Il a gardé en lui un type idéal de sa vraie et primitive nature ; il s’efforce à la reconquérir ; mais ses propres forces n’y suffisent point. […] Il livre, pour sa propre conservation, des combats continuels contre les forces de la nature ; il les craint, mais il les adore. […] La justice divine paraît quelquefois avec éclat, et fait des exemples qui sont vus de tout le monde ; quelquefois aussi elle s’exerce secrètement, et abandonne les méchants à leurs propres cœurs et à leurs propres pensées. […] Tout à l’heure le grand homme avait mis sa haute intelligence, sa puissante volonté au service de la pensée générale, du vœu commun ; maintenant il veut employer la force publique au service de sa propre pensée, de son propre désir ; lui seul sait et veut ce qu’il fait. […] De vos propres désirs perdrez-vous la mémoire ?
L’éloquence est devenue entre nos mains une véritable escrime, dont les leçons permettent à l’élève de vaincre son propre maître. […] C’était plaisir de le voir lutter avec eux de souplesse et de subtilité, et les prendre aux piéges de leurs propres arguments. […] Enfin ils énumèrent toutes les qualités propres à l’élocution. […] Ne cherchons pas plus loin les qualités propres à cette partie du discours. […] Chaque période a son harmonie propre, chaque mot son accent tonique, que l’oreille doit saisir et que la prononciation doit marquer.
Il leur exposa ces vérités ; et il vint à bout d’éclairer leur esprit, en leur faisant concevoir ses propres idées ; d’échauffer leur âme, en leur faisant éprouver ses propres sentiments. […] Si le versificateur décrit un objet avec cet art, ce coloris qui nous fait prendre l’image de l’objet pour l’objet même ; si, par exemple, en nous traçant les agréments de la campagne, il nous en fait une description si vive et si animée, que nous croyions être transportés au milieu des champs, voir de nos propres yeux les beautés que la nature y étale, et partager même, avec ceux qui les habitent, les plaisirs purs qu’ils y goûtent, ce versificateur sera vraiment poète.
Ma première maxime était d’obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant1 constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grâce d’être instruit dès mon enfance, et me gouvernant en toute autre chose suivant les opinions les plus modérées et les plus éloignées de l’excès, qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés2 de ceux avec lesquels j’aurais à vivre ; car, commençant dès lors à ne compter pour rien les miennes propres, à cause que je voulais les remettre toutes à l’examen, j’étais assuré de ne pouvoir mieux que de suivre celles des mieux sensés. […] Jamais mon dessein ne s’est étendu plus avant que de tâcher à réformer mes propres pensées, et de bâtir dans un fonds qui est tout à moi. […] Si c’est pour votre propre intérêt, il est certain que vous la pouvez mieux réparer que l’autre, en ce que l’acquisition d’un fidèle ami peut autant valoir que l’amitié d’un bon frère1 ; et si c’est pour l’intérêt de celui que vous regrettez, comme sans doute votre générosité ne vous permet pas d’être touché d’autre chose, vous savez qu’il n’y a aucune raison ni religion qui fasse craindre du mal après cette vie à ceux qui ont vécu en gens d’honneur, mais qu’au contraire l’une et l’autre leur promettent des joies et des récompenses.
Aussitôt qu’elles perdirent leurs forces, celle des empereurs s’évanouit, et elle s’évanouit par le moyen de ceux mêmes qui, s’étant rendus maîtres de leur sceau et de leurs armes par la faveur qu’ils avaient auprès d’eux, convertirent en leur propre substance celle de leurs maîtres, dont ils firent leur proie, à l’abri de ces lois anéanties. […] Il était bon ami ; il eût même souhaité d’être aimé du peuple ; mais quoiqu’il eût la civilité, l’extérieur et beaucoup d’autres parties propres à cet effet, il n’en eut jamais le je ne sais quoi qui est encore en cette matière plus requis qu’en toute autre. […] On dirait que Retz en est jaloux, et veut lui faire expier tous les mécomptes de ses propres ambitions.
