement, À la veille d’un si grand jour, et dès la première bataille, il est tranquille, tant il se trouve dans son naturel ; et on sait que le lendemain, à l’heure marquée, il fallut réveiller d’un profond sommeil cet autre Alexandre. […] Restait cette redoutable infanterie de l’armée d’Espagne, dont les gros bataillons serrés, semblables à autant de tours, mais à des tours qui sauraient réparer leurs brèches, demeuraient inébranlables au milieu de tout Le reste eu déroule, et lançaient des feux de toutes ports. […] Elle ne savait pas que le Prince qui lui fit perdre tant de ses vieux régiments à la journée de Rocroi, en devait achever les restes dans les plaines de Lens. […] Et qui sait si ce n’est point pour cela que Dieu nous Châtie ?
Il avait profondément médité l’évangile, connaissait bien le cœur humain, et savait concilier la force et la douceur. […] Pour bien apprécier jusqu’à quel point ces grands orateurs ont su s’élever au-dessus d’un siècle de décadence il faut se rappeler sans cesse le pays et l’époque où ils ont vécu, et les comparer à ceux de leurs contemporains qui ont joui alors de quelque célébrité. […] Il prodigue les saillies et les jeux de mots ; il s’abandonne trop souvent à l’impétuosité de son imagination ; mais quand il sait s’en rendre maître, et la captiver dans les limites convenables, personne ne raisonne avec plus de force, ne connaît mieux le cœur humain, n’observe plus scrupuleusement les bienséances.
« Vous savez en quel état se trouvait la scène française, lorsqu’il commença à travailler. […] « Il s’est trouvé dans tous les temps des hommes qui ont su commander aux autres par la puissance de la parole. […] » Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées, des raisons ; il faut savoir les présenter, les nuancer, les ordonner : il ne suffit pas de frapper l’oreille et d’occuper les yeux, il faut agir sur l’âme, et toucher le cœur en parlant à l’esprit ». […] » C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire.
Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu, il sait réprimer ses mouvements : non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs ; et, obéissant toujours aux impressions qu’il en reçoit, il se précipite, se modère ou s’arrête, et n’agit que pour y satisfaire. C’est une créature qui renonce à son être pour n’exister que par la volonté d’un autre, qui sait même la prévenir, qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l’exprime et l’exécute ; qui sent autant qu’on le désire, et ne rend qu’autant qu’on le veut ; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s’excède, et même meurt pour mieux obéir1… Le cheval est de tous les animaux celui qui, avec une grande taille, a le plus de proportion et d’élégance dans les parties de son corps : car, en lui comparant les animaux qui sont immédiatement au-dessus et au-dessous, on verra que l’âne est mal fait, que le lion a la tête trop grosse, que le bœuf a les jambes trop minces et trop courtes pour la grosseur de son corps, que le chameau est difforme, et que les plus gros animaux, le rhinocéros et l’éléphant, ne sont pour ainsi dire que des masses informes. […] Villemain : « Rien dans notre langue ne surpasse l’élévation et la gravité philosophique, ni les divisions, les détails et le style de cette histoire conjecturale. » On sait que les Epoques de la nature (elles eurent d’abord leur place dans les Suppléments de l’Histoire naturelle, mais les éditeurs récents les ont justement placées en tête de l’ouvrage), écrites par Buffon à soixante-dix ans, ont été onze fois recopiées ; aussi l’auteur avait-il coutume de dire dans sa vieillesse la plus avancée « qu’il apprenait tous les jours à écrire ». […] On sait quelle impulsion l’étude des sciences naturelles a reçue de cet ouvrage ; à Buffon l’on a dû peut-être Cuvier.
;On sait que ce grand poëte fut aussi un homme de cœur ; il combattit les excès de la démagogie, et mérita d’être une des pures victimes que la terreur fit périr sur l’échafaud1. […] J’en détourne le sens, et l’art sait les contraindre Vers des objets nouveaux qu’ils s’étonnent de peindre1. […] C’est l’art de la greffe, mais il faut savoir le pratiquer. […] C’est toute la pensée des strophes suivantes ; mais avec quel art le poëte saura varier ce motif !
