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63. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Telle est cette définition de l’Amitié par Florian : L’Amitié Tendre amitié, délices des bons cœurs, c’est dans le ciel que tu pris naissance ; tu descendis sur la terre aux premiers chagrins des mortels. […] Tel qu’un beau lis au milieu des champs, coupé dans sa racine par le tranchant de la charrue, il languit et ne se soutient plus ; il n’a point encore perdu cette vive blancheur et cet éclat qui charme les yeux, mais la terre ne le nourrit plus, et sa vie est éteinte : ainsi le fils d’Idoménée, comme une jeune et tendre fleur, est cruellement moissonné dès son premier âge. […] C’étaient de toutes parts des bruits confus de gens qui se poussaient les uns les autres, qui ne pouvaient s’entendre, qui prenaient dans ce trouble un inconnu pour leur ami, et qui couraient sans savoir où tendaient leurs pas. […] Ne nous en étonnons pas : les transports des cœurs tendres paraissent autant de chimères à quiconque ne les point sentis, et l’amour de la patrie… ne se conçoit de même qu’en l’éprouvant ; mais il est aisé de remarquer dans tous les cœurs qu’il échauffe, dans toutes les actions qu’il inspire, cette ardeur bouillante et sublime dont ne brille pas la plus pure vertu, quand elle en est séparée.

64. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger soigneux et attentif est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturages : si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien, qui le met en fuite ; il les nourrit, les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil. […] Quelques-uns consentiraient à voir une autre fois les ennemis aux portes de Dijon ou de Corbie2, à voir tendre des chaînes et faire des barricades3, pour le seul plaisir d’en dire ou d’en apprendre la nouvelle.

65. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — La Fontaine (1621-1695.) » pp. 194-204

L’âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance     Qu’en un pré de moines passant, La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,     Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue : Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net2» A ces mots, on cria haro1 sur le baudet. […]     Et, si le pied eùt été la-dedans,     Sa tendre chair eùt été dévorée.

66. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Diderot, 1713-1784 » pp. 303-312

J’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là. […] » Puis, lui repoussant les genoux avec les siens, et le relevant pardessous les bras, il ajouterait : « On dirait que vous êtes de cire, et que vous allez fondre, Allons, nigaud, tendez-moi ce jarret ; épanouissez-moi cette figure ; ce nez un peu au vent. » Et quand il en aurait fait le plus insipide petit-maître, il commencerait à lui sourire, et à s’applaudir de son ouvrage.

67. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

L’action doit avancer de scène en scène et l’intrigue se tendre, se compliquer de plus en plus : c’est de là que dépend l’intérêt, but capital de toute représentation dramatique. […] Sa voix, son geste, son regard, tout est tendu et forcé : elle ne cherche à plaire que par l’effroi qu’elle inspire. […] Ici, l’action est subordonnée au caractère : tout doit tendre à le faire ressortir ; aucun trait capital ne doit être omis ; il est même ordinairement un peu outré, car l’auteur peint en lui moins un individu que toute une classe d’individus, en réunissant sur le même type tous les traits épars : c’est ainsi que les noms d’Harpagon, d’Alceste, de Tartufe et de Turcaret 19 deviennent des individualités stéréotypées dans la langue.

68. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Dans les Animaux malades de la peste, l’âne s’accuse devant le lion d’un larcin qu’il a commis, et cherche le plus possible à diminuer sa faute : L’Âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance           Qu’en un pré de moines passant, La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense. […] C’est ce qui fait le mérite de l’allégorie suivante : Le Berger et le Troupeau Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger, soigneux et attentif, est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturages ; si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien qui le met en fuite ; il les nourrit, il les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil. […] Il ne faut pas oublier ici une des plus charmantes allégories, celle dans laquelle Mme Deshoulières cette tendre mère, se peint elle-même sous l’image d’une bergère qui recommande ses brebis à Pan, le dieu des bergers : par son troupeau, elle désigne ses enfants ; le dieu Pan, c’est le roi, à qui elle les recommande. […] Telles sont ces vers si touchants où Virgile (traduit par Delille) peint la douleur d’Orphée après la mort d’Eurydice : Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] C’est ainsi que Lusignan insiste avec force sur la naissance de Zaïre, sa fille, pour la ramener à la religion de ses pères : Ma fille, tendre objet de mes dernières peines, Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines : C’est le sang de vingt rois, tous chrétiens comme moi, C’est le sang des héros défenseurs de ma loi, C’est le sang des martyrs…………………… Voltaire, Zaïre.

