L’on ne mesure bien, d’ailleurs, la force et l’étendue de l’esprit et du cœur humains que dans ces siècles fortunés ; la liberté découvre, jusque dans l’excès du crime, la vraie grandeur de notre âme ; là, brille en pleine lumière la force de la nature ; là, paraît la vertu sans bornes, le plaisir sans infamie, l’esprit sans affectation, la hauteur sans vanité, le vice sans bassesse et sans déguisement. […] Les maladies l’ont assiégé dès son enfance, et l’ont sevré, dans son printemps, de tous les plaisirs de la jeunesse. […] vous ne m’auriés rien sceu mander qui me fust plus agréable que la nouvelle du plaisir de lectures qui vous a prins. […] « Je vais lire vos Portraits, lui écrivait Voltaire ; si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. » Vauvenargues disait ailleurs : « On doit se consoler de n’avoir pas les grands talents, comme on se console de n’avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l’un et de l’autre par le cœur. » Citons encore de lui quelques pensées détachées : « Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. » « Les orages de la jeunesse sont environnés de jours brillants. » « Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme. » « La servitude abaisse l’homme jusqu’à s’en faire aimer. » « La liberté est incompatible avec la faiblesse. » « Le fruit du travail est le plus doux plaisir. » « C’est un grand signe de médiocrité que de louer toujours modérément. » « Si vous avez quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rend plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère. » « Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauffer, comme le soleil d’hiver. » « Les longues prospérités s’écoulent quelquefois en un moment, comme les chaleurs de l’été sont emportées par un jour d’orage. » 1.
Tel est d’apparence chétive, mais les dieux l’ont couronné d’éloquence, et les hommes prennent plaisir à le regarder. […] Ce n’est pas le plaisir qui les réunit, c’est l’intérêt public. […] L’orateur, maître de ces âmes rebelles, put les manier à plaisir. […] Il put reprocher aux Athéniens leurs vices, leur paresse, leur insouciance du bien public, leurs plaisirs dispendieux et inutiles. […] C’est plaisir de voir avec quelle agilité il louvoie entre le danger de blesser et le malheur de déguiser la vérité.
Ce n’est qu’avec de l’habitude et des réflexions qu’il parvient à sentir tout d’un coup avec plaisir ce qu’il ne démêlait pas auparavant. […] Votre Excellence peut avoir la bonté de m’écrire qu’elle est satisfaite de deux ans d’expiation de Lamande, et qu’elle verra avec plaisir qu’il soit rappelé dans sa ville. […] Le plus grand plaisir que m’a fait la jolie pleureuse a été de me fournir cette occasion de vous renouveler le respect et l’attachement avec lesquels je suis1, etc. […] J’ai d’autant plus d’envie d’avoir avec vous un commerce régulier, que votre lettre m’a fait un plaisir extrême. […] Il avait le besoin de plaire encore plus que de dominer ; il trouvait plus de plaisir à mettre en jeu ses séductions que sa force.
Nous savons déjà que l’esprit n’admet pas avec plaisir deux actions différentes qui distraient son attention et empêchent l’intérêt. […] Cette tentative fut approuvée ; et enfin le récit fut divisé en plusieurs parties pour couper plusieurs fois le chant, et augmenter le plaisir de la variété. […] Mais ce n’est pas là précisément une comédie à couplets ou à ariettes : on donne ce nom à des pièces où le chant et la musique sont introduits pour le plaisir qu’ils font, et non parce que la suite des faits les appelle. […] Depuis, on a jeté des couplets dans toute la pièce, sans aucune nécessité, mais seulement parce que le chant fait plaisir aux spectateurs. […] Voltaire a dit dans son Mondain : Il faut se rendre à ce palais magique Où les beaux vers, la danse, la musique, L’art de tromper les yeux par les couleurs, De cent plaisirs font un plaisir unique.
Plutôt artiste que savant, il ne fut ni botaniste, ni anatomiste : il prit l’homme pour centre de ses tableaux, et n’étudia l’univers que par rapport à ce roi de la création, et selon le degré d’utilité ou de plaisir qu’il en peut tirer. […] C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées ; et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile2 ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur ; et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. […] Sur la vie de Paris 2 À l’abbé Le Blanc Je suis charmé quand je pense que vous vous levez tous les jours avant l’aurore ; je voudrais bien vous imiter ; mais la malheureuse vie de Paris est bien contraire à ces plaisirs. […] Car le plus grand plaisir que reçoivent les hommes de guerre, c’est de fourrager le plat païs, voler les païsans, brusler les villages, assiéger, battre, forcer, saccager les villes, massacrer les bons et méchants, jeunes et vieux, tous âges et tous sexes ; se laver au sang des meurtris, souiller les choses sacrées, raser les temples, blasphémer le nom de Dieu et fouler aux pieds tout droit divin et humain. […] En dépit de quelques erreurs, les hommes lui devront longtemps les doux plaisirs que procurent à une âme jeune les premiers regards jetés sur la nature, et les consolations qu’éprouve une âme fatiguée des orages de la vie en reposant sa vue sur l’immensité des êtres paisiblement soumis à des lois éternelles et nécessaires. »
Ainsi, les mots plaisir, repos, candeur, rimeront, non seulement avec désir, dispos, froideur, mais encore avec soupir, berceaux, douleur. […] Mais ce n’est que quand il est pris dans des significations différentes, comme dans ces vers : Chaque objet frappe, éveille, et satisfait mes sens : Je reconnais les Dieux au plaisir que je sens. […] J’accablais mon esprit de trop de nourriture ; À prévenir mon goût j’épuisai tous mes soins : Mais mon goût s’émoussait en fuyant la nature, Il n’est de vrais plaisirs qu’avec de vrais besoins. […] Plaisirs brillants, troublez les villes Plaisirs champêtres et tranquilles, Seuls vous êtes les vrais plaisirs.
