Mais, soutenu par son sujet et par l’admiration sincère qu’il avait vouée au nom et au génie de Corneille, il se surpassa lui-même, lorsqu’à la réception du frère de ce grand homme, il parla en ces termes des obligations que lui avait la scène francaise. « Vous savez en quel état se trouvait la scène française, lorsqu’il commença à travailler. […] Dans cette enfance, ou, pour mieux dire, dans ce chaos du poème dramatique parmi nous, votre illustre frère, après avoir quelque temps cherché le bon chemin, et lutté, si je l’ose ainsi dire,contre le mauvais goût de son siècle, enfin, inspiré d’un génie extraordinaire, et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison ; mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable, accordant heureusement la vraisemblance et le merveilleux, et laissant bien loin derrière lui tout ce qu’il avait de rivaux. » La scène retentit encore des acclamations qu’excitèrent à leur naissance le Cid, Horace, Cinna, Pompée, tous ces chefs-d’œuvre représentés depuis sur tant de théâtres, traduits en tant de langues, et qui vivront à jamais dans la bouche des hommes. […] Personne ne rendait plus de justice que lui au créateur de la tragédie française ; il en répétait sans cesse les beaux vers, en faisait apprendre les plus belles scènes à ses enfants, leur en détaillait lui-même les endroits marquants, et ne se lassait point de leur dire : Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les miens.
Si l’Ariane que je vois et que j’entends était la vraie Ariane qui va être trahie par sa sœur, à cette scène pathétique où la pauvre femme, qui déjà se sent moins aimée, demande qui donc lui ravit le cœur jadis si tendre de Thésée, je ferais comme ce jeune Anglais qui s’écriait en sanglotant et en s’efforçant de s’élancer sur le théâtre : « C’est Phèdre, c’est Phèdre », comme s’il eût voulu avertir et sauver Ariane ! […] Tous les malheurs représentés à la scène sont bien languissants devant ceux dont nous pouvons tous les jours nous donner le triste spectacle. […] Transporter à la scène le plus de réalité possible, et nous émouvoir fortement en ébranlant nos sens par la vue de douleurs affreuses. […] qui nous attache à ces grandes scènes de la nature ? […] Mais vainement le lieu de la scène était-il moins poétique.
Ce que doit faire l’auteur, s’il reproduit sur la scène un personnage connu, ou s’il en invente un nouveau. — 136. […] Des sujets qu’il faut mettre sur la scène. […] vous ferez donc plus sagement de mettre en action quelque épisode de l’Iliade, que d’introduire, le premier, sur la scène une fable étrange et des personnages inconnus. […] Un fait s’accomplit sur la scène, ou bien un récit nous l’expose. […] On appelait ainsi la toile qui servait à masquer la scène, avant la représentation et dans les entr’actes.
Dans les compositions historiques, le meilleur moment pour produire le portrait est généralement celui où les personnages quittent la scène. […] « Les écarts du dialogue dans le drame, dit Marmontel, viennent communément de la stérilité du fond de la scène et d’un vice de constitution dans le sujet. Si la disposition en était telle qu’à chaque scène on partit d’un point pour arriver à un point déterminé, en sorte que le dialogue ne dût servir qu’au progrès de l’action, chaque replique serait à la scène ce que la scène est à l’acte, c’est-à-dire un nouveau moyen de nouer ou de dénouer. Mais, dans la distribution primitive, on laisse des intervalles vides d’action ; ce sont ces vides qu’on veut remplir, et de là les excursions et les lenteurs du dialogue. » Mais où ces défauts sont plus impardonnables, c’est dans les péripéties importantes, dans les crises de passion ou d’intrigue : « Un personnage qui, dans une situation intéressante, s’arrête à dire de belles choses qui ne vont point au fait, ressemble à une mère qui, cherchant sa fille dans les campagnes, s’amuserait à cueillir des fleurs. » Sans doute la replique directe n’est pas toujours exigée, le personnage en scène peut faire dériver le dialogue, répondre à sa pensée ou à celle de son interlocuteur, plutôt qu’aux paroles prononcées, mais au milieu de tous ces écarts l’auditeur ne doit pas perdre de vue le point culminant.
(Le Misanthrope, acte II, scène iv.) […] Cette comédie, et cette scène en particulier, sont imitées de Plante. […] Par ces satires indirectes, qui vont à l’adresse de ses contemporains, Molière s’approprie les imitations de Plaute, auquel il a emprunté l’idée de cette scène. […] Les interruptions de Sosie, son admiration pour lui-même, la triple allocution du maître, de la maîtresse et du valet font de ce dialogue une scène unique au théâtre. […] Dans cette scène, Célimène a le premier rôle : ses interlocuteurs ne font qu’offrir à son esprit l’occasion de se produire ; ils lui présentent les originaux, dont elle fait des portraits.