69. (1870) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices par Gustave Merlet,... à l'usage de tous les établissements d'instruction. Cours moyens, grammaire et enseignement spécial. Première partie : prose

Ses Essais de morale sont le miroir de son âme tendre et recueillie. […] Soyez tendre aux prières des malheureux. […] Est-ce un pamphlet, ou le jeu d’une imagination tendre et subtile, qu’inspire la passion du beau et du bien ? […] Philomèle même est jalouse des chansons tendres de sa compagne. […] Qu’il soit bon, qu’il soit sage, bienfaisant, tendre pour tous les hommes, et aimé d’eux !

70. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VIII. Des Figures en général. »

Tendre épouse, c’est toi qu’appelait son amour, Toi qu’il pleurait la nuit, toi qu’il pleurait le jour. […] Le bonheur est le port où tendent les humains ; Les écueils sont fréquents, les vents sont incertains. […] Elle enflamme les yeux de cette ardeur qui touche ; D’un sourire enchanteur elle anime la bouche, Passionne la voix, en adoucit les sons, Prête ces tours heureux, plus forts que les raisons, Inspire, pour toucher, ces tendres stratagèmes, Ces refus attirants, l’écueil des sages mêmes ; Et la nature enfin y voulut renfermer Tout ce qui persuade, et ce qui fait aimer41. […] Delille a transporté bien ingénieusement cette charmante allégorie de la ceinture de Vénus, aux eaux qui environnent le globe terrestre : De Vénus, nous dit-on, l’écharpe enchanteresse Renfermait les amours et les tendres désirs, Et la joie et l’espoir, précurseur des plaisirs.

71. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Canevas

Le dragon de l’abîme est la damnation éternelle ; l’ange est la religion qui tend les bras à l’homme coupable, le rayon de miel est le symbole des plaisirs du monde. […] Elle ne devra point être trop longue, et tendra à prouver que l’isolement est la cause de la faiblesse, et que l’ambition du bien-être est une déplorable folie. […] Le plus jeune chantait. — L’aîné tendait en vain la main, et disait : Allocution de l’enfant aux passants : notre mère est morte, notre père aussi, nous avons froid et faim, faut-il mourir ? […] Dialogue : du côté d’Abel, amitié et tendres reproches ; du côté de Caïn, fureur et menaces.) […] Ici pleure la vertu et l’audace l’opprime ; l’innocence à genoux y tend la gorge au crime, tout y suit son char et la fortune y domine.

72. (1867) Rhétorique nouvelle « Introduction » pp. 2-33

Je pense avec Cicéron qu’elles sont les auxiliaires utiles du génie, qu’elles l’éclairent, qu’elles guident sa marche, qu’elles lui montrent le but auquel il doit tendre, qu’elles l’empêchent de s’égarer ; mais je pense aussi comme lui qu’elles n’ont jamais formé un orateur. […] Aujourd’hui la poésie et les grandes légendes de l’histoire exaltent vos jeunes cœurs et vous élèvent à des hauteurs d’où vous regardez avec mépris les distractions de votre âge tendre.

73. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Première section. Des genres secondaires de poésie — Chapitre II. Du genre pastoral » pp. 96-112

Les bergers peuvent avoir le désir de plaire, l’émulation dans les jeux, l’ambition d’entretenir un troupeau nombreux et fécond, des passions douces, tendres et modérées, mais jamais de ces passions violentes et cruelles qui sont le fléau de la société. […] Dans l’idylle, la scène est encore au village ; mais la femme sensible et tendre qui parle aux fleurs, aux ruisseaux, aux moutons, n’est pas une de nos bergères, c’est la maîtresse du château.

74. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Il serait trop absurde d’écrire un panégyrique dans un style cadencé, ou d’adapter les mots d’une tendre romance à l’air d’une marche guerrière. […] Elles donnent de la dignité au style, que la familiarité des mots usuels qui frappent incessamment nos oreilles tend à dégrader. […] Le lecteur est forcé de tendre son esprit, d’exercer son imagination, lorsqu’il n’éprouve aucune propension à faire un semblable effort. […] En général, les comparaisons peuvent être réduites aux deux espèces suivantes : celles qui tendent à expliquer, celles qui tendent à embellir. […] Tout exorde doit donc tendre à quelques-unes de ces fins.

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