Ils n’avaient ni la vivacité, ni la sensibilité des Grecs : leurs passions étaient plus difficiles à émouvoir, leurs conceptions moins vigoureuses, et leur langue portait l’empreinte de leur caractère. […] Sur deux ou trois cents orateurs qui, en divers temps, parlèrent à Rome, à peine y en eut-il un ou deux, par siècle, qui pût passer pour éloquent : peu même eurent le mérite de parler avec pureté leur langue. Peut-être la facilité qu’eurent les Romains, de puiser chez les Grecs tout ce qui manquait au système de leur langue ou de leurs idées, retarda les progrès qu’ils eussent pu faire d’eux-mêmes, et contribua à n’en faire qu’un peuple imitateur.
Dans des réflexions sur la langue poétique, on retrouve la même pesanteur de style, la même recherche d’expressions et de métaphores, toujours empruntées d’objets qui ne pourraient être entendus eux-mêmes qu’à l’aide de métaphores. […] C’est là que nous apprenons que, chez Corneille, la langue poétique ne connut pas ce trouble et ce désordre que répand sur elle le souffle orageux des passions, etc. C’est là que l’on trouve un parallèle de Lycurgue et de Boileau, auquel on ne s’attendrait guères ; c’est là enfin que l’on dit « que Buffon, au milieu de l’immensité, n’est qu’à sa place ; que la langue sublime et calme qu’il emploie, inspire, comme le spectacle de l’univers, une admiration tranquille ».
L’éloquence a donc précédé la rhétorique, comme les langues ont précédé la grammaire. […] C’est la qualité maîtresse de la langue française, celle qui, jointe à des raisons historiques et politiques, en a fait la langue des relations internationales. […] L’autre emprunte ses expressions à la langue commune ; son allure est libre et dégagée. […] Ludificarier (Plaute) ; — Imitarier (Lucrèce) ; — Dans notre vieille langue : Avecques, Doncques. […] Cette figure, qui est le fond même de la construction de la phrase chez les Grecs et les Latins, donne aux langues anciennes une grande souplesse pour l’expression.
— Le dix-septième siècle avait fixé la langue de la prose française. […] Mais l’art même de ce beau style ne s’éloignait-il pas du caractère de notre langue ? […] Chaque Français croit savoir sa langue et se pique d’avoir du goût ; mais il ne se pique pas d’être physicien. […] Mais le titre durable de Rivarol est son discours sur l’Universalité de la Langue française. […] C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue.
Je n’ai pas manqué depuis de le faire, pour contribuer de plus en plus à la saine instruction de la jeunesse ; et je crois devoir dire ici que j’ai été encouragé à continuer ce travail, par les suffrages dont les bons instituteurs ont honoré la première Édition ; par le jugement favorable qu’en ont rendu les journalistes français ; par la mention flatteuse qu’en a faite l’auteur de la Bibliothèque (allemande) des Sciences et des Arts, et par l’annonce de la Traduction qui en a été publiée en cette langue à Léipsick, avec des additions sur la littérature allemande. […] Mais j’ai ajouté un assez grand nombre d’articles ; j’en ai développé bien d’autres avec beaucoup plus d’étendue, et je crois n’avoir rien omis, pour offrir, dans cette nouvelle Édition, un petit Cours complet des Belles-Lettres, où l’on pourra puiser les notions essentielles de toutes les parties de la littérature, depuis les premiers éléments de notre langue, jusqu’aux règles du Poème épique.
Cette illusion trop commune me rappelle quelques pauvres aventuriers de notre pays que j’ai parfois rencontrés en Orient et qui, à bout d’entreprises et de ressources, se donnaient pour professeurs de français, croyant pouvoir enseigner leur langue maternelle, par cela seul qu’ils la parlaient. […] L’éloquence est née bien longtemps avant les règles de la rhétorique, comme les langues se sont formées bien avant la grammaire : ce n’est pas l’art qui produit l’éloquence, a dit Cicéron, c’est l’éloquence qui produit l’art. […] Avant tout, l’orateur on l’écrivain a besoin de posséder le catalogue le plus complet possible des mots de la langue qu’il emploie. […] Enfin la langue française a comme toutes les autres langues des idiotismes qui rapprochent certains mots sans qu’il soit permis de leur substituer aucun synonyme […] En général le génie de la langue française est tout à fait opposé au génie des langues synthétiques comme le grec, le latin ou l’allemand ; d’ordinaire le français réclame l’épithète après le substantif ; sauf certaines constructions qui résultent de la tradition ou de l’euphonie et qu’il est impossible d’apprendre autrement que par l’usage.