2° On sait que le vers pentamètre ne s’emploie jamais seul ; il est toujours précédé d’un hexamètre, et leur réunion forme un distique. […] Voici comment Ovide a su amplifier ce récit et le rendre poétique : ……. […] Icare ne sait pas combien ces plumes et cette cire qu’il a dans les mains doivent lui être funestes. […] Horace a su l’étendre au moyen d’une périphrase : Pallida Mors æquo pulsat pepe pauperum tabernas Regumque turres. […] Venez donc auprès de nous ; cet autel nous protégera tous, ou nous mourrons ensemble. » (Nous laissons aux maîtres le soin de faire remarquer les principales beautés de ce passage, que la meilleure traduction ne saurait reproduire.)
C’était un petit homme monté sur une colonne si déliée que le moindre vent était capable de briser tout cet ouvrage, et l’on ne pouvait assez admirer l’adresse avec laquelle l’ouvrier avait su le tailler. […] Il savait tous leurs égarements dans les choses de la nature. […] Il ne suffit pas, pour conserver la paix avec les hommes, d’éviter de les blesser ; il faut encore savoir souffrir d’eux, lorsqu’ils font des fautes à notre égard : car il est impossible de conserver la paix intérieure, si l’on est si sensible à tout ce qu’ils peuvent faire et dire de contraire à nos inclinations et à nos sentiments ; et il est difficile même que le mécontentement intérieur que nous avons conçu n’éclate au dehors et ne nous dispose à agir envers ceux qui nous auront choqué, d’une manière capable de les choquer à leur tour, ce qui augmente peu à peu les différends et les porte souvent aux extrémités. […] Bayle, assez peu louangeur en général, comme on sait, a dit de Nicole que c’était « l’une des plus belles plumes de l’Europe ».
Fort heureusement pour nous, deux hommes d’un savoir exact et d’une érudition éprouvée, moins élevés assurément que les auteurs précédemment nommés, mais plus accessibles aux classes de nos collèges, pour lesquelles ils ont d’ailleurs précisément travaillé, l’abbé Batteux et Domairon, nous ont laissé des ouvrages où se trouve tout ce que les jeunes gens peuvent désirer de savoir sur l’objet qui nous occupe ici : l’un y a consacré trois volumes de ses Principes de littérature l’autre a écrit pour le même objet sa Rhétorique française et sa Poétique française en deux volumes. […] Nous savons qu’un travail de ce genre a été fait tout au commencement de ce siècle sur l’ouvrage de Batteux et n’a eu qu’un demi-succès ; mais, indépendamment de ce que Batteux demande à être complété, il ne suffit pas, quand on renouvelle pour l’usage présent un ancien ouvrage, d’y opérer quelques coupures : le nouvel éditeur doit y mettre son cachet et en faire un ouvrage vraiment neuf et qu’il puisse dire sien.
Il est si rare de voir un homme de lettres dignement loué par ses confrères, qu’il faut savoir pardonner quelque chose à celui qui exagère ce que tant d’autres ont la bassesse de chercher à affaiblir108. […] Mais le rhéteur académique ne sait pas se renfermer longtemps dans ces bornes respectables ; et la morgue philosophique les franchira bientôt. […] Je laisse aux lecteurs judicieux le soin d’apprécier un pareil paragraphe : ils y reconnaîtront sans peine le principe et le terme en même temps du succès de certains ouvrages, élevés par l’esprit de parti bien au-dessus de leur valeur littéraire, et dont je ne sais quelle hardiesse, qu’il eût été facile de qualifier d’un autre nom, faisait à peu près tout le mérite. […] Son visage était brûlé par un soleil ardent ; ses traits avaient je ne sais quoi de fier, et sa tête dominait sur toute l’assemblée C’était un Africain. […] Romains, le grand homme mourant a je ne sais quoi d’imposant et d’auguste ; il semble qu’à mesure qu’il se détache de la terre, il prend quelque chose de cette nature divine et inconnue qu’il va rejoindre.
Ne vous semble-t-il pas d’ailleurs que ces portraits exprofesso où l’auteur arrête le personnage dans sa marche pour le faire poser, en quelque sorte, ont presque toujours je ne sais quoi d’apprêté et de déclamatoire, et qu’il est un moyen bien plus naturel de faire apprécier le héros, c’est l’action et le dialogue ? […] Ces règles, vous les savez d’avance, car elles découlent du même principe. […] Après la lecture de Platon, si vous ne partagez pas son opinion, vous savez du moins à quoi vous en tenir sur sa doctrine ; après celle de Cicéron sur l’art oratoire, vous avez de l’éloquence une idée plus précise et plus lumineuse. […] Je ne sais à l’occasion de quel décret Mirabeau avait commencé un discours par cette métaphore assez bizarre en effet : « Aux premiers mots proférés dans cet étrange débat, j’ai ressenti les bouillons du patriotisme jusqu’au plus violent emportement… » A cette phrase le côté droit de l’assemblée se prit à rire. […] Je sais que bien des poëtes ont étrangement abusé de ce moyen de développement ; que certaines amplifications de Crébillon, par exemple, de Corneille lui-même, je ne veux pas parler des contemporains, sont de véritables déclamations.
