C’est ainsi que vous parle un ami véritable. […] Qui marque asseurément la terre de ses pas, Avecques ses pareils se plaist en ses esbas : Il fuit, il vient, il parle, il pleure, Il saute d’aise ; Sans raison, d’heure en heure, il s’esmeut et s’apaise. […] Les personnes qu’ils ont commencé de connaître dans ce temps leur sont chères ; ils affectent quelques mots du premier langage qu’ils ont parlé : ils tiennent pour l’ancienne manière de chanter et pour la vieille danse ; ils vantent les modes qui régnaient alors dans les habits, les meubles et les équipages ; ils ne peuvent encore désapprouver des choses qui servaient à leurs passions, qui étaient si utiles à leurs plaisirs, et qui en rappellent la mémoire : comment pourraient-ils leur préférer de nouveaux usages, et des modes toutes récentes où ils n’ont nulle part, dont ils n’espèrent rien, que les jeunes gens ont faites, et dont ils tirent à leur tour de si grands avantages contre la vieillesse ? » Nous lisons dans Régnier : Maints fascheux accidents surprennent sa vieillesse : Soit qu’avec du soucy gaignant de la richesse, Il s’en deffend l’usage, et craint de s’en servir, Que tant plus il en a, moins s’en peut assouvir ; Ou soit qu’avec froideur il face toute chose, Imbécile, douteux, qui voudroit et qui n’ose, Dilayant, qui tousjours a l’œil sur l’avenir, De léger il n’espère et croit au souvenir : Il parle de son temps, difficile et sévère ; Censurant la jeunesse, use des droits d’un père Il corrige, il reprend, hargneux en ses façons, Et veut que tous ses mots soient autant de leçons. […] Voltaire parlait ainsi à son maître, le P.
Elle parle plus volontiers de ses plaisirs que de ses dégoûts ; elle tient plus à nous faire aimer les beautés des livres qu’à nous rendre trop délicats sur les défauts des écrivains. […] Faut-il parler de la défiance que doit avoir l’écrivain de cette demi-clarté trompeuse, qui peut lui suffire, mais qui laisse le lecteur dans les ténèbres ? […] S’il n’est que savant, il répétera froidement et sans effet ce qui a été mieux dit par d’autres ; s’il n’est qu’inspiré, il risquera de parler dans une langue qui ne sera comprise que de lui. […] Sainte-Beuve dit : « Parler de La Fontaine, c’est parler de l’expérience même, du résultat moral de la vie, du bon sens pratique, fin et profond, universel et divers, égayé de raillerie, animé de charme et d’imagination, corrigé et embelli par les meilleurs sentiments, consolé surtout par l’amitié. » 1.
S’il vous laisse trop vous souvenir que ce n’est qu’un homme qui parle, si Dieu n’est pas toujours à côté de lui, on ne verra plus qu’un rhéteur mondain, qui adresse à des cendres les derniers mensonges de la flatterie. […] Elle va descendre à ces demeures souterraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands de la terre, comme parle Job : avec ces rois et ces princes anéantis, parmi lesquels à peine peut-on la placer, tant les rangs y sont pressés, tant la mort est prompte à remplir les places ». […] « Tant que nous sommes détenus dans cette demeure mortelle, nous vivons assujétis aux changements, parce que, si vous me permettez de parler ainsi, c’est la loi du pays que nous habitons. — Mais aussitôt qu’on cesse pour nous de compter les heures, et de mesurer notre vie par les jours et par les années, sortis des figures qui passent et des ombres qui disparaissent, nous arrivons au règne de la vérité, où nous sommes affranchis de la loi des changements ». […] On ne s’apercevait presque pas qu’on parlât à une personne si élevée : on sentait seulement au fond de son cœur qu’on eût voulu lui rendre au centuple la grandeur dont elle se dépouillait si obligeamment.
Quel que soit l’objet du discours, celui qui parle doit commencer par une espèce d’introduction, qui prépare l’esprit des auditeurs : il établit ensuite l’état de la question, expose celui des faits, et les appuie de preuves propres à fortifier l’opinion qu’il a de la bonté de sa cause, et à détruire les raisons de son adversaire. […] Il faut, ce que l’art ne donnera jamais, ce qu’Aristote, Cicéron et Quintilien n’enseignent point et ne peuvent enseigner, une chaleur, une impétuosité de sentiment, qui entraînent impérieusement, et conduisent, malgré lui, l’auditeur au but où celui qui parle veut le conduire. […] Elle veut, dit Quintilien, que l’on procède d’une chose à une autre ; cette méthode aide beaucoup à la mémoire de celui qui parle, et soutient l’attention de celui qui écoute. […] Aussi la règle prescrite à cet égard par Cicéron, est-elle de donner à chacun de ces points intéressants le plus de force, avec le moins d’étendue possible : c’est une récapitulation pour soulager la mémoire de celui qui écoute, et non un morceau d’apparat pour faire briller le talent de celui qui parle : ut memoria, non oratio, renovata videatur .
