Le siècle d’Auguste était trop raffiné pour être épique. » Faut-il s’étonner après cela que Voltaire, philosophe du dix-huitième siècle, esprit léger et incrédule, ait fait une épopée froide et décolorée ? […] Le poème badin ne prend jamais le ton de l’épopée ; c’est une histoire plaisante et légère qui brille par la vivacité et l’enjouement du récit, par l’agrément des détails et la rapidité du style.
du rossignol la voix pure et légère N’a jamais apaisé le vautour sanguinaire ; Et les riches, grossiers, avares, insolents, N’ont pas une âme ouverte à sentir 4 les talents. […] La Provence odorante et de Zéphyre aimée Respire sur les mers une haleine embaumée, Au bord des flots couvrant, délicieux trésor, L’orange et le citron de leur tunique d’or, Et plus loin, au penchant des collines pierreuse, Forme la grasse olive aux liqueurs savonneuses4, Et ces réseaux légers, diaphanes habits, Où la fraîche grenade enferme ses rubis.
Cependant, cet aimable stoïcien, que sa constante vertu, son génie, son humanité, son inflexible courage me rendaient infiniment cher, m’a fait verser bien des larmes sur la faiblesse de sa mort : c’est une extrême pitié de voir tant de vertu, tant de force et de grandeur d’âme vaincues, en un moment, par le plus léger revers au milieu de tant de ressources, et de tant de faveurs de la fortune ! […] Mais il rachetait ces défauts par les qualités qui donnent le succès ; il était enjoué, plaisant, laborieux, d’une conversation légère et agréable, d’une repartie vive, quoiqu’il parlât sans feu et sans énergie ; enfin, à cette sagesse spécieuse qui plaît aux esprits modérés, il joignait les agréments variés qui usurpent si souvent la place des talents solides, et leur enlèvent la faveur du monde et les récompenses des princes1.
Avec la pointe on écrivait sur une écorce d’arbre, appelée liber, d’où est venu le mot livre, ou même sur des tablettes enduites d’une légère couche de cire ; l’extrémité plate servait à effacer les caractères que l’on voulait corriger : peu à peu on appliqua ce mot à la manière dont on rendit ses idées ; et quand on dit d’un auteur que son style est bon, on veut dire qu’il exprime bien ses pensées. […] Ce palais est enfoui comme un trésor ; mais, à ces dômes bleus, à ces élégants minarets, arrondis sur de larges murs ou élancés dans l’air, à ces longues terrasses qui dominent les bois, à ces flèches légères que le vent balance, à ces croissants entrelacés partout sur les colonnades, on se croirait dans les royaumes de Bagdad ou de Cachemire, si les murs noircis, leurs tapis de mousse et de lierre, et la couleur pâle et mélancolique du ciel n’attestaient un pays pluvieux. […] L’Habillement singulier M. de Louvois avait toujours eu l’esprit un peu léger : étant à Brest à dix-huit ans, avec beaucoup de dettes et sans argent ; il écrivit à son père ; et ne recevant point de réponse, il vendit tous ses habits pour fournir aux frais de son voyage, ne gardant pour toute garde-robe qu’un mauvais frac usé ; et il partit pour se rendre au château de Louvois, où le marquis de Souvré le reçut très mal : dans les premiers jours M. de Louvois n’osa pas lui renouveler sa demande. […] Pour vous, vous pouvez recevoir sans scrupule ce que je vous envoie, ajoute-t-il, à peine ai-je de quoi vous faire une légère collation… Je ne vous enverrai que des légumes… Vous faites des sauces avec lesquelles on mangerait des cailloux. […] Cependant il est un mérite qu’il faut reconnaître aux auteurs qui ont aimé à parcourir cette route folle et légère : c’est qu’au milieu de leurs excentricités, sous l’enveloppe transparente du burlesque, il n’est pas impossible de découvrir un fonds réel d’esprit, et une sorte de philosophie souvent raisonnable, et, en dernier lieu, de faire voir que tous les objets ont deux faces, que nous pouvons les envisager premièrement sous un côté sérieux et noble ; deuxièmement sous un côté ridicule et comique.
Le Paon Si l’empire appartenait à la beauté et non à la force, le paon serait sans contredit le roi des oiseaux ; il n’en est point sur qui la nature ait versé ses trésors avec plus de profusion : la taille grande, le port imposant, la démarche fière, la figure noble, les proportions du corps élégantes et sveltes, tout ce qui annonce un être de distinction lui a été donné ; une aigrette mobile et légère, peinte des plus riches couleurs, orne sa tête, et l’élève sans la charger ; son incomparable plumage semble réunir tout ce qui flatte nos yeux dans le coloris tendre et frais des plus belles fleurs, tout ce qui les éblouit dans les reflets pétillants des pierreries, tout ce qui les étonne dans l’éclat majestueux, de l’arc-en-ciel : non seulement la nature a réuni sur le plumage du paon toutes les couleurs du ciel et de la terre, pour en faire le chef-d’œuvre de la magnificence, elle les a encore mêlées, assorties, nuancées, fondues de son inimitable pinceau, et en a fait un tableau unique, où elles tirent de leur mélange avec des nuances plus sombres et de leurs oppositions entre elles, un nouveau lustre, et des effets de lumière si sublimes, que notre art ne peut ni les imiter ni les décrire. […] C’est le style de Voltaire et de La Bruyère, à la plume duquel appartient le portrait suivant : L’Hypocrite Onuphre n’a pour tout lit qu’une housse de serge grise, mais il couche sur le coton et sur le duvet ; de même il est habillé simplement mais commodément, je veux dire d’une étoffe fort légère en été, et d’une autre fort moelleuse pendant l’hiver ; il porte des chemises très déliées, et qu’il a un très grand soin de bien cacher. […] Marmont et Gassendi placent leurs bouches à feu dans des troncs d’arbres creusés ; les cartouches dans des caisses légères ; les affûts, les provisions, les magasins sur des traîneaux faits à la hâte ou sur ceux du pays ; puis, 17 mai, tout s’élance ; les soldats montent, au cri de Vive le premier consul ! […] Il proscrit de la véritable éloquence les pensées fines, les idées légères, l’esprit mince et brillant, qui est nuisible à l’expression des grandes choses. Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence que l’emploi de ces pensées fines, et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité : aussi, plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière, de chaleur et de style, à moins que cet esprit ne soit lui-même le fond du sujet, et que l’écrivain n’ait pas eu d’autre objet que la plaisanterie ; alors l’art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que l’art d’en dire de grandes.
Déjà sa politique astucieuse menaçait la liberté d’Athènes ; l’alarme commençait à se répandre parmi ce peuple léger et frivole, qui ne songeait aux moyens de détourner le danger que quand le danger était inévitable. […] Il n’y a point de gardes aux portes, les chemins sont libres ; ceux qui voudront sortir, le peuvent en toute assurance : mais que ceux qui resteront dans Rome se persuadent bien que, s’ils y excitent le moindre trouble, si je surprends le fil de la trame la plus légère, ils y trouveront des consuls vigilants, des magistrats intègres, un sénat plein d’énergie, des armes et une prison enfin, élevée par nos ancêtres, pour la punition des scélérats convaincus de leur crime ». […] Non, non ; personne ne regarde comme légères ses injures personnelles : beaucoup en ont même poussé le ressentiment trop loin. […] Ce châtiment est-il plus léger ?
Phédon ou le pauvre Phédon2 a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre : il dort peu, et d’un sommeil fort léger ; il est abstrait, rêveur, et il a, avec de l’esprit, l’air d’un stupide ; il oublie de dire ce qu’il sait ou de parler d’événements qui lui sont connus, et, s’il le fait quelquefois, il s’en tire mal ; il croit peser à ceux à qui il parle ; il conte brièvement, mais froidement ; il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire ; il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis, il court, il vole pour leur rendre de petits services ; il est complaisant, flatteur, empressé ; il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur ; il est superstitieux, scrupuleux, timide ; il marche doucement et légèrement, il semble craindre de fouler la terre3 ; il marche les yeux baissés, et il n’ose les lever sur ceux qui passent. […] Les manières, que l’on néglige comme de petites choses, sont souvent ce qui fait que les hommes décident de vous en bien ou en mal : une légère attention à les avoir douces et polies prévient leurs mauvais jugements. […] Il y a de légères et frivoles circonstances du temps qui ne sont point stables, qui passent, et que j’appelle des modes, la grandeur, la faveur, les richesses, la puissance, l’autorité, l’indépendance, le plaisir, les joies, la superfluité.
Quelquefois de beaux nuages, comme des chars légers, portés sur le vent du soir avec une grâce inimitable, font comprendre l’apparition des habitants de l’Olympe sous le ciel mythologique ; quelquefois l’antique Rome semble avoir étendu dans l’Occident toute la pourpre de ses consuls et de ses Césars, sous les derniers pas du dieu du jour3. […] Ces nues, ployant et déployant leurs voiles, se déroulaient en zones diaphanes de satin blanc, se dispersaient en légers flocons d’écume, ou formaient dans les cieux des bancs d’une ouate éblouissante, si doux à l’œil, qu’on croyait ressentir leur mollesse et leur élasticité1. […] La liane flexible, entourant les rameaux, Ici tombe en festons qu’un vent léger balance ; Quelquefois s’égarant, d’arbre en arbre s’élance, Court, s’abaisse, s’élève, et mêle à leurs couleurs Des chaînes de verdure et des voûtes de fleurs.