Tant de parties si bien arrangées, et si propres aux usages pour lesquels elles sont faites ; la disposition des valvules, le battement du cœur et des artères ; la délicatesse des parties du cerveau, et la variété de ses mouvements, d’où dépendent tous les autres ; la distribution du sang et des esprits ; les effets différents de la respiration, qui ont si grand usage dans le corps : tout cela est d’une économie, et s’il est permis d’user de ce mot, d’une mécanique si admirable, qu’on ne la peut voir sans ravissement, ni assez admirer la sagesse qui en a établi les règles. […] Il y a une raison qui fait que le plus grand poids emporte le moindre ; qu’une pierre enfonce dans l’eau plutôt que du bois ; qu’un arbre croît en un lieu plutôt qu’en un autre ; et que chaque arbre tire de la terre, parmi une infinité de sucs, celui qui est propre pour le nourrir. […] Si les arbres poussent leurs racines autant qu’il est convenable pour les soutenir ; s’ils étendent leurs branches à proportion, et se couvrent d’une écorce si propre à les défendre contre les injures de l’air ; si la vigne, le lierre et les autres plantes qui sont faites pour s’attacher aux grands arbres ou aux rochers en choisissent si bien les petits creux, et s’entortillent si proprement aux endroits qui sont capables de les appuyer ; si les feuilles et les fruits de toutes les plantes se réduisent à des figures si régulières, et s’ils prennent au juste, avec la figure, le goût et les autres qualités qui suivent de la nature de la plante, tout cela se fait par raison : mais, certes, cette raison n’est pas dans les arbres. On a beau exalter l’adresse de l’hirondelle, qui se fait un nid si propre, ou des abeilles, qui ajustent avec tant de symétrie leurs petites niches2 : les grains d’une grenade ne sont pas ajustés moins proprement1 ; et toutefois on ne s’avise pas de dire que les grenades ont de la raison. […] Chaque arbre porte des semences propres à engendrer son semblable : en sorte que d’un orme il vient toujours un orme, et d’un chêne toujours un chêne.
Pour faire voir la marche que le poëte a suivie, je ne crois pouvoir mieux faire que d’emprunter les propres paroles de J. […] Il faut pour cela choisir ou imaginer des personnages, dont chacun ait un caractère qui ne soit propre et particulier qu’à lui. […] Le poëte a dû d’abord choisir ce caractère, ensuite imaginer, arranger, distribuer une action propre à le faire connoître et à le développer. […] Ce poëte saisit fort bien les traits essentiels d’un caractère, et le peint des couleurs qui lui sont propres. […] C’est au poëte à ne jamais s’écarter de ce principe, et à faire toujours céder l’intérêt de sa propre gloire à celui des bonnes mœurs et de la vertu.
De tous les exercices propres à agrandir et à fortifier les facultés intellectuelles, le plus efficace est cet ensemble d’études dont la base est celle des langues anciennes, et auquel nos pères ont donné par excellence le nom d’humanités. […] Elle considère les mots actuels selon le vocabulaire et selon la grammaire ; d’un côté les éléments matériels, de l’autre, les principes et les lois d’affinité d’après lesquels ils se lient et se combinent ; elle fixe leur valeur précise, leur signification propre ou métaphorique, leurs accidents, leur synonymie, les règles qui les modifient et les coordonnent. […] L’invention n’étant autre chose que l’acquisition des idées, ou du moins la recherche d’un procédé qui en facilite l’acquisition, que l’élève, tout en s’appliquant à l’étude de la langue maternelle et des langues anciennes, s’exerce à saisir les rapports des choses à lui et des choses entre elles ; qu’il apprenne, à mesure que ses facultés s’étendront, à s’observer lui-même, à observer la nature et les hommes qui l’entourent ; qu’il s’interroge souvent sur ses propres impressions ; qu’il s’habitue à s’en rendre compte, à chercher en tout les causes et les effets, à ne point voir d’un esprit distrait et avec indifférence les objets même les plus indifférents en apparence ; car tout ce qui peut occuper l’homme appartient à l’écrivain, et lui est, à l’occasion, sujet de composition ; Quidquid agunt homines, votum, timor, ira, voluptas, Gaudia, discursus, nostri est farrago libelli. […] En appuyant sur la nécessité de l’érudition, je demande que vous mettiez assez de choix et d’ordre dans vos matériaux pour que votre intelligence ne soit pas perdue dans ses propres richesses et écrasée sous le faix ; qu’au contraire, elle le porte avec aisance, et maintienne son caractère individuel au milieu de toutes ces acquisitions étrangères.
On s’attribue une supériorité de puissance et de force ; on se couronne de ses propres mains ; et lors même qu’on rend à Dieu de solennelles actions de grâces, et qu’on tend aux voûtes sacrées de ses temples les drapeaux déchirés et sanglants qu’on a pris sur les ennemis, qu’il est dangereux que la vanité n’étouffe une partie de la reconnaissance, et qu’on ne retienne au moins quelques grains de cet encens qu’on va brûler sur les autels » ! […] Le même orateur fait de la modestie de son héros le tableau suivant : « Il revenait de ses campagnes triomphantes, avec la même froideur et la même tranquillité que s’il fût revenu d’une promenade, plus vide de sa propre gloire que le public n’en était occupé. En vain les peuples s’empressaient pour le voir ; en vain sa seule présence, sans train et sans suite, faisait sur les âmes cette impression presque divine qui attire tant de respect, et qui est le fruit le plus doux et le plus innocent de la vertu héroïque : toutes ces choses, si propres à faire rentrer un homme en lui-même par une vanité raffinée, ou à le faire répandre au dehors par l’agitation d’une vanité moins réglée, n’altéraient en aucune manière la situation tranquille de son âme ; et il ne tenait pas à lui qu’on n’oubliât ses victoires et ses triomphes ».
