Corneille, et il se disait, à raison de l’état de ses pères, sorti de la poudre du greffe. […] Corneille a dit, en imitant le poëte latin : « L’utile a besoin de l’agréable pour s’insinuer dans l’amitié des hommes. » 3.
Parfois digne émule de Corneille et de Racine dans la tragédie, il a tenté seul avec un certain succès de donner une épopée à la France. […] Crébillon avait usé fréquemment de ce moyen dramatique : il en devait être de même de Voltaire, tandis que leurs devanciers, Corneille et Racine, l’avaient généralement négligé.
Cependant, on a vu des critiques qui, faisant un parallèle entre les deux maîtres de notre scène tragique, n’ont pas craint de ne citer que des passages médiocres de Corneille, d’y opposer les plus beaux qu’ils avaient pu trouver dans Racine, et de se prévaloir de ces exemples pour donner une préférence exclusive à ce dernier : c’est là évidemment manquer, en fait de critique, à toutes les règles de l’équité. […] Pour ne citer ici que les auteurs ou les ouvrages les plus connus, et qui roulent sur les matières purement littéraires, nous avons à compter l’Académie française, dans les Sentiments sur le Cid ; Corneille lui-même, dans ses examens de ses pièces ; Boileau, dans ses Réflexions critiques ; Voltaire, dans une multitude de passages et d’articles ; La Harpe, dans son Lycée ou Cours de littérature ; Clément (de Dijon), dans ses Essais de critique ; Chénier, dans son Tableau de la littérature ; enfin, les rédacteurs des journaux de critique et de littérature qu’on avait autrefois, et qui ont gardé jusqu’ici leur ancienne réputation.
Ame chevaleresque, elle resta fidèle à l’infortune trop méritée de Fouquet, et à la vieillesse assombrie de Corneille que désertait l’ingratitude publique. […] Les femmes alors sortaient en masque, usage qu’on retrouve dans les vieilles comédies de Corneille, et qui avait été apporté d’Italie par les Médicis.
Combien de réflexions suggère la transformation du drame chevaleresque du grand Corneille dans la tragédie majestueuse de Racine, qui devient à son tour le mélodrame philosophique de Voltaire ! […] Il doit sembler étrange de prétendre rectifier les textes adoptés de Corneille ou de Bossuet ; et cependant rien n’est plus nécessaire, car d’incroyables altérations de toutes sortes s’y sont glissées et accréditées. […] Que ce bourdonnement suffise aux maîtres d’étude chargés de constater très vite que les leçons ont été apprises, passe encore ; mais que le professeur laisse traiter du Corneille comme du Lhomond, voilà ce qui dépasse toute mesure. […] Corneille. […] Corneille.
Les comparaisons n’ont pas manqué entre Corneille et Racine. Ce qu’on peut dire avec vérité, c’est que généralement inférieur à Corneille pour la grandeur des idées et des caractères autant que pour la fécondité de l’invention, Racine lui est, en revanche, supérieur par la manière dont il traite la passion et par l’emploi des images dans le style, où il est avec Boileau, notre modèle le plus soutenu.
L’une des plus remarquables est celle que Corneille met dans la bouche de Camille : elle fait frémir d’horreur : Qu’elle-même (Rome) sur soi renverse ses murailles, Et de ses propres mains déchire ses entrailles. […] Voltaire, par exemple, s’est plu à refaire une grande partie des tragédies de Crébillon ; Corneille et Racine ont composé une tragédie sur le morne sujet, Bérénice ; Boileau, comme Horace et Lafresnais-Vauquelin, a composé un art poétique ; Horace, Boileau et Régnier ont encore écrit une satire sur un festin ; la Phèdre de Racine a été malheureusement éclipsée un instant par celle de Pradon.
. — Avec un millier seulement de rimes supplémentaires, pour les œuvres principales de Corneille et de Molière (soit, en tout, 7, 000), on posséderait le vocabulaire des rimes classiques de nos quatre grands poètes du XVIIe siècle3. […] La seule ressource est d’éviter, si l’on peut, ces malheureuses rimes, et de chercher un autre tour ; la difficulté est prodigieuse, mais il la faut vaincre. » (Voltaire, note sur Corneille.) […] Lamartine et Victor Hugo sont les héritiers et les continuateurs de Racine et de Corneille.
Après avoir comparé le grand Corneille aux Eschyle, aux Sophocle, aux Euripide, dont la fameuse Athènes, dit-il, ne s’honore pas moins que des Thémistocle98, des Périclès99, des Alcibiade100, qui vivaient en même temps qu’eux, il continue ainsi : « Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les états, nous ne craindrons point de dire, à l’avantage des lettres, et de ce corps dont vous faites maintenant partie : du moment que des esprits sublimes passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que durant leur vie la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse. […] Ainsi lorsque dans les âges suivants, on parlera avec étonnement des victoires prodigieuses et de toutes les grandes choses, qui rendront notre siècle l’admiration de tous les siècles à venir, Corneille, n’en doutons point, Corneille tiendra sa place parmi toutes ces merveilles. […] On croira même ajouter quelque chose à la gloire de notre auguste monarque, lorsqu’on dira qu’il a estimé, qu’il a honoré de ses bienfaits cet excellent génie ; que même deux jours avant sa mort, et lorsqu’il ne lui restait qu’un rayon de connaissance, il lui envoya encore des marques de sa libéralité ; et qu’enfin, les dernières paroles de Corneille ont été des remerciements pour Louis-le-Grand ».
Comment analyser Corneille, Racine, Molière, si l’on ne connaît pas les règles principales de l’art dramatique ; Bossuet, si l’on ne sait ce que c’est que l’éloquence ; J.
Remarquons, à cette occasion, que Corneille et Racine n’ont pas dédaigné d’emprunter plusieurs tours et plusieurs expressions à Racan.
Nous lisons dans une lettre de Voltaire cette apologie du théâtre : « Les génies français formés par Corneille, Racine et Molière appellent du fond de l’Europe les étrangers qui viennent s’instruire chez nous, et qui contribuent à l’abondance de Paris. […] Cette scène rappelle celle de Géronte et de Dorante dans le Menteur de Corneille.
Qui doute qu’un Shakespeare (le plus frappant exemple de ce que peut la nature toute seule) ait fait des pièces plus régulières, moins défigurées par le mélange continuel du bas et du trivial, avec ce que le génie peut concevoir de plus grand, s’il eût connu Aristote comme notre Corneille, et imité les anciens comme Racine !