L’héroïsme est le principal ressort de son théâtre, où il nous propose des vertus altières et de grands caractères, dans une langue nerveuse et concise qui exprime par de sublimes accents le triomphe du devoir sur la passion. […] Vous m’avez voulu faire passer pour simple traducteur, sous ombre de soixante et douze vers que vous marquez sur un ouvrage de deux mille, et que ceux qui s’y connoissent n’appelleront jamais de simples traductions ; vous avez déclamé contre moi, pour avoir tu1 le nom de l’auteur espagnol, bien que vous ne l’ayez appris que de moi, et que vous sachiez fort bien que je ne l’ai célé à personne, et que même j’en ai porté l’original en sa langue à Monseigneur le Cardinal votre maître et le mien ; enfin, vous m’avez voulu arracher en un jour ce que près de trente ans d’étude m’ont acquis ; il n’a pas tenu à vous que, du premier lieu où beaucoup d’honnêtes gens me placent, je ne sois descendu au-dessous de Claveret2 ; et pour réparer des offenses si sensibles, vous croyez faire assez de m’exhorter à vous répondre sans outrage, de peur, dites-vous, de nous repentir après, tous deux, de nos folies. […] Allusion au passage suivant intitulé : Jugement sur Sénèque, Plutarque et Pétrone, où Saint-Évremond dit à propos du poëte latin : « Je ne sache aucun de ces grands génies qui ait pu faire parler d’amour Massinisse et Sophonisbe, César et Cléopâtre, aussi galamment que nous les avons ouïs parler en notre langue. » Saint-Évremond fut avec Madame de Sévigné un de ceux qui restèrent fidèles à la gloire de Corneille : Les lauriers d’Andromaque et de Britannicus leur semblèrent dérobés à la couronne qu’ils avaient posée sur le front de leur poëte.
Exemple : Il faut acquérir des connaissances utiles ; or, l'étude de sa langue maternelle et celle des mathématiques sont d'une utilité incontestable ; donc il faut étudier sa langue maternelle et les mathématiques. […] Exemple : L'étude de sa langue maternelle est d'une utilité indispensable ; donc il faut étudier sa langue maternelle. […] On emploie aussi la catachrèse quand la langue n'offre point de mots propres pour exprimer nos pensées : une feuille de papier. […] La prose ordinaire exige que l'on répète chaque adjectif déterminatif avant son substantif, comme dans cette phrase : Son père et sa mère ; et chaque substantif avant ou après son adjectif dans toutes les phrases semblables à celles qui suivent : La langue française, la langue anglaise et la langue espagnole lui sont familières ; le premier étage et le second étage. Mais la poésie et le laisser-aller de la conversation permettent de dire : Ses père et mère ; les langues française, anglaise et espagnole lui sont famillières ; le premier et le second étage.
D’abord, les figures enrichissent la langue et la rendent plus abondante, en multipliant les mots et les phrases propres à exprimer nos pensées et à en faire sentir les nuances les plus délicates. […] Cette figure est plus commune en latin que dans notre langue. […] Selon que les unes ou les autres dominent, la langue est dure ou efféminée. […] Ils plaisent en présentant une composition de sons qui se succèdent avec aisance : aussi abondent-ils dans les langues harmonieuses. […] Pour réussir ici, l’écrivain doit parfaitement connaître le génie de la langue et la force des mots, et être doué d’un goût exquis.
Réparer, épurer la langue, voilà l’objet qu’avant tout il se proposa et qu’il remplit le mieux. […] Jamais plus grands sentiments ne furent rendus dans une langue plus magnifique et plus sublime. […] À côté de la meilleure langue de l’ère de Louis XIV, on y rencontre la langue de Marot, de Rabelais, de Bonaventure Despériers, de Montaigne, et même quelques souvenirs du quinzième siècle. Nos vieux auteurs ne lui suffisent pas encore pour suppléer à l’indigence de la langue poétique fixée par Malherbe et par Boileau. […] Les œuvres de Boileau vivront surtout par la langue, quoique cette langue même n’y soit pas de tous points aussi admirables que dans plusieurs de ses illustres contemporains.
Les idées les plus profondes, les plus brillantes, les plus sublimes se montrent sous sa plume, avec toute leur force, tout leur éclat, toute leur grandeur, sans que les règles de la langue soient violées. […] On a remarqué que les règles exactes de la langue ne sont point observées dans le dernier vers. […] Observons ici que notre langue, quoiqu’assez riche pour qui la sait bien manier, peut cependant s’enrichir encore davantage sous la plume d’un bon écrivain. […] Loin d’enrichir la langue, elle ne servira qu’à la gâter. […] Il n’est aucune langue, qui ne doive presque toutes ses richesses à ces sortes d’expressions figurées.
C’est qu’il faut établir une grande différence entre le langage écrit et la langue parlée. […] Le langage de ce pays était un mélange de latin et de gaulois appelé langue romane ou romance, et comme les contes des troubadours étaient écrits dans cette langue, on les appela romans. […] La poésie anglaise ne pouvait admettre ces espèces de pieds, parce qu’à cet égard, le génie de notre langue diffère de celui de la langue latine. […] Étrangers à la langue dans laquelle M. […] Sa simplicité, rendue littéralement, deviendrait platitude dans nos langues modernes.