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69. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

Que l’orateur paraisse avoir à cœur nos intérêts, il n’est pas possible alors que nous ne soyons de son avis. […] Nos autres orateurs ont également fait usage du pathétique lorsqu’ils ont eu à traiter de grands intérêts. […] Les rhéteurs en assignent quatre autres, la clarté, la vraisemblance, la brièveté, et, si la matière le permet, l’intérêt et l’agrément. […] Joignez donc à ces qualités l’intérêt et l’agrément : l’intérêt dans les sujets susceptibles d’élévation ou de pathétique ; l’agrément dans les sujets médiocres : pour ce qui est des matières de peu d’importance, la clarté et la précision sont les seuls ornements qui leur conviennent. […] Son propre intérêt, son danger personnel, le touchent bien plus vivement ; ce motif tiendra la seconde place.

70. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre VI. »

Le plus souvent la moralité termine l’apologue, pour laisser au lecteur le temps et le plaisir de la deviner : la fable y gagne en intérêt. […] Il doit régler sa marche et sa longueur d’après l’intérêt qu’il inspire.

71. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre V. des topiques ou lieux. — lieux applicables aux parties du sujet  » pp. 64-74

Quel intérêt n’acquiert pas une narration des circonstances du lieu et du temps où la scène se passe ! […] Nos romanciers modernes ont en général porté ce moyen d’intérêt si loin que chez eux l’accessoire, en mainte occasion, étouffe le principal. […] « M. le Tellier ne ressemble pas à ces âmes oisives qui n’apportent d’autre préparation à leurs charges que celle de les avoir désirées ; qui mettent leur gloire à les acquérir et non pas à les exercer ; qui s’y jettent sans discernement et s’y maintiennent sans mérite, et qui n’achètent ces titres vains d’occupations et de dignités, que pour satisfaire leur orgueil et pour honorer leur paresse : il se fit connaître au public par l’application à ses devoirs, la connaissance des affaires, l’éloignement de tout intérêt. » A ces exemples connus la littérature contemporaine pourrait en ajouter beaucoup d’autres.

72. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Racine. (1639-1699.) » pp. 83-90

Vous le savez, vous qui avez toujours été uni avec lui d’une amitié qu’aucun intérêt, non pas même aucune émulation pour la gloire, n’a pu altérer. […] Ce n’est pas une chose concevable que, dans la fidélité qu’il a gardée à ses alliés, il a toujours eu plus de soin de leurs intérêts que des siens propres. […] Quand l’Angleterre, qui s’était liée avec lui, se détacha tout à coup de ses intérêts, il ne s’emporta ni en plaintes ni en reproches ; il n’en témoigna au roi d’Angleterre aucune froideur ; et, en lui montrant au contraire qu’il était toujours persuadé de son amitié, il l’engagea à demeurer toujours son ami.

73. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

Le talent de lire avec grâce, avec goût, avec intérêt ; l’art de donner à ce qu’on lit le ton de la nature et de la vérité, sont un mérite précieux qu’on ne doit pas négliger dans l’éducation des jeunes gens. […] Qui ne voit d’après cela que, quand même nous ne consulterions que notre intérêt temporel, nous devons nous éloigner du vice dans la jeunesse ?  […] Car, toute cause, quoique d’un intérêt privé, se réfère au genre et au principe commun des choses. […] C’est au but qu’ils se proposent, à l’intérêt du moment à leur indiquer ce qui convient le mieux à cet égard. […] En effet, c’est toujours contre les passions, contre l’intérêt, la cupidité, l’orgueil, la haine, la vengeance qu’on demande justice.

74. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Mignet Né en 1796 » pp. 261-264

Il donne un sens aux faits, il en cherche les lois, il les explique par leurs causes ; il en surprend le secret dans les intentions des acteurs, dans les passions, les intérêts et les caractères. […] N’oublions pas que le jour où les peuples s’enferment avec imprévoyance dans le cercle étroit de leurs intérêts, et où ils aiment mieux soigner leur prospérité matérielle que leur intelligence, ils commencent à déchoir.

75. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Ainsi il prenait toujours des partis extrêmes contre ses véritables intérêts, et il forçait tous les gens de bien à détester sa folle conduite. […] Les passions, qui sont l’amour des objets agréables et la haine des objets désagréables, nous poussent continuellement à rechercher les uns et à fuir les autres ; mais souvent elles rencontrent un obstacle, et cet obstacle, c’est le sentiment de la justice, c’est la loi du devoir qui nous dit : « Sois heureux si tu peux, mais non pas aux dépens du bonheur d’autrui. » Les passions ne s’arrêtent pas toujours à cette voix sacrée ; souvent elles nous conseillent d’immoler à notre intérêt particulier l’intérêt de nos semblables : alors elles deviennent coupables, et l’orateur ou l’écrivain serait criminel en cherchant leur appui. Toutes les fois que l’intérêt personnel est en lutte avec le devoir, l’homme, placé avec sa liberté entre ces deux mobiles qui le sollicitent également, se sent obligé d’obéir au devoir en sacrifiant son intérêt. […] Au pied de ses remparts quel intérêt m’appelle ?

76. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fénelon. (1651-1715.) » pp. 101-109

Il est trop vivement touché des intérêts de sa patrie pour s’amuser à tous les jeux d’esprit d’Isocrate ; c’est un raisonnement serré et pressant, ce sont les sentiments généreux d’une âme qui ne conçoit rien que de grand, c’est un discours qui croît et qui se fortifie à chaque parole par des raisons nouvelles, c’est un enchaînement de figures hardies et touchantes : vous ne sauriez le lire sans voir qu’il porte la république dans le fond de son cœur ; c’est la nature qui parle elle-même dans ses transports ; l’art est si achevé, qu’il n’y paraît point ; rien n’égala jamais sa rapidité et sa véhémence2. […] De plus, Ulysse ne se propose que de consulter le devin Tirésias sur son retour à Ithaque ; chez Virgile, au contraire, au motif de piété filiale qui guide Enée s’ajoute l’intérêt de Rome, dont Anchise lui révèle les destinées, en lui faisant passer en revue la suite de ses descendants. » 3. […] On rapprochera avec intérêt ces observations, placées dans la bouche de Virgile et d’Horace par un juge si plein de délicatesse et de goût, d’un autre ouvrage de Fénelon, de la Lettre sur les occupations de l’Académie française, § 5.

77. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre premier. Objet de l’Éloquence de la chaire. »

Quoique le mérite de l’orateur et de l’écrivain, dit M. de La Harpe, en traitant ce même sujet, soit particulièrement ce qui doit nous occuper ici, on ne peut se dissimuler, cependant, que le degré d’attention et d’intérêt pour le talent lui-même dépend surtout du degré de respect pour les choses, et, pour tout dire en un mot, du degré de croyance ou d’incrédulité. […] Mais pour le faire dignement, il faut que cet orateur pense qu’il a pour juges Dieu et les hommes : Dieu, dont il ne doit ni trahir la cause, ni négliger les intérêts par de frivoles égards, ou par de lâches complaisances ; les hommes, en qui il ne doit voir que, des frères égarés, que l’indulgence ramènera, et que trop de sévérité aigrirait peut-être pour toujours.

78. (1854) Éléments de rhétorique française

Les passions ne s’arrêtent pas toujours à cette voix sacrée ; souvent elles nous conseillent d’immoler à notre intérêt particulier l’intérêt de nos semblables : alors elles deviennent coupables, et l’orateur ou l’écrivain serait criminel en cherchant leur appui. […] Enfin, elles doivent se succéder dans un ordre tel, que l’intérêt aille toujours croissant. […] Il est quelquefois nécessaire, dans l’intérêt de la pensée, qu’un mot soit placé au commencement ou à la lin de la phrase. […] ) Comme toutes les parties de ce récit sont heureusement disposées pour porter l’intérêt au plus haut degré ! […] Cette phrase, qui n’est pas ici une vaine formule poétique, est comme le nœud du drame, et soutient l’intérêt au plus haut point.

79. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Louis XIV, 1638-1715 » pp. 146-149

L’intérêt de l’État doit marcher le premier. […] Mais quelques intérêts particuliers m’en ont empêché et ont déterminé les vues que je devais avoir pour la grandeur, le bien et la puissance de l’État.

80. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

Ce précepte est d’autant plus utile à observer qu’ il est plus vrai de dire que le portrait d’un homme isolé n’a par lui-même aucun intérêt, et ne peut être qu’un ornement frivole, indigne d’un bon écrivain comme d’un lecteur sérieux. […] Le nœud se complique à Monsieur, je ne veux point être liée , l’intérêt s’accroît ; le dénouement se prépare par les mots : enfin quand une femme en tête a sa folie. […] L’on ne peut guère concevoir une composition de quelque intérêt sans que la description ou le tableau viennent y prendre plus ou moins de place. […] On n’a point pour s’excuser la réalité du fait, puisqu’on dispose à son gré des événements ; 3° donnez à la narration l’unité la plus parfaite, ne vous plaignez point de la multiplicité des événements, de l’aridité des détails, de l’imperfection des caractères : car vous êtes maître de tout ; 4° l’action doit offrir fort nettement un commencement, un milieu et une fin ; mais, soit pour éviter les longueurs, soit pour faire arriver l’intérêt dès l’abord, on peut ne pas commencer par l’exposition. […] — Cette narration appartient au genre mixte, l’auteur s’est emparé d’un nom, d’un fait historique, et son imagination a su les revêtir d’ornements brillants et poétiques, il est impossible de refuser au récit l’intérêt, la vraisemblance et l’unité.

81. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

Nous ne parlerons point de l’intérêt qui tient au fond des choses ; il n’en est point de plus grand, de plus noble, de plus vif, de plus varié, dans aucune narration. […] Ainsi, il faut que l’historien nous mette d’abord au fait des temps, des lieux, des caractères, des mœurs, des intérêts ; qu’il présente ensuite, au milieu de toutes ces circonstances, le germe de l’événement à raconter ; qu’il ensuive les développements, les progrès, et qu’il les conduise jusqu’à la fin. […] La tyrannie d’un prince ne met pas un État plus près de sa ruine que l’indifférence pour le bien commun n’y met une république… Quand il faut faire la fortune des amis et des parents de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu : les lois sont éludées plus dangereusement qu’elles ne sont violées par un prince qui, étant toujours le plus grand citoyen de l’État, a le plus d’intérêt à sa conservation. […] Pendant qu’à Rome la guerre réunissait d’abord tous les intérêts, elle les séparait encore plus à Carthage. […] L’Histoire littéraire, qui serait plus exactement nommée l’Histoire des littérateurs, des savants et des artistes, est une des parties de l’histoire qui ont pris le plus de développement et qui présentent le plus d’intérêt chez les modernes.

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