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31. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Origine et principe des beaux-arts »

Il est vrai que l’âme de ce scélérat, ainsi décrite, inspire à notre cœur le plus vil mépris, l’aversion la plus forte. […] Si le prosateur décrit un objet avec cette vérité, cette force, qui touche, remue, persuade ; si, par exemple, dans la vue de nous inspirer de l’horreur pour la flatterie, il nous en expose toute la bassesse, toute la lâcheté, toute la honte, et nous laisse intimement persuadés qu’elle ne doit jamais avilir notre âme ; ce prosateur sera éloquent.

32. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Descartes, 1596-1650 » pp. 9-14

Toutefois je ne trouve pas fort étrange qu’un esprit grand et généreux comme le vôtre ne se puisse accommoder à ces contraintes serviles auxquelles on est obligé dans la cour ; et puisque vous m’assurez tout de bon que Dieu vous a inspiré de quitter le monde, je croirais pécher contre le Saint-Esprit si je tâchais à vous détourner d’une si sainte résolution1 ; même vous devez pardonner à mon zèle, si je vous convie de choisir Amsterdam pour votre retraite, et de préférer cette ville, je ne dirai pas seulement à tous les couvents des capucins et des chartreux, mais aussi à toutes les plus belles demeures de France et d’Italie2. […] Je veux bien que vous y trouviez un canal3 qui fasse rêver les plus grands parleurs, une vallée si solitaire qu’elle puisse leur inspirer du transport et de la joie ; mais malaisément se peut-il faire que vous n’ayez aussi quantité de petits voisins qui vous vont quelquefois importuner, et de qui les visites sont encore plus incommodes que celles que vous recevez à Paris4.

33. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Maintenon 1635-1719 » pp. 94-99

Son dévouement, le charme de ses entretiens, la solidité de son esprit, et l’estime qu’elle inspira peuvent expliquer le crédit insensible qui l’achemina par degrés vers le trône d’un souverain devenu enfin soucieux de sa dignité. […] Je ne sais si c’est vous qui leur inspirez la fierté qu’elles ont, ou si ce sont elles qui vous donnent celle qu’on admire2 en vous : quoi qu’il en soit, comptez que vous serez insupportable à Dieu et aux hommes, si vous ne devenez plus humble et plus modeste que vous ne l’êtes.

34. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Il deviendra plus égal, plus châtié, plus maître de lui ; mais jamais souffle plus inspiré ne l’animera. […] il fait marcher l’épouvante devant eux, et il inspire à eux et à leurs soldats une hardiesse invincible. […] Quand Brutus inspirait au peuple romain un amour immense de la liberté, il ne songeait pas qu’il jetait dans les esprits le principe de cette licence effrénée par laquelle la tyrannie qu’il voulait détruire devait être un jour rétablie plus dure que sous les Tarquins. […] Aussi en était-il aimé jusqu’à la passion ; et dans le temps de sa mort, on vit par tout le royaume et dans toutes les familles, je ne dis pas l’étonnement, l’horreur et l’indignation que devait inspirer un coup si soudain et si exécrable, mais une désolation pareille à celle que cause la perte d’un bon père à ses enfants. […] « Bossuet est plus qu’un historien ; c’est un Père de l’Église, c’est un prêtre inspiré, qui souvent a le rayon de feu sur le front, comme le législateur des Hébreux.

35. (1865) Cours élémentaire de littérature : style et poétique, à l’usage des élèves de seconde (4e éd.)

L’intérêt consiste à attacher le lecteur aux événements que l’on raconte, et à lui inspirer le désir d’en connaître le dénouement. […] Malgré les sentiments qui se pressent dans son cœur, malgré la précipitation de sa marche, tout se rapportera à la passion qui l’inspire. […] Puisque le poète est inspiré par une divinité, il doit raconter avec dignité et chaleur. […] Il en diffère seulement par le style, qui, comme dans l’épopée, est toujours chaleureux et passionné, quelquefois même inspiré. […] Tout poète tragique doit avoir pour fin d’inspirer l’admiration et l’amour des hautes vertus, l’horreur et la haine des grands crimes.

36. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nisard. Né en 1806. » pp. 585-597

C’étaient de belles fêtes pour l’esprit que ces leçons où l’exposition la plus lucide mettait sous nos yeux les quatre systèmes élémentaires nés des premières réflexions de l’homme sur lui-même, sensualisme, idéalisme, scepticisme, mysticisme4 ; où la dialectique la plus pénétrante démêlait le vrai d’avec le faux dans chaque système, et combattait les erreurs de l’un par les vérités de l’autre ; où l’éloquence inspirée du seul intérêt de ces hautes matières nous rendait quelque chose de l’ampleur de Descartes et de l’éclat de Malebranche ; où, charmés et persuadés, nous sentions notre nature morale s’élever et s’améliorer par les mêmes plaisirs d’esprit qui formaient notre goût. […] Il doit donc réunir deux qualités qui semblent s’exclure : il doit être savant et inspiré. S’il n’est que savant, il répétera froidement et sans effet ce qui a été mieux dit par d’autres ; s’il n’est qu’inspiré, il risquera de parler dans une langue qui ne sera comprise que de lui.

37. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Le Mariage de Figaro est applaudi par ceux-là mêmes dont il constate la défaite. « Le genre Louis XVI, qui régna jusqu’en 1791, dit Sainte-Beuve, est essentiellement honnête, fleuri et riant ; il s’inspire d’un sentimentalisme vertueux. […] Si le mépris inspire à Lagrange-Chancel d’éloquentes invectives contre le Régent, si Gilbert s’élève à des accents dignes parfois de Juvénal, c’est André Chénier qui nous rendra la satire dans toute la hauteur de sa fière indignation. […] La poésie et l’éloquence, directement inspirés par le pouvoir, ne furent que des décors officiels. […] Tous mes griefs sont contre votre poème sur le désastre de Lisbonne240, parce que j’en attendais des effets plus dignes de l’humanité qui paraît vous l’avoir inspiré. […] messieurs, ce n’est là que de la simple arithmétique, et celui qui hésitera ne peut désarmer l’indignation que par le mépris que doit inspirer sa stupidité.

38. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

Inspirez à Louis cette même douceur : La plus belle victoire est de vaincre son cœur. […] On dirait même que le Dieu qui l’inspire, parle par sa voix. […] Tantôt paraissant lui-même étonné de la grandeur et de l’importance de son sujet, il se dit inspiré par un Dieu ; il impose silence à toute la nature, et invite les mortels à l’écouter. […] Mais s’il inspire à ses enfants le dessein de relever les murs de Troie, ce ne sera que sous de malheureux auspices. […] Le poète s’y abandonne à tous les vifs transports, que peuvent lui inspirer la beauté de cette vertu ou la laideur du vice.

39. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

L’aspect d’une grande assemblée suffit pour inspirer à l’orateur de l’élévation et de la chaleur. […] L’éloquence de la chaire se propose principalement, d’inspirer, d’émouvoir, de porter les hommes à devenir meilleurs. […] Qualités propres à inspirer la confiance. […] Nécessité d’inspirer la confiance à la tribune. […] « On inspire la crainte aux auditeurs, en leur présentant l’image de leurs propres dangers ou de ceux de la patrie.

40. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

La langue italienne est si belle, si harmonieuse, si facile en apparence ; l’attrait du Tasse en particulier est si puissant, qu’il faut pardonner à la médiocrité de ses traducteurs (en vers français) d’avoir trop aisément cédé à l’enthousiasme qu’inspire ce grand poète : c’est une erreur de sentiment, bien plus encore qu’une illusion de l’amour-propre, qui a égaré sur ses pas cette foule malheureuse d’imitateurs. […] L’ouvrage enfin fut reçu et traité par les appréciateurs éclairés, avec cette espèce de vénération qu’inspirerait un beau monument échappé aux ravages de la barbarie, et retiré avec peine du milieu des cendres et des ruines. […] Il était plus juste et plus simple en même temps de ne voir dans cette traduction qu’un beau poème français, sur le même sujet qui avait inspiré à Virgile un beau poème latin. […] Cette brillante déesse qui l’avait si souvent et si bien inspiré, n’abandonna pas son poète dans cette nouvelle carrière, et l’on sait tout le parti qu’il tira d’un sujet stérile pour tout autre par sa fécondité même, et d’autant plus périlleux que l’éclat en couvrait mieux le danger.

41. (1854) Éléments de rhétorique française

Je m’éloignerais de l’esprit du mystère même que nous célébrons, et des pensées consolantes qu’il inspire et doit inspirer aux plus grands pécheurs. […] Ces figures, que la rhétorique enseigne à placer à propos et à préparer avec art, la nature les inspire souvent à l’homme le moins versé dans la science de la parole. […] Comme le poëte, à l’aide d’une expression figurée, a su débarrasser la mort de la tristesse qu’elle inspire ! […] Les alarmes pour la fortune troublent autant e commun des hommes que la crainte de la mort, et n’inspirent pas cet élan de l’âme, cet enthousiasme qui fait trouver des ressources « Les cris des matelots ont toujours quelque chose de lugubre et de prolongé, que la terreur rendait encore plus effrayant. […] Il avait senti, dans le moment le plus affreux de son désespoir, que sa raison était prête à se troubler ; et, depuis cette époque, l’aspect de la folie lui inspirait toujours la pitié la plus douloureuse.

42. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

Le premier emploi de l’apostrophe peut être pathétique, quand le sujet la soutient et que la situation l’inspire ; elle est la compagne presque obligée de la prosopopée, mais elle touche souvent alors à l’emphase et à la déclamation. […] … il est clair que la réflexion a banni sans retour cette idée de meurtre qu’un premier mouvement de rage avait inspirée ; il y a réticence. […] Ainsi j’appelle épiphonème les vers imprimés en caractère italique de ce passage de la Fontaine, dans sa belle élégie aux Nymphes de Vaux : Inspires A Louis cette même douceur : La plus belle victoire est de vaincre son cœur.

43. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Résumé. » pp. 388-408

Dans les passions, comme dans les mœurs, l’écrivain doit s’étudier d’abord ; mais comme il n’est pas absolument nécessaire, pour peindre ou inspirer la passion, de l’éprouver ou de l’avoir éprouvée soi-même, et qu’il suffit de la bien comprendre, il doit l’étudier aussi dans les autres, dans les assemblées publiques, dans la société intime, enfin, dans les écrivains qui ont su le mieux la traiter. Il remarquera dans ces écrivains non-seulement l’art de peindre ou d’inspirer la passion, mais aussi ce que nous appellerons le talent de passionner un sujet, c’est-à-dire d’y intéresser le lecteur, en s’y intéressant vivement soi-même. […] Dans les autres il faut en outre chercher à inspirer au lecteur la bienveillance, l’attention, la docilité.

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