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23. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXIII. des figures. — tropes d’invention et tropes d’usage  » pp. 323-338

Tantôt la partie est prise pour le tout : La tête, pour l’homme entier, J’ignore le destin d’une tête si chère ; on paye tant par tête ; le toit, le seuil, le foyer, le feu lui-même, pour la maison : ce village compte tant de feux ; la Porte, pour l’empire ottoman, expression qui se rattache aussi à la métonymie ; cent voiles, pour cent vaisseaux ; un fleuve ou une ville, pour un royaume et ses habitants, La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars ; une saison, pour toute l’année : il compte quinze printemps, etc. […] … Venez, vaillante élite, honneur de nos armées ; Parlez, flèches de feu, grenades enflammées…, etc. […] Les esprits vifs, pleins de feu et qu’une vaste imagination emporte hors des règles de la justesse, ne peuvent s’assouvir de l’hyperbole. » Elle est le vice dominant des écrivains de l’Orient, de l’Afrique, de l’Espagne et de l’Italie.

24. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Sévigné 1626-1696 » pp. 52-64

Je demandai la liberté d’être seule ; on me mena dans la chambre de madame du Housset, on me fit du feu ; Agnès me regardait sans me parler, c’était notre marché1 ; j’y passai jusqu’à cinq heures sans cesser de sangloter : toutes mes pensées me faisaient mourir. […] magnificence, illumination, toute la France, habits rebattus et brochés d’or, pierreries, brasiers de feu et de fleurs, embarras de carrosses, cris dans la rue, flambeaux allumés, reculements et gens roués1 ; enfin le tourbillon, la dissipation, les demandes sans réponses, les compliments sans savoir ce que l’on dit, les civilités sans savoir à qui l’on parle, les pieds entortillés dans les queues ; du milieu de tout cela, il sortit quelque question de notre société, à quoi ne m’étant pas assez pressée de répondre, ceux qui les faisaient sont demeurés dans l’ignorance et dans l’indifférence de ce qui est. […] Gourville le dit à M. le Prince, M. le Prince alla jusque dans sa chambre, et lui dit : « Vatel, tout va bien, rien n’était si beau que le souper du Roi. » Il dit : « Monseigneur, votre bonté m’achève1 ; je sais que le rôti a manqué à deux tables. — Point du tout, dit M. le Prince, ne vous fâchez point, tout va bien. » La nuit vient, le feu d’artifice ne réussit pas, il fut couvert d’un nuage2 ; il coûtait seize mille francs. […] Ce feu d’artifice qui ne réussit point est comme un présage funèbre.

25. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

Cependant elle est déchirée de remords : la malheureuse Œnone veut les étouffer en lui représentant que les Dieux ont quelquefois brûlé de feux illégitimes. […] Voilà pourquoi un vieillard parle quelquefois avec feu et avec emphase, suivant l’expression d’Horace ; c’est lorsqu’il est indigné contre son fils. […] Je n’ai point maintenant de tes lettres sur moi, Mais j’en ferai du feu jusqu’à la dernière. […] Mais elles sont toutes pleines d’action, de mouvement et de feu. […] Ce poëte répand partout le sel de l’enjouement : son dialogue est plein de feu.

26. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Bonaventure Desperriers. Mort en 1544 » pp. -

Ce livre qui, suivant l’expression d’Etienne Pasquier, « méritait d’être jeté au feu avec son auteur », fut brûlé si bel et si bien qu’un siècle après, Bayle ne put en trouver un seul exemplaire. […] Fixer, c’est mettre un corps volatil en état de supporter l’action du feu sans se volatiliser.

27. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

Qu’on en juge par cette description, qui, dans son poème des Trois règnes vient après plusieurs autres tout aussi agréables : Suis-je seul, je me plais encore au coin du feu. […] J’agace mes tisons ; mon adroit artifice Reconstruit de mon feu l’élégant édifice : J’éloigne, je rapproche, et du hêtre brûlant Je corrige le feu trop rapide ou trop lent. […] Il a de Jupiter la taille et le visage ; Et, depuis ce Romain dont l’insolent passage Sur un pont, en deux jours, trompa tous tes efforts, Jamais rien de si grand n’a paru sur tes bords. » Le Rhin tremble et frémit à ces tristes nouvelles ; Le feu sort à travers ses humides prunelles. […] Il décrit alors le palais de la Sottise et cette déesse elle-même : Stupidité (c’est un nom de la belle), Paraît aux yeux un vrai caméléon, Toujours changeant d’habitude et de ton ; Variant tout, excepté sa prunelle, Où l’on ne vit jamais une étincelle Du feu divin que l’on nomme raison ; Tel que Virgile a peint le vieux Protée, Qui, pour tromper les efforts d’Aristée, À ses regards devenait, tour à tour, Arbre ou rocher, quadrupède ou reptile ; Telle, aux regards de la stupide cour, La déité plaisamment versatile Change de forme à chaque instant du jour. […] Ercilla a beaucoup de feu dans ses batailles, mais nulle invention, point de dessin.

28. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Boileau 1636-1711 » pp. 401-414

Incessamment il va de détour en détour : Comme un hibou, souvent il se dérobe au jour : Tantôt, les yeux en feu, c’est un lion superbe ; Tantôt, humble serpent, il se glisse sous l’herbe7. […] Que me sert en effet qu’un admirateur fade Vante mon embonpoint, si je me sens malade ; Si dans cet instant même un feu séditieux Fait bouillonner mon sang et pétiller mes yeux2 ? […] Plein du feu qu’en son cœur souffla l’Esprit divin, Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin ; De tous les faux docteurs confondit la morale : Mais, pour fruit de son zèle, on l’a vu rebuté, En cent lieux opprimé par leur noire cabale, Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté ; Et même par sa mort leur fureur mal éteinte N’aurait jamais laissé ses cendres en repos, Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte A ces loups dévorants n’avait caché les os1. […] Le feu sort de vos yeux pétillants et troublés.

29. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Vigny 1799-1863 » pp. 530-539

elle bondit, dans son repos troublée1 ; Elle tourna trois fois jetant vingt-quatre éclairs2, Et rendit tous les coups dont elle était criblée, Feux pour feux, fers pour fers3. […] Les chemins de fer 1 Que Dieu guide à son but la vapeur foudroyante Sur le fer des chemins qui traversent les monts ; Qu’un ange soit debout sur sa forge2 bruyante, Quand elle va sous terre, ou fait trembler les ponts, Et, de ses dents de feu dévorant ses chaudières, Transperce les cités, et saute les rivières3, Plus vite que le cerf dans l’ardeur de ses bonds !

30. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Mais il rachetait ces défauts par les qualités qui donnent le succès ; il était enjoué, plaisant, laborieux, d’une conversation légère et agréable, d’une repartie vive, quoiqu’il parlât sans feu et sans énergie ; enfin, à cette sagesse spécieuse qui plaît aux esprits modérés, il joignait les agréments variés qui usurpent si souvent la place des talents solides, et leur enlèvent la faveur du monde et les récompenses des princes1. […] L’homme d’épée condamné au repos J’ai besoin de votre amitié, mon cher Saint-Vincent : toute la Provence est armée1, et je suis ici bien tranquille au coin de mon feu ; le mauvais état de mes yeux et de ma santé ne me justifie point assez, et je devrais être où sont tous les gentilshommes de la province. […] « Je vais lire vos Portraits, lui écrivait Voltaire ; si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. » Vauvenargues disait ailleurs : « On doit se consoler de n’avoir pas les grands talents, comme on se console de n’avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l’un et de l’autre par le cœur. » Citons encore de lui quelques pensées détachées : « Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. » « Les orages de la jeunesse sont environnés de jours brillants. » « Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme. » « La servitude abaisse l’homme jusqu’à s’en faire aimer. » « La liberté est incompatible avec la faiblesse. » « Le fruit du travail est le plus doux plaisir. » « C’est un grand signe de médiocrité que de louer toujours modérément. » « Si vous avez quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rend plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère. » « Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauffer, comme le soleil d’hiver. » « Les longues prospérités s’écoulent quelquefois en un moment, comme les chaleurs de l’été sont emportées par un jour d’orage. » 1.

31. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — De Retz. (1614-1679.) » pp. 20-28

Il y a des temps où la disgrâce est une manière de feu qui purifie toutes les mauvaises qualités et qui illumine toutes les bonnes ; il y a des temps où il ne sied pas bien à un honnête homme d’être disgracié. Je soutins à Nangis que celui des Importants était de cette nature ; et je vous marque cette circonstance pour avoir lieu de vous faire le plan de l’état où les choses se trouvèrent à la mort du feu roi. […] Il se donna le temps de rallier ce qu’il put de la compagnie ; il conserva toujours la dignité de la magistrature et dans ses paroles et dans ses démarches, et il revint au Palais-Royal au petit pas, sous le feu des injures, des menaces, des exécrations et des blasphèmes.

32. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — [Notice] Maurice de Guérin, 1810-1839. » pp. 598-606

Le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée ; le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature ; notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage, en un mot, vrai sanctuaire du travail ; le dîner qui nous est annoncé, non par le son de la cloche qui rappelle trop le collége ou la grande maison, mais par une voix douce ; la gaieté, les vives plaisanteries, les causeries ondoyantes qui flottent sans cesse durant le repas ; le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises ; les douces choses qui se disent à la chaleur de la flamme qui bruit tandis que nous causons ; et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère, son enfant dans les bras ; les lèvres roses de la petite fille qui parlent en même temps que les flots ; quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de sa douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en considérant la mère et l’enfant qui se sourient, ou l’enfant qui pleure et la mère qui tâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix ; l’Océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons en nous en allant çà et là dans le taillis, pour allumer au retour un feu prompt et vif ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature et nous rappelle l’ardeur singulière de M. Féli1 pour le même labeur ; les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous appelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, mais moins éclatantes, parce que le soir voile tout, tempère tout ; la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et, de lecture en lecture, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence, que répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les ris, les petites moues pleines d’intelligence d’un enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange, qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse !

33. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Rochefoucauld 1613-1680 » pp. 18-21

Combien de bœufs qui travaillent toute leur vie, pour enrichir celui qui leur impose le joug ; de cigales qui passent leur vie à chanter ; de lièvres qui ont peur de tout ; d’hirondelles qui suivent toujours le beau temps ; de hannetons inconsidérés et sans dessein ; de papillons qui cherchent le feu où ils se brûleront ! […] J’aurais cependant fort souhaité de pouvoir être témoin de votre conduite ; je m’attends que vous m’en rendrez compte ; car, sans cela, au lieu de prospérités, je vous souhaite les jalousies réciproques, l’incompatibilité d’humeur, une belle-mère acariâtre, des beaux-frères querelleurs, des belles-sœurs ennuyeuses et aimant lire de mauvais romans, de la fumée en hiver, des moustiques en été, des fermiers qui payent mal, de fâcheux voisins, des procès à foison, des valets qui vous volent, un méchant cuisinier, une femme de chambre maladroite, un carrosse mal attelé, un cocher ivrogne, de l’eau trouble, du vin vert, du pain de Beauce2, des créanciers impatients, un bailli3 chicaneur, des lévriers au coin du feu, des chats sur votre lit, un curé qui prêche mal et longtemps, un vicaire mauvais poëte.

34. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

De ces brûlantes tours les masses renversées, Cette poudre, ces feux ondoyants dans les airs ? […] Les yeux de ces barbares ont la couleur d’une mer orageuse ; leur chevelure blonde, ramenée en avant sur leur poitrine, et teinte d’une liqueur rouge, est semblable à du sang et à du feu. […] La terre paraît embrasée du feu des casques et des lances, les instruments guerriers sonnent l’air antique de Jules César partant pour les Gaules. […] Le nouveau curé des Échaubroignes fut obligé de s’en revenir, sans avoir pu obtenir même du feu pour allumer les cierges ; et cet accord universel régnait dans une paroisse de quatre mille habitants. […] L’Égypte resplendit des feux de son aurore ; Son astre impérial se lève à l’Orient.

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