On sait qu’il fit de Genève la capitale de ce protestantisme dogmatique et rigide dont il façonna l’esprit et les mœurs à l’image de son propre génie. […] On comprend que Rabelais n’ait jamais pu souffrir celui qu’il appela « le démoniaque de Genève », ce sectaire flegmatique dont la vie fut un implacable combat, même contre ses propres soldats. […] Fatras, dérivé de fartaceus, fartus (farci), a le sens propre de pêle-mêle, amas de choses disparates.
Mettre un adversaire en contradiction avec lui-même, en retournant contre lui ses propres actes et ses propres paroles, est un moyen très-habile et très-employé, qu’on appelle argument personnel, ou argument ad hominem. […] Voici l’énumération des parties : — « Sans cesse la politesse exige, la bienséance ordonne ; sans cesse on suit des usages, jamais son propre génie : on n’ose plus paraître ce qu’on est ; et dans cette contrainte perpétuelle, les hommes qui forment ce troupeau qu’on appelle société, placés dans les mêmes circonstances, feront tous les mêmes choses, si des motifs plus puissants ne les en détournent. » — Les circonstances. — L’orateur, soit qu’il veuille affirmer, soit qu’il veuille nier un fait, s’appuie sur les circonstances au milieu desquelles il s’est produit.
Aucun des détails propres à éclaircir un événement, ou à relever une action mémorable, ne doit être passé sous silence. […] La simplicité du style fait le caractère propre des historiens sacrés : mais c’est une simplicité, tantôt majestueuse, tantôt énergique, tantôt naïve, tantôt pleine de douceur, et toujours une simplicité sublime, qui transporte et maîtrise l’âme ; simplicité admirable, qui seule serait pour l’homme qui réfléchit, une bien forte preuve de la vérité des écritures. […] Cet ouvrage est un chef-d’œuvre, et le plus propre, en ce genre, à former les hommes, soit pour la vie publique, soit pour la vie privée. […] Bouhours, jésuite, dans son Histoire du grand-maître d’Aubusson ; infiniment propre à former le goût en ce genre. […] Ceux de Henri, duc de Rohan, sur la guerre de la Valteline sous Louis XIII ; importants pour cette partie de notre histoire, et très propres à former de bons militaires.
Il n’en est point qui n’emprunte des nuances, il n’en est point qui n’en prête ; et aucun d’eux, lorsqu’ils sont réunis, n’a exactement la couleur qui lui serait propre, s’ils étaient séparés. […] Aussi la meilleure définition du trope est encore celle de Quintilien : le trope consiste à transporter un mot ou une phrase de son sens propre dans un autre, pour donner plus de valeur au discours. […] Il résulte de la définition même de la métaphore qu’elle doit être vraie, c’est-à-dire fondée sur une ressemblance réelle et non point équivoque ou supposée ; lumineuse, en sorte que cette vérité et cette justesse de rapports frappent l’esprit à l’instant, et n’y laissent jamais la moindre ambiguïté ; noble, qu’on ne la tire point d’objets bas, dégoûtants, inconvenants, de façon à déparer le discours qu’elle doit orner ; naturelle, qu’elle ne soit ni péniblement recherchée, ni multipliée sans mesure et sans besoin ; préparée, quand le terme substitué n’a pas une analogie assez sensible avec celui qu’on rejette, qu’il soit amené par d’autres qui ménagent la transition entre l’expression propre et l’expression figurée ; soutenue enfin, c’est-à-dire que, si la métaphore se prolonge, elle soit toujours d’accord avec elle-même et que ses termes ne semblent pas s’exclure mutuellement. […] La différence, selon eux, c’est que, dans l’allégorie, le double sens, littéral et métaphorique, se poursuit jusqu’au bout ; l’image, quoiqu’elle ne serve réellement qu’à envelopper une pensée, a cependant, en quelque sorte, sa vie propre et indépendante. […] La syllepse oratoire, en effet, consiste à prendre un mot dans les deux sens, au propre et au figuré, dans une même phrase.