Vaumorin et Ganseville, auxquels j’en ai parlé cent fois dans la Fronde, m’ont juré qu’il n’y avait rien au monde de plus faux : l’un était capitaine des gardes, et l’autre écuyer de M. de Beaufort. […] Le premier président parla à la reine avec toute la liberté que l’état des choses lui donnait. […] Il n’était pas congru2 dans sa langue, mais il parlait avec une force qui suppléait à tout cela ; et il était naturellement si hardi, qu’il ne parlait jamais si bien que dans le péril.
Rien de plus vulgaire, en apparence, et, tranchons le mot, de plus trivial au premier coup d’œil, que la comparaison suivante employée par Isaïe, qui fait parler en ces termes le roi d’Assyrie : 127« Et invenit quasi nidum manus mea fortitudinem populorum ; et sicut colliguntur ova, quæ derelicta sunt, sic universam terram ego congregavi ; et non fuit qui moveret pennam, et aperiret os, et ganniret ». […] On sent qu’il n’y a qu’un Dieu, ou celui qu’il inspire, qui puisse parler un tel langage : et que c’est bien moins ici deux objets rapprochés à dessein, pour faire une comparaison, qu’une seule et même chose, Dieu et la nature : la tendresse divine, et la tendresse maternelle. […] Pourquoi tous ces conseils de guerre Où tant de rois parlent en vain ? […] Je marchais devant lui, quand, porté sur les flots, Il en couvrait la face et parlait au chaos. […] Dans le livre de Job, la Mort et la Perdition parlent entre elles de la Sagesse, et disent qu’elles ne la connaissent que de nom.
Et comme tes exploits étonnant les lecteurs, Seront à peine crus sur la foi des auteurs, Si quelque esprit malin les veut traiter de fables, On dira quelque jour pour les rendre croyables : ; Boileau, qui, dans ses vers pleins de sincérité, Jadis à tout son siècle a dit la vérité, Qui mit à tout blâm er son étude et sa gloire À pourtant de ce roi parlé comme l’histoire. […] 9° Pensées enjouées La pensée enjouée a quelque chose de plus riant que les précédentes : elle fait naître le sourire sur les lèvres, et amuse agréablement l’esprit : Andrieux dans une charmante imitation de la fable de La Fontaine, le Rat de ville et le Rat des champs, fait parler ainsi l’un des deux personnages : Pouvez-vous bien végéter tristement Dans un trou de campagne enterré tout vivant ? […] Les deux poètes parlent des rochers où le jeune prince trouve la mort ; le premier le fait avec noblesse : À travers les rochers la peur les précipite ; le second ajoute aux rochers une épithète qui, loin de faire de l’effet, excite le rire dans ce moment solennel : Sur les rochers pointus qui lui percent le flanc … Reconnaissons cependant que le récit de Pradon se recommande par de belles pensées qu’il ne doit point à Racine, telles que celle-ci qui contient l’expression d’un tendre sentiment : Il s’éloigne à regret d’un rivage si cher ; et celle-ci qui respire l’intrépidité, la bravoure : Le minotaure en Crète à mon bras était dû ; Et les dieux réservaient ce monstre à ma vertu. […] Dans la Henriade, lorsque Henri IV raconte à Élisabeth les troubles de la France, après lui avoir parlé de la sécurité fatale dans laquelle vivaient les protestants, et lui avoir exprimé la douleur qu’il ressentit a la mort de sa mère Jeanne d’Albret, il passe de là au récit de la mort de Coligny ; il amène ce sanglant épisode par deux vers, qui préparent le lecteur à cette scène dramatique : Ma mère enfin mourut, pardonnez à des pleurs Qu’un souvenir si tendre arrache à mes douleurs. […] Il y a un exemple de gradation dans ce passage de l’Oraison funèbre de Turenne, lorsque Fléchier parle des sentiments religieux de son héros et de son humanité.
Les règles dont nous venons de parler sont celles de l’ancienne ballade française, tombée en désuétude depuis madame Deshoulières et La Fontaine. […] Les petits genres de poésie dont nous venons de parler sont pour la plupart passés de mode ; ils ont été trop souvent le langage du bel esprit prétentieux, de la galanterie raffinée ; c’était la poésie des ruelles ; l’hôtel de Rambouillet se pâmait à la lecture d’une ballade, d’un rondeau, d’un madrigal : la cour et la ville se partageaient en deux camps, à propos des fades sonnets de Job et d’Uranie, par Benserade et par Voiture. […] Si nous en parlons ici, c’est pour être complet, et suivre toutes les variétés de la forme poétique, depuis les plus sublimes conceptions jusqu’aux plus frivoles.