Dans les écrivains du second ordre, au contraire, tout présente les traces pénibles d’efforts rarement heureux ; et ce rapprochement involontaire, mais perpétuel, de la nature, grande et belle sans effort, et de l’art qui se tourmente infructueusement pour l’imiter mal, altère sensiblement quelquefois le plaisir que pourraient nous faire les plus beaux morceaux de poésie moderne. […] Nous nous arrêterons à quelques exemples seulement, car il faut mettre des bornes, même au plaisir de citer Homère et Virgile. […] Quel plaisir de nous arrêter un moment avec lui dans ce joli bocage : Quâ pinus ingens, albaque populus Umbram hospitalem consociare amant Ramis, et obliquo laborat Lympha fugax trepidare rivo. […] Ch. 4) Si nous n’écoutions que le plaisir de parcourir et de citer de beaux vers, il nous serait aisé, sans doute, de multiplier les exemples.
Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté ; il n’est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer ; libre sur nos eaux, il n’y séjourne, et ne s’y établit qu’en jouissant d’assez d’indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité ; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au rivage, s’éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s’abriter sous les bords, sc cacher dans les joncs, s’enfoncer. dans les anses les plus écartées ; puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu’il paraît prendre et goûter en s’approchant de l’homme, pourvu qu’il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans1. […] Sur la vie de paris 2 A L’ABBÉ LE BLANC Je suis charmé quand je pense que vous vous levez tous les jours avant l’aurore ; je voudrais bien’vous imiter ; mais la malheureuse vie de Paris est bien contraire à ces plaisirs. […] Le style C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile1 ; la chaleur naître de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux.
Cette imitation se fait par un discours, un style composé pour le plaisir, de telle sorte que chacune des parties qui la composent subsiste et agisse séparément et distinctement. […] Voilà donc déjà un plaisir qui se rencontre en la tragédie et qui ne se rencontre pas en la comédie. » Sur la terreur et la pitié, comparez : Rhétorique, II, 5 et 8 Morale Nicom., II, 4. — En ce qui touche la célèbre purgation des passions par le drame, nous devons renvoyer d’abord à l’Essai sur l’Histoire de la Critique, p. 180 et suivantes, où nous avons exposé sur ce sujet une opinion que nous croyons devoir maintenir, malgré le dissentiment de plusieurs savants interprètes de la pensée d’Aristote, tels que M. […] Avec intention, parce que pour le plaisir et le charme de l’oreille, qu’ils recherchent presque tous, la fiction leur paraît moins sévère que la vérité.
Nul n’a plus contribué à raviver sans superstition la foi classique, et à convertir les indifférents à la religion du beau ou du vrai par une admiration réfléchie dont le plaisir sévère se communique aux indifférents ou aux rebelles. […] Ces bruyères sont délicates comme celles de nos serres ; elles donnent ce plaisir mêlé de surprise qu’on éprouve à voir des plantes rares en profusion. […] Mais si, dans cet orgueil de la vie, il en est un qui, par désœuvrement ou par fatigue des plaisirs, ouvre le livre dédaigné, quelle n’est pas sa surprise en se retrouvant parmi ces animaux auxquels il s’était intéressé enfant, de reconnaître par sa propre réflexion, non plus sur la parole du maître ou du père, la ressemblance de leurs aventures avec la vie, et la vérité des leçons que le fabuliste en a tirées !
Quel plaisir d’élever un enfant qu’on voit croître1, Non plus comme un esclave élevé pour son maître, Mais pour voir avec lui renaître tant de rois ! […] Ce prince, dont mon cœur se faisait autrefois Avec tant de plaisir redire les exploits ; A qui même en secret je m’étais destinée Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée ! […] Je l’ai vu vers le temple, où son hymen s’apprête, Mener en conquérant sa nouvelle conquête, Et, d’un œil où brillaient sa joie et son espoir, S’enivrer en marchant du plaisir de la voir. […] Goûte-t-il des plaisirs tranquilles et parfaits ? […] Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance : Appliqué sans relâche au soin de me punir, Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir : Ta haine a pris plaisir à former ma misère ; J’étais né pour servir d’exemple à ta colère, Pour être du malheur un modèle accompli : Hé bien !
Quant à la comparaison même que fait ici Aristote entre les plaisirs de l’oreille et ceux des autres sens, on la retrouve dans la Politique, VII, 5. […] v. — C’est un plaisir pour l’auditeur.] […] Μανθάνειν, plaisir souvent analysé par Aristote : Problèmes, XIV, 3 Poétique, chap.
Les hommes n’aiment point à vous admirer, ils veulent plaire : ils cherchent moins à être instruits, et même réjouis, qu’à être goûtés et applaudis ; et le plaisir le plus délicat est de faire celui d’autrui. […] Quelques-uns consentiraient à voir une autre fois les ennemis aux portes de Dijon ou de Corbie2, à voir tendre des chaînes et faire des barricades3, pour le seul plaisir d’en dire ou d’en apprendre la nouvelle. […] Telle est en effet la disposition du cœur humain, que Lucrèce a signalée dans de beaux vers (II, 1-6), ainsi traduits par Voltaire : On voit avec plaisir, dans le sein du repos, Des mortels malheureux lutter contre les flots ; On aime à voir de loin deux terribles armées Dans les champs de la mort aux combats animées : Non que le mal d’autrui soit un plaisir si doux ; Mais son danger nous plaît, quand il est loin de nous.