Suffisait-il à Corneille d’avoir lu Tite-Live, de s’en représenter vivement plusieurs scènes, d’en saisir les traits principaux et de les combiner heureusement pour faire la tragédie des Horaces ?
C’est quelque chose de fort semblable aux scrupuleuses discussions de notre Corneille dans ses Discours sur la Tragédie et dans les Examens de ses pièces.
De toutes les obscurités qu’offre ce chapitre, des jugements que l’auteur y porte, et de la place qu’il occupe dans les développements relatifs à la tragédie, Ritter conclut qu’il n’est pas d’Aristote.
Dans la poésie noble, dans l’épopée par exemple la tragédie, la haute comédie, etc., cette exception à la règle générale ne serait point reçue. […] Le poême héroï-comique, La poésie dramatique comprend : La tragédie proprement dite. La tragédie populaire. La tragédie lyrique. […] Il n’entrera dans la pensée de personne de m’objecter que je ne traite point des grandes compositions, comme l’histoire, les discours de longue haleine, sermons, panégyriques, oraisons funèbres, l’épopée, la tragédie, le drame, le roman, l’ode, etc., tout ce qui, en un mot est réservé à des éludes spéciales plutôt qu’à des exercices de Rhétorique.
Le Paysan du Danube, dans une des fables de La Fontaine, est aussi éloquent que Burrhus, dans une des tragédies de Racine. […] Dans la tragédie de Britannicus, Nérona a conçu l’horrible dessein de faire empoisonner Britannicus son frère.
Comme on le verra plus bas, page 58, c’est à titre d’éclaircissement que j’ai cru devoir ajouter ici, avant les extraits des Problèmes, le passage de la Politique, qui complète et commente si heureusement la célèbre définition de la tragédie, par laquelle débute le chapitre vi de la Poétique.
Aristote ne semble pas ici bien d’accord avec lui-même car, plus bas, il distingue l’épopée de la tragédie, en ce que la première n’a point de mise en scène ni de musique.
1 Dans le petit nombre d’années où Racine travailla pour le théâtre, il composa douze tragédies, qui sont presque toutes demeurées l’honneur et le modèle de la scène française. […] Sorti de l’école de Port-Royal, Racine s’était déjà annoncé comme poëte distingué par ses deux premières pièces, la Thébaïde ou les Frères ennemis, et Alexandre, lorsqu’il fit son véritable avénement dans la tragédie par Andromaque (1667), qui a marqué, après le Cid, la seconde époque de la gloire du théâtre français. — Voltaire n’a pas craint d’appeler admirable cette pièce dont le sujet est tiré du IIIe livre de l’Eneïde de Virgile (v. 301-332), et où l’auteur a imité aussi en quelques passages l’Andromaque d’Euripide.
Voltaire, par exemple, s’est plu à refaire une grande partie des tragédies de Crébillon ; Corneille et Racine ont composé une tragédie sur le morne sujet, Bérénice ; Boileau, comme Horace et Lafresnais-Vauquelin, a composé un art poétique ; Horace, Boileau et Régnier ont encore écrit une satire sur un festin ; la Phèdre de Racine a été malheureusement éclipsée un instant par celle de Pradon.
À l’unité de matière, il faut joindre l’unité de ton et de style ; si l’on commence d’une manière gaie et enjouée, il ne faut pas prendre tout à coup une allure froide et sévère ; le style de la comédie choquerait dans la tragédie, et réciproquement.
Quelles charmantes matinées que celles qu’on passerait, par un beau soleil, dans une allée bien sombre, au milieu de ce bruit des champs, immense, confus, et pourtant si harmonieux et si doux, à relire tantôt une tragédie de Racine, tantôt l’histoire des origines du monde, racontées par Bossuet avec une grâce si majestueuse !
Triste ou joyeux, tragique ou ridicule tour à tour, quelquefois même l’un et l’autre tout ensemble, le spectacle de la vie a inspiré promptement deux genres dramatiques, la tragédie et la comédie. […] La tragédie enseigne à l’homme le devoir et le bien, en le pénétrant de terreur et de pitié. […] On trouvera dans Boileau les autres caractères de la tragédie et de la comédie ; les règles de la progression dramatique, de la vraisemblance, de la vérité des mœurs et des sentiments, du pathétique, etc. […] Une lettre et un rapport ont une exposition, un développement et une conclusion, ni plus ni moins qu’une oraison funèbre et une tragédie. […] Elle a, comme le ton, des nuances infinies, depuis les enseignements sublimes de la chaire jusqu’aux attaques passionnées et personnelles du barreau, depuis les accents inspirés de l’ode jusqu’aux méchancetés de la satire, depuis les peintures pathétiques et terribles de la tragédie jusqu’à la gaîté familière et naïve de la comédie.