Il discernera les moindres nuances ; il apercevra les beautés les moins apparentes comme les taches les plus légères. […] Quelquefois il suffit d’un léger changement dans les mots pour relever et ennoblir une pensée. […] On dit qu’il est très léger à la course et très recherché dans sa parure. […] On en fait usage dans l’ode aussi bien que dans la poésie légère. […] Elles sont usitées dans la fable et dans la poésie légère.
Cette fronde légère suffit à terrasser le Goliath de la poésie ; et, malgré de pompeuses funérailles, malgré les épitaphes bruyantes qui ranimèrent un instant la ferveur des dévots, la gloire de Ronsard avait déjà bien pâli quand il mourut fort à propos, à la veille du jour où Malherbe allait enfin venir. […] Ils lui communiquèrent, par une fréquentation cordiale, à défaut de l’atticisme qui n’était pas son instinct ou celui de son temps, l’art merveilleux de passer sans effort du familier au sublime, et du réel à l’idéal, le souffle oratoire, la verve comique, l’entrain lyrique, et ce je ne sais quoi de léger (κουφόν τι) qui se retrouve jusque dans le délire de son ébriété. […] Avouons que ce tour avait de la grâce, et donnait au style une allure dégagée ; il convenait singulièrement à la prestesse de la poésie légère, et nous avons été mal avisés de nous en défaire. — On aimait tant ce procédé rapide qu’il était de mise pour les sujets, je, tu, il, elle, nous, vous ; on les écartait souvent comme superflus ou importuns. […] Car la phrase « ainsi troussée » semblait courir, comme Perrette, dans la fable du Pot au lait : « Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon simple et souliers plats. » Ajoutons que cette élimination du sujet pronominal devenait une règle absolue dans les propositions négatives : Ne sçay quoy faire… Je meurs, si secouru ne suis de toy. » (Marot.)
Comme il y a deux sortes de vices et de défauts, les uns plus blâmables et plus graves, les autres plus légers et plus tolérables, il y a aussi deux sortes de satire : la satire sérieuse ou virulente, et la satire enjouée ou badine. […] La satire badine on enjouée prend un ton piquant et léger ; elle critique, en plaisantant, les ridicules, les faiblesses du cœur, et les erreurs du goût et de la raison ; elle se borne à la raillerie, regardant ce moyen comme plus efficace et plus convenable que la colère, pour arriver à son but. […] Le style de la lettre est simple, seulement plus ou moins léger, plus sérieux et plus enjoué, plus libre, plus familier ou plus réservé, plus modeste, plus respectueux, selon les convenances. […] Une élégante simplicité, une plaisanterie aimable, un badinage léger, de la vivacité, des saillies, des traits d’esprit, mais qui paraissent n’avoir rien coûté : voilà ce qui doit en faire le plus bel agrément.
De nuages légers cet amas précieux, Que dispersent au loin les vents officieux, Tantôt, féconde pluie, arrose nos campagnes, Tantôt retombe en neige et blanchit nos montagnes ; Sur ces rocs sourcilleux, de frimas couronnes, Réservoirs des trésors qui nous sont destinés, Les flots de l’Océan apportés goutte à goutte Réunissent leur force et s’ouvrent une route. […] Descartes, qui souvent m’y ravis avec toi ; Pascal, que sur la terre à peine j’aperçoi ; Vous qui nous remplissez de vos douces manies2, Poëtes enchanteurs, adorables génies ; Virgile, qui d’Homère appris à nous charmer ; Boileau, Corneille, et toi que je n’ose nommer3, Vos esprits n’étaient-ils qu’étincelles légères, Que rapides clartés et vapeurs passagères ?
L’emploi de cette figure a lieu dans les phrases suivantes : Déjà il avait abattu Ctésilas, si léger à la course, qu’à peine il imprimait la trace de ses pas sur le sable, et qu’il devançait dans son pays les plus rapides flots de l’Eurotas et de l’Alphée. […] On dit qu’il est très léger à la course, et recherche dans sa parure. […] Si j’en crois mes regards indécis, C’est la barque d’Hermès ou la conque d’Isis Que pousse une brise légère. […] Quelque avidité qu’ils montrent, la plus légère aumône les satisfera. […] … De son front menaçant, ou de ses pieds légers, À qui se fîra-t-il dans ces pressants dangers ?..