Viendra le temps où il apprendra, comme le peintre, à revêtir ces ossements des formes les plus régulières d’un corps vivant et animé ; et ce sera l’ouvrage de l’amplification, ce grand talent de l’orateur, dont on a fait le jeu de notre enfance. […] La gymnastique est pour les corps ce que la science des lois est pour l’âme : elle forme, elle perfectionne. […] Je conviens que l’école est un méchant modèle pour l’éloquence ; mais quelle forme donnait-on donc anciennement à un discours ? […] Le goût se forme insensiblement dans une nation qui n’en avait pas, parce qu’on y prend peu à peu l’esprit des bons artistes. […] Comme un artiste forme peu à peu son goût, une nation forme aussi le sien.
La nuance est difficile à saisir ; mais une fois qu’on s’en préoccupe et qu’on s’y applique, le goût se forme ou s’épure, la délicatesse s’acquiert ou se perfectionne. […] L’Église seule protestait, mais pour la forme, par tradition, s’enfermant dans ses dogmes, sans rien tenter pour les défendre ni pour les expliquer, sans rien trouver qui fit justice de cette humiliante tyrannie. […] Il disait que ce n’étaient pas les gouvernements qu’il servait, mais le pays, sous la forme politique qui, dans le moment, lui semblait convenir le mieux ; et qu’il n’avait jamais voulu sacrifier l’intérêt de la France à l’intérêt d’un pouvoir. […] Qui donnera le plan, la forme, le dessin ? […] Elles ont sous leurs formes sévères un charme qui nous plaît.
L’obéissance est sage, et son aveuglement Forme un chemin plus doux que le commandement, Lorsque l’amour l’a fait, et non pas la contrainte. […] La situation comporte cette forme lyrique : Polyeucte est seul dans sa prison. […] Ici, la forme est toute mystique : c’est le langage de la passion humaine transporté aux idées divines qu’iladore. […] : Vos dieux n’ont point de bras à lancer le tonnerre, Gentils, ils ne sont tous que simulacres vains : C’est de l’or, de l’argent, du bois et de la pierre, Qui tient sa forme de vos mains.
2° On sait que le vers pentamètre ne s’emploie jamais seul ; il est toujours précédé d’un hexamètre, et leur réunion forme un distique. […] Quand un mot n’est point poétique, ou qu’il ne convient pas à la mesure du vers, on le remplace par un synonyme, c’est-à-dire par un autre mot qui exprime la même idée sous une forme plus poétique, et qui a la quantité voulue. […] Les épithètes tirées de la nature des choses, sont celles qui expriment quelques propriétés naturelles, comme la matière, la forme, la couleur, etc. […] « Il y a dans les vers une cadence simple, commune, ordinaire, qui se soutient également partout, qui rend le vers doux et coulant, qui écarte avec soin tout ce qui pourrait blesser l’oreille par un son rude et choquant, et qui, par l’heureux mélange de différentes mesures, forme cette harmonie si agréable qui règne dans tout l’ensemble d’un poème.
Elles dérivent donc toutes de la comparaison ; la comparaison est le préalable de toutes les formes de langage que l’on appelle tropes. […] Qui se les permet doit au moins les rajeunir singulièrement par la forme. […] D’abord on ne se figure guère l’or sous la forme d’une divinité, comme la grandeur.
La Provence odorante et de Zéphyre aimée Respire sur les mers une haleine embaumée, Au bord des flots couvrant, délicieux trésor, L’orange et le citron de leur tunique d’or, Et plus loin, au penchant des collines pierreuse, Forme la grasse olive aux liqueurs savonneuses4, Et ces réseaux légers, diaphanes habits, Où la fraîche grenade enferme ses rubis. […] On pourra rapprocher de ce morceau quelques chefs-d’œuvre de l’antiquité qui ont suggéré plus d’une imitation à Chénier : en premier lieu, l’éloge de l’Attique, qui forme le IIe chœur de l’Œdipe à Colone, et l’éloge de l’Italie, que renferme le IIe livre des Géorgiques.
