Préface Nous nous sommes proposé un double but en publiant ce livre ; répondre au programme officiel de l’enseignement secondaire spécial (troisième année d’études), et compléter les recueils de M. Léon Feugère pour les classes supérieures1. La tâche délicate de choisir chez des auteurs contemporains les pages les plus dignes d’être placées sous les yeux de la jeunesse a été pour nous singulièrement facilitée par les excellentes indications de la liste officielle : nous les avons suivies scrupuleusement. Nous nous sommes réservé une seule liberté, celle d’élargir le cadre tracé par M. le ministre de l’instruction publique. C’était justice, par exemple, de donner une place à l’école qui précède la renaissance poétique de 1820 et forme la transition entre le dix-huitième siècle et le nôtre.
Voici l’image sublime qui termine l’ode sur le Jugement dernier, de Gilbert : L’Éternel a brisé son tonnerre inutile, Et d’ailes et de faux dépouillé désormais, Sur les mondes détruits le Temps dort immobile.
I, ode 13. […] On doit à Baïf, épigramme, élégie ; à Ronsard, ode, avidité ; à Desportes, pudeur ; à Sarasin, burlesque ; à Segrais, impardonnable ; à Ménage, prosateur ; à Balzac, urbanité. […] Rousseau, dans ses Odes (I, 8) : Abaisse la hauteur des deux ; et Voltaire, dans sa Henriade : Viens, des cieux enflammés abaisse la hauteur. […] On sait assez que le style de l’histoire n’est pas celui d’une oraison funèbre ; que la comédie ne doit point se servir des tours hardis de l’ode, des expressions pathétiques de la tragédie, ni des métaphores et des comparaisons de l’épopée. […] Rousseau a dit dans une de ses odes : Et les jeunes zéphyrs, de leurs chaudes haleines, Ont fondu l’écorce des eaux.
Et cette strophe d’une Ode sur la mort : Dans ce las de poussière humaine, Dans ce chaos de boue et d’ossements épars, Je cherche, consterné de cette affreuse scène, Les Alexandre, les César ; Cette foule de rois, fiers rivaux du tonnerre ; Ces nations, la gloire et l’effroi de la terre, Ce peuple roi de l’univers, Ces sages dont l’esprit brille d’un feu céleste.
Il y a dans cette prière le mouvement, l’essor lyrique d’une ode.
Des extrémités de l’Orient il lui vient une grande lettre, qui délivre la vérité opprimée, qui la venge des espions et des délateurs, qui efface les odes et les panégyriques de la flatterie. […] Les lettres, quoi qu’on en dise, les lettres, à travers des écarts qu’il faut déplorer, auront marqué d’une trace brillante le siècle dont nous n’avons encore vu que la moitié : la poésie lyrique a pris un puissant essor ; la poésie rêveuse et contemplative s’est élevée vers des régions nouvelles, et a sondé plus profondément les replis du cœur ; la chanson a été portée à la hauteur de l’ode patriotique et sociale par un poète cher à la patrie.
Il y a dans Horace une magnifique allégorie : c’est l’ode où il représente la république romaine sous l’image d’un navire battu par la tempête : O navis, referent in mare te novi Fluctus ! […] Ode 13, l.
On a aussi critiqué avec justice Rousseau, pour avoir dit dans une de ses odes : Et les jeunes zéphyrs de leurs chaudes haleines.
Principes généraux des belles-lettres. Suite de la section II de la seconde partie. Chapitre III. Des grands Poëmes. I l s’ouvre devant nous une carrière bien plus vaste et plus périlleuse que toutes celles que nous avons indiquées, et qu’on pourroit dire n’être que des sentiers agréables, quoique raboteux, qui conduisent au temple des Muses.
Aussi beaucoup de passages qu’il cite comme des exemples de sublime ne sont que des modèles d’élégance, qui n’ont pas le moindre rapport avec le sublime : témoin la fameuse ode de Sapho, sur laquelle il disserte fort longuement. […] III, ode 3.)
Du Bellay mourut à trente-six ans, après avoir lui-même écrit ; à l’imitation de l’antiquité et de l’Italie, des satires, des élégies, des odes et des sonnets. […] Chantemoy ces Odes, incogneuës encor’ de la Muse Françoise, d’un lut bien accordé au son de la Lyre Grecque et Romaine : et qu’il n’y ait vers où n’apparoisse quelque vestige de race et antique erudition. […] Sonne moy ces beaux Sonnets, non moins docte que plaisante invention Italienne, conforme de nom à l’Ode, et differente d’elle seulement pource que le Sonnet a certains vers reiglez et limitez, et l’Ode peut courir par toutes manieres de vers librement, voire en inventer à plaisir à l’exemple d’Horace.
Puis, voici comme il s’y prend pour passer de l’Élégie à la poésie lyrique : Il faut que le cœur seul parle dans l’Élégie, L’Ode, avec plus d’éclat et non moins d’énergie, Élevant jusqu’au ciel son vol ambitieux, etc. […] Ainsi, dans le poëme que nous citions tout à l’heure, Boileau met l’Élégie après l’Idylle, l’Ode après l’Élégie, le Vaudeville après la Satire, l’Épopée après la Tragédie.