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48. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Introduction »

On peut, ce nous semble, être plus ou moins musicien, dessiner et peindre plus ou moins habilement pour son plaisir ; mais peut-on ne savoir qu’à peu près l’orthographe ? […] C’est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux ; Et par les traits divers de figures tracées Donner de la couleur et du corps aux pensées. […] La Grammaire et le Grammairien Lorsqu’on eut trouvé le moyen de peindre la parole par des signes ou des lettres et par des mots, on ne tarda pas à leur imposer des lois.

49. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

Si c’est une narration, une description, il faut se figurer que l’on voit ce qu’on raconte ou ce qu’on peint. […] Si nous avons à décrire les phénomènes de la nature, les splendeurs du soleil à son lever ou à son coucher, la lumière se jouant en mille nuances autour de notre globe, le calme d’une belle nuit, un orage, la mer et ses mille aspects merveilleux, la campagne et ses charmes enivrants ; si nous voulons peindre l’homme et la société avec les vertus, les passions ou les travers qui nous présentent sans cesse un drame ou une comédie vivante, il vaut mieux interroger notre mémoire et nos impressions que les livres ; nos compositions auront une couleur plus vraie, nous y ferons circuler davantage la chaleur et la vie. […] Lisez les poètes qui ont le mieux peint l’homme et la nature, leurs riantes images vous délasseront l’esprit ; lisez aussi les critiques célèbres, pour vous habituer à juger avec goût les œuvres littéraires ; ne dédaignez pas les orateurs et les moralistes ; ne reculez pas devant un livre sérieux : vous n’aurez pas à regretter votre temps et vos peines. […] Un des effets de l’imagination, c’est d’animer le style d’images saisissantes ; il y a image quand le mot ou la phrase peint quelque chose à l’esprit.

50. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Elle présente l’énumération des attributs ou caractères de l’objet qu’il s’agit de peindre : elle en fait le tableau et le met sous les yeux du lecteur. […] Toute ma vie il sera peint devant mes yeux ; et si jamais les dieux me faisaient régner, je n’oublierais point, après un si funeste exemple, qu’un roi n’est digne de commander et n’est heureux dans sa puissance qu’autant qu’il la soumet à la raison. […] On s’en sert pour peindre un objet, non tel qu’il est, mais tel qu’il devrait être, ou pour mieux faire comprendre la différence qui existe entre deux idées. […] Tel est l’effet de l’imagination : se représenter les événements, y assister, afin de peindre fortement ensuite. […] Cette précieuse qualité ajoute un bien grand charme aux sentiments qui sont peints dans les lignes suivantes de M. 

51. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre troisième. De l’élocution. »

Il n’est pas nécessaire qu’elles relèvent les objets ; si elles les peignent vivement, justement, cela suffit. […] Comme on l’a vu : r, en roulant dans la bouche, imite le fracas ; s c, peignent le sifflement. […] L’écrivain peint avec pompe toute l’élévation du roi de Perse ; il y a consacré six lignes, et pour peindre ses revers, il n’a qu’un mot, il est impossible de ne pas sentir tout ce que cette manière de parler contient d’éloquent. […] Il a séparé en deux parties la phrase ; une ligne peint la situation misérable de Darius, et quatre lignes sa grandeur tombée. Je crois qu’à tous égards ce dernier portrait est préférable au premier, c’est peindre en maître.

52. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nisard. Né en 1806. » pp. 585-597

Moraliste pénétrant, il excelle aussi dans l’art de peindre les traits d’un caractère et d’un esprit. […] S’agit-il, par exemple, de l’usage des passions5 dans le drame, elle recueille dans les auteurs dramatiques les plus divers et les plus inégaux les traits vrais ou spécieux dont ils ont peint une passion ; elle compare les morceaux, non pour donner des rangs, mais pour faire profiter de ces rapprochements la vérité et le goût ; elle y ajoute ses propres pensées, et de ce travail de comparaison et de critique, elle fait ressortir quelque vérité de l’ordre moral. […] En voyant peint si au vif ce qu’ils ont senti, ils s’exercent à sentir vivement. […] Nisard se peint lui-même avec une sincérité discrète.

53. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

La haine des deux frères est peinte avec énergie, et la scène de l’entrevue très bien traitée. […] Mais ne se propose-t-il que de peindre des animaux ou des végétaux ? […] S’il excelle à peindre l’homme générique, toujours et partout le même, il ne peint pas moins bien, suivant la pensée de M.  […] Faut-il peindre un fripon fameux dans cette ville ? […] On me l’a peint tout autre, et j’ai peine à vous croire.

54. (1881) Rhétorique et genres littéraires

La Mollesse, dans Boileau, peint la cour des rois fainéants pour faire ressortir l’ardeur guerrière de Louis XIV. […] L’orateur atteint ce but en résumant les peints principaux (récapitulation) et par l’emploi du pathétique. […] Tantôt elle frappe l’oreille par des sons (onomatopée), tantôt elle peint l’idée ou l’objet par les mots qu’elle emploie. […] Presse, pleure, gémis ; peins-lui Phèdre mourante. […] La description scientifique, qu’il faut distinguer de la description littéraire, se propose seulement d’instruire et de peindre l’objet d’après ses caractères essentiels.

55. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre lII. »

Villemain, des époques d’enthousiasme, de mœurs naïves et de vertus guerrières, qui ne peuvent s’exprimer et se peindre que dans une épopée. […] Les personnages d’Homère nous choquent quelquefois : c’est qu’il les a peints tels qu’ils étaient de son temps, et c’est là un des plus grands mérites de ses œuvres. […] Ils parlent, ils agissent ; ils se peignent par leurs discours et par leurs actions, et tous concourent, selon leur importance, à la marche du poème ; la variété se trouve ainsi confondue dans l’unité.

56. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Vauvenargues parle des livres anciens qui l’ont passionné 1 Les Vies de Plutarque2 sont une lecture touchante ; j’en étais fou dans mon enfance ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce et même de celle de Rome3. […] Il n’est guère sympathique aux Ménalques ; voulez-vous voir son idéal secret, lisez cette page : « Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très-hautes mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur, je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints. […] C’est un portrait voilé de Vauvenargues peint par lui-même ; il allait être pourvu d’un poste diplomatique, quand la ruine de sa santé l’empêcha de le remplir.

57. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre II. — Choix des Pensées »

7° Pensées agréables Les pensées agréables présentent des idées aimables, peignent des objets riants. […] 10° Pensées vives Les pensées vives sont celles qui peignent d’un seul trait dans l’esprit l’objet qu’elles représentent. […]  » 11° Pensées hardies La pensée est hardie, lorsque l’objet dont elle est l’image se peint dans l’esprit avec des couleurs extraordinaires. […] Massillon y peint avec énergie la folie des hommes qui emploient à offenser Dieu les courts instants qui leur sont accordés sur cette terre : Tout change tout s’use, tout s’éteint : Dieu seul demeure toujours le même ; le torrent des siècles qui entraîne tous les hommes coule devant ses yeux, et il voit avec indignation de faibles mortels emportés par ce cours rapide l’insulter en passant, vouloir faire de ce seul instant tout leur bonheur, et tomber en sortant de là entre les mains éternelles de sa colère et de sa justice.

58. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

Vous faites la description de cette habitude, vous en peignez l’empire avec force. […] Pénétrer dans les replis les plus cachés du cœur, montrer l’homme à l’homme, lui peindre son caractère mieux que jamais il ne l’avait vu lui-même, voilà ce qui produit un effet merveilleux. […] Par exemple, un cercle, lors même qu’il n’est pas devant mes yeux, se peint-il dans mon esprit, j’ai l’idée d’un cercle. […] Il échappe au cœur, dans la conduite extérieure, des traits qui le peignent au naturel. […] Le sang qui coule, la pâleur répandue sur le visage, les gémissemens ; enfin, les derniers soupirs du mourant ne se peindront-ils pas dans mon esprit ?

59. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Elle sert encore à peindre un objet sensible sous des traits plus riants ou plus énergiques, tels que : une maison gaie, une campagne riante, un discours froid un coup d’œil sûr, un livre amusant, ennuyeux, etc., un sillon de feu, l’enfance du monde, le poids des années, la faux du Temps. […] « Le bal continuait avec beaucoup de plaisir, etc. » Dans le troisième, Malherbe peint d’une manière flatteuse les temps heureux que promet le règne de Louis XIII. […] Il ne faut pas oublier ici une des plus charmantes allégories, celle dans laquelle Mme Deshoulières cette tendre mère, se peint elle-même sous l’image d’une bergère qui recommande ses brebis à Pan, le dieu des bergers : par son troupeau, elle désigne ses enfants ; le dieu Pan, c’est le roi, à qui elle les recommande. […] Telles sont ces vers si touchants où Virgile (traduit par Delille) peint la douleur d’Orphée après la mort d’Eurydice : Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] La Prosopographie peint l’extérieur des objets, le visage, l’air, le maintien d’un homme ou d’un animal, de manière à le rendre, pour ainsi dire, présent.

60. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voltaire, 1694-1778 » pp. 158-174

N’ayez point d’esprit, peignez avec la vérité, et votre ouvrage sera charmant. […] On ne peut peindre avec des couleurs plus fortes les horreurs de la société humaine3 dont notre ignorance et notre faiblesse se promettent tant de consolations. […] Je vous peindrais l’ingratitude, l’imposture et la rapine, me poursuivant depuis quarante ans jusqu’au pied des Alpes, et jusqu’au bord de mon tombeau. […] « Une société particulière d’athées qui ne se disputent rien, et qui perdent doucement leurs jours dans les amusements de la volupté, peut durer quelque temps sans trouble ; mais si le monde était gouverné par des athées, il vaudrait autant être sous le joug immédiat de ces êtres infernaux qu’on nous peint acharnés contre leurs victimes. »

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