Sa tête nonchalante, en arrière appuyée, Se cache dans la plume au soleil essuyée : Son poitrail est lavé par le flot transparent, Comme un écueil où l’eau se joue en expirant ; Le duvet qu’en passant l’air dérobe à sa plume Autour de lui s’envole, et se mêle à l’écume ; Une aile est son coussin, l’autre est son éventail ; Il dort, et de son pied le large gouvernail Trouble encore, en ramant, l’eau tournoyante et douce, Tandis que sur ses flancs se forme un lit de mousse De feuilles et de joncs, et d’herbages errants, Qu’apportent près de lui d’invisibles courants2. […] La maison d’un planteur américain fragment ……— Un chemin large et droit Conduit à la maison de forme britannique, Où le bois est cloué dans les angles de brique4, Où le toit invisible entre un double rempart S’enfonce, où le charbon fume de toute part, Où tout est clos et sain, où vient blanche et luisante S’unir à l’ordre froid la propreté décente5.
Même en notant toutes les formes dont les mots variables sont susceptibles (le singulier et le pluriel des noms, le singulier et le pluriel, le masculin et le féminin des adjectifs ; les modes, les temps, les personnes, le singulier et le pluriel des verbes), on ne compte que 5, 900 rimes différentes dans Racine et Boileau. — Avec un millier seulement de rimes supplémentaires, pour les œuvres principales de Corneille et de Molière (soit, en tout, 7, 000), on posséderait le vocabulaire des rimes classiques de nos quatre grands poètes du XVIIe siècle3. […] Le nombre des mots (sans compter leurs formes diverses) qui ont fourni des rimes à Racine, ne s’élève pas tout-à-fait à trois mille : ce n’est qu'un mot pour sept vers4. […] Racine et Boileau n’ont employé que les formes je perds, se perd, perdu, perdue, perdus, perdues. […] Au fond le plus solide, il ajoute la forme la plus brillante ; et il arrive, dans son style, à une correction, une grâce, une harmonie, une perfection vraiment inimitable.
Voilà certes une des plus grandes idées de la morale, présentée sous une des plus belles formes que la poésie ait jamais employées. […] C’est le mérite particulier de la philosophie de l’Écriture sainte : nous l’avons déjà dit, et nous allons continuer de le prouver par le livre même des Proverbes, où le charme de la forme se joint admirablement à l’utilité réelle du fond des choses. […] Arrêtons-nous, pour le prouver, à quelques exemples choisis dans celui de tous les anciens qui a dit le plus de grandes choses avec le moins de prétention, et qui a donné à la morale la plus sèche les formes les plus aimables.
Or, l’usage de ce parler inculte ne tarda pas à prévaloir sur l’emploi des formes savantes, instrument trop délicat pour des mains ignorantes, brutales et maladroites. […] La strophe monorime et irrégulière est la première forme musicale rencontrée par les trouvères. […] Mais si le fonds de l’inspiration s’altère et se dessèche, la forme se dégage, s’épure et s’affine.
Ainsi se forme, en de hautes méditations et de magnanimes habitudes, l’élite nationale d’un pays. […] Le style de ce morceau n’est point irréprochable, mais il a du mouvement, du souffle oratoire ; les idées sont élevées, et la forme est brillante. — Si l’on vent en lire la contre-partie, on devra comparer une page de Massillon, tirée des Paraphrases des Psaumes, et où les maux de la parole sont résumés sous une forme académique qui contraste avec la verve un peu intempérante de Lacordaire.
» Au génie de réflexions, comme à son principe, doit se rapporter cette liberté et cette hardiesse de penser, cette noble indépendance des idées vulgaires, qui forme, selon moi, un des plus beaux traits de l’esprit philosophique. […] Écartant avec dédain toutes ces minuties scolastiques qui remplissent l’esprit sans l’éclairer, ils vous porteront d’abord au centre où tout vient aboutir, et vous mettront à la main le nœud, pour ainsi dire, de toutes les vérités de détail, lesquelles, à le bien prendre, ne sont réellement vérités que pour ceux qui en connaissent l’étendue et les affinités secrètes : aussitôt toutes vos observations s’éclairent mutuellement, toutes vos idées se rassemblent en un corps de lumière ; il se forme de toutes vos expériences un grand et unique fait, et de toutes vos vérités une seule et grande vérité qui devient comme le fil de tous les labyrinthes.
Le cygne 2 Les grâces de la figure et la beauté de la forme répondent dans le cygne à la douceur du naturel ; il plaît à tous les yeux ; il décore, embellit tous les lieux qu’il fréquente ; on l’aime, on l’applaudit, on l’admire. Nulle espèce ne le mérite mieux ; la nature en effet n’a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l’idée de ses plus charmants ouvrages : coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvements flexibles et ressentis3, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l’enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté ; tout nous l’annonce, tout le peint comme l’oiseau de l’amour ; tout justifie la spirituelle et riante mythologie d’avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles.