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217. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre III. Éloges de Pompée et de César, par Cicéron. »

Peut-être n’a-t-on pas fait assez d’attention à la conduite de Cicéron dans cette circonstance : avec un peu de réflexion, on aurait vu que louer la clémence de César à l’égard de Marcellus, c’était lui faire, pour ainsi dire, une loi de ne plus se démentir de ses principes ; que mettre cette même clémence au-dessus de tous les exploits du vainqueur du monde, c’était lui dire bien formellement, que s’il avait conquis Rome par la force des armes, il ne régnerait sur les Romains que par la douceur et la bienveillance. […] «  Plût aux Dieux que Rome eût assez de braves et intègres citoyens, pour que vous fussiez embarrassés sur le choix de celui qu’il faut mettre à la tête d’une pareille guerre ! […] Qui a pu naviguer, sans s’exposer au péril de la mort ou de l’esclavage, parce qu’il fallait nécessairement ou mettre à la voile pendant l’hiver, ou voguer sur une mer infestée de pirates ? […] Laissez-donc ce langage aux philosophes qui ont mis leur gloire à mépriser la mort : cette sagesse ne doit point être la vôtre ; elle coûterait trop cher à la republique.

218. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

raison mise en pratique ; Talent ? […] Les plus antiques des sages et des poëtes, ceux qui ont mis la morale humaine en maximes, et qui l’ont chantée sur un mode simple, converseraient entre eux avec des paroles rares et suaves, et ne seraient pas étonnés, dès le premier mot, de s’entendre. […] …………… J’ai vécu plus que toi ; mes vers dureront moins ; Mais au bord du tombeau, je mettrai tous mes soins À suivre les leçons de ta philosophie, À mépriser la mort, en savourant la vie, À lire tes écrits pleins de grâce et de sens, Comme on boit d’un vin vieux qui rajeunit les sens. […] Il est besoin auparavant de se recueillir, de s’isoler de la vie qui fait bruit et de lui fermer la porte, de faire comme on faisait autrefois quand on voulait s’approcher des mystères, de prendre toute une semaine de retraite, de demi-ombre et de silence, de mettre son esprit au régime des ablutions et de le sevrer de la nourriture moderne.

219. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Avertissement de la deuxième édition. » pp. -

La Poétique d’Aristote ayant été récemment mise au programme des études pour la classe de rhétorique, il a paru opportun de réimprimer l’édition, avec traduction française et commentaire, que j’avais publiée, en 1849, dans l’Essai sur l’histoire de la Critique chez les Grecs, ouvrage depuis longtemps épuisé1. […] Il y a dans la Poétique des pages qui ne peuvent être utilement discutées qu’entre les savants de profession  mais, ces pages mises à part, combien il en reste d’excellentes par la netteté du style et par la force lumineuse, par l’autorité durable de la doctrine !

220. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

Il y a même une différence essentielle à observer ici : les actions ne mettent précisément en évidence que le personnage qui agit, tandis que ces discours adressés à tout un peuple, dans une circonstance importante pour lui, nous font d’autant mieux connaître l’esprit et les mœurs de ce peuple, que l’orateur, quel qu’il soit, a dû accommoder son style et ses pensées au langage et aux idées de ceux qui l’écoutaient. […] Les maîtres ne sauraient mettre trop de soin à faire remarquer ces nuances légères, cette limite délicate où le trop de perfection commence à devenir un modèle d’autant plus dangereux, qu’il est plus aisé de s’en laisser séduire. […] Fatigués, la terre est leur lit ; le premier met que le hasard leur présente, est celui qui les rassasie ; et les nuits sont toujours plus longues que leur sommeil : et tu pourrais croire que des frondes et des lances durcies au feu feront reculer devant toi cette fameuse cavalerie composée de l’élite des Thessaliens, des Arcananiens, des Œtoliens ! […] Mets un mors à ton bonheur, tu le maîtriseras plus aisément. […] Nous laissons aux Grecs ces précautions de signer des pactes et d’attester les Dieux : pour nous, nous mettons notre religion dans notre fidélité.

221. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

Les uns mettent la vertu à une hauteur si décourageante, qu’elle rebute les efforts du zèle le plus affermi, et ne permet son accès qu’à l’orgueil du sophiste qui cherche moins à valoir en effet mieux que ses semblables, qu’à les écraser de sa prétendue supériorité. […] Voici maintenant le commentaire poétique de ce texte consolant : Bientôt vos yeux éteints ne verront plus le jour : Sur vos fronts sillonnés la pesante vieillesse Imprimera l’effroi, gravera la tristesse : Ses frimats détruiront vos cheveux blanchissants : Vous perdrez le sommeil, ce charme de vos sens : Les mets n’auront pour vous que des amorces vaines : Vous serez sourds au chant de vos jeunes syrènes : Vos corps appesantis, sans force et sans ressorts, Feront pour se traîner d’inutiles efforts : La Mort, d’un cri lugubre, annoncera votre heure ; L’éternité, pour vous, ouvre alors sa demeure. […] Les mœurs, l’esprit, les lois, tout est mis en systèmes ; Tout système a son cours, ses progrès, son déclin : Une secte s’élève où l’autre prend sa fin. […] Mais, indépendamment de différences plus importantes dont nous parlerons bientôt, qu’il y a loin de la morgue pédantesque du maître qui vous dit : « Faites cela, parce que cela est bon ; et cela est bon, parce que je l’ai fait », au style affectueux d’un père qui presse, qui conjure ses enfants de mettre en pratique les conseils qu’il leur prodigue pour leur bien ! […] Conclusion : rien de plus admirable, dans la spéculation, que la morale des anciens : rien de plus stérile dans la pratique ; et il fallait bien qu’il en fut ainsi, puisqu’elle se réduit à cet axiome qui met le bonheur dans l’impassibilité absolue : « Nil admirari propè res est una, Numici, Solaque, quæ possit facere, et servare beatum ».

222. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Introduction » pp. -

Ces petites républiques ou cités rivales mettaient leur gloire à se disputer les talents, à les honorer, à leur offrir un refuge contre la persécution ou l’envie. […] Protecteur des lettres, il proscrira les jeux de la scène, et mettra un jour l’interdit sur toutes les presses de son royaume. […] Tandis que la guerre civile ou religieuse met la France en feu, nous sommes aussi tentés d’appeler sagesse la modération souriante que Montaigne (1533-1592) oppose au dogmatisme hautain d’où procèdent les excès et les violences. […] Le normand, au lieu de oi, met ei : que je scie, rei, reine, estreit, espeis, il liseit, etc. ; de plus, il conjugue l’imparfait de la première conjugaison autrement, disant j’amowe, tu amowes, il amot, au lieu de j’amoies, tu amoiés, il amoit. » (Littré.) […] Dès lors, le temps approche où ces poëmes seront mis en prose et aboutiront à la Bibliothèque bleue qu’on lit encore dans nos villages.

223. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Soit que ce soit en levant les bondes (des) digues, soit par quelque machine plus délicate, enfin vous avez mis cet étang à sec, et il vous redemande ses eaux. […] » La mort C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu’elle se mette en vue de tous côtés, et en mille formes diverses1. […] Inquiétude de l’homme Les mondains, toujours dissipés, ne connaissent pas l’efficace1 de cette action paisible et intérieure qui occupe l’âme en elle-même ; ils ne croient pas s’exercer s’ils ne s’agitent, ni se mouvoir s’ils ne font du bruit ; de sorte qu’ils mettent la vie dans cette action empressée et tumultueuse ; ils s’abîment dans un commerce1 éternel d’intrigues et de visites, qui ne leur laisse pas un moment à eux2. […] Si tu n’en es pas encore attaqué, regarde ces misérables avec compassion ; quelque superbe distinction que tu tâches de mettre entre toi et eux, tu es tiré de la même masse, engendré des mêmes principes, formé de la même boue : respecte en eux la nature humaine si étrangement maltraitée ; adore humblement la main qui t’épargne, et pour l’amour de celui qui te pardonne, aie pitié de ceux qu’il afflige1. […] Et pesez vos discours même dans sa balance : Cognoissez les humeurs qu’il verse dessus nous, Ce qui se fait dessus, ce qui se fait dessous ; Portez une lanterne aux cachots de nature, Sçachez qui donne aux fleurs cette aimable peinture Quelle main sur la terre en broye la couleur, Leurs secrettes vertus, leurs degrés de chaleur ; Voyez germer à l’œil les semences du monde, Allez mettre couver les poissons dedans l’onde, Deschiffrez les secrets de nature et des cieux : Vostre raison vous trompe aussi bien que vos yeux.

224. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Le trône lui-même ne met pas les princes à l’abri de ce jugement. […] Et enfin, après des jours qui ont été des siècles, tout à coup, de cet abîme sourd et insensible, de cet enfant qui à peine a fait croire par un sourire qu’il entendait l’amour qui l’a mis au monde, la parole s’échappe et répond. […] La parole l’a mis au monde ; la parole a donné l’éveil et le premier cours à sa pensée ; quoi qu’il veuille, quoi qu’il fasse, pour son bonheur ou son malheur, la parole achèvera son œuvre ; elle en fera une victime de l’orgueil ou de la charité, un esclave des sens ou du devoir ; et si la liberté lui demeure toujours contre le mal, ce sera pourtant à la condition d’appeler à son aide une meilleure parole que la parole qui l’aura trompé. […] M. l’Archevêque, dans la situation sévèrement jugée où l’a mis son esprit d’impartialité, a besoin d’une occasion solennelle pour prouver à tous son indépendance. […] Sachons mettre le devoir et la dignité avant tout.

225. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Étude littéraire et philologique sur la langue du XVIe siècle » pp. -

Ils ne mirent en vogue que des finesses équivoques, cajoleries et calineries félines, rodomontades et simagrées, baise-mains et révérences serviles, mensonges sophistiques, mièvreries, fadeurs galantes, parfums écœurants, en un mot les ridicules ou les vices d’une civilisation ingénieuse mais corrompue. […] Mais ce fut surtout l’art militaire qui mit l’Italie à contribution. […] Le catalogue qui va suivre pourra paraître ingrat, mais il éclaire les textes que nous citons, et explique les tendances qu’ils accusent1 1° Pour commencer par les substantifs, on ne s’étonnera pas de ce que plusieurs d’entre eux, féminins aujourd’hui, aient été mis alors au masculin. […] Avouons que ce tour avait de la grâce, et donnait au style une allure dégagée ; il convenait singulièrement à la prestesse de la poésie légère, et nous avons été mal avisés de nous en défaire. — On aimait tant ce procédé rapide qu’il était de mise pour les sujets, je, tu, il, elle, nous, vous ; on les écartait souvent comme superflus ou importuns. […] A cette heure d’adolescence, la parole était moins posée, moins stricte : on ne mettait pas les points sur les i ; j’entends par là qu’on allait au plus pressé, sans trop se soucier des entraves qui ralentissent le débit, ou embarrassent l’action du discours.

226. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre III. Du genre épique » pp. 207-250

Cet effet moral provient des grands exemples que le poète met sous nos yeux, et des nobles sentiments qu’il fait passer dans notre cœur. […] Sa présence met tout en mouvement ; s’il disparaît, tout s’arrête ou chancelle. […] Virgile a introduit des monstres voraces, qui salissent et dévorent les mets des Troyens. […] On peut par conséquent y mettre beaucoup de chaleur, de force et de dignité : elle est naturellement lyrique. […] Le poème héroïque qui, comme on le voit, n’est que de l’histoire mise en vers, diffère du récit historique ordinaire par le ton et par le style.

227. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Analyse grammaticale » p. 61

Nom com. f. sing. employé comme nom propre parce que la Religion est ici personnifiée ; mis en apostrophe ou au vocatif. […] Participe adj., venant du verbe pénétrer, et au m. sing. parce qu’il se rapporte au pronom qui, mis pour le mortel.

228. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

C’est Térence qui, chez les Romains, parla le premier avec une pureté toujours élégante : c’est Pétrarque qui, après le Dante, donna à la langue italienne cette aménité et cette grâce qu’elle a toujours conservées : c’est à Lopez de Vega que l’espagnol doit sa noblesse et sa pompe : c’est Shakespeare qui, tout barbare qu’il était, mit dans l’anglais cette force et cette énergie qu’on n’a jamais pu augmenter depuis sans l’outrer, et par conséquent sans l’affaiblir. […] Mais lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit ; il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire. […] Aussi, plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière, de chaleur et de style ».

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