La belle scène d’Horace et de Curiace, les charmantes scènes du Cid, une grande partie de Cinna, le rôle de Sévère, presque tout celui de Pauline, la moitié du dernier acte de Rodogune, se soutiendraient à côté d’Athalie, quand même ces morceaux seraient faits aujourd’hui ; de quel œil devons-nous donc les regarder, quand nous songeons au temps où Corneille a écrit ? […] Eschyle, Sophocle et Euripide sont et seront toujours placés à la tête de ceux qui ont illustré la scène. […] Acte II, scène VII. […] Acte V, scène I. […] Acte I, scène I.
quelle prodigieuse variété de scènes ! […] La mer mugit, les vents sifflent, le tonnerre gronde, la lueur sombre et pâle des éclairs perce la nue, montre et dérobe la scène. […] Diderot recommande au critique d’art d’entrer dans la toile qu’il vent juger ; ici il devient acteur de la scène qu’il peint. […] Figure humaine de tous les âges, de tous les états, de toutes les nations : arbres, animaux, paysages, marines, perspectives ; toute sorte de poésie, rochers imposants, montagnes, eaux dormantes, agitées, précipitées ; torrents, mers tranquilles, mers en fureur ; sites variés à l’infini ; fabriques grecques, romaines, gothiques ; architectures civile, militaire, ancienne, moderne ; ruines, palais, chaumières ; constructions, gréements, manœuvres, vaisseaux ; cieux, lointains, calme, temps orageux, temps serein ; ciel de diverses saisons, lumières de diverses heures du jour ; tempêtes, naufrages, situations déplorables, victimes et scènes pathétiques de toute espèce ; jour, nuit, lumières naturelles, artificielles, effets séparés on confondus de ces lumières, aucune de ses scènes accidentelles qui ne fit seule un tableau précieux. » 1.
J’ai souvent aussi remonté le Tibre à Ponte-Mole, pour jouir de cette grande scène de la fin du jour. […] La scène sur la terre n’était pas moins ravissante : le jour bleuâtre et velouté de la lune descendait dans les intervalles des arbres et poussait des gerbes de lumière jusque dans l’épaisseur des plus profondes ténèbres. […] Telle est la scène sur le bord occidental ; mais elle change tout à coup sur la rive opposée, et forme avec la première un admirable contraste2. […] « Chactas, qui raconte cette scène, se souvient du trépas sacré de Polyxène. […] Les scènes humaines jetées dans un coin n’ont d’autre objet que de relever et de faire paraître davantage les scènes de la nature par l’harmonie ou par le contraste.
(Une scène de cette pièce.) Acte II, Scène VII. […] « S’il nous était enjoint de désigner précisément, observe un de nos critiques, le jour, le lieu et l’heure où Molière se révéla en quelque sorte à Louis XIV, et reçut de lui sa mission de poursuivre les ridicules du siècle, nous ne croirions pas nous tromper en disant que ce fut à Vaux, lorsque l’imprudent Fouquet voulut étaler devant le monarque les splendeurs de sa magnifique demeure. » Néanmoins, dans la comédie qui fut jouée à cette occasion, la scène que nous offrons ici ne se trouvait pas d’abord : ce fut après la représentation que le roi, félicitant l’auteur, lui indiqua un personnage de fâcheux qu’il avait oublié, celui du courtisan chasseur ; et il paraît assez certain que l’original de ce caractère était le marquis de Soyecourt, qui obtint en effet, un peut plus tard, la charge de grand veneur, pour laquelle il avait dès longtemps une vocation très-marquée. La pièce, à quelques jours de là, fut donnée à Fontainebleau, avec la nouvelle scène « dont le roi, dit Molière, lui avait suggéré l’idée, et qui fut trouvée partout le plus beau morceau de l’ouvrage ».
Si je me donne trop d’indulgence dans les autres, j’en aurai encore davantage pour ceux dont je verrai réussir les ouvrages sur la scène avec quelque apparence de régularité. […] Acte I, scène III. […] Acte II, scène VI. […] Acte IV, scène III. […] Acte V, scène IV.
(Acte III, scène xii, le Bourgeois Gentilhomme.) […] (Acte II, scène ii, le Bourgeois Gentilhomme.) […] (Acte II, scène vi, le Malade imaginaire.) […] (Don Juan, acte IV, scène v.) […] Cette scène rappelle celle de Géronte et de Dorante dans le Menteur de Corneille.
Représentez-vous, en effet, dans une enceinte ou siégeaient jusqu’à dix mille juges, choisis par le sort dans tous les rangs du peuple, quel trouble des tableaux pareils à celui-là auraient jeté dans les âmes, puisque, même dépouillés de l’action et du prestige de la scène, ces vers du poëte ont encore aujourd’hui un accent qui nous pénètre. […] Ce Mucius Scævola, la main sur le brasier ; cette Lucrèce qui se poignarde devant sa famille en demandant vengeance ; ce Virginius qui brandit dans la foule le couteau teint du sang de sa fille ; ce Camille qui renverse la balance où Brennus a jeté son épée, tous ces personnages sont des héros sans doute, mais les héros d’un peuple qui ne conçoit guère la grandeur dépouillée de la pompe du décor et du prestige de la scène. […] Ils y jouaient, pour ainsi dire, leurs sentiments, comme les acteurs leurs rôles sur la scène, avec cette différence que les acteurs rendent souvent l’émotion sans la ressentir, tandis que les Romains, la ressentant réellement, la jouaient souvent sans le savoir. […] Il peut aussi (l’espace le lui permet) appeler au secours de ses arguments toutes les ressources de la mise en scène : trophées conquis sur l’ennemi, vieillards suppliants, enfants éplorés, armées de clients en deuil, tout ce qui frappe les yeux, tout ce dont la vue émeut la chair et le sang, et arrache des sanglots à la multitude. […] Il aime à paraître, à se mettre en scène, tantôt pour attendrir le public sur son sort, tantôt pour s’excuser avec une feinte modestie de son peu d’éloquence.