Aucun n’a parlé aux passions un langage plus propre à les captiver et à les soumettre ; aucun n’a mieux connu le cœur humain et ne l’a peint avec plus d’éloquence. […] que d’en parler pour notre instruction. […] Nous avons vu toute la race royale presque éteinte ; les princes, l’espérance et l’appui du trône, moissonnés à la fleur de l’âge ; l’époux et l’épouse auguste, au milieu de leurs plus beaux jours, enfermés dans le même cercueil, et les cendres de l’enfant suivre tristement et augmenter l’appareil lugubre de leurs funérailles2 ; le roi, qui avait passé d’une minorité orageuse au règne le plus glorieux dont il soit parlé dans nos histoires, retomber de cette gloire dans des malheurs presque supérieurs à ses anciennes prospérités, se relever encore plus grand de toutes ces pertes, et survivre à tant d’événements divers pour rendre gloire à Dieu et s’affermir dans la foi des biens immuables.
Voici un sonnet attribué à Desbarreaux, qui, malgré une faute de syntaxe dans l’avant-dernier vers, faute qui, du reste, était permise du temps de l’auteur, mérite d’être remarqué : c’est un pécheur repentant qui parle. […] Les Grecs et les Latins n’ont rien en ce genre de si parfait : car il comprend ensemble tout ce qu’il y a de beau dans l’ode pour la magnificence du style, et tout ce que l’épigramme a de grâce pour sa brièveté. » Ce qui est dit ici de la magnificence de l’ode et de la brièveté de l’épigramme manque assurément d’exactitude ; mais il est vrai qu’on cherche à mettre à la fin du sonnet, et même dans ses différentes sections, quelque pensée vive et ingénieuse, comme dans les épigrammes et les madrigaux dont nous parlerons tout à l’heure. […] Il parlait fort bien de la guerre, Des cieux, du globe de la terre, Du droit civil, du droit canon ; Et connaissait assez les choses Par leurs effets et par leurs causes.
Nous parlerons seulement ici des circonstances basses et de la diffusion ou prolixité. […] La nature de la narration indique qu’il faut faire plus agir que parler dans ce genre de composition. […] Dans cet article, nous traiterons du ton général et du style de la lettre ; puis, nous parlerons des différentes espèces de lettre. […] Or, il sera simple, dit Le Batteux, s’il écrit comme il parle, pourvu toutefois qu’il parle bien. […] Elle est facile à faire lorsqu’il s’agit d’un ami : on laisse parler le cœur et courir la plume, parce qu’on se réjouit réellement avec lui.
La poésie, revêtue d’un langage mesuré, précède partout la prose, comme l’art précède l’industrie : la cause en est que l’imagination et le sentiment parlent chez l’homme avant la raison. […] Tous les arts ont une poésie qui leur est propre, et qui parle au cœur et à l’imagination par le moyen des sens. L’architecture et la sculpture parlent aux yeux par la grandeur, la noblesse, la grâce des proportions et des formes ; la peinture, par la vérité de la composition, la richesse des couleurs et la perfection du dessin. […] Dans les arts et dans la poésie, la grandeur du sublime frappe moins peut-être que dans la nature, parce qu’elle parle plus à l’âme qu’aux sens : il appartient surtout aux esprits cultivés de la sentir ; car si les sens ont besoin d’éducation dans l’enfance, les facultés de l’âme ne demandent pas moins une culture assidue et délicate pour s’élever, par le sentiment, au niveau des sublimes beautés de la poésie.
Dès que cette résolution fut connue, les Troglodites envoyèrent au-devant d’eux des ambassadeurs, qui leur parlèrent ainsi : « Que vous ont fait les Troglodites ? […] Parlons-en tout à notre aise. […] Parmi les auteurs qui ont dignement parlé de Montesquieu, on signalera Châteaubriand, Génie du Christianisme, IIIe partie, l. […] Walckenaer : « Seul il eût suffi à la gloire de cet écrivain, et il a donné seul la mesure de la force et de la grandeur de son génie. » Voici en quels termes Rivarol, ce grand improvisateur, a parlé aussi de Montesquieu (voy. la Revue des deux mondes, 1er juin 1849) : « Son regard d’aigle pénètre à fond les objets, et les traverse en y jetant la lumière.