Ils ont l’adresse et le courage : S’ils avaient eu l’avidité Comme vous, et la violence, Peut-être en votre place ils auraient la puissance, Et sauraient en user sans inhumanité. […] La majesté de vos autels, Elle-même en est offensée ; Car sachez que les immortels Ont les regards sur vous. […] Un jour, il m’en souvient, le Sénat équitable Vous pressait de souscrire à la mort d’un coupable ; Vous résistiez, Seigneur, à leur sévérité ; Votre cœur s’accusait de trop de cruauté ; Et plaignant les malheurs attachés à l’empire, Je voudrois, disiez-vous, ne savoir pas écrire. […] Et notre père votre serviteur nous dit : Vous savez que Rachela mon épouse m’a donné deux fils ; l’un étant sorti d’auprès de moi, j’ai cru qu’une bête l’avait dévoré, et je ne l’ai pas revu depuis ce temps-là. […] Il leur suffit d’en bien savoir les principes généraux, et de lire nos bons Écrivains, que je ferai connaître en exposant les règles des divers genres de littérature.
Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d’huile ; son épingle déliée pique sur le carton des musées l’élégant papillon qu’il a saisi au vol sur le sommet du mont Blanc ou du Chimboraço1 ; il empaille le crocodile, il embaume le colibri ; à son ordre, le serpent à sonnettes vient mourir dans la liqueur conservatrice qui doit le montrer intact aux yeux d’une longue suite d’observateurs. […] Si la justice humaine les frappait tous, il n’y aurait point de guerre ; mais elle ne saurait en atteindre qu’un petit nombre, et souvent même elle les épargne, sans se douter que sa féroce humanité contribué à nécessiter la guerre, si, dans le même temps surtout, un autre aveuglement, non moins stupide et non moins funeste, travaillait à éteindre l’expiation dans le monde. […] L’homme, saisi tout à coup d’une fureur divine étrangère à la haine et à la colère, s’avance sur le champ de bataille sans savoir ce qu’il veut ni même ce qu’il fait. […] Pour moi je n’en sais pas douter. […] L’Amérique et l’Inde n’ont point à nous redemander le sang injustement versé, et nous n’avons à redouter ni leur vengeance ni leur haine ; mais nous avons eu souvent à rougir de leur juste dédain ; jamais nous n’avons su y supplanter le commerce d’aucune nation, et souvent elles ont chassé nos commis avec ignominie, comme des friponneaux maladroits, assez impudents pour se mêler d’être trompeurs, sans industrie et sans vocation.
Le sonnet suivant, quoique dans le genre simple, n’est pas sans mérite, parce qu’il fait connaître les règles du genre, et donne ainsi le précepte et l’exemple : Doris, qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais, Me demande un sonnet, et je m’en désespère ; Quatorze vers, grand Dieu ! […] Il passa comme vous les monts à main armée ; Il sut ainsi que vous, convertir en fumée L’orgueil des ennemis, et rabattre leurs coups. […] Envoi O vous, l’honneur de ce mortel séjour, Ce n’est pas d’hui que ce proverbe court ; On ne l’a fait de mon temps ni du vôtre : Trop bien savez qu’en langage de cour, Promettre est un, et tenir est un autre. […] Le triolet suivant renferme les règles et l’exemple : Pour construire un bon triolet, Il faut observer ces trois choses, Savoir : que l’air en soit follet, Pour construire un bon triolet ; Qu’il rentre bien dans le rôlet, Et qu’il tombe au vrai lieu des pauses : Pour construire un bon triolet Il faut observer ces trois choses. […] La charade suivante est bien connue : Mon premier est cruel quand il est solitaire ; Mon second, moins honnête, est plus tendre que vous ; Mon tout, à votre cœur, dès l’enfance a su plaire, Et, parmi vos attraits, est le plus beau de tous.